Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleuses et travailleurs du Canada (maintenant Unifor) et Prelco inc. (griefs individuels, Patrick Dumont et autres) |
2014 QCTA 1066 |
TRIBUNAL D’ARBITRAGE
C A N A D A
PROVINCE DE QUÉBEC
N o de dépôt : 2015-0376
QUÉBEC, le 11 décembre 2014
AUDITION TENUE LE 3 septembre 2014
DEVANT L’ARBITRE : M e JEAN-GUY MÉNARD
NUMÉROS DES GRIEFS : 24, 25, 26 et 27
OBJET : Contestation d'une suspension d'une journée
SALARIÉS CONCERNÉS : 24- Monsieur Patrick Dumont
25- Monsieur Léo Charest
26- Monsieur Marcel Ouellet
27- Monsieur Daniel Dubé
PROCUREUR SYNDICAL : Monsieur François Gignac
PROCUREUR PATRONAL : M e Pierre Jolin
SYNDICAT NATIONAL DE L'AUTOMOBILE, DE L'AÉROSPATIAL, DU TRANSPORT ET DES AUTRES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DU CANADA (maintenant Unifor),
ci-après appelé le «Syndicat»
ET
PRELCO INC.,
ci-après appelée l'«Employeur»
S E N T E N C E A R B I T R A L E
I - LE LITIGE
[1] L'Employeur opère une entreprise de transformation du verre plat. Étant plus diversifié au plan technologique, on peut y fabriquer des produits qui ne sont pas standards et qui sont plus compliqués à manufacturer. À cette fin, on dispose des services d'ingénieurs spécialisés dans le verre qui, pour répondre à des besoins spécifiques, travaillent sur des prototypes et font des essais du genre tests d'impact, de solidité, etc.
[2] Cette particularité relative à la production rend difficile la planification des besoins en main d'œuvre, d'autant plus que les projets sont exécutés à la pièce. Considérant ce fait auquel s'ajoute l'obligation de gérer les délais de retards négociés avec la clientèle, on ne peut faire autrement que d'établir les besoins en personnel d'une semaine donnée le jeudi qui en précède le début.
[3] Chaque année emporte une période de plus grande activité (mai à décembre) au cours de laquelle cent quatre-vingt-dix (190) salariés sont au travail, et une autre période moins occupée (décembre à mai) pendant laquelle cent quarante (140) à cent cinquante (150) salariés sont en poste.
[4] Pour obtenir un " congé occasionnel " , les salariés doivent remplir un formulaire de demande qu'ils doivent adresser à leur superviseur qui l’envoie par la suite au service des ressources humaines. Sur réception, madame Suzanne Rhéaume, qui a pour responsabilité les questions relatives aux congés, aux vacances, aux congés sans solde, etc. fait un portrait global de la semaine en cause en computant les congés occasionnels réclamés, les vacances prévues, les salariés en retraite progressive et ceux qui sont en assignation temporaire. Elle porte ensuite ces différentes informations au directeur de la production, monsieur Nathan Shannon, qui établit, avec son aide, les effectifs qui sont requis pour cette même semaine en regard des besoins de production qui ont préalablement été définis.
[5] Une fois que monsieur Shannon a décidé de ce qu'il advient des demandes de congés occasionnels, madame Rhéaume l'indique sur une copie des formulaires qu'elle retourne au superviseur visé qui a alors charge de les remettre aux salariés intéressés. En cas de refus, la ou les raisons qui supportent cette prise de position y sont inscrites de manière à ce que le superviseur puisse en faire état auxdits salariés.
[6] L'horaire de travail ainsi élaboré par madame Rhéaume et monsieur Shannon couvre une semaine régulière qui va du dimanche au samedi. Dépendant des besoins en main-d'œuvre, les " congés occasionnels " sont accordés aux premiers demandeurs, à moins qu'il y en ait plus qu'un pour une journée donnée, auquel cas on procède par ancienneté.
[7] La disposition conventionnelle qui régit la gestion des " congés occasionnels " se lit ainsi :
"21.02 Tous les salariés qui ont plus d'un an d'ancienneté et qui ont terminé leur période de probation sont éligibles aux congés occasionnels.
Sur demande écrite adressée 10 jours à l'avance mais pas plus de 60 jours à l'avance dudit congé, au représentant de l'employeur en remplissant la feuille "Demande de congé", les salariés peuvent prendre des congés occasionnels sous réserve de la clause 20.03 f) de la convention collective et en autant que l'on puisse remplacer, si nécessaire, le salarié absent de son poste de travail afin de minimiser les impacts de l'absence du salarié sur la production. Une copie de la demande écrite du salarié ainsi que la copie de la réponse écrite de l'employeur sont acheminées au comité syndical.
Il est entendu que ces congés ne peuvent être pris, de façon consécutive, pour prolonger la période de congé déjà octroyée pour la Saint-Jean-Baptiste, la fête du Canada et la fête du Travail.
De plus, un salarié qui bénéficie d'une banque de temps supplémentaire peut soutirer de sa banque l'équivalent d'une journée ouvrable de travail pour congé occasionnel."
