Groupe Sutton Immobilia inc. c. Philippe |
2014 QCCQ 12597 |
|||||||
COUR DU QUÉBEC |
||||||||
|
||||||||
CANADA |
||||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||||
DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
|||||||
|
|
|||||||
« Chambre civile » |
||||||||
N° : |
500-22-198107-123 |
|||||||
|
|
|||||||
|
||||||||
DATE : |
25 novembre 2014 |
|||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
BRIGITTE GOUIN, J.C.Q. |
||||||
|
||||||||
|
|
|||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
|
||||||||
GROUPE SUTTON IMMOBILIA INC. |
||||||||
Demanderesse/défenderesse reconventionnelle |
||||||||
c. |
||||||||
VIOLAINE PHILIPPE |
||||||||
et |
||||||||
JOHN PANTAZIS |
||||||||
Défendeurs |
||||||||
et |
||||||||
GEORGES EL-KHOURY |
||||||||
et |
||||||||
9090-3311 QUÉBEC INC., faisant affaire sous ROYAL LEPAGE LE CARREFOUR |
||||||||
Défendeurs/demandeurs reconventionnels |
||||||||
|
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
JUGEMENT |
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
[1]
La demanderesse, Groupe Sutton Immobilia inc. (« Sutton »),
réclame solidairement des défendeurs, Violaine Philippe (« Mme
Philippe »), John Pantazis («
M.
Pantazis »),
Georges El-Khoury («
M.
El-Khoury ») et
9090-3311 Québec inc., faisant affaire sous la raison sociale Royal Lepage Le
Carrefour (« Royal Lepage »), la somme de 47 654,31 $ en
vertu d'un contrat de courtage. Les défendeurs M. El-Khoury et Royal Lepage,
quant à eux, en demande reconventionnelle, requièrent la condamnation pour un
montant de 49 000 $ à titre de dommages-intérêts pour troubles et
inconvénients, atteinte illicite et intentionnelle à la sauvegarde de la
dignité et la réputation de M. El-Khoury, dommages exemplaires,
15 000 $ en frais extrajudiciaires, le tout en vertu des dispositions
de l'article
[2] Groupe Sutton est une agence immobilière en droit d'agir en vertu de la Loi sur le courtage immobilier [1] (« la Loi »). Durant la période pertinente au litige, celle-ci était représentée par les courtiers immobiliers, René Legault (« M. R. Legault ») et Vincent Daoust Legault (« M. V. Legault »).
[3] M. El-Khoury est aussi courtier immobilier, mais au sein de la défenderesse, Royal Lepage, agence immobilière en vertu de la Loi.
[4] Le 5 avril 2012, est intervenu avec les défendeurs Mme Philippe et M. Pantazis, un contrat de courtage exclusif (P-5, CC 26510) (Contrat de courtage) en vertu duquel un mandat de mettre en vente leur résidence sise au […], appartement 301, Outremont (Québec) […] (« l'Immeuble »), est accordé à Groupe Sutton, M. R. Legault. Selon les termes de ce mandat, le prix de vente demandé pour l'Immeuble est de 699 000 $ et une rétribution de 5% du prix de vente doit être versée à Groupe Sutton si une promesse d'achat conforme aux conditions de vente y énoncées, est présentée durant sa durée. Ce Contrat de courtage exclusif et irrévocable est en vigueur jusqu'au 4 octobre 2012.
[5] On peut aussi y lire :
9.1 Le vendeur s'engage, pendant la durée du présent contrat, à ne pas, directement ou indirectement :
1º offrir l'immeuble en vente par lui-même ou par l'intermédiaire d'une personne autre que le courtier;
2º devenir partie à une entente visant à la vente, l'échange ou la location de l'immeuble sans l'intermédiaire du courtier;
[…]
9.1 Le vendeur accorde en exclusivité au courtier le droit :
1º de faire visiter l'immeuble à toute heure raisonnable, tout rendez-vous devant être fixé directement avec l'occupant des lieux. Le courtier peut permettre à d'autres courtiers d'exercer en tout ou en partie ce droit;
2º d'effectuer, sujet aux restrictions ci-après exprimées, toute publicité qu'il juge appropriée y compris placer un écriteau indiquant que l'Immeuble est à vendre, ou qu'il est vendu. Le courtier peut permettre à d'autres courtiers d'exercer en tout ou en partie ce droit.
