Fortin c. Tremblay |
2014 QCCQ 13073 |
|||||
COUR DU QUÉBEC |
||||||
|
||||||
CANADA |
||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||
DISTRICT DE |
CHICOUTIMI |
|||||
LOCALITÉ DE |
CHICOUTIMI |
|||||
« Chambre civile » |
||||||
N° : |
150-22-009058-121 |
|||||
|
||||||
DATE : |
28 novembre 2014
|
|||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE MADAME LA JUGE |
MICHELINE PARADIS, C.Q. |
|||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
|
||||||
CLAUDINE FORTIN , |
||||||
Demanderesse - défenderesse reconventionnelle |
||||||
c. |
||||||
PASCAL TREMBLAY , |
||||||
Défendeur - demandeur reconventionnel |
||||||
|
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
JUGEMENT SUR ACTION EN ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ ET EN PARTAGE DE L'INDIVISION (Art. 110 et 809 ss. C.p.c et 1493 C.c.Q.) ET DEMANDE RECONVENTIONNELLE |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
[1] Dans ce dossier, il s'agit d'une action et demande reconventionnelle entre ex-conjoints de fait, comportant notamment une réclamation pour enrichissement sans cause et une demande de partage de l'indivision d'un immeuble qu'ils possèdent en commun.
[2] Les parties ont fait vie commune de novembre 2005 à février 2012. Ils ont eu un enfant ensemble (6 ans).
[3] Le 1 er juin 2006 , les parties ont acquis la résidence familiale, propriété du père de Claudine Fortin, au prix de 142 500 $ (pièce P-1). L'hypothèque immobilière était garantie par un contrat de crédit rotatif souscrit auprès de la Caisse populaire Desjardins d'Arvida-Kénogami au montant de 120 000 $ (pièce P-3).
[4] Outre l'acte de vente, les parties ont signé une clause spéciale de droit de préférence en faveur de la demanderesse contenue dans un autre acte notarié de la même date. Ladite clause était ainsi formulée :
« Les parties conviennent d'accorder à Madame Claudine Fortin, une préférence d'achat sur ladite propriété au cas où les parties ne pourraient plus faire vie commune et/ou devraient s'en départir. Dans ce cas, Madame Claudine Fortin pourra s'en porter acquéreur en remboursement à Monsieur Pascal Tremblay, la somme investie par ce dernier dans la propriété.
En cas de vente de la propriété à des tiers, Madame Claudine Fortin aura droit au remboursement d'une somme de cinquante mille dollars ($50,000.00) avant tout partage entre eux de l'équité. » (pièce P-7)
[5] De plus, pour réussir à financer l'achat de l'immeuble, les parties ont eu recours à un prêt de 50 000 $ garanti par une seconde hypothèque, lequel prêt a été fait par la mère de la demanderesse, Gaétane Landry, souscrit à même un contrat de crédit variable daté du 19 mai 2006 .
[6] Ce prêt devait être remboursé par le loyer mensuel que madame Landry devait payer pour occuper une partie de l'immeuble résidentiel. Le solde dû sur ce prêt était de 39 546,17 $ en date du 1 er mars 2012, lors de la séparation des parties. Ce prêt comportait un intérêt de 6.75% qui était celui assumé par Gaétane Landry sur le contrat de crédit variable.
[7] En résumé, dans un premier temps en juin 2006 , achat de la maison et prêt de la mère de la demanderesse permettant de concrétiser ledit achat. Il y avait également une clause de préférence en faveur de la demanderesse.
[8] Le 18 novembre 2009 , les parties, sur le conseil d'un agent de financement d' Investors , procèdent à un nouvel acte hypothécaire fait cette fois-ci par La Compagnie de Fiducie du Groupe Investors Ltée , au coût total de 179 754,45 $.
[9] Ce prêt, garanti par une première hypothèque, sert à rembourser la première hypothèque détenue par la Caisse populaire d'Arvida , à payer les dettes personnelles des deux parties et à permettre l'acquisition d'un REER par chacune des parties. Le détail de la transaction est produit aux présentes en ANNEXE I (pièce P-8).