La clause 20.03 f) à laquelle réfère cette dernière stipulation est ainsi formulée :
"20.03 (…)
F) L'employeur se réserve le droit en tout temps (sauf la période prévue en d)) d'avoir 80 % de ses salariés au travail, par classification, de sorte que la production peut continuer normalement. En contrepartie, 20 % des salariés d'une classification peuvent, en tout temps, s'il y a lieu, être en vacances. S'il survient une impasse, la préférence est accordée aux salariés ayant le plus d'ancienneté. Malgré ce qui précède, l'employeur s'engage à octroyer un minimum d'un salarié par classification par semaine, en vacances.
Aux fins d'application des choix de vacances, un salarié qui est déplacé dans une autre classification avant la période d'affichage doit être considéré dans sa nouvelle occupation pour son choix de vacances. Un salarié déplacé après la période d'affichage voit son choix respecté malgré le ratio établi au paragraphe précédent."
[8] À la mi-mai 2013, l'entreprise était en période d'embauche puisqu'il y avait toujours deux (2) postes à combler. Le 17 mai 2013, il y avait douze (12) salariés qui devaient être en absence autorisée, dont six (6) étaient des " congés occasionnels " .
[9] Messieurs Patrick Dumont, Marcel Ouellet, Daniel Dubé et Léo Charest avaient respectivement demandé le 15 avril, le 23 avril, le 30 avril et le 11 avril 2013, d'être en congé occasionnel le 17 mai 2014. Leurs demandes ont été refusées essentiellement en raison de l'impossibilité de les remplacer.
[10] Après avoir été informés de cette décision par la remise d'une copie de leurs demandes par l'intermédiaire de leur superviseur, les salariés requérants ont tous reçu, le 10 mai 2013, une note de service provenant de la Direction de la Production et des Ressources humaines libellée de la façon suivante :
" OBJET : Demande de congé du vendredi 17 mai 2013
Bonjour (…),
Vous avez récemment fait, le ( date ) dernier, une Demande de congé pour la journée du vendredi 17 mai 2013.
Étant donné notre volume actuel de commandes ainsi que nos échéanciers serrés de livraison afin de répondre aux besoins de notre clientèle, en plus du fait que nous avons une douzaine d'employés en absence autorisée lors de cette même journée, nous devons, malheureusement vous refuser cette demande.
Nous vous informons, par la présente, qu'aucune absence ne sera tolérée pour cette journée, à moins qu'elle soit d'ordre médical, avec une pièce justificative signée par un professionnel de la santé (médecin), datée de la journée même. Advenant que vous choisissiez tout de même de vous absenter du travail pour toute autre raison, nous vous avisons que des mesures disciplinaires seront appliquées.
Nous sommes assurés que vous comprendrez le bien-fondé de nos exigences.
(…)"
(Pièce P-4)
[11] Étant donné que les salariés visés se sont quand même absentés du travail le 17 mai 2013, ils ont tous été rencontrés individuellement à leur retour au travail le 21 mai, rencontre au cours de laquelle on leur a remis un avis formulé dans ces termes après avoir entendu leurs versions respectives :
" OBJET : ABSENCE INJUSTIFIÉE - SUSPENSION
Monsieur,
Après vous avoir remis une lettre, le 10 mai dernier, vous informant que nous ne pouvions accepter votre "Demande de congé" pour la journée du 17 mai suivant, nous constatons, avec regret, que vous avez outrepassé cette directive en ne vous présentant pas au travail le matin du 17 mai, prétextant une "obligation familiale".
Dans ladite lettre, nous vous avons mentionné les raisons motivant notre décision dont le volume de travail très élevé dans notre usine de production et le fait que nous avions déjà accepté un bon nombre de congés demandés antérieurement au vôtre. De plus, dans cette même lettre, nous vous avions avisés des conséquences advenant que, malgré notre décision, vous choisiriez, quand même, de vous absenter du travail.
Conséquemment, face à la situation présente, nous n'avons d'autre alternative que de vous imposer une suspension sans solde d'une (1) journée, soit le 21 mai 2013. Vous reprendrez votre travail le mercredi 22 mai suivant.
Nous espérons que cette suspension vous permettra de réfléchir à l'importance que vous devez accorder aux décisions de l'employeur qui ont, comme objectif 1 er , la saine gestion de leurs opérations. Nous avons confiance que vous en comprendrez le bien-fondé et vous demandons, dans le futur, d'agir en conséquence.
(…)
(Pièces S-2 A à S-2 D)
[12] Le 22 mai 2013, un grief individuel a été déposé au nom de chacun de ces salariés aux fins de contester cette décision. Le libellé de ces griefs était identique et s'établissait ainsi :
"Je déclare que l'employeur a violé l'article 10.01 A) et l’article 18.03 A) et Annexes connexes de la convention collective en suspendant ( Nom ) pour une journée, ainsi que l'avis de ne pas se présenter à son travail la veille. L'employeur a suspendu monsieur ( Nom ) pour une offense qui n'est pas valable, juste et suffisante.
Je réclame un dédommagement intégral de 8 heures de travail, ainsi que 4 heures d'indemnité de présence et tout avantage ci - rattachant avec intérêts."
(Pièces S-2, S-3, S-4 et S-5)
II - LA PREUVE
[13] Outre les éléments de faits non contestés qui précèdent, l'administration de la preuve m'a fait comprendre ce qui suit.
