Axa Assurances générales inc. c. Gagné |
2015 QCCQ 595 |
COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE LOCALITÉ DE |
TERREBONNE ST-JÉRÔME |
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« Chambre civile » |
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N° : |
700-32- 028566-139 |
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DATE : |
28 janvier 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE GEORGES MASSOL, J.C.Q. |
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Axa assurances générales inc. |
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Demanderesse |
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c. |
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Dominique Gagné Martin Mikalinas La Capitale assurances générales inc.
Défendeurs et
Roland Boucher |
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Partie appelée |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse, subrogée aux droits de son assurée madame Hélène Montpetit, réclame des défendeurs, madame Gagné et monsieur Mikalinas, ainsi qu’à leur assureur, dédommagement suite à l’apparition de vices cachés pour lesquels elle a indemnisé son assurée.
[2] De leur côté, les défendeurs appellent leur propre vendeur, monsieur Roland Boucher, à intervenir au dossier.
Les faits
[3] En mars 2009, madame Montpetit (ci-après appelée « l’assurée »), achète une maison des défendeurs madame Gagné et monsieur Mikalinas.
[4] Dès le mois suivant, une infiltration d’eau en provenance de la toiture cause d’importants dommages à l’intérieur de la résidence en question, plus particulièrement dans la chambre principale des maîtres.
[5] Dès qu’elle réalise l’ampleur de la situation, l’assurée fait appel à un spécialiste des toitures, Les Toitures Robert Boucher inc.
[6] Celui-ci constate certaines déficiences au niveau des noues, qui ont directement contribué à l’infiltration d’eau dans l’entretoit et, de là, au plafond de la chambre principale.
[7] L’entrepreneur révèle, en outre, que le contre-solin de métal galvanisé dans la noue est installé de façon inadéquate, que l’alignement des tuiles près de la cheminée est défectueux et que la première rangée de tuiles en bordure du toit est incorrectement installée. Il a donc dû effectuer une réparation couvrant environ 300 pieds carrés de toiture, nécessitant le remplacement du solin dans les noues et le contre-solin de cheminée.
[8] Dans les mesures correctives, Les Toitures Robert Boucher inc. minimise les dommages en ne remplaçant que la partie affectée et en trouvant des bardeaux qui pouvaient s’agencer avec ceux déjà en place, étant donné que la toiture avait été refaite peu de temps avant par la partie appelée, comme on le verra.
[9] D’autres défaillances ont été notées et réparées par Les Toitures Robert Boucher inc., mais ne font pas l’objet de la présente réclamation puisqu’elles ont été effectuées à titre préventif.
[10] L’assurée a estimé à la somme de 2 200 $ la portion payée par elle, directement reliée aux problèmes en litige.
[11] Elle rencontre alors les défendeurs, au cours du mois de juillet, qui constatent les dégâts. Ces derniers acceptent de la rembourser jusqu’à concurrence de 1 500 $ pour les dommages afférents à la toiture. Dans un document postérieur confirmant l’entente, l’assurée spécifie :
« […] Ce montant représente le dédommagement entendu et accepté par les deux parties pour la réparation extérieure, excluant les dommages subis à l’intérieur, de la toiture au-dessus de la chambre des maîtres. […] » [1]
[12] Parallèlement, l’assurée fait appel à son assureur AXA assurances générales inc.
[13] Le 20 juillet 2009, soit avant les travaux de restauration intérieure, l’expert en sinistres de la demanderesse, monsieur Danny Lessard, transmet une mise en demeure aux défendeurs madame Gagné et monsieur Mikalinas. Ces derniers affirment, à l’audience, qu’ils n’ont jamais reçu cette lettre. La pièce P-4, telle que déposée au dossier, n’est accompagnée d'aucuns rapport de signification ou récépissé de courrier recommandé postal.
[14] Mentionnons cependant que tout le dossier était, au début, mû devant la Division régulière de la Cour du Québec et que ce n’est qu’avec l’arrivée de la partie appelée, en octobre 2012, qu’il a été référé à la Division des petites créances ; avant ce transfert, les procureurs de la demanderesse avaient transmis aux procureurs des défendeurs, à l’époque, une mise en demeure de reconnaître la véracité et/ou l’exactitude de certaines pièces (avis du 9 août 2012). Entre autres, la lettre du 20 juillet 2009 était incluse dans la liste des pièces dont on cherchait à faire reconnaître la véracité et/ou l’exactitude. Aucun affidavit niant la véracité et/ou l’exactitude de cette pièce n’a été produit, de sorte qu’il faut considérer la lettre du 20 juillet 2009 comme étant exacte et véridique.
