COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossiers :

AM-1002-9323, AM-2001-0943 et AM-2001-2802

Cas :

CM-2013-1308, CM-2013-2872 et CM-2014-2100

 

Référence :

2014 QCCRT 0741

 

Montréal, le

23 décembre 2014

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Pierre Cloutier, juge administratif

______________________________________________________________________

 

 

Syndicat des employés de l’Université de Montréal, section locale 1244 - SCFP

 

Requérant - mis en cause

c.

 

Syndicat des étudiants salariés de l’Université de Montréal (SÉSUM)

section locale 17750 de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) FTQ

 

Mis en cause - requérant

et

 

Université de Montréal

 

Intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]            Dans une première requête, reçue le 12 mars 2013, le Syndicat des employés
de l’Université de Montréal, section locale 1244 - SCFP (le SEUM ), demande à la Commission de déclarer que les salariés qui occupent un poste d’assistant technique au Bureau de l’aide financière sont couverts par son unité de négociation
(CM-2013-1308).

[2]            Dans une autre requête, reçue le 4 juin 2013, le SEUM demande à la Commission de déclarer que les étudiants qui occupent un poste d’assistant technique ou de technicien en coordination de travail de bureau au projet PGI (le projet PGI ) sont couverts par son unité de négociation (CM-2013-2872).

[3]            Finalement, par requête déposée le 5 mars 2014, le Syndicat des étudiants salariés de l’Université de Montréal (SÉSUM), section locale 17750 de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) FTQ (le SÉSUM ), demande à la Commission de déclarer que les assistants techniques étudiants visés par les requêtes du SEUM sont plutôt couverts par son unité de négociation (CM-2014-2100).

[4]            Toutes les requêtes sont fondées sur l’article 39 du Code du travail , RLRQ, c. C - 27 (le Code ).

[5]            L’Université de Montréal (l’ Université ) et, il va sans dire, le SÉSUM aussi contestent les requêtes du SEUM. En ce qui concerne la première, ils soutiennent d’abord que les salariés visés par celle-ci sont des étudiants et qu’ils sont exclus de son unité de négociation. Ils soutiennent également que le SEUM, qui a participé activement à la campagne de syndicalisation des étudiants que représente le SÉSUM, en sachant que plusieurs occupaient des postes d’assistant technique, est maintenant forclos de demander à la Commission de déclarer que les postes qu’ils occupent sont couverts par son unité de négociation.

[6]            Au fond, ils plaident que, quoi qu’il en soit, les postes d’assistants techniques occupés par des étudiants au Bureau de l’aide financière sont couverts par l’unité de négociation du SÉSUM.

[7]            Quant à la seconde requête, ils soumettent que le débat est purement académique, vu que le projet PGI était temporaire, qu’il est terminé et, qu’à part la requête du SEUM, il ne subsiste aucun litige affectant les salariés qui ont travaillé à ce projet.

[8]            Subsidiairement, ils prétendent que les postes du projet PGI étaient couverts par l’unité de négociation du SÉSUM.

[9]            À l’argument que sa requête est devenue sans objet, le SEUM réplique que la Commission devrait quand même rendre une décision, laquelle pourrait guider l’Université dans son choix de placer les salariés dans une unité de négociation ou l’autre, si une situation semblable se représente. Autrement, plaide-t-il, dans tous les cas de projet temporaire, il se trouvera dans l’impossibilité de faire valoir ses droits, vu les délais pour être entendu.

questions en litige

[10]         En ce qui concerne le premier dossier, les étudiants sont-ils d’emblée exclus de l’unité de négociation du SEUM? Le cas échéant, ce dernier est-il forclos de réclamer que les postes qu’ils occupent au Bureau de l’aide financière sont couverts par son unité de négociation? Finalement, ces postes sont-ils couverts par l’unité de négociation du SEUM ou par celle du SÉSUM?

