Samimi c. Agence du revenu du Québec |
2014 QCCQ 13153 |
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COUR DU QUÉBEC |
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(Division administrative et d'appel) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-80-025843-138 |
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DATE : |
LE 15 DÉCEMBRE 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE JULIE VEILLEUX, J.C.Q. |
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ALI REZA SAMIMI |
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Requérant |
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c. |
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L'AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC |
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Intimée |
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JUGEMENT SUR REQUÊTE POUR PERMISSION DE DÉPOSER UN AVIS D'OPPOSITION |
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[1]
Le
requérant demande la permission de déposer un avis d'opposition conformément à
l'article
CONTEXTE
À la fin de l’année 2010, l’intimée effectue une vérification auprès du requérant et il en est informé.
[2] Le 18 novembre 2011, elle lui transmet des avis de cotisation pour les années 2007 à 2009 inclusivement à l'adresse suivante : 23 Ahuntsic, C.P. 23, Succursale Ahuntsic, à Montréal (le casier postal).
[3] Selon le requérant, il n'est pas informé de l'existence des avis de cotisation. Voici ses explications.
[4] Le requérant est en affaires aux Émirats arabes unis et il passe plusieurs mois par année à Dubaï. Pendant ses absences, son père Karim est mandaté par lui afin d’assurer le suivi du courrier reçu de son casier postal et de renouveler le contrat de location de celui-ci.
[5] Le requérant quitte pour Dubaï pendant l’année 2010 et revient au Québec en avril 2011, époque à laquelle il fait des démarches pour obtenir des documents demandés dans le cadre de la vérification de l'intimée. Il profite de son séjour pour signer une procuration en faveur de son comptable, M. Guindon, c.p.a., dans laquelle son adresse est le casier postal.
[6] De façon contemporaine, M. Guindon lui transmet à une autre adresse, celle-ci située sur la rue Métivier à Montréal, copie conforme d’une lettre qu’il envoie à l'intimée. La preuve révèle que M. Karim Samimi a habité à cette adresse approximativement jusqu'en 2011 après quoi il est déménagé à Laval.
[7] Le requérant explique que cette adresse est celle de ses parents, où il habitait lors de ses séjours à Montréal, avant que ne soit complétée la construction de son condominium situé sur le Chemin de la Pointe sud à Verdun (le condo).
[8] À tout événement, le 6 octobre 2011, l'intimée transmet au casier postal du requérant un projet de cotisation pour les années ayant fait l'objet de la vérification. M. Guindon reçoit pour sa part copie du projet de cotisation, tel qu'il appert de la signature d'un récépissé de courrier recommandé de Poste Canada.
[9] M. Guindon explique avoir communiqué avec le requérant sur réception du projet de cotisation qui comporte la mention suivante: « À défaut d'une réponse dans les 14 jours, des avis de nouvelle cotisation seront préparés en fonction des modifications proposées dans le projet de cotisation ». Le requérant le nie.
[10] Mme Destroismaisons, vérificateur pour l'intimée, témoigne de plus avoir discuté avec M. Guindon quelques jours plus tard, notamment de l'échéancier prévu et de l'imminence de l'émission d'avis de nouvelle cotisation. Le 18 octobre suivant, Mme Destroismaisons reçoit un appel du requérant et discute du projet de cotisation transmis. Il est aussi question des documents demandés par le requérant à son institution bancaire de même que du délai pour contester les avis de nouvelle cotisation. Le requérant nie avoir eu cette conversation.
[11] À cette époque, l'intimée dispose uniquement de l'adresse casier postal du requérant de même que de l'adresse de ses parents sur la rue Métivier. C'est d'ailleurs à ces adresses que sont transmis des documents subséquents, émanant du Centre de perception fiscale de l'intimée et plus particulièrement de Mme Céline Duchesneau. Cette dernière témoigne avoir effectué une recherche d’adresse du requérant car toutes ses lettres ont été retournées à l'expéditeur. Elle a identifié une nouvelle adresse, celle du condo, jusque là inconnue de l’intimée. Les correspondances transmises subséquemment ont été reçues par le requérant, ce dernier ayant communiqué avec elle à ce sujet en mars 2012.
[12] C’est d’ailleurs peu après, vers le mois d’avril 2012, que le requérant affirme avoir communiqué avec M. Guindon afin de lui demander de s’enquérir de ce qu’il était advenu de la vérification effectuée à la fin 2010. C’est alors seulement qu’il aurait appris que des avis de nouvelle cotisation avaient été émis.
[13] Le 4 juin 2012, le requérant dépose une demande au Ministre afin d'être autorisé de déposer un avis d'opposition malgré l'expiration du délai prévu à la loi. Cette autorisation lui est refusée le 14 mars 2013 au motif que les cotisations ont été envoyées à sa dernière adresse et qu’il n’a pas été dans l’impossibilité en fait d’agir.
