Léus-Jeanty c. 170827 Canada inc. (Meublitalia)

2015 QCCQ 58

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-143419-143

 

 

DATE :

Le 9 janvier 2015

 

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ALAIN BREAULT, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

LOUISE-ANNE LÉUS-JEANTY

-et-

JEAN-MARY LÉUS

[…] Montréal (Québec) […]

Demandeurs

c.

 

170827 CANADA INC.,

faisant affaires sous le nom de « Meublitalia »

9166, boulevard Viau,

Montréal (Québec)

H1R 2V8

 

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]            Les demandeurs Louise-Anne Léus-Jeanty et Jean-Mary Léus (« les demandeurs ») sont insatisfaits de la qualité du mobilier de chambre qui leur a été livré par la défenderesse 170827 Canada inc. (« Meublitalia ou la défenderesse »), cette dernière exploitant un commerce de vente de meubles sous le nom de « Meublitalia ».

[2]            Ils demandent l’annulation de la vente, le remboursement d’une partie (1 800 $) du prix qu’ils ont payé (3 900 $) et des dommages-intérêts pour être compensés des troubles, ennuis et inconvénients qu’ils allèguent avoir subis.

[3]            Meublitalia conteste la réclamation. En bref, elle soutient que les meubles livrés correspondent à ceux que les demandeurs avaient choisis et que ces derniers n’ont pas collaboré avec elle afin qu’elle puisse compléter ou parfaire ses prestations.

LE CONTEXTE

[4]            Le 9 décembre 2013, les demandeurs se rendent au commerce que la défenderesse exploite. Intéressés par du mobilier de chambre, ils décident finalement de procéder à une « mise de côté ». Le prix d’achat est fixé à 3 700 $.

[5]            Un acompte de 500 $ est payé ce jour même. En vue de compléter le paiement du prix d’achat, les demandeurs effectuent d’autres versements les 26 décembre 2013 (200 $), 16 janvier 2014 (400 $) et 18 mars 2014 (700 $). Finalement, ils acquittent le solde dû (1 900 $) le 27 mai 2014 par carte de crédit Visa.

[6]            Le 14 juin 2014, le mobilier de chambre est livré au domicile des demandeurs.

[7]            Ils constatent plusieurs défectuosités :

·         le miroir est cassé ;

·         le lit ne semble pas être neuf, certaines éraflures ou traces d’usure étant observées ;

·         le haut de l’armoire est différent de la section se trouvant en dessous, ils ne tiennent pas droit et la porte ne ferme pas ;

·         beaucoup de poussière recouvre certaines composantes du mobilier.

[8]            Les demandeurs manifestent aussitôt leur insatisfaction. Le principal dirigeant de Meublitalia tente de faire quelques réparations sur place, notamment au sujet de la porte, sans trop de succès cependant. Les demandeurs refusent de signer le bon de livraison et expriment qu’ils n’acceptent pas ces meubles.

[9]            Le ton monte entre les parties. Les demandeurs mentionnent avoir été victimes de cris et menaces. Les policiers sont finalement appelés sur les lieux.

[10]         Les demandeurs estiment que les meubles qui leur ont été livrés n’étaient pas neufs et qu’il s’agissait en réalité de ceux qui étaient exposés (ou en « démonstration ») au magasin de la défenderesse. D’ailleurs, le jour même où le mobilier de chambre a été livré, madame Léus-Jeanty, accompagnée d’un ou deux membres de sa famille, s’est rendue chez Meublitalia pour confronter le vendeur.

[11]         Les réponses obtenues ne la satisfont pas et le ton monte une fois de plus entre les parties.

[12]         Les demandeurs ne désirant plus traiter avec la défenderesse, ils entreprennent aussitôt certaines démarches en vue d’annuler leur achat et de récupérer la somme totale qu’ils lui ont versée.

[13]         Une plainte est d’abord faite auprès de l’Office de la protection du consommateur. Puis, le 4 juillet 2014, la demanderesse Léus-Jeanty envoie une lettre à Visa afin que la transaction du 27 mai 2014 soit annulée et que le montant de 1 900 $ leur soit remboursé («  charge back  »).