[10] Ce prêt ne rembourse cependant pas l'hypothèque de second rang détenu par Gaétane Landry.
[11] Les parties sont toujours copropriétaires de l'immeuble de Shipshaw.
[12] Le défendeur a cessé d'effectuer les paiements sur cet immeuble, c'est-à-dire faire ses paiements sur le second prêt à l'été 2012 (juillet).
[13] Depuis ce temps, la demanderesse assume seule lesdits paiements sur l'immeuble, ce qui comporte le paiement de la partie des dettes et du REER du défendeur Pascal Tremblay.
[14] Elle a l'usage exclusif de l'immeuble en question qu'elle n'habite d'ailleurs plus.
[15] La demanderesse demande :
Ø un montant pour enrichissement injustifié (29 671,22 $) ;
Ø une compensation pour stress, perte de temps, trouble et inconvénients divers (10 000 $) ;
[16] Elle réclame de plus, en se basant sur la clause de préférence souscrite le 1 er juin 2006, qu'il lui cède sa partie indivise de l'immeuble.
[17] Le défendeur , dans sa demande reconventionnelle , invoque son droit à la moitié de la valeur marchande de l'immeuble.
[18] Il invoque l'enrichissement sans cause de la demanderesse, s'il advenait qu'il y ait vente de l'immeuble, enrichissement sans cause possible qui serait de l'ordre de 55 000 $.
[19] Il évalue l'équité de la maison à 55 750 $.
[20] Le Tribunal fera un retour sur chacun des éléments du dossier en regard de la preuve faite et des témoignages entendus.
[21] La notaire Raymonde Gaudreault a reçu le mandat de préparer l'acte de vente de la maison. Claudine Fortin et Pascal Tremblay achetaient la propriété du père de Claudine, Claude Fortin.
[22] En 2006 , elle a préparé les actes requis (contrat première hypothèque, deuxième hypothèque, convention avec la mère Gaétane Landry et convention de préférence d'achat).
[23] Elle avait reçu le mandat de monsieur Claude Fortin (père) et de Claudine Fortin.
[24] Pascal Tremblay est venu signer les documents chez la notaire.
[25] Les actes originaux (première et seconde hypothèque, clause de préférence) souscrits par les parties n'ont pas fait l'objet d'une inscription de faux; leur caractère d'authenticité n'est donc pas contesté.
[26] Gaétane Tremblay est la mère de Claudine Fortin. Elle a accepté de prêter 50 000 $ à sa fille et à son conjoint Pascal Tremblay, considérant le fait que c'était sa fille, la proximité et l'accès facile à ses petits-enfants. Les parties n'auraient pas été capables d'acquérir la résidence sans cette aide.
[27] Le taux de 6.75% était celui qu'elle payait à la Caisse populaire.
[28] Il était convenu entre les parties et elle-même qu'elle occuperait un loyer dans la résidence et que la somme de 400 $/mois, qu'elle devait payer de loyer, serait crédité sur son prêt sur lequel elle faisait effectivement les paiements mensuels (pièce P-6). Elle détenait une seconde hypothèque sur l'immeuble.
[29] Elle ajoute avoir rendu des services aux parties (gardiennage, repas, lavages) et avoir contribué entre autres à certains travaux (peinture, matériaux de la galerie, déneigement).
[30] Le 1 er mars 2012, il lui restait un solde à recevoir de 39 546,17 $ (pièce P-6, ligne 70).
[31] En 2009 , lorsque les parties lui ont fait part du second prêt qu'elles entendaient contracter, elle dit qu'elle n'a pas vraiment posé de questions, que cela ne la dérangeait pas. Elle n'a pas non plus requis le remboursement de son prêt.
[32] Lors de la séparation en 2012 , qu'elle qualifie d'horrible, sa fille Claudine a vécu deux années très difficiles et a eu besoin de l'aide de ses parents.
[33] Claudine n'habite plus la maison dont sa partie est occupé par le fils de Claudine (19 ans).
[34] Claude Fortin , le père de Claudine, leur a vendu la maison à 142 500 $ (évaluation municipale en mai 2006). C'est lui qui a exigé la clause de préférence. Il n'a pas été avisé de l'hypothèque augmentée en 2009.
