Section des affaires sociales
En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière
Référence neutre : 2014 QCTAQ 12921
Dossier : SAS-Q-201967-1406
DIANE BOUCHARD
c.
SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] Le requérant conteste une décision rendue le 22 avril 2014 par la Société de l’assurance automobile du Québec « SAAQ » qui maintient la suspension de son permis à partir du 13 avril 2014 vu le rapport d’évaluation non favorable de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec « ACRDQ ». S’il désire avoir le droit de conduire de nouveau, il devra suivre le processus d’évaluation jusqu’à ce qu’un rapport favorable à la conduite sécuritaire d’un véhicule routier soit transmis.
[2] Conformément à la demande de la SAAQ, le requérant se soumet à une évaluation du risque selon l’article 109 du Code de la sécurité routière [1] « CSR » le 7 avril 2014, vu les motifs raisonnables de vérifier son état de santé ou son comportement de conducteur. Cette évaluation est faite dans le cadre du Programme d’évaluation et de réduction du risque de conduite avec les facultés affaiblies relativement à la consommation d’alcool ou de drogue et la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.
[3] Le requérant est intercepté en janvier 2014 pour conduite avec facultés affaiblies. Son permis est suspendu du 13 janvier au 13 avril 2014. Le taux d’alcoolémie relevé alors est de 107 mg d’alcool/100 ml de sang. Son dossier indique deux arrestations antérieures pour conduite avec facultés affaiblies, donnant lieu à la suspension de son permis de conduire du 25 octobre 1994 au 25 janvier 1995 alors qu’il est reconnu coupable de conduite ou garde d’un véhicule avec un taux d’alcoolémie supérieur à 80 mg d’alcool/100 ml de sang. Il est aussi reconnu coupable sous un chef similaire en janvier 2007 et son permis de conduire est suspendu du 12 mai 2008 au 12 mai 2009.
[4] Le requérant fait l’objet d’une recommandation non favorable et il doit se soumettre à une évaluation complète afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ou de drogue ne sont plus incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier. Le cumul de facteurs de risques identifiés chez le requérant dépasse le seuil à partir duquel un risque significatif de récidive caractérise la situation du conducteur, en conformité avec le protocole d’évaluation établi.
[5] Selon les questionnaires auto-administrés, le requérant démontre un risque de récidive relié à ses attitudes, intentions, comportements et cognitions. Pour ce qui est de la consommation d’alcool, le requérant rapporte un épisode de consommation à risque (4 consommations) au cours des 35 derniers jours et il a l’habitude de consommer dans des contextes pouvant nécessiter un déplacement. On note également les antécédents de conduite. L’analyse des résultats de l’évaluation démontre un risque de récidive.
[6] En préparation de l’audience, le requérant a obtenu copies des documents se rapportant à l’évaluation du risque effectuée auprès de l’ACRDQ, sous réserve de respecter l’ordonnance de confidentialité rendue par le Tribunal le 2 juillet 2014 en vertu de l’article 131 de la Loi sur la justice administrative [2] .
[7] En ouverture d’audience, les parties admettent que seul le facteur D demeure en litige soit les habitudes de consommation d’alcool; le facteur H relatif aux infractions au Code de la sécurité routière et le facteur I concernant les risques liés aux attitudes, intentions, comportements, cognitions sont bien fondés. Quant au facteur J ayant trait aux habitudes de conduite, il n’est plus considéré.
Preuve et arguments du requérant
[8] Le requérant témoigne. Il lui a été difficile de se souvenir des dates exactes de consommation dans l’établissement du calendrier. Il a répondu à l’aveuglette, presque à la légère. Lorsqu’il a donné son opinion sur le programme d’évaluation, il a indiqué que le questionnaire était ambigu et qu’il était très difficile de se rappeler d’il y a un mois, de la journée exacte. Les questions n’étaient pas à développement pour permettre de nuancer la réponse.
[9] Dans les faits, il a plutôt consommé entre deux à quatre consommations durant la fin de semaine réparties sur deux jours, soit deux consommations le vendredi et deux autres le samedi. Il doit répartir ainsi sa consommation d’alcool et être discipliné puisqu’il prend des médicaments. Il a acquis cette discipline personnelle depuis janvier 2014.
[10] Le contre-interrogatoire révèle qu’il n’a pas mentionné prendre des médicaments alors qu’il y avait une question spécifique à ce sujet, sachant que le mélange avec l’alcool crée de la somnolence. Aussi, son témoignage ne correspond pas au calendrier de consommation qui indique, entre autres, quatre consommations la seule journée du 22 mars 2014. Il a signé le calendrier puisqu’il s’agissait de la fin de semaine sans avoir indiqué des dates précises, alors que c’est ce qui était demandé.