[11]         La requête visant les postes du projet PGI est-elle sans objet? Le cas échéant, ces postes sont-ils couverts par l’unité de négociation du SEUM ou par celle du SÉSUM?

les faits

l’historique de chacune des accréditations

Le SEUM

[12]         L’accréditation du SEUM date de janvier 1971. Dans la décision l’accréditant, l’unité est décrite comme ceci :

« Tous les salariés de l’Université de Montréal, sauf ceux des grandes écoles ou instituts affiliés, salariés au sens du Code du travail, à l’exception: des enseignants; des chercheurs ou assimilés; des étudiants ; des coopérants et leurs épouses; des employés du rectorat; des secrétaires des vice-recteurs; des employés du service du personnel; des employés du service du personnel enseignant; des employés du centre de calcul, du centre de gestion universitaire (mécanographie) et du centre d’informatique de gestion; des secrétaires de comité du secrétariat général; de la secrétaire de comité du comité du budget; des secrétaires de comité des sections du comité de régie; du personnel professionnel et du personnel de cadre; des inspecteurs de l’entretien et des bâtiments; des employés du service de sécurité et des ambulanciers; des employés à temps partiel qui travaillent moins de quinze (15) heures par semaine; des employés temporaires (surnuméraires, remplaçants ou saisonniers) qui travaillent pour une période inférieure à six (6) mois; des personnes dont le salaire émarge à un budget autre que le budget de fonctionnement de l’Université c’est-à-dire budget de recherche subventionnée, budget de recherche non subventionnée; des salariés assujettis aux accréditations existantes. »

(soulignement ajouté)

[13]         Le 3 mars 1987, à la suite d’une requête en fusion d’accréditations, l’accréditation est ainsi décrite :

« Tous les salariés de l’Université de Montréal, salariés au sens du Code du travail ».

[14]         Mais suit cette description la mention de 14 exceptions, qui seront précisées plus loin, en plus de la suivante :

« à l’exception:

-        des étudiants , des employés à temps partiel qui travaillent moins de quinze (15) heures par semaine, des employés temporaires (surnuméraires, remplaçants ou saisonniers) qui travaillent pour une période inférieure à six (6) mois, des personnes dont le salaire émarge à un budget autre que le budget de fonctionnement de l’Université, c’est-à-dire, budget de recherche subventionnée; sauf, pour les techniciens dentaires de la Faculté de Médecine dentaire, les salariés du Centre communautaire, des Résidences, des Services alimentaires, des unités administratives relevant du Service des bibliothèques, du Centre de calcul, du Service du personnel, du Service du personnel enseignant. »

(reproduit tel quel à l’exception du soulignement qui a été ajouté)

[15]         En novembre 1987, le SEUM dépose une requête en vertu de l’article 25 du Code pour représenter le groupe de salariés suivant :

« Tous les salariés au sens du Code du travail, qui travaillent à temps partiel, moins de quinze (15) heures par semaine, des employés temporaires (surnuméraires, remplaçants ou saisonniers, pour une période inférieure à six (6) mois, à l’exception du personnel auxiliaire d’enseignement et du personnel professionnel dont le salaire émarge à un budget autre que le budget de fonctionnement de l’Université de Montréal, c’est-à-dire à un budget de recherche subventionnée. »

[16]         Mais, il n’y aura pas de suite à cette requête parce qu’en janvier 1988 le SEUM et l’Université déposent une requête conjointe en vertu de l’article 39 du Code demandant la modification de la description de l’unité de négociation décrite dans la décision du 3 mars 1987.

[17]         Le 7 mars 1988, cette demande est accordée par le commissaire du travail. Dans sa décision, il donne acte au désistement de la requête en accréditation déposée en novembre 1987 et décrit l’unité de négociation comme ceci :

« Tous les salariés de l’Université de Montréal, salariés au sens du Code du travail,

à l’exception:

-          de ceux des grandes écoles ou instituts affiliés;

-          des salariés déjà assujettis à une autre accréditation;

-          des enseignants;

-          des chercheurs ou assimilés;

-          des coopérants et leurs épouses;

-          des employés du rectorat;

-          des secrétaires des vice-recteurs;

-          du centre d’informatique de gestion;

-          des secrétaires de comité du secrétariat général;

-          de la secrétaire de comité du comité du budget;

-          des secrétaires de comité des sections du comité de régie;

-          du personnel de cadre;

-          des inspecteurs de l’entretien et des bâtiments;

-          des professionnels autres que ceux des unités administratives       relevant du service des bibliothèques.

à l’exception:

des étudiants occupant une fonction non comprise ou qui, de par sa nature, ne devrait pas être comprise dans l’unité de négociation , des personnes dont le salaire émarge à un budget autre que le budget de fonctionnement de l’université, c’est-à-dire, budget de recherche subventionnée; sauf, pour des techniciens dentaires de la faculté de Médecine dentaire, les salariés du Centre communautaire, des Résidences, des Services alimentaires, des unités administratives relevant du Service des bibliothèques, du Centre de calcul, du Service du personnel, du Service personnel enseignant. »

(reproduit tel quel à l’exception du soulignement qui a été ajouté)

[18]         C’est cette description de l’unité de négociation qui a encore cours actuellement.