A) LA PREUVE RELATIVE À TOUS LES GRIEFS
[14] Madame SUZANNE RHÉAUME, qui est responsable de la direction des communications tout en ayant charge de certains dossiers en ressources humaines, a établi :
14.1. qu'elle a entre autres pour tâches de s'occuper des questions relatives à l'octroi des vacances, des congés, des congés sans solde, etc. et de faire le lien entre les salariés, les superviseurs et le directeur de la production pour ce qui a trait à l'attribution des " congés occasionnels " ;
14.2. que, dans la répartition des " congés occasionnels " , elle tient compte de la norme de 80 % prévue à la clause 20.03 f) dans la mesure où un remplacement du ou des salariés en cause est possible, comme le prévoit la clause 21.02 de la convention collective;
14.3. qu'il est rare qu'on refuse des demandes de congé occasionnel et
14.4. qu'en l'occurrence, les " congés occasionnels " demandés par les salariés visés ont été refusés parce qu'il était impossible de procéder à leur remplacement.
[15] Monsieur NATHAN SHANNON, directeur de la production, a établi :
15.1. qu'à chaque jeudi, il détermine ses besoins en main-d'œuvre pour la semaine à venir en lien avec les superviseurs et il assigne le personnel nécessaire en fonction de certains critères comme les qualifications et l'ancienneté avec l'aide d'une représentante du service des ressources humaines qui a préalablement inscrit sur la cédule les salariés en absence autorisée, en vacances ou en congé occasionnel;
15.2. qu'au regard de la semaine du 12 mai 2013, on avait un taux de livraison de l'ordre de 84 %, ce qui signifiait une proportion de retards de 16 %, alors que normalement le taux de livraison se situe entre 92 et 94 %;
15.3. qu'à cela s'ajoutait le fait qu'il n'y avait plus personne disponible sur la liste de rappel et qu'on avait à répondre à un taux de commandes très élevé;
15.4. qu'avant de s'en remettre au régime disciplinaire, il a vérifié les dossiers des salariés visés pour constater qu'ils étaient vierges;
15.5. qu'avant de rencontrer les salariés visés le 21 mai 2013, il avait préparé les avis de suspension qu'il entendait leur donner, sous réserve toutefois de ce qu'ils répondraient à ses questions;
15.6. que les salariés visés ont été suspendus et non payés pour la journée du 21 mai 2013, si bien qu'ils ont quitté le travail après avoir été avisé de cette mesure disciplinaire et
15.7. que, le 6 juin 2013, le Directeur des Ressources humaines a adressé la correspondance suivante au représentant du Syndicat :
"(…)
Vous avez présenté des griefs pour "Mesures disciplinaires" (suspensions) qui ont été appliquées auprès de messieurs Patrick Dumont, Marcel Ouellet, Léo Charest et Daniel Dubé, le 21 mai dernier.
(1) Malgré un refus catégorique verbal de l'employeur d'autoriser des congés pour le vendredi 17 mai dernier aux employés nommés précédemment en expliquant les raisons de cette décision;
(2) malgré que ces mêmes employés ont reçu, par la suite, une copie de leur demande de congé où il y était clairement inscrit que le congé demandé était refusé, incluant la raison motivant cette décision;
(3) malgré que ces mêmes employés ont reçu, par la suite, une lettre renforçant cette décision à l'effet qu'ils s'exposaient à des mesures disciplinaires en cas d'absence pour cette période spécifiquement;
ces derniers ont fait le choix de défier nos exigences et notre autorité en s'absentant du travail ce vendredi 17 mai dernier.
Nos employés ont été convenablement avisés, et ce, à trois reprises, contrairement à votre argumentation. Dans ces circonstances, nous qualifions que ces employés ont fait preuve d'insubordination et que la suspension était la seule mesure appropriée pour leur faire comprendre le sérieux de nos exigences à ce propos.
(…)"
(Pièce P-6)
15.8. qu'il a personnellement décidé d'imposer dans les circonstances une suspension pour insubordination, bien qu'il n'ait pas indiqué ce motif dans ses avis.
[16] Monsieur ÉRIC BOURGOUIN, président du Syndicat, a établi :
16.1. qu'il a reçu de la part de madame Suzanne Rhéaume le 16 mai 2013 un courriel ainsi libellé :
"(…) Comme tu le sais, l'entreprise a beaucoup de contrats ces temps-ci et on ne peut que s'en réjouir .
Par contre, comme tu le sais également, nous avons accepté quelques demandes de congé pour demain (8) et, compte tenu du volume de ces demandes, nous avons dû, malheureusement en refuser quelques-unes afin que nous puissions terminer nos contrats et livrer à temps.
Par contre, nous entendons des rumeurs à gauche et à droite que les employés dont nous avons dû refuser leurs demandes "calleraient malades". Nous t'avisons, par la présente, qu'advenant que cette rumeur s'avère vrai et qu'il y ait effectivement de ces employés qui ne se présentent pas à leur quart de travail respectif, ils se verront imposer une suspension .
Nous espérons que tu sauras les raisonner puisque nous avons besoin d'eux demain.
(…)
(Pièce S-6)
ce à quoi il a répondu qu'il ne s'agissait que de rumeurs et qu'il fallait en l'occurrence s'assurer de respecter les clauses 20.03 f) et 10.01 de la convention collective.