[35] Après la rupture, il a dû aider sa fille qui a une autre maison à St-Honoré et qui est parfois à la résidence achetée les fins de semaine.
[36] Claudine Fortin (39 ans) est la demanderesse.
[37] Elle situe le début de sa relation avec Pascal Tremblay au mois de novembre 2005 . Ils travaillaient tous les deux pour la compagnie de son père. Ils ont rapidement fait vie commune. Il est venu habiter chez elle mais il n'y avait pas d'entente au niveau financier. Claudine Fortin avait deux enfants.
[38] Sa mère occupait un logement dans la résidence familiale. Son père ne désirait pas vendre l'immeuble mais ils l'ont convaincu de le faire. La clause de préférence de 50 000 $ était là pour lui permettre de garder la maison. Par ailleurs, au cas de séparation, Pascal Tremblay pourrait récupérer ce qu'il aurait mis.
[39] Le prix de vente fut fixé à 142 500 $ mais elle prétend que la valeur marchande était de 160 000 $; il n'y a pas eu d'évaluation de faite.
[40] La différence sur l'emprunt initial (12 278 $) a permis de bâtir un escalier entre le rez-de-chaussée et le sous-sol.
[41] Leur fils Jonathan est né en juillet 2007. Les parties partageaient les dépenses (hypothèque) de 2006 à 2009 moitié-moitié. Pascal Tremblay payait l'électricité, la télévision et le câble, alors que Claudine Fortin assumait la nourriture.
[42] Le salaire de Pascal Tremblay était supérieur au sien.
[43] La demanderesse témoigne qu'il n'y eut pas de problème de paiement avant la séparation des parties qui est intervenue le 28 février 2012 .
[44] Depuis le mois de juillet 2012, elle assume tous les frais sur les montants dus à la compagnie de fiducie du Groupe Investors inc. Pascal Tremblay ayant arrêté les paiements en juin 2012 .
[45] Elle a arrêté de travailler un certain temps à compter de février 2012 et a dû recevoir l'aide de ses parents car elle a trois enfants à charge.
[46] Quant aux travaux faits sur la résidence, elle parle de l'escalier en 2006 (12 000 $) et d'une chambre d'enfant. À l'extérieur, des travaux de peinture et de réparation d'un escalier. Il s'agissait de travaux d'entretien de la maison qui n'ont pas donné de plus value à celle-ci. Toutes les réparations et travaux furent faits à deux.
[47] Claudine Fortin invoque que la maison aurait dû lui être cédée en date de la séparation. Pascal Tremblay s'est donc enrichi de façon injustifiée.
[48] Elle soutient de plus qu'il a droit uniquement à ce qu'il a mis sur le prêt hypothécaire et ce qu'il aurait mis sur la maison.
[49] Elle désire qu'il lui cède la maison, ce qu'elle lui a demandé à plusieurs reprises mais il s'est avéré impossible de négocier.
2- Le témoignage de la défense
[50] Pascal Tremblay , le défendeur, est électromécanicien. Il a 34 ans.
[51] Il confirme les ententes prises pour acheter la résidence du père de sa conjointe Claudine Fortin en 2006.
[52] Sauf que la Caisse populaire limitait le financement possible à 120 000 $. La vente à 142 500 $ n'était pas un prix de faveur mais était correcte. Il ajoute que le solage était à refaire.
[53] La mère de Claudine a prêté 50 000 $. Il dit ne pas avoir su avant l'audition qu'il y avait un taux variable sur le prêt. Il confirme que les paiements se faisaient en lui fournissant le loyer (un 5½ avec vue sur le Saguenay qui valait entre 650 $ et 700 $ par mois).
[54] Il témoigne que c'est sa conjointe qui a rencontré la notaire pour faire préparer les actes requis.
[55] Sur les sommes empruntées, il y avait effectivement un 12 278,66 $ pour des rénovations (l'escalier).
[56] Il ajoute que lors de la séparation le 28 février 2012 , on ne lui a pas offert de se porter acquéreur de l'immeuble.