La possibilité de poser un écriteau est accordée sous réserve de toute réglementation, par exemple, municipale ou découlant d'un règlement de copropriété, pouvant s'appliquer en la matière;
3º d'obtenir du créancier hypothécaire tout renseignement et tout document concernant son emprunt hypothécaire et, à cet effet, le vendeur autorise le créancier hypothécaire à les fournir au courtier.
[6] Est aussi reproduit l'ancien article 40 de la Loi sur le courtage immobilier [2] :
40. Malgré toute stipulation contraire, la personne physique peut résoudre è sa discrétion le contrat dans les trois jours qui suivent celui où elle reçoit un double du contrat signé par les deux parties, à moins d'une renonciation écrite en entier par elle et signée. Le contrat est résolu de plein droit à compter de l'envoi ou de la remise d'un avis écrit ou courtier.
[7] Soulignons que préalablement à la signature du Contrat de courtage le 5 avril 2012, M. R. Legault avait déjà fait affaire à quelques reprises avec les défendeurs, Mme Philippe et M. Pantazis dans le cadre d'achat et de négociation de propriétés dans les dix (10) dernières années, donc ceux-ci n'étaient pas néophytes dans ce domaine.
[8] Antérieurement, soit entre le mois de février 2012 et le 5 avril 2012, Mme Philippe et M. Pantazis avaient mis en vente eux-mêmes leur Immeuble par l'entremise du site DuProprio (« DP-1 »). Durant cette période, ceux-ci ont reçu plusieurs visites, mais aucune offre d'achat. D'ailleurs, le ou vers le 23 mars 2012, le défendeur, M. El - Khoury , avait visité l'Immeuble en tant que représentant de M. Hussein Kleit (« M. Kleit ») et Mme Wafaa Jomaa (« Mme Jomaa »), qui résidaient alors au Cameroon.
[9] Selon le témoignage de M. Pantazis, celui-ci s'objecta à sa visite, car ne voulant pas l'implication d'un courtier. M. El-Khoury, tout en lui remettant sa carte d'affaire Royal Lepage Le Carrefour, l'identifiant comme courtier immobilier, le rassura en affirmant qu'il agissait seulement comme « ami » dans ce dossier et rien d'autre.
[10] Les défendeurs, Mme Philippe et M. Pantazis, craignant de ne pas pouvoir vendre l'Immeuble, décident alors de signer le Contrat de courtage avec le courtier M. R. Legault, tel que susmentionné. Étant donné leur empressement et d'entamer le processus avec célérité, il fut décidé de préparer une « visite libre » le dimanche suivant. C'est ce pourquoi, le Contrat de courtage fut signé le vendredi de la fin de semaine de Pâques, le 5 avril 2012 (DP-2, échanges de messages textes). Un double du contrat fut aussi remis à Mme Philippe et M. Pantazis à cette date.
[11] Selon les dires du courtier, M. R. Legault, les nouveaux formulaires de l'OACIQ n'étaient pas disponibles avant le 1 er juillet 2012, nonobstant que la Loi était déjà en vigueur. C'est ce pourquoi les anciens formulaires furent utilisés où on y fait mention de l'article 40, maintenant remplacé par les articles 27, 28 et 29 de la Loi, le 1 er mai 2010.
[12] M. R. Legault a aussi témoigné à l'effet que lors de la rencontre du 5 avril 2012, il aurait proposé à Mme Philippe et M. Pantazis de passer en revue plus en détail le texte, mais ceux-ci étant pressés dans le temps, refusèrent, soutenant qu'ils auraient déjà signé plusieurs de ce type de contrat dans le passé et n'en voyaient pas la nécessité. Ils furent ensuite avisés qu'ils devaient retirer leur affiche et publicité DuProprio, toutes les interventions relatives à la vente de l'Immeuble devaient donc maintenant passer par M. R. Legault, assisté de son fils, M. V. Legault.
[13] Le 6 avril 2012, durant la journée, M. R. Legault et son fils, M. V. Legault, se présentent chez Mme Philippe et M. Pantazis aux fins d'effectuer les mesures et prendre connaissance plus amplement des lieux. Il fut convenu que comme M. R. Legault partait en voyage pour la fin de semaine de Pâques, le soir même, ceux-ci feraient affaire avec son fils, M. V. Legault qui lui, demeurait à Montréal aux fins de mettre sur pied le dossier de mise en vente.
