Cuisine Crotone inc. c. Beatrice |
2014 QCCQ 12797 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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LOCALITÉ DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-22-209965-147 |
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DATE : |
20 novembre 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MAGALI LEWIS, J.C.Q. |
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CUISINE CROTONE INC.
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Demanderesse
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c.
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VINCENZO BEATRICE
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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[1] Cuisine Crotone inc. ( Cuisine Crotone ) réclame de Vincenzo Beatrice ( M. Beatrice ) 6 565,08 $ pour des armoires de cuisine qui lui ont été livrées.
[2] M. Beatrice, qui fait affaires sous la raison sociale Enzo Design Reno ( Enzo Design ), conteste la réclamation, alléguant avoir payé toutes les factures avant de recevoir livraison des armoires.
CONTEXTE
[3] Cuisine Crotone est une entreprise spécialisée dans la fabrication et l’importation d’armoires de cuisine.
Position de Cuisine Crotone
[4] Le fils du propriétaire de Cuisine Crotone, Vincenzo Primerano ( M. Vincenzo ), témoigne pour Cuisine Crotone. Il ne travaille plus pour l’entreprise depuis janvier 2014, mais était responsable des commandes jusqu’à son départ.
[5] Michele Primerano ( M. Michele ), le propriétaire de Cuisine Crotone, dont le nom est souvent revenu durant l’audience et apparait sur toutes les factures, ne témoigne pas.
[6] M. Vincenzo déclare avoir pris les commandes de M. Beatrice en mai, juillet et août 2012. Il explique que son père, M. Michele, a autorisé la livraison des marchandises sans paiement, sous prétexte de connaître le père de M. Beatrice.
[7] D’habitude, Cuisine Crotone ne fait pas crédit aux nouveaux clients et exige un acompte sur le prix de vente lors d’une commande, le solde étant payable à la livraison. Il affirme que Cuisine Crotone accepte les paiements par chèque, même des nouveaux clients.
[8] Selon M. Vincenzo, M. Beatrice ne peut pas avoir payé les factures comptant. Seules deux personnes sont autorisées à recevoir les paiements comptant : la personne responsable des comptes ou son père. Selon lui, si son père avait reçu de l’argent de M. Beatrice, il l’aurait inscrit sur les factures.
Position de M. Beatrice
[9] M. Beatrice est un travailleur autonome de la construction; il n’a pas d’employé. Il nie que les familles Primerano et Beatrice se connaissent.
[10] Il fait la connaissance de M. Michele au début de l’année 2012, sur le chantier d’un de ses clients, lorsque M. Michele livre les armoires achetées de Cuisine Crotone. À cette occasion, M. Michele lui parle de son entreprise, l’invite à venir la visiter et suggère qu’ils fassent affaire ensemble.
[11] M. Beatrice se rend chez Cuisine Crotone en mai 2012 et y achète des armoires pour un chantier. Il s’adresse à M. Michele qui prend sa commande. Les armoires sont vendues dans des boîtes de 100 $ à 200 $ chacune. Il ne voit personne d’autre que M. Michele.
[12] Quelques jours après avoir passé sa commande, M. Michele lui téléphone pour confirmer le prix et l’aviser qu’il peut venir la chercher. Lorsque M. Beatrice se présente chez Cuisine Crotone, M. Michele refuse de prendre le chèque d’entreprise qu’il lui remet sous prétexte qu’il ne le connaît pas. M. Michele n’accepte pas non plus de lui ouvrir un compte. Pour pouvoir prendre possession de sa marchandise, M. Beatrice doit payer comptant.
[13] M. Beatrice va donc à la banque chercher l’argent nécessaire pour payer la facture. Il ne se souvient pas du montant, mais déclare, lorsqu’on lui montre la facture portant le numéro 25925 [1] , qu’il a payé la facture sans les taxes, soit 2 400 $.
[14] Alors que le bon de commande 27023 indique que la marchandise lui a été livrée sur le chantier [2] , il affirme être parti avec après avoir remis l’argent à M. Michele.
[15] C’est le même procédé pour les trois autres commandes qu’il passe en juillet et août 2012 : M. Michele l’appelle pour lui confirmer le montant de la commande, qu’il lui paie comptant avant de prendre possession de la marchandise. Dans tous les cas il n’a pas payé les taxes.
[16] M. Michele ne lui remettait pas de preuve de paiement, mais il n’était pas inquiet puisqu’il avait pris possession de la marchandise.
[17] M. Beatrice déclare n’avoir jamais vu les documents internes de Cuisine Crotone avant l’audience, les bons de commande, les croquis et les notes de M. Vincenzo.
[18] M. Beatrice dépose des photocopies des factures 27670, 27671 et 27672 datées du 1er mars 2013 [3] , relatives aux commandes de juillet et août 2012, sur lesquelles il affirme que la mention « Paid Cash » est écrite. Le Tribunal peut à la limite deviner la mention sur les deux premières factures, mais pas sur la troisième. Il semble qu’il s’agisse d’une écriture différente sur chaque facture.
[19] Le Tribunal ne retient pas ces factures comme preuve du fait que M. Beatrice a payé la marchandise achetée de Cuisine Crotone.