[57] Pascal Tremblay fait état de travaux de rénovation qu'il a exécutés sur la maison :
Ø il a fait, avec de l'aide, l'accès au sous-sol pour le logement en bas;
Ø les chambres furent rénovées;
Ø le salon en bas fut divisé et une chambre ajoutée;
Ø les armoires furent refaites, céramique, pastrage, installation d'un poêle à bois, cheminée refaite par un contracteur;
Ø la porte extérieure fut changée et un garde en bois fut installé;
Ø des marches en bois franc furent installées;
Ø il y a eu rénovation de la salle de lavage.
[58] En 2007, bébé Jonathan arrive et sa chambre est faite.
[59] La galerie avant fut décapée et les marches furent refaites en bois teinté.
[60] En 2010, la salle de bain au rez-de-chaussée fut refaite au complet.
[61] En 2011, ce sont les marches pour monter au second étage qui furent refaites et les portes du garage furent changées.
[62] La piscine fut enlevée pour faire un coin balançoire.
[63] À tous les ans le quai fut entretenu. Durant une semaine de vacances, il a sablé et teint l'extérieur de la maison.
[64] Il parle également de l'entretien général de la maison.
[65] Il faisait les travaux et, généralement, payait les matériaux.
[66] Pascal Tremblay n'a pu récupérer les preuves puisque les classeurs furent vidés.
[67] Suite à la séparation et bien qu'il ait perdu son emploi, il a continué à payer jusqu'en juillet 2012 (99,80 $ x 4.3, soit 432,13 $ par mois).
[68] En terminant, il dit vouloir la moitié de l'équité de la maison. Il n'a jamais voulu ruiner Claudine Fortin, il veut la tranquillité.
[69] En contre-interrogatoire, il est fait état du peu de biens qu'il possédait en novembre 2005 , lors du début de la vie commune (il avait alors 25 ans).
[70] Sa conjointe avait le soutien de ses parents et elle voulait acheter la maison. La mère de Claudine Fortin était nourrie mais elle s'occupait des enfants.
[71] Il a pris connaissance des documents chez la notaire.
[72] En 2009, ils ont ré-hypothéqué suivant les modalités déjà exposées. Il qualifie cette opération de « bon plan d'affaires ».
[73] Claudine Fortin n'a jamais proposé d'acquérir la propriété.
[74] Il convient qu'il était conscient que la maison était le domicile des Landry/Fortin.
L'ÉVALUATION DES BIENS
1- Valeur de la résidence
[75] L'achat de la résidence du père de la demanderesse s'est fait à 142 500 $, qui était le prix fixé dans l'évaluation municipale de 2006.
[76] Il n'y a pas eu alors évaluation de la valeur marchande de l'immeuble mais la Caisse populaire considérait une somme de 160 000 $.
[77] Le 1 er janvier 2013 , la valeur de l'évaluation municipale de l'immeuble est à 242 500 $.
[78] Le défendeur a fait évaluer l'immeuble. Le rapport du 15 avril 2013 donne une valeur marchande de 254 000 $.
2- Situation financière en 2009
[79] Lors de la transaction du 18 novembre 2009 , les parties ont procédé à l'entente avec Investors .
[80] Le Tribunal se servira de l'évaluation des biens telle qu'établie alors (P-8 - ANNEXE I).
[81] Le prix total alors utilisé s'élevait à 179 754,45 $, ce qui comprenait le solde hypothécaire de 114 601,98 $ dû à la Caisse populaire d'Arvida-Kénogami.