B) LA PREUVE RELATIVE À CHACUN DES GRIEFS
1. LE CAS DE MONSIEUR PATRICK DUMONT
[17] Monsieur ANDRÉ PLOURDE, superviseur, a établi :
17.1. qu'il a rencontré monsieur Dumont pour lui faire savoir les raisons du refus de sa demande de congé occasionnel pour le 17 mai 2013 une fois qu'il a été avisé de cette décision;
17.2. qu'à ce moment, monsieur Dumont lui a répondu qu'un voyage de pêche était organisé et qu'il s'absenterait quand même vu qu'il l'avait payé, ce qui lui a valu pour réponse qu'il y aurait des conséquences à cette prise de position;
17.3. qu'à l'instant où il a répondu qu'il y aurait des conséquences, monsieur Dumont lui a répété : " C'est une raison familiale. Je vais à la pêche avec mes enfants ." ;
17.4. qu'il a assisté à une rencontre entre messieurs Dumont et Shannon qui a donné lieu à un échange identique;
17.5. que le matin du 17 mai 2013, monsieur Dumont a appelé pour dire qu'il serait absent pour une " raison familiale " et
17.6. qu'au retour au travail le 21 mai 2013, il y a eu une rencontre au bureau de monsieur Shannon au cours de laquelle monsieur Dumont a répondu à ce dernier qu'il s'était absenté pour une " raison familiale ".
[18] Monsieur NATHAN SHANNON , directeur de la production, a établi :
18.1. qu'il a effectivement rencontré messieurs Plourde et Dumont et que celui-ci lui a confirmé qu'il devait s'absenter en raison d'un voyage de pêche qu'il avait déjà organisé;
18.2. qu'après vérification, il a maintenu la décision de refuser sa demande;
18.3. que lorsqu'il a rencontré monsieur Dumont le 21 mai 2013, celui-ci lui a répété que son absence était justifiée par une obligation familiale et
18.4. qu'à cette occasion, il ne lui a pas précisé que le motif qui justifiait sa suspension était l'insubordination.
2. LE CAS DE MONSIEUR MARCEL OUELLET
[19] Monsieur GÉRARD CARON, superviseur, a établi :
19.1. qu'après que sa demande de congé occasionnel pour le 17 mai 2013 eut été refusée, il lui a expliqué que cette décision s'expliquait par une manque de remplaçant;
19.2. que, sur le coup, il lui a tout bonnement répondu qu'il ne serait pas là, d'autant qu'il avait écrit sur sa demande qu'il voulait s'absenter pour une raison de " pêche groupe " et
19.3. que, s'étant effectivement absenté le 17 mai 2013, monsieur Ouellet a participé à une rencontre le 21 mai 2013, au cours de laquelle monsieur Shannon lui a demandé la raison de son absence, ce à quoi il a répondu qu'il s'agissait d'une " raison familiale ", sans plus.
[20] Monsieur NATHAN SHANNON, directeur de la production, a établi :
20.1. que, lorsqu’il l’a rencontré, monsieur Ouellet lui a répondu que " ce n'était pas de "ses" affaires puisqu'il s'agissait d'une affaire de maison ".
3. LE CAS DE MONSIEUR LÉO CHAREST
[21] Monsieur GÉRARD CARON, superviseur, a établi :
21.1. que la raison du refus du congé demandé par monsieur Charest pour le 17 mai 2013 s'expliquait par un manque de personnel;
21.2. qu'au moment de la discussion qu’il a eue avec lui, monsieur Charest s'est montré fâché, mais n'a pas donné les raisons de sa demande;
21.3. que, s'étant effectivement absenté le 17 mai 2013, monsieur Charest a rencontré monsieur Shannon le 21 mai suivant et qu’il a justifié son absence par une raison familiale et
21.4. que, devant l'insistance de monsieur Shannon, il a repris exactement les mêmes propos.
[22] Monsieur NATHAN SHANNON , directeur de la production, a établi :
22.1. qu'il y a eu une discussion entre lui et monsieur Charest le 21 mai 2013 et que celui-ci lui a précisé que la cause exacte de son absence du 17 mai 2013 était liée au fait qu'il avait dû aller à Montréal pour sa fille, ce qui les a incités à vérifier et à constater qu'il n'y avait rien à la convention collective à ce sujet.
4. LE CAS DE DANIEL DUBÉ
[23] Monsieur GÉRARD CARON, superviseur, a établi :
23.1. qu'il a expliqué les raisons justifiant le refus de lui accorder le congé qu'il avait demandé pour le 17 mai 2013, sans qu'il y ait de réaction de sa part ni de discussion avec lui sur le moment, comme par la suite;
23.2. que monsieur Dubé s'est effectivement absenté le 17 mai 2013 et
23.3. qu'au cours de la rencontre qu'il a eue avec monsieur Shannon le 21 mai 2013, monsieur Dubé s'en est tenu à lui répondre à deux reprises qu'il s'était absenté à cause d'une " obligation familiale ".
[24] Monsieur NATHAN SHANNON, directeur de production, a établi :
24.1. que monsieur Dubé s'en était tenu, le 21 mai 2013, à lui dire qu'il s'était absenté pour " raison familiale ".
III - LE DROIT
[25] Outre les clauses 20.03 et 21.02 précitées, les dispositions conventionnelles pertinentes se lisent comme suit :
"10.01 Les mesures disciplinaires susceptibles d'être appliquées par l'employeur pour cause juste et suffisante sont la réprimande, verbale ou écrite, la suspension et le congédiement.
a) L'employeur ne peut suspendre un salarié sans lui avoir servi au préalable, au moins une fois, un avis écrit pour une faute de même nature.