[14]         La première réponse obtenue de Visa ne favorise pas les demandeurs. Par contre, après que la demanderesse Léus-Jeanty lui eut fait parvenir son exemplaire du contrat de vente des meubles, exemplaire sur lequel n’apparaît aucune signature attestant que son conjoint ou elle avaient accepté la livraison du mobilier de chambre, Visa a acquiescé à la demande des demandeurs et ils ont reçu un crédit correspondant au montant du paiement effectué le 27 mai 2014.

[15]         Les demandeurs ne réclament donc plus le montant de 1 900 $. Ils demandent toujours l’annulation du contrat de vente, le remboursement des autres montants versés (1 800 $) et des dommages-intérêts pour leurs troubles, ennuis et inconvénients, surtout les périodes de stress qu’ils disent avoir vécus dans les circonstances.

[16]         Meublitalia soutient qu’elle s’est comportée correctement dans cette affaire. Les extraits suivants, tirés de sa contestation écrite, résument bien les explications qui ont été fournies séance tenante :

·          le 14 juin 2014 nous avons livrée le set de chambre (Modèle Sandra Queen Size) neuf dans les boites que la demanderesse a acheter

·          la cliente a indiquer qu'il y'avais un problème avec son miroir et nous avons aviser que nous allons envoyer un ébéniste pour réparer le miroir ou l'échanger si la réparation ne pouvais pas se faire. Ceci a été inscrit sur la facture la journée de la livraison et signée par la personne mandater a recevoir la marchandise pour la demanderesse (voir Annexe D1 )

·          le 16 juin 2014 l'ébéniste a contacter la demanderesse mais la demanderesse n'as pas accepter de prendre rendez vous avec lui. Nous avons appeler chez elle la même journée pour lui faire comprendre la procédure a suivre et de l'encourager de prendre rendez-vous avec notre ébéniste, a quel moment elle nous avise qu'elle a aussi un ajustement pour son armoire. Nous avons expliquer que la procédure est la même que celle-ci haut mentionner, et elle a encore refuser de prendre rendez vous avec notre ébéniste,

·          a ce moment la nous avons toute de suite envoyer une lettre recommander (voir Annexe D2 ) expliquant les procédure et encourageant de prendre rendez vous avec l'ébéniste en lui rassurant que si le miroir et l'armoire ne pouvais pas être réparer nous aurons demander au fournisseur d'échanger les morceaux

·          17 juin 2014 nous avons reçu un Formulaire de Mise en Demeure (voir Annexe D3 ) que nous avons répondu le 30 juin 2014 (voir Annexe D4 ) en lui disant que nous étions prêt a échanger le miroir et l'armoire pour contenter la demanderesse. Nous avons aussi très bien stipuler qu'elle doit nous appeler pour prendre un rendez vous avec nous dans les 10 jours pour qu'on puissent faire l'échange de ces morceaux. La demanderesse n'as jamais appeler ni pris de rendez vous avec nous pour ceci.

·          le 22 juillet 2014 nous avons reçu une Contestation de son paiement de Carte de Crédit (Chargeback Pre-Notification—-Dispute Resolution Departement) (voir Annexe D5) qu'elle avais initier avec eu pour débité notre compte, en voulant dire que nous aurons pas le paiement pour la marchandise qui est livrée chez la demanderesse depuis le 14 juin 2014.

·          nous avons du fournir toute la documentation nécessaire a cet entreprise pour qu'il nous accorde le montant que la demanderesse demandais en retour

·          L'entreprise en question a décliner la demande de la demanderesse est nous a accorder notre paiement.

·          Nous sommes toujours prêt a livrée les deux morceaux tel qu'indiquer depuis le 30 juin 2014

(sic)

[17]         Séance tenante, le représentant de la défenderesse a fait savoir ou laisser entendre que Meublitalia était prête à rembourser les demandeurs pour clore cette affaire une fois pour toutes.