[82] En résumé, le prêt de 179 754 $ était réparti de la façon suivante :
Solde hypothécaire à être assumé par les deux parties : 114 601,59 $
64 %
CLAUDINE FORTIN :
Marge de crédit : 5 019,21 $
(cette marge lui était personnelle -
interrogatoire avant défense du 11/12/2012, p. 49)
Financement Accord D : 10 266,39 $
(ce prêt était à Claudine Fortin -
interrogatoire avant défense du 11/12/2012, p. 60-61)
Carte VISA : 4 502,10 $
REER : 9 733,16 $
TOTAL : 29 520,86 $
soit 16.5 %
PASCAL TREMBLAY :
Solde sur son prêt étudiant : 4 837,80 $
Solde sur l'achat d'une motoneige : 6 292,92 $
Solde dû sur VTT : 5 637,15 $
(il en a gardé seul la possession depuis la séparation)
Carte VISA Desjardins : 1 221,51 $
REER : 16 717,57 $
TOTAL : 34 706.95
soit 19.5 %
[83] Dans ce calcul, il n'est pas question de la pension alimentaire que Pascal Tremblay paie pour son fils ni du solde dû à la mère de Claudine Fortin, qui se paie à même un crédit sur le loyer (400 $/mois).
LE PARTAGE DE L'IMMEUBLE
[84]
L'article
[85] Les tribunaux, Cour d'appel et Cour supérieure, ont confirmé que la règle vaut en matière familiale, qu'il s'agisse d'époux ou de conjoints de fait, comme à l'égard de tout autre propriétaire indivis. [1]
[86]
Cette présomption de l'article
[87] Dans le présent dossier, il y a une preuve expresse faite par acte authentique qui n'a pas fait l'objet d'une inscription de faux et qui a été souscrite par les deux parties que leur intention était de ne pas être propriétaires en parts égales de l'immeuble dans deux situations bien définies :
1) la fin de la vie commune et/ou l'obligation de se départir de l'immeuble;
2) la vente de la propriété à des tiers (pièce P-7) :
[88] Dans les procédures entreprises, la volonté de la partie demanderesse Claudine Fortin n'est pas clairement exprimée, c'est le moins qu'on puisse dire.
[89] Alors que d'une part elle réclame que le Tribunal :
« ORDONNE le partage en nature de l'immeuble sis au […] à Shipshaw, dont les parties sont actuellement co-propriétaires indivis et, si besoin est , NOMME un praticien afin de procéder au partage en nature de l'immeuble »
[90] D'autre part, elle requiert « d'être déclarée seule et unique propriétaire de l'immeuble sis au […], à Shipshaw ».
[91] Le Tribunal a compris de l'audition que Claudine Fortin souhaite acquérir la maison.
[92] Dans les circonstances, la clause prévue spécifiquement dans la convention des parties doit s'appliquer :
« Les parties conviennent d'accorder à Madame Claudine Fortin, une préférence d'achat sur ladite propriété au cas où les parties ne pourraient plus faire vie commune et/ou devraient s'en départir. Dans ce cas, Madame Claudine Fortin pourra s'en porter acquéreur en remboursement à Monsieur Pascal Tremblay, la somme investie par ce dernier dans la propriété. »
[93] Le Tribunal doit respecter la volonté des parties car le contrat fait la loi des parties :
Art.
[94] Ce respect de la clause souscrite enlève au défendeur le droit de réclamer la plus-value de plus de 100 000 $ que l'immeuble a acquise durant 6 ans. D'ailleurs, cette plus-value fut en grande partie acquise par l'augmentation de la valeur marchande de l'immeuble.
[95] Le Tribunal en viendrait à une conclusion différente si la propriété était vendue à un ou des tiers et, dans les circonstances, les parents de la demanderesse ou, le cas échéant, son nouveau conjoint doivent être considérés comme des tiers. La valeur marchande de l'immeuble, comprenant la plus-value acquise par celui-ci, devrait alors être considérée puisque le deuxième alinéa de la clause de préférence devrait alors s'appliquer.
LES INVESTISSEMENTS DE PASCAL TREMBLAY
[96] Claudine Fortin pourra en conséquence se porter acquéreur de la résidence en remboursant à Pascal Tremblay la somme investie par ce dernier dans la propriété.
[97] Cette formulation n'est pas très heureuse puisque la somme investie devrait plutôt se lire : « les sommes investies », car celles-ci sont de plusieurs natures.
[98] D'abord, il y a le capital sur les hypothèques de la résidence. Le paiement des intérêts ne constitue pas un investissement comme tel.