ANALYSE
[14]
Il est utile de reproduire les articles
93.1.4 Le ministre doit examiner avec diligence toute demande qui lui est présentée en vertu de l'article 93.1.3, y faire droit ou non et notifier sa décision à la personne.
Il est fait droit à une telle demande si la personne démontre qu'elle était dans l'impossibilité en fait d'agir et que la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.
Le délai est alors prorogé pour une période n'excédant pas le trentième jour suivant la date du dépôt à la poste de la décision du ministre.
93.1.5 Une personne peut, dans les 90 jours de la date du dépôt à la poste de la décision du ministre en vertu de l'article 93.1.4, demander à un juge de la Cour du Québec de réviser cette décision.
Le juge fait droit à cette requête s'il est d'avis que la personne respecte les conditions prévues aux articles 93.1.3 et 93.1.4 et la décision du juge est un jugement final de la Cour du Québec au sens du Code de procédure civile (chapitre C-25).
[15] L'intimée conteste le fait que le requérant ait été dans l'impossibilité en fait d'agir mais concède que sa demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient et dans le délai prévu à la loi.
[16] À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de statuer uniquement sur l'impossibilité en fait d'agir du requérant.
[17] La preuve administrée à l'audience permet au Tribunal de conclure ce qui suit :
- Le requérant savait qu'une vérification par les autorités fiscales a été effectuée à la fin 2010;
- Étant donné qu’il passait beaucoup de temps à l'extérieur du pays, il a mandaté son père, M. Karim Samimi, afin qu’il s'occupe d'assurer le suivi du courrier déposé dans son casier postal et le renouvellement du contrat de location de celui-ci;
- Pendant qu’il se trouvait aux Émirats arabes unis, le requérant affirme avoir été en communication avec son père sur une base mensuelle alors que M. Karim Samimi explique plutôt avoir eu des nouvelles de son fils environ une fois l'an;
- En aucun temps le requérant n'a-t-il effectué quelques vérifications auprès de son père à l’égard du courrier déposé dans son casier postal ni même au sujet du renouvellement du contrat de location. L’eut-il fait, il aurait appris que M. Karim Samimi n’a été qu’une seule fois à son casier postal pour ensuite remettre la clé et la tâche de voir au courrier à son autre fils, Amir, lequel n’a pas témoigné;
- En octobre 2011, M. Guindon et le requérant ont tous les deux été informés d'un projet de cotisation;
- Le requérant a même discuté avec Mme Destroismaisons, entre autres, du délai pour contester;
- Dans les mois qui ont suivi, la correspondance transmise par l'intimée au requérant tant sur la rue Métivier qu'au casier postal ont toutes été retournées à l'expéditeur;
- En mars 2012, un nouvel avis final est transmis au requérant à l'adresse du condo et tout indique qu'il a été reçu. En effet, le requérant parle à Mme Duchesneau et l'informe qu'une connaissance lui a remis le nouvel avis final.
[18] La version donnée par le requérant à l'audience rend le Tribunal perplexe : non seulement cette version se situe en marge des allégations contenues à la requête déposée au dossier de la Cour, mais elle est contredite par tous les autres témoins, à savoir M. Guindon, M. Karim Samimi, Mme Destroismaisons et Mme Duchesneau.
[19] Dans les circonstances, le Tribunal ne peut accorder de valeur probante au témoignage rendu par le requérant.
[20] Le Tribunal retient plutôt que dès le mois d'octobre 2011, le requérant savait qu'il avait un délai de 15 jours pour réagir au projet de cotisation transmis par l'intimée, ce qu'il a négligé de faire. Il savait aussi qu’il disposait d’un délai de 90 jours pour contester les avis de nouvelle cotisation qui seraient émis.
[21] Les avis de nouvelle cotisation lui ont été transmis à son casier postal, adresse fournie par le requérant lui-même quelques mois plus tôt. Cependant, l'abonnement de ce casier postal était expiré depuis plusieurs mois. Devant ses longues et fréquentes absences du pays, il appartenait au requérant d'assurer un suivi en regard de la validité de l'adresse de son casier postal ou d’informer l’intimée de son changement d’adresse, ce qu’il a négligé de faire [2] . Cela est d'autant plus vrai que le requérant savait que des avis de nouvelle cotisation seraient émis [3] .
[22] Le requérant avait le fardeau de démontrer qu'il a été dans l'impossibilité en fait d'agir et il a failli à la tâche. La démonstration faite à l'audience est plutôt celle d'un contribuable négligent et ce comportement ne peut être cautionné.
[23] En raison de ce qui précède, le Tribunal rejette la requête.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la Requête pour permission de déposer un avis d'opposition.
LE TOUT , sans frais.
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JULIE VEILLEUX, J.C.Q.
Date d’audience |
Le 25 novembre 2014 |
Me Marc Côté
Labelle Boudrault Côté &
Associés
Procureur du requérant
Me Julie Dilli
Revenu Québec
Procureur de l’intimée