Le SÉSUM

[19]         En juin 2009, le SÉSUM dépose une requête en accréditation pour représenter le groupe de salariés suivant :

« Tous les assistants techniques, non couverts par un certificat d’accréditation, salariés au sens du Code du travail du Québec. »

[20]         À la suite de discussions avec l’Université, il est convenu de scinder en trois l’unité de négociation demandée. Après la tenue d’un vote, le 1 er décembre 2009, le SÉSUM est accrédité pour représenter les trois groupes de salariés suivants :

« Tous les assistants techniques étudiants de l’Université de Montréal salariés au sens du Code du travail, dont le salaire émane des budgets de fonctionnement à l’exception de ceux déjà visés par une autre accréditation. »

« Tous les assistants techniques étudiants de l’Université de Montréal salariés au sens du Code du travail, dont le salaire émane du budget de recherche à l’exception de ceux déjà visés par une autre accréditation. »

« Tous les assistants techniques, non étudiants, de l’Université de Montréal salariés au sens du Code du travail, dont le salaire émane des budgets de fonctionnement à l’exception de ceux déjà visés par une autre accréditation. »

(reproduit tel quel)

[21]         À l’époque, le SÉSUM représentait déjà, depuis 2007, les auxiliaires de recherche et les auxiliaires d’enseignement étudiants qui étaient groupés dans deux unités distinctes.

[22]         En juillet 2011, le SÉSUM dépose une requête en accréditation qui a pour effet de fusionner quatre des unités de négociation pour lesquelles il détient une accréditation, soit : celles des auxiliaires d’enseignement, des auxiliaires de recherche, des assistants techniques étudiants dont le salaire émane des budgets de fonctionnement et des assistants techniques étudiants dont le salaire émane du budget de recherche.

[23]         À la suite de cette requête, le 20 septembre 2011, le SÉSUM est accrédité pour représenter le groupe de salariés suivant :

« Tous les étudiants de l’université de Montréal occupant des fonctions dans le domaine de la recherche, d’auxiliaires d’enseignement ou d’assistants techniques, dont le salaire émane du budget de fonctionnement ou à des budgets de recherche ou à des fonds spéciaux, salariés au sens du Code du travail, à l’exception de ceux déjà visés par une autre accréditation. »

[24]         C’est cette description de l’unité de négociation qui s’applique actuellement.

LE CONTEXTE entourant le dépôt DE la requête en accréditation du SÉSUM de juillet 2011

[25]         À l’été 2011, la Confédération des syndicats nationaux (la CSN ) mène une campagne intensive de maraudage auprès des auxiliaires d’enseignement que le SÉSUM représente.

[26]         Le 15 juin 2011, le président du SÉSUM participe à un conseil syndical, une instance du SEUM, afin de solliciter la collaboration de ce dernier, notamment par l’entremise de ses délégués syndicaux, pour contrer la campagne de la CSN.

[27]         À la suite de cette demande, le SÉSUM obtient de représentants du SEUM le nom d’étudiants occupant un poste d’assistant technique avec leur adresse et leur numéro de téléphone. Ces informations permettent aux organisateurs du SÉSUM de contacter ces étudiants et de leur faire signer une carte d’adhésion.

[28]         En plus, des représentants du SEUM, qui avaient la responsabilité de faire signer leur contrat à des étudiants, profitent de cette occasion pour demander à ces derniers de signer une carte d’adhésion au SÉSUM.

[29]         Il faut noter que, sur la liste des salariés visés par la requête du SÉSUM, apparaissait le nom des assistants techniques étudiants qui travaillaient à l’époque au Bureau de l’aide financière.

[30]         Et, à la fin décembre 2011, dans le journal d’information des membres du SEUM, la présidente écrit ceci :

Nous avons constaté que lors de surcroît de travail, l’employeur ne respectait pas notre convention collective. La convention prévoit que notre travail doit être confié à des personnes temporaires surnuméraires disponibles, mais qu’à plusieurs occasions on procédait plutôt à l’embauche de personnes sous le titre d’assistant technique, fonction qui ne fait pas partie de notre accréditation. Alors si vous êtes témoin de ces cas nous aimerions que vous nous avisiez.

le travail étudiant, les assistants techniques à l’université et le seum

[31]         L’Université confie du travail à certains de ses étudiants depuis de nombreuses années. En septembre 1986, elle a d’ailleurs adopté une «  Procédure d’embauche et modalités de rémunération des assistants techniques - Budget courant et fonds spéciaux  ». Cette procédure souligne que les postes d’assistants techniques sont généralement pourvus par des étudiants de l’institution. Elle établit trois catégories qui travaillent dans les unités d’enseignement et de recherche.