[99] La preuve révèle que la vente originelle du 1 er juin 2006 est à 142 500 $ et est garantie par :
Ø un prêt de 50 000 $ de Gaétane Landry, la mère de la demanderesse ;
Ø le contrat de crédit rotatif de la Caisse populaire de 120 000 $;
[100] Lors du refinancement en 2009, la somme due était de 106 875 $. C'est dire que les deux parties avaient payé sur le capital 13 125 $.
[101] Si l'attribution se fait 50/50, c'est un premier montant de 6 562,50 $ que le défendeur a le droit de revendiquer.
[102] Sur le montant dû à Gaétane Landry suite à la séparation des parties, il y avait une diminution du solde dû qui était passé de 50 000 $ à 39 546,17 $ (pièce P-6), ce qui laisse une somme payée de 10 453,83 $. La moitié de cette somme doit être allouée au défendeur, soit 5 226,92 $.
[103] Par ailleurs, le défendeur a droit au partage du capital sur le prêt d' Investors souscrit en 2009, soit 4 434,19 $ / 2 = 2 217,10 $ au 30 décembre 2011. Ce montant est à parfaire au dernier paiement du défendeur à la fin juin 2012, soit 1 244,69 $ (2 489,38 $ ¸ 2), pour un total de 3 461,79 $.
[104] De plus, quand il est question de sommes investies par le défendeur et sans que l'on puisse tenir compte de la plus-value de l'immeuble, il y a les impenses qu'il faut considérer :
Art.
Inversement, l'indivisaire répond des pertes qui diminuent, par son fait, la valeur du bien indivis.
[105] Les impenses , selon le Petit Robert , ce sont les dépenses faites par un possesseur pour la conservation ou l'amélioration d'un immeuble dont il a la possession. À titre d'exemples, les réparations, l'entretien, les assurances, etc.
[106] Il est regrettable que les documents (factures, etc.) de dépenses faites par le défendeur pour réparer et entretenir l'immeuble n'aient pu être récupérés par ce dernier à son départ. Le Tribunal doit donc s'en tenir, à défaut de preuve plus probante, au témoignage de ce dernier.
[107] Le défendeur a fait plusieurs travaux qu'il a exécutés lui-même; la main-d'œuvre n'a pas à être évaluée mais les paiements de matériaux doivent l'être.
[108] Le fait qu'il soit sans facture donne au Tribunal le soin d'arbitrer le montant qui doit lui être accordé. Une somme de 20 000 $ lui sera accordée en remboursement des impenses qui constituent une somme investie dans l'immeuble, ce qui tient compte du 12 278,66 $ ( ¸ 2) d'origine.
[109] Le Tribunal considère le fait que la demanderesse et sa mère ont également payé certains matériaux.
[110] En résumé, la somme investie par le défendeur dans la propriété est la suivante :
Ø sur le prêt hypothécaire de 2006 : 6 562,50 $
Ø sur le prêt de Gaétane Landry : 5 226,92 $
Ø sur le prêt hypothécaire de 2009 : 3 461,79 $
Ø sur les impenses : 20 000,00 $
TOTAL : 35 251,21 $
[111] De ce montant doit être soustrait la somme qu'il doit payer pour les avantages personnels qu'il a retirés du prêt de Investors , soit 19.5% du solde dû en juillet 2012, soit 33 693,91 $.
[112] Ce qui laisse un solde créditeur en faveur du défendeur de 3 369,39 $.
L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE
[113] La demanderesse prétend avoir payé et devoir payer dans le futur une somme de 29 671,27 $ pour avoir enrichi le défendeur, et cela, à titre d'enrichissement sans cause.
[114] Pour avoir droit à une telle indemnité, la demanderesse devait prouver qu'elle répondait aux critères justifiant une telle demande.
[115] Les Tribunaux ont depuis longtemps établi les critères dont un Tribunal doit tenir compte pour accorder un tel recours :
1- Un appauvrissement
[116] L'appauvrissement de la partie demanderesse Claudine Fortin n'a pas été démontré. En effet, bien qu'elle ait assumé seule les paiements dus sur l'immeuble à compter de juillet 2012, la preuve révèle que le défendeur, qui travaillait pour le père de Claudine Fortin, avait été licencié et qu'il n'était donc plus en mesure d'effectuer lesdits paiements.