[11] La procureure soutient que le Tribunal peut intervenir en l’instance en faveur du requérant puisqu’il avait une mauvaise compréhension des questions. La preuve démontre que depuis janvier 2014, le requérant consomme entre deux et quatre consommations d’alcool par fin de semaine, réparties sur deux jours.
[12] Il faut accorder de la crédibilité au requérant, qui n’a pas bien lu avant d’apposer sa signature, n’a pas expliqué à l’évaluatrice qu’il ne s’agissait pas de consommations durant la même journée et qui n’a pas vu l’importance de répondre aux questions avec exactitude à ce moment. Il s’agit d’une question d’interprétation des réponses données par le requérant.
Preuve et arguments de la SAAQ
[13] Dans son témoignage, l’évaluatrice réfère au calendrier de consommation d’alcool signé par le requérant qui indique que celui-ci a consommé la dernière fois le 29 mars 2014, à raison de 3 bières. Depuis les 35 derniers jours, on y voit que le requérant aurait consommé de l’alcool à 4 reprises, les fins de semaine, entre 2 et 4 bières par occasion. Il a rapporté un épisode de consommation à risque (4 consommations) au cours des 35 derniers jours. Chaque épisode se situe dans la même journée. Elle explique sommairement le déroulement de la séance d’évaluation.
[14] La procureure plaide qu’il s’agit d’une matière relative à la sécurité publique et que rien ne permet au Tribunal de mettre de côté les réponses spontanées et contemporaines données par le requérant lors de son évaluation du 7 avril 2014. Il y a adhéré et a apposé sa signature. À ce moment, le requérant pouvait poser à l’évaluatrice toutes les questions qu’il jugeait appropriées et il pouvait apporter tous les changements désirés. Elle s’est assuré de l’exactitude des réponses données par le requérant et lui a demandé d’apposer sa signature, ce à quoi il a consenti.
[15] S’il y avait eu confusion de la part du requérant à ce moment, il ne l’a pas mentionné à l’évaluatrice. Aujourd’hui, le requérant voit son intérêt à donner une autre version quant à ses consommations. Le témoignage du requérant n’est pas crédible quant à l’étalement de ses consommations sur deux jours, puisque le calendrier de consommation indique à chaque fois la fin de semaine et à un seul moment.
[16] Le requérant a fait défaut de démontrer que l’évaluation n’a pas été correctement appliquée. On rappelle que le Tribunal n'a pas compétence pour retirer des éléments de l'évaluation [3] , en l’espèce au calendrier de consommation, et que les déclarations spontanées lors du test doivent primer les versions données à l’audience [4] .
[17] En conséquence, il doit se soumettre à l’évaluation complète.
Analyse
[18] Le témoignage de l’évaluatrice ainsi que ses notes évolutives démontrent que le requérant a signé le consentement à l’évaluation, de même que l’autorisation de communication des renseignements. Alors qu’elle complétait l’entrevue initiale, le requérant remplissait les questionnaires sur support papier. Il a initialisé tous les documents. Il a bien collaboré et il a communiqué l’information nécessaire à son évaluation. Il a démontré bien comprendre les questions posées et y a répondu adéquatement.
[19] On doit accorder crédibilité et fiabilité aux déclarations spontanées contemporaines à l’évaluation; comme dans une autre affaire [5] , le requérant ne convainc pas le Tribunal qu’il a mal compris les questions et qu’il n’a pas été en mesure d’y répondre adéquatement.
[20] L’évaluatrice était présente et il pouvait lui poser toutes les questions qu’il jugeait utiles afin d’assurer sa bonne compréhension. Je ne saurais mieux dire que ma collègue Christine Côté « En fait, le regard du requérant sur certaines questions n’est simplement plus le même alors qu’il connait les conséquences de ses réponses. D’où la couleur de son témoignage à l’audience » [6] .
[21] Aussi, le requérant n’a pas indiqué au questionnaire qu’il prenait des médicaments; pourtant, il en fait mention lors de son témoignage puisque cela lui sert à tenter de rendre plus crédible la répartition de ses consommations d’alcool.
[22] Le requérant a fait défaut de démontrer que l’évaluation n’a pas été correctement appliquée. Le Tribunal n'a pas compétence pour retirer des éléments de l'évaluation [7] .
[23] Enfin, le Tribunal rappelle que l’ordonnance rendue le 2 juillet 2014 doit être respectée en ces termes et conditions quant à la confidentialité des documents relatifs à l’évaluation du risque.
PAR CES MOTIFS, le Tribunal :
REJETTE le recours.
Lacoursière, Lebrun, Vézina
Me Pénélope L. Provencher
Procureure de la partie requérante
Me Jessica Perron
Procureure de la partie intimée