Raymond c. Gauthier

2015 QCCQ 265

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile »

N° :

540-32-026736-148

 

 

 

DATE :

Le 14 janvier 2015

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

BENOIT SABOURIN, J.C.Q.

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Alain RAYMOND

Demandeur

c.

Carmen GAUTHIER

et.

Robert HOULE

Défendeurs

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JUGEMENT

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[1]            Le demandeur Alain Raymond réclame 7 000 $ aux défendeurs Carmen Gauthier et Robert Houle. Il leur reproche de ne pas avoir donné suite à leur promesse d’acheter sa résidence pour la somme de 366 600 $, promesse qu’il a acceptée le 8 avril 2013. Il a finalement vendu sa résidence à d’autres acheteurs le 2 août 2013 pour la somme de 360 000 $. La somme réclamée aux défendeurs correspond à la perte de 6 600 $ qu’il a subie et aux intérêts (400 $ [1] ) qu’il a dû payer sur son prêt hypothécaire en raison du délai supplémentaire nécessaire pour vendre sa résidence.

[2]            Les défendeurs contestent la demande. Dès le 13 avril 2013, ils ont informé le demandeur, par écrit, qu’ils ne donnaient pas suite à leur promesse d’achat. Ils soutiennent qu’ils n’étaient pas tenus de la respecter, car ils n’ont jamais fourni la preuve qu’ils avaient les fonds nécessaires pour payer le prix de vente.

[3]            Ils fondent leur prétention sur une des dispositions de la promesse d’achat qui, selon eux, leur permettaient de ne pas donner suite à leur promesse d’achat. Cette disposition se trouve dans l’annexe F de la promesse d’achat (AF 39957) et prévoit que :

« F2.    CONDITIONS OPTIONNELLES

(…)

F2.1 - PREUVE DE DISPONIBILITÉ DES FONDS EN CAS D’ACHAT COMPTANT

L’ acheteur s’engage à fournir dans les 7 jours ouvrables suivant l’acceptation de la promesse d’achat : tout document démontrant qu’il dispose des fonds nécessaires pour couvrir le prix d’achat.

(…)

Advenant que l’ acheteur ne fournisse pas ces documents, dans le délai mentionné ci-dessus, le vendeur pourra rendre la promesse d’achat nulle et non avenue en faisant parvenir à l’ACHETEUR un avis écrit à cet effet dans les (4) quatre jours suivant l’expiration de ce délai. La promesse deviendra nulle et non avenue à compter de la réception de cet avis par l’ acheteur . Dans le cas où le vendeur n’aviserait pas l’ acheteur , dans le délai et de la façon prévus ci-dessus, il sera réputé avoir renoncé au bénéfice de la présente condition. »

                                                                                                               [notre soulignement]

[4]            Le Tribunal constate que cette stipulation ne bénéficie qu’au vendeur. Lui seul peut exiger de l’acheteur la preuve qu’il a les fonds nécessaires pour payer le prix de vente convenu. Le vendeur est réputé avoir renoncé à recevoir une telle preuve s’il n’envoie pas à l’acheteur l’avis prévu. La preuve non contredite est à l’effet que le demandeur n’a pas transmis un tel avis aux défendeurs. Il a donc renoncé à recevoir la preuve que les défendeurs détenaient les fonds nécessaires pour payer le prix de vente de l’immeuble.

[5]            Les défendeurs ne peuvent pas invoquer cette disposition en leur faveur pour se dédire de leur promesse d’achat. De plus, leur promesse d’achat n’est pas conditionnelle à l’obtention d’un financement hypothécaire. La section SIX de la promesse d’achat bilatérale (PA93596) conclue les 7 et 8 avril 2013 intitulée «NOUVEL EMPRUNT HYPOTHÉCAIRE» n’a pas été complétée. Or, l’article 6.3 de la promesse leur aurait permis de rendre la promesse d’achat nulle et non avenue en cas de défaut d’obtenir un emprunt hypothécaire.

[6]            Le Tribunal conclut que les défendeurs étaient tenus de respecter la promesse d’achat bilatérale et ils ne pouvaient la répudier. Ils ont commis une faute contractuelle [2] et sont tenus d’indemniser le demandeur pour les dommages qu’il a subis [3] .

[7]            Le demandeur a prouvé qu’il a subi des dommages de 7 000 $.

[8]            En effet, la lecture de l’acte de vente de l’immeuble conclu entre le demandeur et d’autres acheteurs, le 2 août 2013, révèle que l’immeuble s’est vendu pour la somme de 360 000 $, soit 6 600 $ de moins que le prix convenu avec les défendeurs en avril 2013.

[9]            De plus, la preuve non contredite démontre que le demandeur a dû payer des intérêts de 465,55 à la Banque TD sur son prêt hypothécaire pour la période du 11 juin [4] au 2 août 2013 [5] . Le demandeur a réduit ce poste de sa réclamation à 400 $ pour se conformer à la juridiction de la Division des petites créances.

