COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
281270 |
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Cas : |
CQ-2014-5411 |
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Référence : |
2015 QCCRT 0066 |
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Québec, le |
4 février 2015 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Nancy St-Laurent, juge administratif |
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Mohammed Dafir
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Plaignant |
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c. |
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9292-8183 Québec inc. - La Bonne Cuisinière
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Intimée |
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DÉCISION |
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[1]
Le 10 juin 2014, monsieur Mohammed Dafir (le
plaignant
) dépose
une plainte en vertu de l’article
[2] L’employeur reconnaît avoir congédié le plaignant, mais pour rendement insatisfaisant et insubordination.
[3] L’employeur offre un service de traiteur aux entreprises, groupes sociaux, services de garde et particuliers. En décembre 2013, il publie une offre d’emploi de représentant/vendeur pour laquelle le plaignant pose sa candidature.
[4] Il est convoqué pour une entrevue par madame Cauchon, présidente et coactionnaire de cette entreprise, qui lui précise que ses fonctions seront tout d’abord reliées à la préparation du commerce, qui vient tout juste d’amorcer ses activités. À ce moment, l’entreprise ne compte que trois employés, mais une vingtaine au moment du congédiement.
[5] Lors d’une deuxième entrevue, on indique au plaignant qu’il ne pourra finalement pas agir comme représentant/vendeur en raison de ses lacunes en français. On lui propose toutefois un poste à l’entretien ainsi qu’un mandat temporaire pour l’élaboration d’une base de données. Bien que déçu, il accepte ce poste.
[6] Quelques semaines après son embauche, monsieur Pilon devient copropriétaire et nouveau chef cuisinier de l’entreprise. Conséquemment, il devient le supérieur immédiat du plaignant.
[7] Les tâches de ce dernier se résument alors ainsi :
Ø Nettoyer les aires de travail et les bureaux administratifs;
Ø Laver la vaisselle;
Ø Procéder à la réception et au rangement des produits;
Ø Compacter les cartons;
Ø Aider les cuisiniers, au besoin.
[8] Dès ses premières semaines d’emploi, le plaignant semble éprouver une incompréhension quant aux directives de travail qui lui sont données. À titre d’exemple, l’employeur indique qu’il refuse d’aider la sous-chef à soulever un gros chaudron rempli d’eau, sous prétexte qu’il n’a pas à lui obéir. Le plaignant explique avoir agi ainsi puisque, selon sa compréhension, seul le chef cuisinier pouvait lui exiger des tâches.
[9] L’employeur ajoute que monsieur Dafir a également de la difficulté à gérer son temps de travail et ses priorités, ce qui occasionne du retard dans l’exercice de ses fonctions.
[10] Madame Cauchon le rencontre à ce sujet. Elle lui précise ses tâches et l’importance de chacune, afin qu’il puisse établir correctement ses priorités. Des « trucs » de nettoyage lui sont également donnés afin d’augmenter son efficacité.
[11] Le plaignant démontre une certaine amélioration, mais la situation se détériore à nouveau, aux dires de l’employeur. D’autres commentaires lui sont donc formulés, mais il ne semble pas très réceptif. Il critique et argumente les remarques qui lui sont faites.
[12] Pour sa part, le plaignant considère effectuer ses tâches correctement, mais il reconnaît avoir reçu des avis verbaux concernant son rendement. Il déplore le manque d’organisation de l’employeur et mentionne qu’on lui ajoute de plus en plus de tâches, ce qui rend difficile sa gestion du temps.
[13] En mars 2014, l’employeur embauche un nouveau directeur des opérations qui gère désormais les ressources humaines. À son arrivée, il n’existe ni description de tâches ni dossier disciplinaire. On l’informe toutefois des avertissements verbaux donnés au plaignant.
[14] Dans les semaines suivantes, il observe à son tour certaines lacunes chez le plaignant, qui semble encore éprouver des difficultés à effectuer ses tâches et établir ses priorités. Il lui fait part de ses observations et constate, lui aussi, qu’il accepte mal la critique.
[15] Malgré cette intervention, madame Cauchon et monsieur Pilon demeurent insatisfaits du plaignant. Cette insatisfaction semble aussi se manifester chez certains employés, qui le considèrent comme peu efficace.
[16] Le 14 avril 2014, le plaignant se présente au travail avec une vive douleur aux dents. Il dit se sentir très faible et ne pas avoir dormi depuis deux jours en raison de ses douleurs.
[17] Sensible à sa condition, madame Cauchon lui propose son aide pour obtenir un rendez-vous médical, ce qu’il accepte volontiers. Toutefois, avant même d’avoir été en mesure de compléter cette démarche, la conjointe du plaignant l’appelle et lui confirme un rendez-vous dans une clinique dentaire vers 9 h.
[18] Il quitte donc le travail pour se rendre à son rendez-vous. Il reconnaît que l’employeur a fait preuve d’empathie et d’entraide à son égard à ce moment. D’ailleurs, deux jours sur trois d’absence lui ont été rémunérés.
[19] Au retour de sa consultation, le plaignant remet à madame Cauchon un document qui indique qu’il ne peut pas travailler pour les trois prochains jours. Informé de cette situation, le directeur des opérations appelle le plaignant dès le lendemain pour s’informer de son état.
[20] Puis, le surlendemain, il l’appelle à nouveau car il veut s’assurer de son absence avant de contacter un remplaçant. Le plaignant comprend de cette conversation que son emploi est en jeu si son absence perdure. Pour l’employeur, il ne s’agit que d’une simple gestion de personnel.