 

ANALYSE ET MOTIFS

[ 18 ]         La vente des meubles par la défenderesse aux demandeurs est assujettie à la Loi sur la protection du consommateur et au Code civil du Québec (C.c.Q.).

[19]         L’article 1590 C.c.Q. énonce ce qui suit :

1590.  L'obligation confère au créancier le droit d'exiger qu'elle soit exécutée entièrement, correctement et sans retard.

Lorsque le débiteur, sans justification, n'exécute pas son obligation et qu'il est en demeure, le créancier peut, sans préjudice de son droit à l'exécution par équivalent de tout ou partie de l'obligation:

 1° Forcer l'exécution en nature de l'obligation;

 2° Obtenir, si l'obligation est contractuelle, la résolution ou la résiliation du contrat ou la réduction de sa propre obligation corrélative;

 3° Prendre tout autre moyen que la loi prévoit pour la mise en oeuvre de son droit à l'exécution de l'obligation.

[20]         La preuve offerte par les demandeurs est convaincante. Les nombreuses photos produites démontrent clairement que les biens meubles qui leur ont été livrés comportaient de nombreuses défectuosités.

[21]         Les défectuosités n’étaient pas mineures, elles étaient substantielles et concernaient plusieurs des composantes du mobilier de chambre. Elles étaient à ce point importantes qu’elles rendaient les biens livrés non conformes aux attentes des demandeurs.

[22]         En l’espèce, il n’est pas nécessaire de décider si les biens meubles livrés étaient ou non, en tout ou en partie, ceux qui avaient été placés en exposition au commerce de la défenderesse, ni de se prononcer sur ce qui s’est réellement passé pour que Visa change son fusil d’épaule et accepte finalement de créditer les demandeurs.

[23]         Eu égard aux règles applicables en droit civil et en droit de la consommation, il est suffisant de conclure que les demandeurs, en raison des défectuosités substantielles qui affectaient les meubles au moment de leur livraison, n’étaient pas obligés de poursuivre leur relation contractuelle avec la défenderesse.

[24]         Les demandeurs ont donc droit au remboursement des autres montants versés à la défenderesse, soit 1 800 $. Pour leurs troubles, ennuis et inconvénients, dont les périodes de stress mentionnées, le Tribunal leur accorde 500 $. Au final, leur créance est établie à la somme de 2 300 $.

[25]         Ceci étant dit, la défenderesse a le droit dans les circonstances décrites de reprendre le mobilier de chambre. Elle ne peut toutefois pas recevoir une compensation en raison du fait que les meubles sont en possession des demandeurs depuis le 14 juin 2014.

[26]         En effet, la prépondérance de la preuve révèle que les meubles livrés n'ont pas été utilisés par les demandeurs et, de toute façon, devant une situation où de nombreuses lacunes en affectaient la qualité, il appartenait à la défenderesse de les reprendre plus rapidement.

[27]         Les demandeurs devront donc permettre à Meublitalia de reprendre les biens mobiliers. Cette dernière devra cependant leur donner un préavis d’au moins une semaine avant la date où elle reprendra possession du mobilier de chambre.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la réclamation des demandeurs ;

ANNULE le contrat intervenu le 9 décembre 2013 au sujet de l’achat d’un mobilier de chambre pour le prix de 3 700 $ ;

CONDAMNE la défenderesse à payer aux demandeurs la somme de 2 300 $, avec les intérêts au taux de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter de la demeure, le 17 juin 2014, y compris les frais judiciaires de 137 $ en leur faveur ;

AUTORISE la défenderesse à reprendre possession des biens meubles décrits sur  la facture datée du 9 décembre 2013 et qui ont été livrés aux demandeurs, sous réserve qu’elle donne un préavis d’au moins une semaine avant qu’elle se rende à leur domicile à cette fin seulement ;

ACCORDE  au témoin Ludner Jeanty l’indemnité prévue par la loi pour le témoignage qu’il a rendu en l’instance.

 

 

 

__________________________________

ALAIN BREAULT, J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

Le 6 janvier 2015