[32]         Selon Sylvie St-Pierre, conseillère en relations du travail à la Direction des ressources humaines, on retrouve des assistants techniques un peu partout à l’Université depuis au moins 25 ans.

[33]         Dans les conventions collectives conclues entre le SEUM et l’Université, la fonction d’assistant technique n’apparaît pour la première fois que dans celle en vigueur du 2 septembre 1998 au 30 novembre 1999. Dans la liste des emplois du groupe aide technique on y note les fonctions d’assistant technique (services informatiques) et assistant technique (pharmacie).

[34]         Dans la convention collective applicable du 31 octobre 2006 au 30 novembre 2010, la fonction d’assistant technique (Faculté de médecine dentaire) s’ajoute aux deux précédentes. Cette convention collective a été prolongée jusqu’au 31 mai 2014.

[35]         En ce qui concerne les trois fonctions d’assistants techniques, le SEUM et l’Université ont convenu d’une description de fonction pour chacune.

les assistants techniques étudiants au Bureau de l’aide financière

[36]         Le Service aux étudiants compte quatre sections dont celle des ressources socio-économiques au sein de laquelle se trouve le Bureau de l’aide financière. C’est là que travaillent les assistants techniques étudiants visés par la première requête du SEUM.

[37]         Selon Isabelle Dalceggio, qui en est responsable, il y a des assistants techniques étudiants au Bureau de l’aide financière depuis 1999. Ces postes ont été créés depuis que la section des ressources économiques gère le Programme étude-travail du gouvernement du Québec. 

[38]         Le Bureau de l’aide financière fonctionne, selon ce que madame Dalceggio décrit, de la façon qui suit. En première ligne, il y a quatre commis à l’information qui ont pour fonction d’accueillir et d’informer la clientèle au sujet des différents programmes d’aide financière, de vérifier et d’apporter les modifications aux demandes d’aide financière en conformité avec les directives et la Loi sur les prêts et bourses aux étudiants , RLRQ, c. P-21, et d’effectuer des tâches reliées à l’information, au traitement des demandes et à la distribution de l’aide financière. 

[39]         En deuxième ligne, il y a cinq conseillers qui soutiennent les commis dans les cas les plus pointus et à qui des dossiers particuliers sont confiés.

[40]         Les assistants techniques étudiants s’ajoutent à ce personnel. Pour obtenir un poste au Bureau de l’aide financière, le candidat doit être un étudiant de l’Université admissible au Programme étude-travail et avoir déjà fait une demande de prêts et bourse. Les postes sont affichés sur le site Internet du Service d’emploi de l’Université.

[41]         Madame Dalceggio explique à ce sujet qu’une partie du salaire des assistants techniques étudiants est payée grâce au Programme étude-travail.

[42]         Selon la description du poste faite sur les affichages, l’assistant technique étudiant aide à la distribution des certificats de garantie et assiste les étudiants qui désirent compléter une demande d’aide financière. Le certificat de garantie est un document émis par le gouvernement pour attester qu’il se porte garant du prêt contracté par l’étudiant auprès d’une institution financière.

[43]         Il faut souligner à ce moment-ci que, le 17 novembre 2006, le SEUM et l’Université ont conclu une entente au sujet du «  Travail étudiant aux Services aux étudiants (S.A.E.)  ». Il y a lieu de reprendre certaines dispositions de cette entente :

[…]

2.             L’Université reconnaît que les tâches confiées à des personnes étudiantes dans le cadre du travail étudiant aux S.A.E. ne sont pas les mêmes que celles des fonctions occupées par les personnes salariées visées par l’accréditation émise en faveur du SEUM, section locale 1244 (SCFP-FTQ).

3.             Aucune personne salariée, membre du SEUM 1244, ne sera mise à pied, de même qu’aucun poste ne sera aboli ou laissé vacant en conséquence du travail étudiant aux S.A.E. De même, le recours au travail étudiant ne doit pas avoir pour effet d’éviter la création de postes pour le fonctionnement normal des S.A.E.