(…)
d) Dans le cas de fautes graves, l'employeur peut choisir de se soustraire aux étapes de la progression des sanctions telles que décrites ci-haut et prendre toute décision qu'il juge appropriée, dans les circonstances.
18.03 a) Dans le cours normal de son emploi, tout salarié qui n'a pas été avisé du contraire la veille et se présente à son travail, doit recevoir une compensation minimale de 4 heures de salaire à son taux effectif, s'il n'est pas requis pour travailler ce jour-là. L'employeur peut exiger que ce salarié demeure à sa disposition pendant les heures d'attente payées.
(…)
22.13 a) Un salarié peut s'absenter du travail, sans salaire, pendant 10 jours par année, pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l'éducation de son enfant ou de l'enfant de son conjoint, ou en raison de l'état de santé de son conjoint, de son père, de sa mère, d'un frère, d'une sœur ou de l'un de ses grands-parents.
Ce congé peut être fractionné en journées. Une journée peut aussi être fractionnée, si l'employeur y consent.
Le salarié doit aviser l'employeur de son absence le plus tôt possible et prendre les moyens raisonnables à sa disposition pour limiter la prise et la durée du congé.
(…)"
IV - L'ARGUMENTATION DES PARTIES
A) L'ARGUMENTATION PATRONALE
[26] D'entrée de jeu, l'Employeur allègue que les salariés requérants ne se qualifiaient pas pour obtenir un " congé occasionnel " au sens de la clause 21.02 puisqu'il a clairement été démontré qu'il était impossible de les remplacer. Par ailleurs, il ajoute qu'ils ne pouvaient pas plus réclamer un congé dit pour obligation familiale étant donné qu'il n'a nullement été démontré, contrairement à ce qu'exige la clause 22.13 de la convention collective, qu'ils auraient pris des moyens raisonnables pour limiter la prise et la durée du congé en question.
[27] Reste donc à se demander si l'Employeur pouvait dans les circonstances passer outre à l'obligation faite par la clause 10.01 de servir une réprimande avant de s'en remettre à une suspension au motif qu'il y aurait eu en l'espèce fautes graves.
[28] À cet égard, l'Employeur soumet que la décision des salariés de s'absenter malgré le refus de leurs demandes de congé occasionnel constituait un acte d'insubordination de base qu'il ne pouvait d'aucune façon tolérer. À son point de vue, réagir à un tel refus par une simple réprimande en reviendrait à assujettir la production au bon vouloir des employés. En l'occurrence, il y a eu défi à l'autorité par contravention à un ordre légitimement donné. Partant, il en a nécessairement découlé une faute qui méritait d'être sanctionnée par une mesure certainement plus sévère qu'un simple avis verbal ou écrit.
[29] Pour ce qui est de la demande de donner application à l'indemnité de présence de quatre (4) heures prévu à la clause 18.03 de la convention collective, l'Employeur rappelle que les salariés ont été suspendus dès leur arrivée au travail, qu'ils ne se qualifiaient d'aucune façon pour obtenir un congé quel qu'il soit, qu'ils n'avaient donc aucun droit de s'absenter et qu'ils en n’ont subi aucun préjudice.
B) L'ARGUMENTATION SYNDICALE
[30] À partir du fait que l'Employeur avait en l'occurrence le fardeau de la preuve, le Syndicat souligne que les salariés concernés se sont absentés pour une raison légitimée aussi bien par la convention collective que par la Loi sur les normes du travail. Étant donné qu'il n'a pas été démontré par l'Employeur que les obligations familiales invoquées étaient fausses ou inexactes et que les absences sanctionnées étaient délibérées, le Syndicat ne voit pas en quoi il y aurait eu faute, et encore moins en quoi il y aurait eu faute supposément grave au sens de la clause 10.01 f).
[31] Ajoutant par ailleurs que l'Employeur a pris sa décision finale avant même d'avoir entendu la version des salariés concernés et que le motif d'insubordination ne leur a d'aucune façon été évoqué, le Syndicat estime qu'il y a eu en l'espèce contravention fatale à la règle de la progressivité dans les sanctions confirmée par la clause 10.01 de la convention collective, en plus d'un défaut de se conformer à la clause 18.03 a) qui obligeait l'Employeur de compenser minimalement les salariés en leur versant quatre (4) heures de salaire du simple fait qu'ils se sont présentés au travail tel que requis le 21 mai 2013.
[32] En bout de course, le Syndicat réclame donc que le grief en cause soit reçu à la fois par défaut de preuve démontrant l'existence de comportements insubordonnés et par dérogation à la règle de la progressivité dans les mesures disciplinaires confirmée par la clause 10.01 de la convention collective, que les suspensions d'une journée imposées aux salariés visés soient annulées et qu'il leur soit remboursé les " 4 heures de salaire à (l'heure) taux effectif " prévues à la clause 18.03 pour ne pas avoir été requis de travailler le 21 mai 2013 alors que leurs services étaient prévus à l'horaire.
V - L'ANALYSE ET LA DÉCISION
[33] Étant donné qu'on se trouve ici en matière disciplinaire, il me faut en principe déterminer si l'Employeur a satisfait à l'obligation qu'il avait de démontrer de façon prépondérante les faits qui supportent la sanction qu'il a en l'occurrence imposée, s'il y a là des actes fautifs et, le cas échéant, si une suspension d'une journée constituait une mesure appropriée eu égard à leur gravité.