[14] Plus tard dans la journée du 6 avril 2012 que M. Pantazis reçoit un appel de M. El-Khoury, l'informant que M. Kleit et Mme Jomaa désiraient formuler une offre d'achat sur l'Immeuble. Celui-ci l'informe que malheureusement il vient tout juste de signer un Contrat de courtage avec l'agence, Groupe Sutton.
[15] En réponse, M. El-Khoury refuse d'en prendre connaissance, mais s'enquiert si M. Kleit et Mme Jomaa avaient été exclus. Comme la réponse est négative, il explique à M. Pantazis que celui-ci dispose d'un délai de trois (3) jours pour résilier le contrat et ainsi, ne pas payer des frais de courtage à Groupe Sutton.
[16] Par la suite, il s'enquiert auprès du propriétaire quel est le prix de vente qui serait convenable, qui lui indique qu'un prix de 660 000 $ serait acceptable, mais en insistant qu'il veut une promesse d'achat sur les formulaires de l'OACIQ.
[17] Durant ce temps, M. V. Legault, soit les 6 et 7 avril 2012, travaille sur le dossier de vente des défendeurs en révisant les documents pertinents, prendre un rendez-vous avec le photographe, préparer la fiche descriptive, etc, ignorant totalement les événements qui se déroulent chez ses clients.
[18] Le 7 avril 2012, M. El-Khoury fait parvenir une offre d'achat sur le formulaire de l'OACIQ (PA 55030) (D-6) directement à M. Pantazis et Mme Philippe. Le Tribunal note ici que ce formulaire d'offre d'achat fut obtenu à titre de courtier immobilier, car ces formulaires ne sont destinés qu'à leur usage exclusif et non disponibles au public en général.
[19] M. Pantazis retourne la promesse d'achat le 8 avril 2012 à M. El-Khoury avec certains commentaires et modifications. Il l'informe que comme la situation est réglée avec le courtier, il est maintenant prêt à recevoir la promesse d'achat signée par M. Kleit et Mme Jomaa en bonne et due forme.
[20] À la lecture de cette promesse d'achat (D-6), M. Kleit et Mme Jomaa l'auraient signée à 22 h, heure du Cameroon le 8 avril 2012. Il fut admis lors de l'audience que le Cameroon bénéficiant d'une avance de 5 heures sur l'heure de Montréal, il était donc 16 h à Montréal, le 8 avril 2012.
[21] C'est subséquemment, soit vers 19 h 40 ce même dimanche, 8 avril 2012, que M. Pantazis transmet une télécopie et laisse un message téléphonique à M. V. Legault, l'informant qu'il y avait des gens qui avaient visité le condo préalablement, avaient formulé une offre d'achat raisonnable et que sa femme et lui avaient l'intention de l'accepter. Il l'avise aussi, qu'ils désirent se prévaloir de leur droit de résiliation prévu au Contrat de courtage.
[22] Un courriel fut transmis vers 20 h 14 à M. V. Legault confirmant la résiliation (P-12, enregistrement du 8 avril 2012 et P-6) :
(P-12) :
Hi Vincent, this is John Pantazis, the husband of Violaine Philippe, you and your dad took the contract to sell my condo at 1175 Ducharme, its Sunday night at about 7h40 PM. I wanted to phone your dad but I know he's in New-York, so I don't want to bother him. Something came up over the week-end when one of the people who have come to see our condo [over past of a while] made us a reasonable offer, so "hum", I want to let you guys know that I am rescinding due to the seventy-two hours (72h) clause that we have, I am going to cancel our agreement given this new "hum" offer that came over the week-end. I sent you guys a fax to your office and I'm gonna send you an email to you and your dad and to Sutton with our signature of my wife and myself.
If this all doesn't fall and it falls through, and it doesn't go to whatever reason we won't hesitated we'll definitely resign with you and your dad but I am sure that you guys understand that "hum" I'm not taking this any further, I like to just close with this offer that we just talked.
So you will receive my email shortly. If you have any question let me know at […].
Thanks, bye bye.
(SIC)
(P-6) :
Hello Guys
Things have changed over this weekend and Violaine and I are using the 72 hrs clause and have decided to cancel our contract with you and Sutton.
Enclose you will find our letter signed by both of us, I will also be faxing a copy of this letter to your office.
Regards
John
April 8 th 2012
Groupe Sutton Immobilia Inc.