4.             Le travail étudiant aux SAE est effectué sur une courte période ou comportant peu d’heures de travail. Les étudiants sont généralement sélectionnés en fonction de leurs habiletés particulières à satisfaire les besoins de leurs pairs.

5.             Est considéré du travail étudiant :

[…]

f)              Bureau des affaires financières

           -           remettre les certificats de garantie aux étudiants.

6.             Le travail étudiant tel que défini aux présentes n’est pas visé par le           certificat d’accréditation du Syndicat des employés de l’Université de          Montréal - section locale 1244 (SCFP-FTQ) et les dispositions du     certificat d’accréditation concernant les étudiants demeurent inchangées

7.             Afin d’assurer le suivi et la résolution des problèmes, les parties conviennent de se rencontrer annuellement pour discuter de la présente entente. L’une ou l’autre des parties pourra aussi convoquer une rencontre en cours d’année en cas de besoin.

[…]

9.             Cette lettre d’entente est faite sans préjudice au droit des parties relativement à la portée de l’accréditation émise en faveur du SEUM - SL 1244.

(reproduit tel quel)

[44]         Cette lettre d’entente est toujours en vigueur.

[45]         Par ailleurs, la convention collective conclue en 2006 entre le SEUM et l’Université comporte une disposition au sujet du travail effectué par des personnes exclues de l’unité de négociation. L’article 3.03 prévoit ce qui suit :

Les personnes exclues de l’unité de négociation ne font pas le travail normalement exécuté par les différentes catégories de personnes salariées régies par la présente convention, ou tout autre travail qui, de par sa nature, pourrait y être intégré, sauf dans les cas suivants :

-        cas d’urgence, surcroît de travail ou carence de personnel;

-        entraînement des personnes salariées;

-        travail d’entraînement pratique pour les étudiants;

-        travail effectué par des personnes salariées assujetties ou non à une autre accréditation et faisant normalement le même genre de travail en autant que l’Employeur respecte le texte du certificat d’accréditation.

[46]         Mais, la convention collective conclue entre le SÉSUM et l’Université, en vigueur du 23 mai 2012 au 30 avril 2015, comporte la définition suivante de la fonction d’assistant technique :

2.02

[…]

Assistant technique  : Étudiant de l’Université inscrit, généralement à temps complet, au premier, deuxième ou troisième cycle, dont la nature des tâches est notamment de soutenir les activités d’ordre opérationnel et de service offert par une faculté, un département, une école, un centre de recherche, une chaire de recherche, un service offert par l’Université de Montréal ou une unité administrative.

[47]         Selon Gilles Roberge, commis à l’information au Bureau de l’aide financière depuis plus de six ans et représentant syndical du SEUM, lorsqu’il est entré en poste, le travail des assistants techniques étudiants ne consistait qu’à remettre les certificats de garantie au début de chaque session, particulièrement à l’automne. Le recours aux étudiants permettait aux commis de consacrer plus de temps à aider les étudiants à remplir les demandes d’aide financière.

[48]         Or, depuis 2012, affirme-t-il, les commis ne remettent presque plus de certificats de garantie et ce sont les assistants techniques étudiants qui s’en chargent. De plus, ce sont ces derniers qui aident maintenant les étudiants à remplir les formulaires d’aide financière. Cette situation a fait en sorte qu’il y a des assistants techniques étudiants qui travaillent en permanence, contrairement à ce qui prévalait avant, d’où la requête du SEUM.

[49]         Madame Dalceggio soutient à ce sujet que, depuis 2006, environ 95 % des demandes d’aide financière des étudiants sont faites par Internet. C’est en 2008 que les assistants techniques étudiants ont commencé à les aider à remplir les demandes sur Internet.

[50]         En 2009, le Bureau de l’aide financière a décidé de faire plus de counselling auprès des étudiants, travail qui relève des commis et des conseillers, et de confier aux assistants techniques étudiants la tâche de les aider à remplir leur demande par Internet.

[51]         À ce sujet, il faut mentionner qu’avant l’arrivée d’Internet, les demandes d’aide financière étaient faites sur format papier et ce sont les commis qui aidaient les étudiants à remplir le formulaire, tâche à laquelle ils consacraient plusieurs heures par jour.

[52]         Aux dires de madame Dalceggio, l’assistant technique étudiant n’est là que pour aider l’étudiant à naviguer sur le site Internet. Il n’est pas là pour répondre à ses questions, ce rôle demeurant celui du commis ou du conseiller qui ont accès au dossier de l’étudiant et ont reçu la formation leur permettant de remplir ce rôle.

le projet PGI

[53]         Le projet PGI avait pour mandat d’implanter un nouveau système de gestion des activités académiques de l’Université.