[34] L'Employeur invoque insubordination basée sur le fait qu'il y aurait eu de la part des salariés visés refus de donner suite à une directive justifiée et clairement exprimée, et, du même coup, refus d'accomplir leur obligation première de fournir une prestation normale de travail. À cela, le Syndicat répond que les salariés en cause avaient une raison légitime de s'absenter et que, par surcroît, l'Employeur n'a pas dûment assumé le fardeau de preuve qui lui incombait dans les circonstances.
[35] Il va sans dire que mon analyse doit être respectueuse des dispositions pertinentes de la convention collective et des règles et principes généralement appliquées en pareil contexte disciplinaire.
[36] Initialement, le Syndicat a voulu déposer un " Manuel de l'employé de production " dans lequel on retrouvait des modalités d'application de la règle de la progressivité des sanctions disciplinaires, ce que j’ai alors pris sous réserve. Il m'est toutefois impossible de considérer ce document comme étant partie de la preuve et comme étant d'une quelconque façon contraignant à mon endroit au simple motif qu'il a été démontré de façon prépondérante qu'il n'est plus depuis un bon moment distribué aux employés et que la portion pertinente (Section : Processus disciplinaire) n'est plus appliquée depuis une dizaine d'années puisqu'elle aurait été remplacée par l'article 10 de la convention collective ou son pendant antérieur.
[37] Il n'y a ici aucun doute quant aux faits sur lesquels repose la décision contestée : les salariés en cause se sont effectivement absentés le 17 mai 2013 malgré le désaccord de l'Employeur. Pouvaient-ils prétendre à un droit de s'absenter dans les circonstances et, à défaut, ont-ils commis une faute qui pouvait justifier l'Employeur d'y réagir par voie disciplinaire? Telles sont les questions qu'il faut dès lors se poser.
[38] À tout considérer, la convention collective offrait deux possibilités aux salariés sans risquer d'y contrevenir.
[39] Ils auraient d'abord pu s'en remettre à la clause 21.02 et faire une demande de " congé occasionnel " à laquelle l'Employeur aurait été obligé s'il y avait eu à l'époque 80 % des salariés au travail par classification comme le prévoit la clause 20.03 f), d'une part, et s'il s'était avéré possible de les remplacer pendant la durée de leur absence, d'autre part.
[40] Quant à ce dernier point, l'Employeur a fait la preuve que, des douze (12) absences autorisées qu'il y a eu le 17 mai 2013, il y avait six (6) " congés occasionnels " qui avaient été accordés suivant la règle reconnue à l'interne du " premier arrivé premier servi ". Par ailleurs, il a été démontré qu'il ne pouvait permettre plus d'absences parce qu'il n'avait plus de possibilités de remplacement et parce qu'il confrontait des retards dans la production qui risquaient d'impacter son fonctionnement, d'autant plus que la semaine de travail suivante n'était que de quatre (4) jours.
[41] Ne serait-ce que de la problématique de remplacement, il faut bien admettre que les salariés ne pouvaient compter sur un " congé occasionnel " et que l'Employeur était fondé de ne pas donner suite à leurs demandes sur la base de la clause 21.02 de la convention collective.
[42] Ils auraient par ailleurs pu s'en référer à la clause 22.13 qui prévoit le droit à un " congé pour obligations familiales ", ce qu'ils ont d'une certaine façon fait pour la plupart en invoquant des raisons familiales.
[43] Faut-il par contre ajouter au sujet du droit qui y est consacré de s'absenter " sans salaire, pendant 10 jours par année ", que son exercice est assujetti à 3 conditions précises. Premièrement, il faut que chaque absence soit motivée par des " obligations reliées à la garde, à la santé ou à l'éducation de son enfant (…) ou en raison de l'état de santé de son conjoint, de son père (…) ". Deuxièmement, il faut que l'Employeur soit avisé de ces absences " le plus tôt possible ". Et, troisièmement, il faut avoir pris " les moyens raisonnables à sa disposition pour limiter la prise et la durée du congé ".
[44]
Ces conditions,
qui sont calquées sur l'article
[45] Ne pouvant prétendre à un droit conventionné, les salariés visés suggèrent néanmoins qu'ils étaient légitimés de s'absenter par les obligations ou les engagements de nature familiale auxquelles ils devaient satisfaire.
[46] Une fois qu'on a établi comme on vient de le faire que, de par le contrat collectif qui définit leurs conditions de travail, les salariés ne pouvaient réclamer de droit de s'absenter le 17 mai 2013, la question n'est plus à se demander s'ils avaient un motif acceptable pour justifier leurs absences, mais plutôt d'examiner si l'Employeur pouvait juridiquement ou même raisonnablement exiger qu'ils se présentent au travail.
[47] Poser le problème dans ces termes c'est ramener la discussion au niveau des principes de base, c'est en revenir à la définition du lien d'emploi qui comporte l'obligation pour un employeur d'offrir du travail contre rémunération, et pour l'employé de fournir une prestation normale et régulière de travail.