[117] La demanderesse a eu recours à l'aide de ses parents et a pu conserver l'immeuble. Elle ne s'est aucunement appauvrie puisqu'elle sera seule propriétaire de l'immeuble en question qui, par le jeu de l'augmentation de la valeur des immeubles, ajoute une valeur supérieure de 100 000 $ à l'évaluation de sa valeur municipale lors de l'achat en 2006.
[118] La demanderesse n'a fait la preuve d'aucun appauvrissement.
[119] D'autant qu'elle récupérera en entier les sommes qu'elle a et qu'elle devra investir pour le défendeur en relation avec le prêt du Groupe Investors.
2- Un enrichissement
[120] Le défendeur ne s'est pas enrichi aux dépens de la demanderesse.
[121] Au contraire, la preuve démontre plutôt que par l'application de la clause de préférence, elle ne s'est pas appauvrie.
[122] Ces deux premières conditions n'étant pas rencontrées, les autres éléments, soit 3) le lien de droit, 4) l'absence de justification légale et 5) l'absence d'autres recours , n'ont pas à être analysés.
DEMANDE RECONVENTIONNELLE
[123] Le défendeur réclame également un montant pour l'enrichissement sans cause de la demanderesse.
[124] Il ne peut invoquer un tel enrichissement sans cause pour plusieurs motifs :
Ø la plus-value qu'a prise la propriété est due à l'augmentation de la valeur des propriétés durant les six années où les parties ont partagé la copropriété de l'immeuble ;
Ø les parties avaient déjà convenu au préalable de la façon dont elles feraient le partage de la propriété au cas de cessation de la vie commune ;
Ø il existe donc, tel que prévu dans la clause de préférence, un moyen autre pour le défendeur de récupérer les investissements (les sommes investies), tel que cela est établi aux présentes (paragr. 95 et suivants) ;
Ø de plus, le défendeur ne s'est pas appauvri; il a le droit de récupérer les sommes investies mais il faut tenir compte des sommes que la demanderesse Claudine Fortin a dû et devra payer pour lui, sommes qui sont évaluées aux présentes .
[125] Le défendeur-demandeur reconventionnel ne peut donc se voir octroyer une somme pour enrichissement sans cause.
Compensation pour stress, perte de temps, trouble et inconvénients divers
[126] Quant à la compensation pour stress, perte de temps, trouble et inconvénients divers, la demanderesse réclame 10 000 $ sous ce chef.
[127] Cela ne lui sera pas accordé. Les deux parties ont vécu du stress et des inconvénients divers lors de leur séparation qui s'est faite dans le tumulte, comme cela arrive souvent en ces matières.
[128] Il n'y a pas à compenser monétairement la demanderesse ni le défendeur pour les inconvénients subis.
[129] Par ailleurs, la demanderesse a pu jouir seule de la possession de la résidence familiale que le défendeur a quittée lors de la séparation en mars 2012.
[130]
Le
Tribunal prend en considération qu'il n'y aura pas application de l'article
Art. 1016 Chaque indivisaire peut se servir du bien indivis, à la condition de ne porter atteinte ni à sa destination ni aux droits des autres indivisaires.
Celui qui a l'usage et la jouissance exclusive du bien est redevable d'une indemnité.
[131] En effet, la demanderesse n'aura pas à verser une indemnité au défendeur car elle a eu l'usage exclusif du bien indivis mais elle a assumé les dépenses y afférentes depuis juillet 2012.