[54]         En février 2013, l’Université a fait paraître une offre d’emploi indiquant qu’elle désirait obtenir des candidatures pour occuper une quarantaine de postes d’assistants techniques. Cette offre s’adressait aux étudiants de 1 er cycle et plus.

[55]         À la suite de cet affichage, des étudiants ont été embauchés. L’Université a considéré qu’ils étaient couverts par l’unité de négociation du SÉSUM, d’où la requête du SEUM.

[56]         Le projet PGI n’a duré que quatre mois, environ, et au moment des audiences, il était terminé. Le SEUM n’a déposé aucun grief pour réclamer quelque avantage pour ces étudiants en vertu de sa convention collective. Il n’a pas, non plus, déposé de grief pour réclamer les cotisations syndicales qu’il aurait eu le droit de recevoir si la Commission avait décidé que les étudiants qui ont travaillé à ce projet étaient couverts par son accréditation et non par celle du SÉSUM.

arguments des parties

La requête visant les assistants techniques étudiants du Bureau de l’aide financière

Le SEUM

[57]         En ce qui concerne le délai pour agir, le SEUM plaide qu’on ne peut pas le lui reprocher parce qu’en l’absence de listes de salariés, il lui est impossible de savoir par quelle unité de négociation l’Université décide que des salariés sont couverts.

[58]         Au fond, le SEUM pose comme prémisse que hormis certaines exceptions, dont les étudiants, l’unité de négociation qu’il représente vise l’ensemble des salariés, ce qu’il qualifie d’accréditation générale, et que tout ce qui ne relève pas de la recherche subventionnée lui appartient.

[59]         En ce qui concerne les étudiants et plus particulièrement ceux qui travaillent au Bureau de l’aide financière, il affirme que la portée de l’accréditation du SÉSUM ne peut couvrir que le travail visé dans l’entente du 17 novembre 2006, soit la remise des certificats de garantie, tâche à laquelle il a renoncé vu son caractère sporadique. Bref, l’accréditation du SÉSUM au Bureau de l’aide financière ne peut couvrir que les étudiants qui, de façon sporadique, effectuent cette tâche.

[60]         Aider l’étudiant à compléter et à comprendre des documents administratifs fait partie du travail du commis à l’information. Le fait que les demandes d’aide financière soient maintenant faites par Internet, la plupart du temps, n’a pas pour effet de modifier la situation, puisqu’il ne s’agit que de l’évolution normale du travail de commis, due à la technologie.

L’Université

[61]         L’Université soutient qu’à l’article 3.03 de la convention collective, le SEUM reconnaît que d’autres personnes font le même travail que les salariés couverts par son accréditation.

[62]         D’ailleurs, ce ne sont pas tous les assistants techniques qui sont couverts par l’accréditation du SEUM, mais seuls ceux pour lesquels la convention collective s’applique, soit les assistants techniques pharmacie, Faculté de médecine dentaire et services informatiques. Et, la nature des tâches qu’effectuent ces trois groupes de salariés est différente de celles des assistants techniques étudiants du Bureau de l’aide financière.

Le SÉSUM

[63]         Le SÉSUM conteste l’affirmation du SEUM selon laquelle tout ce qui ne relève pas de la recherche subventionnée, donc que tout ce qui relève du budget de fonctionnement de l’Université lui appartient.

[64]         En effet, fait-il valoir, la liste des salariés constituée par l’Université en 2009, au moment où il a déposé une requête en accréditation, comprenait le nom d’assistants techniques étudiants payés à partir des fonds courants. Et, la liste des salariés de 2011 comprenait le nom des assistants techniques étudiants qui travaillaient au Bureau de l’aide financière.

[65]         Par conséquent, conclut-il, si les assistants techniques étudiants étaient sur les listes des salariés, c’est qu’ils n’étaient représentés par aucun syndicat. Autrement, il faudrait croire que la Commission a octroyé deux accréditations pour le même groupe de salariés.

[66]         Quoi qu’il en soit, affirme-t-il, l’accréditation du SEUM exclut les étudiants. La modification de la description de l’unité de négociation, en 1988, accordée à la suite d’une demande en vertu de l’article 39 du Code, n’est pas claire et ne peut pas avoir eu pour effet d’accroître la portée de son accréditation. Conclure autrement signifierait que les étudiants auraient été syndiqués contre leur gré. La requête du SEUM devrait donc être rejetée pour ce seul motif.