[20] En effet, ces factures ont été émises sept mois après la livraison des marchandises quant aux factures 27670 et 27671 et presque 8 mois après quant à la facture 27672. Or, M. Béatrice n’explique pas quand ces factures lui ont été remises, ni pourquoi, et quand la mention « Paid Cash » a été inscrite. Clairement, cela n’a pas été fait lorsqu’il a pris possession de la marchandise puisque les factures n’existaient pas à ce moment-là. De plus, il a confirmé qu’aucune preuve de paiement ne lui a été remise au moment où il a fait le paiement.
[21] Six à huit mois après sa commande du mois d’août 2012, M. Beatrice retourne chez Cuisine Crotone pour montrer à M. Michele les plans d’un projet de 240 condominiums à Ville LaSalle pour lequel il veut obtenir un devis.
[22] M. Michele l’informe alors que le projet est trop important pour qu’il puisse en évaluer le coût et le présente à son fils M. Vincenzo à qui il demande de s’occuper du projet. C’est à cette occasion que M. Beatrice rencontre M. Vincenzo.
[23] Vincenzo n’a jamais soumis de devis concernant ce dernier projet et les parties ont cessé de faire affaire ensemble.
QUESTIONS EN LITIGE
[24] Le Tribunal doit déterminer si la réclamation de Cuisine Crotone est bien fondée.
[25] ANALYSE
[26] Celui qui veut faire valoir un droit, prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention et, sauf exception, la preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante [4] , dans la mesure où elle est suffisamment claire et convaincante pour satisfaire le critère de la prépondérance des probabilités [5] .
[27] Cuisine Crotone inc. a le fardeau de prouver le bien-fondé de sa réclamation par prépondérance de preuve. Si la preuve n’est pas suffisamment convaincante ou si elle est contradictoire et que le juge est dans l’impossibilité de déterminer où se situe la vérité, Cuisine Crotone perdra [6] .
[28] La prémisse de Cuisine Crotone pour expliquer qu’elle a vendu de la marchandise à crédit à M. Beatrice est que M. Michele connait le père de M. Beatrice. Or, Cuisine Crotone n’a pas fait la preuve de ce fait selon la balance des probabilités. En effet, en dehors du témoignage de M. Vincenzo, qui constitue du ouï-dire puisque lui-même ne connaît ni M. Beatrice ni son père, Cuisine Crotone n’a présenté aucune preuve qui permet au Tribunal de retenir cette prémisse.
[29] M. Beatrice affirme que ni son père ni lui ne connaissaient Cuisine Crotone avant le début de l’année 2012 et les explications qu’il donne quant aux circonstances dans lesquelles il a rencontré M. Michele sont claires et convaincantes.
[30] La deuxième prémisse de Cuisine Crotone s’est que M. Michele aurait inscrit la mention du paiement sur les factures au moment de recevoir le paiement. Or, les factures n’ont été émises qu’après la livraison de la marchandise, sept et huit mois après pour trois d’entre elles, comment aurait-il pu inscrire quelque mention que ce soit.
[31] Personne de Chez Cuisine Crotone n’a témoigné sur qui était présent lorsque la marchandise a été livrée à M. Beatrice, ni quel document lui a alors été remis.
[32] Cuisine Crotone n’a donc pas établi par prépondérance de probabilités qu’elle a livré de la marchandise sans avoir été payée au préalable.
[33] Le Tribunal trouve très cohérente l’explication de M. Beatrice selon laquelle M. Michele ne voulait pas accepter un paiement par chèque pour la première livraison parce qu’il ne le connaissait pas. L’explication cadre bien avec le fait que sur chacune des factures de juin 2012 et mars 2013 apparaît la mention « C.O.D. » ( cash on delivery ). Le fait d’inscrire cette mention sur des factures émises plusieurs mois après la livraison de la marchandise n’est d’ailleurs pas sans signification ni conséquence.
[34] Cuisine Crotone n’a pas établi à quelle date et de quelle manière les factures du 27 juin 2012 et du 1 er mars 2013 ont été transmises à M. Beatrice. La preuve n’a pas non plus révélé qu’un état de compte a été transmis, ni que M. Beatrice a été mis en demeure de payer entre le 1 er mars 2013 et l’introduction de la procédure le 25 février 2014.
[35] La preuve présentée rend plus probable le fait que M. Beatrice a payé Cuisine Crotone pour la marchandise livrée que le contraire.
[36] La réclamation est donc rejetée.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL
[37] REJETTE la requête introductive d’instance amendée;
[38] LE TOUT avec dépens.
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__________________________________ MAGALI LEWIS, J.C.Q. |
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Me Francis Santoianni / Zambito, Paolino Santoianni Procureurs de la demanderesse |
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Me Pietro Iannuzzi / Mercadante Di Pace Procureurs du défendeur |
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Date d’audience : |
8 octobre 2014 |
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[1] P-3.
[2] P-4, p. 8.
[3] D-1.
[4]
Art.
[5]
F.H.
c.
McDougall
,
[6]
Jean-Claude
ROYER,