1260 Bernard Av West
Outremont, QC
H2V 1V9
Attn. Rene Legault
To whom it may concern
Effective immediately, we are rescinding our contract (within 72 hrs of signing on April 5 th ) to sell our property […], Outremont, […] with Groupe Sutton / Rene Legault, Vincent Legault contract CC 26510.
Without prejudice.
Signature Signature
________________ __________________
Violaine Philippe John Pantazis
[23] Lors de l'audience, Mme Philippe et M. Pantazis ont d'ailleurs indiqué au Tribunal qu'ils trouvaient injuste que la demanderesse, Groupe Sutton touche une rétribution alors que le Contrat de courtage n'avait été signé que 24 heures avant la réception de l'offre d'achat (D-6) transmise par le biais de M. El-Khoury.
[24] Entre le 6 et 8 avril 2012, le Tribunal note que Mme Philippe et M. Pantazis n'ont jamais communiqué avec M. V. Legault afin de l'informer des événements survenus, découlant de leur signature du Contrat de courtage ou de le questionner sur leurs droits et obligations.
[25] Tel qu'il appert de la preuve démontré lors de l'audience, la promesse d'achat (D-6) fut signée par Mme Philippe et M. Pantazis le 9 avril 2012 à 7 h (heure de Montréal). La preuve démontre par contre, que l'échange de consentement pour la vente a eu lieu le 8 avril 2012 et ceci avant la résiliation du Contrat de courtage, c'est à dire l'envoi de la télécopie et le message téléphonique dans la soirée du dimanche, 8 avril 2012.
[26] De retour à Montréal le 9 avril 2012, M. R. Legault contacte immédiatement Mme Philippe et M. Pantazis aux fins de s'informer des faits survenus lors de la fin de semaine de Pâques et manifester son mécontentement, mais rien n'y fit.
[27] Le 4 mai 2012, est intervenu devant Me Louise Giguère, notaire, un acte de vente, sous le numéro 21107 de ses minutes, en vertu duquel Mme Philippe et M. Pantazis, vendaient à M. Kleit et Mme Jomaa, acquéreurs, l'Immeuble pour le prix de 655 000 $, ledit acte ayant été inscrit à la circonscription foncière de Montréal le 7 mai 2012, sous le numéro 19 033 573 (P-7). Lors de la transaction, le courtier, M. El-Khoury, était présent au bureau du notaire.
[28] Le 17 mai 2012, une facture fut adressée par Groupe Sutton à Mme Philippe et M. Pantazis, réclamant la rétribution prévue au Contrat de courtage au montant de 37 654,31 $. Une mise en demeure fut aussi transmise aux défendeurs le 12 octobre 2012 (P-8 et P-9).
[29] En défense, Mme Philippe et M. Pantazis, ont soutenu qu'une pression fut exercée par leur courtier M. R. Legault afin de signer le Contrat de courtage.
[30] Par contre, ceux-ci n'étaient pas à leurs premières expériences, ayant effectué plusieurs transactions dans les dix (10) dernières années dans le domaine immobilier. C'est eux-mêmes qui ont requis de M. R. Legault que le contrat ne leur soit pas lu affirmant être au courant de leurs droits et responsabilités. De surcroît, M. Pantazis est un homme d'affaire aguerri oeuvrant dans le domaine des investissements en tant que conseiller en placement , spécialiste des produits futurs chez RBC Wealth Management - Dominion Securities (Carte d'affaire, DP-3). Il a témoigné devant le Tribunal avec affirmation, force et caractère, ne donnant nullement la perception d'un homme facilement influençable, bien au contraire.
[31] Le Tribunal est donc d'opinion que le Contrat de courtage fut valablement formé le jeudi, 5 avril 2012 et ensuite résilié le dimanche, dans la soirée du 8 avril 2012.
[32] Le Contrat de courtage (P-5) du 5 avril 2012 contient le paragraphe 40, mais qui fut modifié le 1 er mai 2010. Ce sont maintenant les articles 27, 28 et 29 de la Loi qui ont application ici :
27. Est sans effet une convention engageant un client, pour une période déterminée après l'expiration du contrat, à rétribuer le courtier ou l'agence même si l'achat, la vente, la location ou l'échange de l'immeuble s'est effectuée après l'expiration du contrat.