[67]         Mais, il y a plus, prétend-il. La convention collective que le SEUM a conclue avec l’Université reconnaît qu’il n’y a pas exclusivité de fonctions. La fonction d’assistant technique n’est pas nouvelle, elle existe depuis au moins 1986 et il y en a dans toutes les unités académiques et les services de l’Université.

[68]         Les trois catégories d’assistants techniques que le SEUM représente font un travail différent de ceux qu’il représente. Ces derniers viennent en support au travail d’autres salariés et sont la plupart du temps des étudiants.

[69]         Le SEUM était au courant de la campagne de syndicalisation de 2011 visant les assistants techniques étudiants, puisqu’il y a participé, et accordé sa requête aurait pour effet de lui permettre de revenir en arrière et de revendiquer des salariés qu’il a admis ne pas représenter.

la requête visant le projet pgi

[70]         Vu sa conclusion, la Commission ne reprend pas les arguments des parties portant sur le bien-fondé de cette requête.

analyse et dispositif

principes

[71]         L’accréditation est d’ordre public. Comme l’écrit la Cour d’appel dans Syndicat des salariés de distribution de produits pharmaceutiques (FISA) c. Médis, Services Pharmaceutiques et de santé inc. , 2000 R.J.D.T. 943 , la modification des paramètres essentiels d’une accréditation ne peut se faire que par une nouvelle requête en accréditation déposée lors des périodes spécifiquement prévues au Code. On ne peut pas, par le biais de l’article 39 du Code, ajouter un groupe de salariés ou de personnes qui n’étaient pas couvert par l’accréditation initiale.

[72]         Dans la recherche de la portée intentionnelle d’une accréditation, l’histoire, le comportement des parties au moment et après l’octroi, ainsi que la convention collective peuvent éclairer sur son étendue initiale et ses limites. ( Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec (FISA) c. Ville de Québec , 2011 QCCRT 0556 ).

l’application aux faits

La requête visant les assistants techniques étudiants du Bureau de l’aide financière

[73]         L’accréditation du SEUM, telle qu’elle a été octroyée en 1971, exclut des fonctions et des groupes de personnes dont les étudiants.

[74]         L’exclusion en ce qui concerne les étudiants a pour effet qu’ils ne sont pas couverts par l’unité de négociation du SEUM quelles que soient les tâches qu’ils effectuent ou la fonction qu’ils occupent.

[75]         La Commission ignore quelle était l’intention des parties lorsqu’elles se sont entendues, en 1988, pour modifier la description de l’unité de négociation afin d’y ajouter, après les mots étudiants, le texte suivant «  des étudiants occupant une fonction non comprise ou qui, de par sa nature, ne devrait pas être comprise dans l’unité de négociation   » et aucune preuve ne lui a été présentée à ce sujet.

[76]         Il demeure cependant que, quelle qu’ait été l’intention des parties, elles ne pouvaient pas, par le biais d’une requête en vertu de l’article 39 du Code, modifier les paramètres de l’accréditation et faire en sorte que certains étudiants deviendraient ainsi couverts par celle-ci. Cela suffirait pour rejeter la requête du SEUM. Mais, il y a plus.

[77]         La preuve révèle que la fonction d’assistant technique existe à l’Université depuis de nombreuses années. D’ailleurs, d ans les conventions collectives conclues entre le SEUM et l’Université, cette fonction est nommée pour la première fois dans celle entrée en vigueur en septembre 1998, pour celles d’assistant technique services informatiques et pharmacie. En octobre 2006, s’ajoute celle de Faculté de médecine dentaire. Ce sont les seules fonctions d’assistant technique que l’on retrouve dans la convention collective, même s’il y en a dans plusieurs unités ou services à l’Université.

[78]         En ce qui concerne les assistant techniques étudiants, qui nous intéressent plus particulièrement, il y en a à l’Université depuis au moins 1986. Et, au Bureau de l’aide financière, il y en a depuis 1999.

[79]         Selon madame Dalceggio, en 2008 les assistants techniques étudiants ont commencé à aider les étudiants à remplir les demandes d’aide financière sur Internet. En 2009, le Bureau de l’aide financière a décidé de leur confier cette tâche de façon permanente.