[48] En l'occurrence, l'Employeur était en droit de s'attendre à ce que les salariés en cause se présentent au travail le 17 mai 2013 puisqu'ils n'avaient pas de droit de s'en absenter et ce, même s'ils estimaient avoir des raisons acceptables de le faire. Ayant refusé leurs demandes de congé sans contrevenir à la convention collective et connaissant leurs intentions à cet égard, l’Employeur leur a fait savoir qu'il ne tolèrerait pas d'écarts et qu'il sévirait au cas de défaut. Devant leurs absences, il a décidé de leur imposer une suspension d'une journée sous réserve de valider leur justification à leur retour. Finalement, il leur a confirmé, le matin du 21 mai 2013, qu'ils étaient suspendus pour la journée, sans préciser toutefois qu'il considérait leur conduite comme en étant une d'insubordination.
[49] Bien sûr qu'il aurait été préférable de mentionner spécifiquement ce motif. Mais ce défaut est-il vraiment déterminant quand on sait que la situation ne pouvait à toutes fins utiles se définir autrement ? Poser la question, c'est y répondre.
[50] Les salariés n'étaient pas sans savoir les règles applicables aux demandes de congés occasionnels. Ils connaissaient la façon de les attribuer et ils ne pouvaient ignorer le contenu des clauses 21.02 et 22.13 de la convention collective, si bien qu'ils ne pouvaient croire qu'ils avaient droit à un " congé occasionnel " ou encore à un " congé pour obligations familiales " puisque leurs demandes ne rencontraient pas les conditions exigées.
[51] Pour sa part, l'Employeur avait clairement communiqué auxdits salariés les raisons de ses refus et il leur avait tout aussi clairement précisé ses intentions, tout en soulignant qu'au cas de contravention à la directive qui en découlait il y aurait imposition de mesures disciplinaires.
[52] La situation n'était nullement équivoque. Même s'ils pensaient avoir de bonnes raisons de s'absenter du travail, les salariés n'avaient pas le droit de le faire, à tout le moins sans l'autorisation de l'Employeur. Quant à celui-ci, il était fondé de s'attendre à ce que les salariés se présentent au travail le 17 mai 2013 et il était en droit d'exiger qu'ils le fassent au nom du lien de subordination qui les unissait à lui.
[53] Ne pas donner suite aux refus opposés par l'Employeur au regard des demandes de congés adressées par les salariés équivalait à s'octroyer un avantage non prévu à la convention collective et surtout à contrevenir à une directive référant à l'obligation première qu'ils avaient dans les circonstances de fournir une prestation normale de travail. D'où ma conviction que les salariés savaient que leur conduite en était une d'insubordination, et d'où l'évidence que cette conduite ne pouvait être autre que fautive et que l'Employeur s'en trouvait fondé d'y réagir disciplinairement.
[54] Le Syndicat plaide à ce sujet que l'Employeur ne pouvait d'emblée imposer une suspension à des salariés qui étaient sans dossier disciplinaire au motif qu'il lui était interdit, de par la clause 10.01 de la convention collective, de ne pas se conformer au principe de la progressivité dans ses sanctions en l'absence d'une faute grave, comme c'était le cas selon lui.
[55] Puisqu'il y a effectivement eu en l'espèce suspension d'une journée, il est dès lors à se demander si la faute commise par les salariés était grave.
[56] Comme tout régime disciplinaire dans lequel elle s'inscrit, la règle de la progressivité dans les sanctions a une finalité curative. Elle ne cherche pas à réduire ou même à banaliser une faute; elle vise plutôt la mise en œuvre d'un correctif. Pour le reste, je m'en tiendrai à rapporter les propos suivants qui confirment que la non-observance de la règle de la progressivité dans les sanctions disciplinaires n'est autorisée qu'en contexte exceptionnel et plus particulièrement en matière d’insubordination caractérisée :
"Je ne peux non plus conclure que seules des offenses de nature répétitive tels des retards devraient faire l'objet d'avis verbaux et écrits avant une suspension et que les autres situations qui ne sont pas, par leur nature répétitive justifieraient une suspension immédiate. Aller dans ce sens dénaturerait l'intention des parties de convenir de la progression des sanctions de façon générale et de n'y obvier qu'à titre exceptionnel. L'insubordination flagrante mettant en jeu l'autorité de l'employeur peut constituer une telle exception.
En fait, il est difficile d'établir des critères précis permettant aux parties de se guider dans l'avenir face à l'interprétation de cet article 6.01. À mon avis, la seule grande ligne directrice est qu'il faille préserver l'intention des parties à l'effet que la règle générale requiert un avis verbal et un avis écrit avant de suspendre et que ce n'est qu'à titre exceptionnel que l'on puisse procéder directement à la suspension." [1]
[57] Le critère ici retenu par les parties pour décider de l'application ou non de la règle de la progressivité dans les sanctions est celui de la faute grave. Seuls les actes, gestes ou paroles qu'on peut ainsi qualifier en permettent l'inapplication.
[58] Faut-il cependant ajouter que les fautes graves ne sont pas uniquement celles qu'on associe spontanément à la notion de congédiement. Il y en a bien d'autres qui ne justifient pas une mesure aussi sévère, mais qui exigent néanmoins par leur gravité qu'on ne les sanctionne pas simplement par un avertissement verbal ou écrit, même en contexte de progressivité dans les sanctions, ce qui m'apparaît être le cas en l'espèce.
[59] Dans mon esprit, la gravité d'une faute s'apprécie d'abord par l'examen de ses principales caractéristiques, sans oublier toutefois ses impacts potentiels sur le salarié visé et sur son entourage. Ce faisant, on doit toutefois faire en sorte que l'application du principe de la progressivité dans les sanctions n'ait pas pour résultat d'imposer une mesure qui serait sans commune mesure avec la faute commise ou encore d'en banaliser le sens et l'importance au point de lui enlever à peu près toute sa signification, tout en lui faisant porter le message inverse qu'on entendait faire savoir au salarié visé et même à l'ensemble de ses collègues.