Toutefois, le premier alinéa ne s'applique pas si la convention prévoit que la rétribution est due, lorsque les conditions suivantes sont réunies:
1. le contrat est stipulé exclusif;
2. la vente, la location ou l'échange s'effectue avec une personne qui a été intéressée à l'immeuble pendant la durée du contrat ou, dans le cas d'un contrat en vue de l'achat ou de la location d'un immeuble, le client a acheté ou loué un immeuble auquel le courtier l'a intéressé pendant la durée du contrat;
3. cette opération survient au plus 180 jours après la date d'expiration du contrat et que, durant cette période, le client n'a pas conclu avec un autre courtier ou une autre agence un contrat stipulé exclusif pour l'achat, la vente, la location ou l'échange de l'immeuble.
28. Malgré toute stipulation contraire, le client peut résilier à sa discrétion le contrat dans les trois jours qui suivent celui où il reçoit un double du contrat signé par les deux parties, à moins qu'il n'ait signé une renonciation écrite entièrement par lui.
Le contrat est résilié de plein droit à compter de l'envoi ou de la remise d'un avis écrit au courtier ou à l'agence.
29. Le courtier ou l'agence ne peut exiger aucune rétribution, à la suite de la résiliation d'un contrat faite conformément à l'article 28, à moins qu'un achat, une vente, une location ou un échange qui satisfait aux conditions de l'article 27 n'intervienne.
[33] Soulignons que ces articles de la Loi sont d'ordre public [3] .
[34] Les termes de l'article 28 résiliés de plein droit à compter de l'envoi ou de la remise d'un avis écrit au « courtier ou à l'agence », sont différents des termes de l'ancien article 40 modifié le 1 er mai 2010 : « Le contrat est résolu de plein droit à compter de l'envoi ou de la remise d'un avis écrit au courtier ».
[35] Conséquemment, le Tribunal est d'opinion que l'avis M. Pantazis informant son courtier de son intention de résilier le Contrat, n'a d'effet qu'à partir du 8 avril 2012 à 19 h 40, c'est à dire, quand cet avis fut « envoyé » ou « remis » à son courtier.
[36] Conséquemment, nonobstant la résiliation du contrat de courtage (P-5) par Mme Philippe et M. Pantazis, la demanderesse, Groupe Sutton a droit à sa rétribution y prévue.
[37] Les trois (3) conditions sont rencontrées pour que la rétribution soit due en vertu de l'article 27 de la Loi :
a) le Contrat de courtage est exclusif;
b) l'entente de vente avec M. Kleit et Mme Jomaa est survenue pendant la durée du contrat, c'est à dire durant la fin de semaine de Pâques, soit le dimanche 8 avril 2012, préalablement à l'envoi de l'avis de résiliation;
c) l'acte de vente est intervenu devant le notaire le 4 mai 2012, à l'intérieur du délai de 180 jours prescrit.
[38] Le contrat de courtage exclusif se distingue de tout autre contrat de courtage, tel qu'expliqué par la Cour dans Lebel c. Gagnon [4] ( Organisme d'autorégularisation du courtage immobilier du Québec c. Louise Gagnon ) :
[75] Dans ce contexte, la jurisprudence reconnaît clairement qu'il suffit pour l'agent, pendant la période prévue au contrat de courtage exclusif, de prouver que la propriété a été vendue durant l'existence de ce contrat de courtage exclusif et avant sa révocation, même s'il n'a nullement contribué à la vente et même si elle fut le résultat d'un tiers ou des efforts du propriétaire lui-même […].
[39] L'honorable Henri Richard, J.C.Q. s'exprime ainsi [5] :
[…]
Un contrat de courtage exclusif, fixé pour un temps limité, renferme les caractéristiques suivantes quant à l'obligation de rétribuer:
Au contraire, dans le cas du mandat exclusif, pour une période déterminée, il suffit à l'agent de prouver que la propriété a été vendue durant l'existence du mandat et avant sa révocation, même s'il n'a nullement contribué à la vente et même si elle fut le résultat d'un tiers ou du mandant lui-même.
[…]
Lorsque les parties à un contrat de courtage immobilier y stipulent l'exclusivité, la vente de l'immeuble en cause pendant la durée du contrat donne droit à la rétribution à l'agence ou au courtier, qu'elle ait été accomplie avec ou sans sa participation. La pratique contractuelle ne semble plus exiger qu'une vente intervienne pendant la durée du contrat exclusif. Il suffit que des négociations ou une promesse d'achat qui mènent à une vente se soient produites pendant la durée du contrat exclusif pour donner droit à la rétribution à l'agence ou au courtier.