CONCLUSION
[132] CONSIDÉRANT l'achat d'un immeuble en copropriété par les parties;
[133] CONSIDÉRANT la clause de préférence conclue entre les parties;
[134] CONSIDÉRANT que cette clause constitue la loi des parties et qu'elle doit être appliquée;
[135] CONSIDÉRANT l'intention de la demanderesse Claudine Fortin d'acquérir l'immeuble;
[136] CONSIDÉRANT que le défendeur a droit au remboursement de la somme investie dans ledit immeuble, telle que déterminée aux présentes;
[137] CONSIDÉRANT cependant que Pascal Tremblay devra rembourser les dettes personnelles qui lui appartenaient lors de la transaction sur la seconde hypothèque, soit 19.5% du montant emprunté calculé depuis le 1 er juillet 2012;
[138] CONSIDÉRANT qu'il y a alors lieu d'opérer compensation entre les sommes dues de part et d'autre;
[139] CONSIDÉRANT qu'aucune des parties ne peut prétendre à enrichissement sans cause ni à compensation pour les inconvénients subis;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[140] ACCUEILLE partiellement la demande et la demande reconventionnelle;
[141] DÉCLARE que le défendeur doit à la demanderesse la somme de 33 693,91 $;
[142] DÉCLARE que la demanderesse doit au défendeur la somme de 35 251,21 $;
[143] OPÈRE COMPENSATION entre les deux sommes ci-haut mentionnées et CONDAMNE la demanderesse à payer au défendeur la somme de 1 557,30 $ ;
[144] REJETTE les poursuites pour enrichissement sans cause des deux parties;
[145] REJETTE la demande de compensation pour stress, perte de temps, trouble et inconvénients divers de la demanderesse;
[146] DÉCLARE la demanderesse seule et unique propriétaire de l'immeuble sis au […], à Shipshaw, dont la description cadastrale est la suivante :
« Un immeuble connu et désigné comme étant une partie du lot originaire numéro […] Rang […] du cadastre officiel « Canton A », dans la circonscription foncière de Chicoutimi.
Ledit terrain est borné vers le nord-ouest par une partie du lot numéro trente-quatre (Ptie lot […] ), rang et cadastre susdits, propriété de Monsieur Philippe Angers ou représentants pour une partie et par un chemin (Ptie lot […] ) pour autre partie, vers le nord et le nord-est par des chemins, vers le sud-est par un chemin (Ptie lot […] ) pour une partie et par une partie du lot trente-quatre (Ptie lot […] ), rang et cadastre susdits, propriété de Monsieur Paul E. Dumont ou représentants pour une autre partie et vers le sud-ouest par la Rivière Saguenay; mesurant quarante-trois mètres et cinquante-cinq centièmes (43,55m soit 142.86 pieds) vers le nord-ouest, un mètre et trente-huit centièmes (1,38 m soit 4.53 pieds) et onze mètres et cinq centièmes (11,05 m soit 36.24 pieds) vers le nord-est, dix mètres et vingt-neuf centièmes (10,29 m soit 33.76 pieds) vers le nord, sept mètres et soixante-dix centièmes (7,70 m soit 25.25 pieds) vers le nord-ouest, vingt-trois mètres et soixante-quatre centièmes (23,64 m soit 77.57 pieds), trente mètres et soixante-quatre centièmes (30,64 m soit 100.52 pieds), seize mètres et cinquante-sept centièmes (16,57 m soit 54.35 pieds) vers le sud-est et contenant une superficie de mille cinq cent dix-neuf mètres carrés et deux dixièmes (1,519,2 m c. soit 16,353 pieds carrés).
Le tout, avec bâtisses dessus construites, circonstances et dépendances.
CET IMMEUBLE porte le numéro civique […] , Shipshaw, Province de Québec, Code Postal : […]. »
[147] DÉCLARE le défendeur seul et unique propriétaire des biens suivants :
Ø la motoneige;
Ø le VTT;
[148] ORDONNE aux parties de signer tous les documents requis pour mettre à exécution les présentes;
[149] AU CAS où la demanderesse choisirait de vendre l'immeuble à un tiers, le défendeur aura droit à la moitié de la valeur marchande de celui-ci moins le 50 000 $ prévu au second paragraphe de la clause seconde (pièce P-7);
[150] CHAQUE PARTIE payant ses frais.
|
|
|
__________________________________ Micheline Paradis, J.C.Q. |
|
|
Me Chantale Plante |
|
Tourangeau Tremblay Plante, avocats |
|
Procureure de la partie demanderesse |
|
|
|
Me Éric LeBel |
|
Fradette, Gagnon, Têtu, LeBel, Girard |
|
Procureur de la partie défenderesse |
|
|