[21] L’employeur affirme qu’il a toujours accommodé ses employés lors d’absences pour maladie, maternité, décès ou autre. Il ajoute que l’absence du plaignant ne lui a causé aucun souci.
[22] Le 17 avril 2014, le plaignant retourne au travail comme prévu. Il dit avoir informé madame Cauchon qu’il est encore sous médication et qu’une chirurgie sera nécessaire pour résoudre son problème. Il tente d’effectuer toutes ses tâches, mais c’est difficile; il se sent très fatigué. Selon lui, une médication inadéquate est à l’origine de cette fatigue qui se serait poursuivie jusqu’à son congédiement.
[23] Pour sa part, l’employeur affirme que rien ne permet de croire que le plaignant est encore malade au moment de son congédiement. D’ailleurs, aucun billet médical n’a été produit en ce sens.
[24] Le 25 avril en après-midi, monsieur Pilon constate un retard important dans le lavage de la vaisselle. Il est mécontent et il le manifeste au plaignant. Selon ce dernier, il lui aurait dit : « si tu fais pas la vaisselle, je vais te congédier… t’as quinze minutes ».
[25] La situation est rapportée à madame Cauchon qui décide de rencontrer le plaignant en compagnie de monsieur Pilon. Au cours de la rencontre, le ton se détériore au point où madame Cauchon doit aller chercher le directeur des opérations afin qu’il prenne le relais. À son tour, il tente d’exprimer ses insatisfactions au plaignant, mais ce dernier apparaît peu réceptif. Devant l’impasse et puisque c’est vendredi après-midi, on lui indique qu’un suivi sera fait le lundi matin. Cette rencontre aura duré environ 45 minutes.
[26] Après le départ du plaignant, le directeur des opérations informe madame Cauchon et monsieur Pilon qu’une description de tâches sera faite et qu’un avis disciplinaire écrit sera remis au plaignant. Considérant les nombreux avertissements verbaux, il estime que ces mesures sont nécessaires.
[27] Le plaignant est finalement rencontré le mardi matin suivant. Comme prévu, une description de tâches et un avis disciplinaire lui sont remis. Fâché, il ne veut ni lire ni prendre le document qu’on lui présente. Il refuse également de le signer à titre d’accusé de réception, malgré l’insistance du représentant de l’employeur. Pour le plaignant, il ne s’agit que de mensonges.
[28] Le climat se détériore à nouveau au cours de cette conversation, au point où cette fois, c’est madame Cauchon qui est appelée en renfort. Pour l’employeur, le plaignant manque clairement de respect. Loin de calmer les choses, madame Cauchon adresse au plaignant des propos jugés inappropriés qui ne font qu’envenimer la situation. Constatant que ce dernier ne reconnaît toujours pas ses torts et qu’il ne manifeste aucun désir de se corriger, le directeur des opérations lui dit finalement : « Si tu veux pas t’améliorer ou nous écouter, je te demande de quitter les lieux ». Bien que le but initial de cette rencontre n’était pas de le congédier, l’employeur explique avoir pris cette décision en raison de la tournure des événements.
[29]
L’article
122. Il est interdit à un employeur ou à son agent de congédier, de suspendre ou de déplacer un salarié, d’exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles ou de lui imposer toute autre sanction :
1° à cause de l’exercice par ce salarié d’un droit, autre que celui visé à l’article 84.1, qui lui résulte de la présente loi ou d’un règlement;
[…]
[30]
Le plaignant allègue avoir été congédié en raison de son absence pour
maladie. Considérant la concomitance de l’exercice de ce droit et de son
congédiement, il bénéficie de la présomption prévue à l’article
17. S’il est établi à la satisfaction de la Commission que le salarié exerce un droit qui lui résulte du présent code, il y a présomption simple en sa faveur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui à cause de l’exercice de ce droit et il incombe à l’employeur de prouver qu’il a pris cette sanction ou mesure à l’égard du salarié pour une autre cause juste et suffisante.
[31] Ainsi, devant l’application de cette présomption, il revient à l’employeur de démontrer une autre cause juste de congédiement. À cet égard, la Commission doit vérifier si les motifs invoqués à son soutien sont réels et sérieux par opposition à un prétexte.
[32] L’employeur allègue avoir congédié le plaignant pour mauvais rendement et insubordination. L’absence pour maladie n’aurait donc joué aucun rôle dans sa prise de décision.
[33] Au moment de son congédiement, le plaignant est au service de l’entreprise depuis quatre mois. Au cours de cette courte période, il a cumulé plusieurs avertissements verbaux en regard de son rendement et son attitude. Malgré cela, il ne démontre que des améliorations temporaires, laissant douter de sa volonté de s’améliorer.
[34] Les insatisfactions de l’employeur commencent bien avant sa brève absence pour maladie et se poursuivent par la suite. Ainsi, la mesure disciplinaire écrite et le congédiement s’inscrivent dans un continuum disciplinaire.
[35]
Lorsqu’une plainte se fonde sur l’article
[36] La Commission conclut que l’absence pour maladie du plaignant n’a pas été prise en compte dans la décision de l’employeur et que les motifs qu’il invoque constituent une « autre cause juste et suffisante » de congédiement au sens de la LNT.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
REJETTE la plainte.
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__________________________________ Nancy St-Laurent |
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M e Norman Dumais |
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RIVEST, TELLIER, PARADIS |
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Représentant du plaignant |
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M. Maxime Pilote |
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Représentant de l’intimée |
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/ml