[…]
Les manœuvres du propriétaire-vendeur afin de ne pas recevoir de promesse d'achat pendant la durée du contrat exclusif rendent la rétribution payable à l'agence ou au courtier. En outre, le caractère exclusif d'un contrat de courtage ne permet pas à un client-inscripteur de vendre son immeuble, pendant la durée du contrat, à une compagnie dont il est actionnaire, sans payer la rétribution au courtier.
[…]
[40] À compter du 5 avril 2012, les Legaults étaient les intermédiaires des défendeurs Mme Philippe et M. Pantazis et les seuls autorisés à procéder à la vente de l'Immeuble.
[41] Les vendeurs étaient informés qu'ils allaient recevoir une promesse d'achat le 6 avril 2012, des négociations s'en suivirent durant cette fin de semaine et c'est après d'avoir reçu la promesse d'achat de M. Kleit et Mme Jomaa, qu'ils décidèrent de procéder à la résiliation. Ils ont reçu cette promesse d'achat le 8 avril 2012 par le biais du courtier, M. El-Khoury, le montant et les modalités de la vente étant déjà convenus. Il ne restait qu'à procéder à la signature plus formelle du document et tel que susmentionné, c'est subséquemment que l'avis de résiliation fut adressé à M. R. Legault.
[42] La Loi vise à protéger le public, mais ne peut être utilisée aux fins de se soustraire sciemment à ses obligations et responsabilités.
[43] Le paragraphe 7.2 du Contrat de courtage (P-5) a application en l'instance :
7.2 Rien dans ce qui est stipulé à l'article 7.1 ne doit être interprété comme venant restreindre le droit du courtier d'obtenir, le cas échéant, le paiement de toutes sommes pouvant lui être dues à titre de rétribution ou dommages-intérêts selon les règles ordinaires du droit commun notamment, mais sans limiter la généralité de ce qui précède, dans le cas où la vente n'aurait pas lieu parce que c'est le vendeur qui y a volontairement fait obstacle ou qui a autrement volontairement empêché la libre exécution du présent contrat.
[44] Dans l'arrêt Remax/2000 c. Gaetano [6] , la juge Louise Mailhot, J.C.A. dans un dossier présentant des faits analogues renverse la décision de première instance et énonce :
[19] Il est à mon avis et avec égards, erroné d'imputer au courtier toutes les conséquences de cet imbroglio en autorisant la cliente à résilier le contrat unilatéralement avant l'expiration prévue le 10 août 2002 sans payer la commission prévue au contrat.
[45] M. El-Khoury a soutenu lors de l'audience n'avoir agi qu'à titre d'ami pour les acheteurs, M. Kleit et Mme Jomaa et qu'il ne fut pas rétribué pour ses efforts et services.
[46] Par contre, le défendeur, M. El-Khoury, a lui-même remis sa carte d'affaire informant les défendeurs, Mme Philippe et M. Pantazis, qu'il était effectivement courtier agissant pour Royal Lepage Le Carrefour. Il a visité l'Immeuble et assuré la quasi-totalité des contacts entre les vendeurs et les acheteurs. Il a aussi pris part à l'établissement du prix de vente. Il a fourni le formulaire à l'usage exclusif des agences et courtiers en vertu de la Loi pour la promesse d'achat. Lors de la réception de l'acte de vente par le notaire, les vendeurs et les acheteurs étaient présents, de même que M. El-Khoury.
[47] Le Tribunal ne peut retenir la version des faits du défendeur, M. El-Khoury quand il affirme qu'il n'a pas agi à titre de courtier immobilier en l'instance, car en fait, il en a posé tous les gestes.
[48] Au contraire, il était de sa responsabilité de contacter directement la demanderesse, Groupe Sutton et/ou M. R. Legault, M. V. Legault, eu égard aux acheteurs potentiels, ce qu'il a choisi de ne pas faire, contrairement aux Règles de déontologie de l'association des courtiers et agents immobiliers du Québec [7] :
46. Le membre ne doit poser aucun acte incompatible avec un contrat de courtage exclusif confié à un autre membre. Le membre doit notamment s'abstenir de fixer un rendez-vous ou de mener des négociations concernant un immeuble ou un fonds de commerce autrement que par l'intermédiaire du membre auquel un contrat de courtage exclusif a été confié, sauf s'il a l'autorisation de ce membre.