[80]         Le SEUM n’a alors pas revendiqué que les assistants techniques étudiants étaient couverts par son accréditation. Il n’a pas plus réagi à l’occasion de l’accréditation des assistants techniques étudiants, en 2009. Et, non seulement n’a-t-il pas réagi à cette occasion, mais en 2011, lors d’une campagne de maraudage, il a participé activement au maintien de l’accréditation des assistants techniques étudiants.

[81]         Dans une affaire comportant une certaine analogie avec la présente, Syndicat des employé-é-es de techniques professionnels et de bureau, section locale 2000, SCFP c. Hydro-Québec , 2004 QCCRT 0352 , la Commission écrit ce qui suit :

[35]    L’accréditation est accordée au syndicat des spécialistes, après que celui-ci se soit mis d’accord avec Hydro-Québec sur l’unité de négociation et la liste des personnes visées par la requête. Quoique prétendant jusqu’alors que 76 fonctions comprises dans cette unité de négociation étaient visées par la portée intentionnelle de son accréditation, le syndicat des employés de bureau n’intervient pas dans le cadre de la procédure en accréditation du syndicat des spécialistes.

[36]    Par la conduite et le comportement du syndicat des spécialistes et d’Hydro-Québec ainsi que par le silence et l’inaction du syndicat des employés de bureau, à l’occasion de la procédure en accréditation du syndicat des spécialistes, la Commission n’a pas d’autres choix que de conclure que les spécialistes que le syndicat des employés de bureau cherche actuellement à représenter sont clairement compris dans l’unité de négociation pour laquelle a été accrédité le syndicat des spécialistes.

[37]    Enfin, faire droit aux prétentions du syndicat des employés de bureau, des objectifs recherchés par le Code du travail , aux chapitres de la paix industrielle, de la sécurité juridique des parties, de la stabilité et de la continuité des rapports collectifs du travail ainsi que du caractère d’ordre public d’une accréditation, seraient résolument heurtés.

[82]         En l’espèce, on voit mal comment, après avoir participé activement à la campagne de syndicalisation des assistants techniques étudiants, le SEUM peut maintenant revendiquer que ceux qui travaillent au Bureau de l’aide financière sont couverts par son accréditation.

Le projet PGI

[83]         Dans l’affaire Syndicat des cols blancs de Gatineau c. Ville de Gatineau , 2009 QCCRT 0090 , la Commission fait une revue de la jurisprudence et des principes applicables lorsque la situation de fait est révolue au moment de l’enquête. Elle réfère notamment au jugement du juge Jean Girouard, du Tribunal du travail, dans l’affaire Union des employés de service, local 298, F.T.Q. c. Les services d’édifices Pritchard ltée , AZ-85147055, dans laquelle on peut lire le passage suivant :

Que celles-ci soient pour le présent (au moment de la requête) ou pour le futur qui suit cette requête (au moment de l’enquête et de l’audition suivant cette requête), on en a décidé de façon constante et définitive selon la jurisprudence acquise, au motif pratique principal qu’on n’est pas pour s’amuser à statuer sur les situations révolues au moyen de décisions, sans doute intéressantes, mais d’aucune portée utile.

[84]         Il découle de la jurisprudence que, même si la situation est révolue, la Commission pourrait rendre une décision, dans la mesure où elle serait utile parce qu’elle servirait d’assise à l’étude d’un grief qu’un arbitre pourrait entreprendre, par exemple.

[85]         En l’espèce, il n’y a aucun litige pendant entre les parties découlant des faits énoncés dans la requête du SEUM. La question à trancher n’est plus que théorique, tout comme le serait une décision de la Commission, ce que cette dernière doit se garder de faire.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

REJETTE                      les requêtes du Syndicat des employés de l’Université de Montréal, section locale 1244 - SCFP ;

ACCUEILLE                  en partie la requête du Syndicat des étudiants salariés de l'Université de Montréal (SÉSUM) section locale 17750 de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) FTQ ;

DÉCLARE                     que les assistants techniques étudiants, qui travaillent au Bureau de l’aide financière , sont couverts par l’unité de négociation du Syndicat des étudiants salariés de l'Université de Montréal (SÉSUM) section locale 17750 de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) FTQ.

 

 

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Pierre Cloutier

 

M. Guy De Blois

Syndicat canadien de la fonction publique

Représentant du requérant - mis en cause

 

M e Renaud Plante

Alliance de la Fonction publique du Canada

Représentant du mis en cause - requérant

 

M e André Baril

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Représentant de l’intimée

 

Date de la dernière audience :

26 septembre 2014

/jt