[10]         En conséquence, les défendeurs sont condamnés à payer 7 000 $ au demandeur. Cette condamnation peut-elle être solidaire [6] ? Dans un jugement récent [7] , le juge Gérard Dugré, J.C.S., conclut que l’obligation de payer des dommages-intérêts résultant d’une faute contractuelle commise par deux défendeurs « ne peut être que conjointe et non solidaire ». Il explique la conclusion à laquelle il en vient en ces termes :

 «[52]    Cette demande soulève donc la question suivante : l’obligation de payer des dommages-intérêts résultant d’une faute contractuelle commise par deux personnes est-elle conjointe ou solidaire?

[53]       D’entrée de jeu, il importe de souligner, comme le font les auteurs Lluelles et Moore, que l’obligation conjointe « [...] “constitue le droit commun de l’obligation plurale”» en droit civil [8]

[54]       La responsabilité de payer des dommages-intérêts pour bris d’un contrat civil, soit l’achat d’une résidence privée, par opposition à une promesse d’achat pour acheter une entreprise, soulève clairement la question du caractère conjoint (art. 1518 C.c.Q.) ou solidaire (art. 1523 C.c.Q.) de l’obligation des défendeurs Rabb et Khan de payer ces dommages-intérêts.

[55]       Après analyse, le tribunal conclut que l’obligation de payer les dommages-intérêts accordés à la demanderesse est conjointe entre Rabb et Khan, et non solidaire.

[56]       En effet, si, d’une part, l’obligation d’acheter la propriété visée par la promesse d’achat acceptée est solidaire et indivisible, l’obligation de payer des dommages-intérêts pour bris de cette promesse d’achat acceptée est, d’autre part, conjointe et divisible. En l’espèce, il n’existe aucune source de solidarité conventionnelle ou légale permettant au tribunal de prononcer une condamnation solidaire comme le réclame la demanderesse.

[57]       D’abord, la promesse d’achat acceptée ne prévoit pas la solidarité des promettants-acheteurs Rabb et Khan pour les dommages-intérêts que pourrait subir le promettant-vendeur, la demanderesse. Ensuite, la solidarité ne se présume pas, elle n’existe que lorsqu’elle est expressément stipulée par les parties ou prévue par la loi  (art. 1525 al. 1 C.c.Q.). À la lumière de la preuve, le tribunal ne peut inférer des circonstances un engagement solidaire des défendeurs de payer les dommages-intérêts réclamés [9] .

[58]       De plus, la promesse d’achat visait une résidence privée et non le service ou l’exploitation d’une entreprise (art. 1525 al. 2 C.c.Q.). L’obligation assumée par les défendeurs Rabb et Khan est contractuelle. L’art. 1526 C.c.Q qui s’applique dans le cas d’une obligation extracontractuelle n’a donc aucune application en l’espèce. Enfin, l’obligation des défendeurs ne saurait être in solidum puisque leur obligation d’indemniser la demanderesse résulte d’un acte juridique unique. C’est ce que confirme les auteurs Baudouin et Jobin, préc., no 620, p. 727 :

[...] Il ne saurait toutefois être question d’étendre l’obligation in solidum à l’obligation de codébiteurs tenus envers un même créancier en vertu d’un acte juridique unique : une telle situation est alors assujettie aux règles de l’obligation conjointe (art. 1518 C.c.Q.), à moins qu’il existe une stipulation de solidarité, ou encore une règle légale qui justifie la solidarité parfaite, telle la présomption de solidarité de l’obligation contractée pour le service ou l’exploitation d’une entreprise (art. 1525 C.c.Q.).  [note omise]

[59]       Force est donc de conclure que la condamnation des défendeurs Rabb et Khan ne peut être que conjointe et non solidaire.

[60]       En conséquence, le tribunal conclut que les défendeurs Rabb et Khan doivent être condamnés conjointement à payer à la demanderesse la somme de 63 040,57 $.»

[11]         Les défendeurs sont condamnés, conjointement [10] , à payer 7 000 $ au demandeur.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la demande.

CONDAMNE , conjointement, les défendeurs Carmen Gauthier et Robert Houle, à payer au demandeur Alain Raymond la somme de 7 000 $  avec les intérêts au taux de 5 % l'an ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 6 octobre 2013, date de réception de la mise en demeure, plus les frais de la demande au montant de 169 $.

 

 

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BENOIT SABOURIN, j.c.q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

18 septembre 2014

 

 



[1]     Le demandeur a réduit sa réclamation d’intérêts de 465,55 $ à 400 $ pour se conformer au seuil de juridiction de la Division des petites créances en vigueur à la date de l’audience.

[2]     Article 1458 du Code civil du Québec .

[3]     Articles 1611 et 1613 du Code civil du Québec .

[4]     Date convenue dans la promesse d’achat pour conclure l’acte de vente avec les défendeurs.

[5]     Date de la vente de l’immeuble aux autres acheteurs.

[6]     Article 1523 du Code civil du Québec .

[7]     McIntyre c. Rabb , 2014 QCCS 2113 .

[8]     Didier luelles et Benoît moore , Droit des obligations , 2 e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2012, n o 2555, p. 1513, en italique dans l’original, note omise. Voir aussi, art. 1518 C.c.Q.

[9]     Id. , n o 2555, 2589-2591.

[10]    Article 1518 du Code Civil du Québec .