[49] Dans la décision Lebel c. Gagnon , ce même article 46 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec fut aussi appliqué :
46. Le membre ne doit poser aucun acte incompatible avec un contrat de courtage exclusif confié à un autre membre. Le membre doit notamment s'abstenir de fixer un rendez-vous ou de mener des négociations concernant un immeuble ou un fonds de commerce autrement que par l'intermédiaire du membre auquel un contrat de courtage exclusif a été confié, sauf s'il a l'autorisation de ce membre.
[…]
[76] Même si le droit de dédit exercé dans les trois jours de la signature du contrat de courtage exclusif participe des dispositions d'ordre public prévues à la Loi sur le courtage immobilier, l'article 46 et les règles de collaboration entre courtiers interdisant à ces derniers d'être autant l'artisan que l'instrument de cet exercice. La collaboration entre courtiers ne permet pas le maraudage des inscriptions exclusives dans la période du droit de dédit.
[50] De par ses agissements, M. El-Khoury a incité les défendeurs, Mme Philippe et M. Pantazis à se soustraire de leurs obligations aux fins de favoriser ses « amis » et priver la demanderesse, Groupe Sutton de la rétribution à laquelle elle a droit.
[51] En vertu des articles 12, 19 et 20 de la Loi, la défenderesse, Royal Lepage, est solidairement responsable du préjudice causée en l'instance causée par M. El-Khouri :
12. Un courtier qui représente une agence est solidairement responsable avec elle du préjudice causé en cas d'inexécution d'un contrat de courtage.
19. Une agence, ses administrateurs et dirigeants veillent à la discipline des courtiers qui la représentent. Ils s'assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi.
20. Une agence veille à ce que ses administrateurs, dirigeants et employés agissent conformément à la présente loi.
[52] Le Tribunal conclut aussi à la solidarité, considérant les critères énoncés dans 2855-0523 Québec inc. et al. c. Ivanhoé Cambridge inc. [8] .
POUR TOUS ces motifs, le Tribunal :
ACCUEILLE partiellement la requête introductive d'instance de la demanderesse;
CONDAMNE
in solidum
les
défendeurs, Violaine Philippe, John Pantazis, Georges El-Khoury et
9090-3311 Québec inc., faisant affaire sous Royal Lepage Le Carrefour, à payer
à la demanderesse, Groupe Sutton Immobilia inc., la somme de
37 654,31 $ avec intérêts au taux légal, majorés de l'indemnité
additionnelle prévue à l'article
AVEC les entiers dépens contre les défendeurs;
REJETTE la demande reconventionnelle des défendeurs-demandeurs reconventionnels, Georges El-Khouri et 9090-3311 Québec inc., faisant affaire sous Royal Lepage Le Carrefour, avec dépens.
|
||
|
__________________________________ BRIGITTE GOUIN, J.C.Q. |
|
|
||
Dates d’audience : |
2, 3, 4 avril et 24 septembre 2014 |
|
Me Éric Marquette DE CHANTAL D'AMOUR FORTIER Procureurs de la demanderesse/défenderesse reconventionnelle
Me Gabriel Ibghy LEVINE FRISHMAN LANCRY Procureurs des défendeurs
Me Nassib Eid DEVEAU BOURGEOIS GAGNÉ HÉBERT Procureurs des défendeurs/demandeurs reconventionnels |
[1] Loi sur le courtage immobilier , RLRQ, c. C-73.2.
[2] Loi sur le courtage immobilier , RLRQ, c. C-73.1, article 40., modifiée le 1 er mai 2010, Loi sur le courtage immobilier, RLRQ, c. 73.2.
[3] H. Richard, " Le courtage immobilier au Québec ", 3 e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, p. 72.
[4] Lebel c . Gagnon ( Organisme d'autorégularisation du courtage immobilier du Québec c. Louise Gagnon ), 2011 CanLII 99978 (QC OACIQ).
[5] H. Richard, " Le courtage immobilier au Québec ", 3 e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, p. 234, 236 et 237.
[6]
Remax/2000
c.
Gaetano
,
[7] Règles de déontologie de l'association des courtiers et agents immobiliers du Québec , c. C-73.1, r.5; Loi sur le courtage immobilier , (RLRQ, c. C-73.2, a. 75).
[8] 2855-0523 Québec inc. et al. c. Ivanhoé Cambridge inc. , 2014 (QCCA 124).