[60] En l'occurrence, j'estime que la conduite affichée par les salariés était d'une gravité suffisante pour que l'Employeur ne se sente pas obligé de la sanctionner par une simple réprimande écrite, d'autant qu'ils ont finalement eu ce qu'ils voulaient à ses dépens et à ceux de leurs compagnons de travail. Les principaux points qui m'incitent à penser ainsi se présentent comme suit :
60.1. Le refus des salariés de se présenter au travail était parfaitement délibéré, prémédité et pris en toute connaissance de cause, notamment pour ce qu’il en était des intentions de l'Employeur à cet égard.
60.2. En se conduisant comme ils l'ont fait, ils n'ont pas seulement agi sans droit par rapport à ceux prévus à la convention collective aux fins des demandes qu'ils ont présentées et par rapport à la façon d'attribuer les " congés occasionnels " (premier arrivé premier servi) et les " congés pour obligations familiales ", mais encore ils ont manqué à leur obligation de base de fournir une prestation normale de travail en défiant l'autorité de l'Employeur, ce qui donne nécessairement à penser à des actes d'insubordination caractérisée.
60.3. Leurs absences sans droit du 17 mai 2013 ont nécessairement eu des effets sur la production, ne serait-ce que des ajustements au moyen d'assignations différentes de certains collègues de travail ou par l'effet de surcharges imposées à d'autres salariés, de telle sorte que tant ceux-ci que l'Employeur en ont été impactés.
60.4. Laisser une réprimande écrite en pareilles circonstances équivaudrait à lancer le message à tous les salariés que, malgré la règle du " premier arrivé premier servi " et malgré les droits spécifiquement prévus à la convention collective, ils peuvent compter sur au moins une journée supplémentaire d'absence sans avoir à se justifier et sans risquer plus qu'une réprimande écrite ou verbale.
[61] La conduite adoptée ici par les salariés n'avait rien de banal. Ils ont clairement défié l'autorité en maintenant leur position malgré le refus valablement justifié par l'Employeur. Ils ont sans droit privilégié leurs intérêts personnels sans se soucier des obligations qu'ils pouvaient avoir à l'égard de l'Employeur et même de leurs collègues. Ils ont de toute évidence fait preuve d'une insubordination qu'on peut certainement qualifier de faute grave au sens d'une faute importante ou sérieuse pour ce qu'elle était dans toutes ses dimensions.
[62] Conclure au contraire équivaudrait à nier la règle du " premier arrivé premier servi " qui semble être de pratique courante et à ignorer les quotas d'absences au travail confirmés par les clauses 21.02 et 20.03 f) de la convention collective. Il serait également à se demander comment on pourrait expliquer la situation aux autres salariés qui ont aussi souhaité être en congé le 17 mai 2013, qui se sont vu refuser leurs demandes pour les mêmes raisons que celles fournies aux salariés visés, mais qui se sont présentés au travail contrairement à eux.
[63] Compte tenu des modalités prévues aux clauses 21.02 et 20.03 f), de la règle du " premier arrivé premier servi " et des exigences particulières que comporte la production de son entreprise, l'Employeur était fondé de ne pas tolérer un comportement du genre de celui affiché en l'espèce. Il était également justifié de penser que la faute ainsi commise revêtait ce degré de gravité qui l'autorisait à passer outre à la règle de la progressivité dans les sanctions.
[64] En ce qui a finalement trait à la réclamation de l'indemnité de présence de quatre (4) heures prévue à la clause 18.03 de la convention collective, je ne vois pas comment cette disposition pourrait s'appliquer dans les circonstances.
[65] Cette clause 18.03 vise le cas du salarié normalement requis de travailler qui apprend sur place qu'il ne l'est plus. Il s'agit forcément d'une perte de temps de travail à un manque de travail, d'où l'à-propos d'obliger l'Employeur à verser une indemnité de quatre (4) heures lorsqu'il n'a pas avisé le salarié concerné la veille de cet impondérable.
[66] Ici, les salariés en cause n'ont pas perdu du temps de travail par manque de travail puisqu'ils ont été relevés de leur obligation de travailler par l'effet de la suspension qu'on leur a imposée. À proprement parler, on ne peut pas dire qu'ils n'étaient plus " requis de travailler ce jour-là " comme l'exprime la clause 18.03, mais on doit plutôt considérer qu'il leur était juridiquement impossible de travailler parce qu'on les a privés de leur droit au travail le 21 mai 2013 pour raison disciplinaire.
VI - LE DISPOSITIF
[67] Pour tous ces motifs,
67.1. JE REJETTE à toutes fins que de droit les griefs portant les numéros 24, 25, 26 et 27, lesquels griefs ont respectivement été déposés au nom de messieurs Patrick Dumont, Léo Charest, Marcel Ouellet et Daniel Dubé.
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EN FOI DE QUOI , j’ai signé à Québec, le 11 ième jour de décembre 2014.
M e Jean-Guy Ménard, arbitre
[1]
Travailleurs et
travailleuses unis de l'Alimentation et du Commerce, section locale 501 c.
Hudon et Daudelin Ltée,