[15] Quoi qu’il en soit, les défendeurs connaissaient la situation puisqu’ils s’étaient rendus sur place à la fin juin/début juillet pour constater l’ampleur des dégâts et qu’ils ont même déboursé 1 500 $ pour la réfection du toit. Ils ont, cependant, failli dès lors de communiquer avec leur assureur, la codéfenderesse La Capitale assurances générales inc.
[16] Les travaux à l’intérieur se déroulent durant les mois d’août et septembre 2009 et la demanderesse débourse la somme de 5 032,63 $ au bénéfice de l’assurée.
[17] Par ailleurs, la preuve a révélé que les défendeurs madame Gagné et monsieur Mikalinas ont acheté la résidence en décembre 2007, pour en prendre possession en février 2008. Au moment de la vente à l’assurée, ils avaient alors occupé les lieux que pendant une période d’un an.
[18] Les défendeurs ont acheté de l’appelé monsieur Roland Boucher, qui leur a mentionné que la toiture avait été refaite peu de temps avant la vente.
[19] Dès qu’ils ont été mis au courant des dégâts, en avril 2009, les défendeurs ont communiqué avec la partie appelée, monsieur Boucher.
[20] La défenderesse Dominique Gagné explique qu’elle a demandé à monsieur Boucher la preuve que la toiture avait été refaite par un entrepreneur. Malgré qu’elle ait fait cette demande à plus d’une reprise, elle n’a jamais obtenu les renseignements qu’elle cherchait, détails qu’elle désirait obtenir à des fins de garantie le cas échéant.
[21] Enfin, appelé à témoigner, monsieur Boucher indique qu’il a acquis la résidence en septembre 2000 et que la toiture a été refaite en juillet 2007.
[22] Questionné à savoir qui a procédé aux travaux, monsieur Boucher explique qu’il s’agit de deux menuisiers dont il n’a plus les noms et qui sont repartis dans leur région natale. Il aurait payé 1 500 $, n’a ni copie de chèque ni facture. Les personnes ayant fait les travaux n’avaient aucune carte de compétence et n’étaient pas des entrepreneurs spécialisés en la matière.
Analyse et décision
1. Quel est l’intérêt juridique de la demanderesse ?
[23] La demanderesse a établi qu’elle était l’assureur de la propriétaire des lieux et qu’elle avait indemnisé son assurée pour les dommages suite à l’infiltration d’eau jusqu’à concurrence de la somme de 5 032,63 $, montant qui diffère de ce qui est réclamé dans la requête introductive d’instance, étant donné que l’assureur sollicitait la franchise payable par l’assurée.
[24] Or, l’assurée n’est pas partie à la présente réclamation, de sorte que l’assureur n’a d’intérêt juridique que pour la somme qu’elle a payée à son assurée, le tout en vertu des principes énoncés à l’article 2474 du Code civil du Québec [2] :
« 2474 . L'assureur est subrogé dans les droits de l'assuré contre l'auteur du préjudice, jusqu'à concurrence des indemnités qu'il a payées. Quand, du fait de l'assuré, il ne peut être ainsi subrogé, il peut être libéré, en tout ou en partie, de son obligation envers l'assuré.
L'assureur ne peut jamais être subrogé contre les personnes qui font partie de la maison de l'assuré. »
[25] Ayant indemnisé son assurée, l’assureur peut donc intenter les recours appartenant à cette dernière.
2. Les défendeurs peuvent-ils être tenus responsables de coûts engendrés suite à la constatation d’un vice caché ?
[26]
Le vendeur garantit à son acheteur que le bien qu’il vend sera exempt de
vices cachés, le tout conformément à l’article
« 1726 . Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »
[27]
Pour que l’acheteur puisse réussir dans sa démonstration, il doit
prouver que la défaillance constitue un vice, que ce vice était caché, grave,
inconnu de l’acheteur, antérieur à la vente et dénoncé en temps utile selon les
critères élaborés à l’article
[28] Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une défectuosité qui constitue un vice et que ce vice était grave puisqu’il affectait une partie de la structure importante d’une maison, soit la toiture.
[29] Ce vice s’est également révélé antérieur à la vente puisque, selon le témoignage de celui qui a effectué les réparations sur la couverture, monsieur Robert Boucher, la défaillance provenait d’une mauvaise installation des solins et des tuiles, et que telle installation fut antérieure à l’achat par l’assurée de la résidence.
[30] Évidemment, le vice était inconnu de l’assurée au moment où elle a acheté la résidence en 2009.
[31] Enfin, les défendeurs ont été mis au courant de la situation avant l’exécution des travaux, si ce n’est par la lettre transmise par l’expert en sinistres le 20 juillet 2009, à tout le moins par leur visite des lieux un peu plus tôt dans ce mois-là. Il ne fait donc aucun doute que les vendeurs madame Gagné et monsieur Mikalinas sont tenus de rembourser la demanderesse pour l’indemnité que cette dernière a versée à son assurée acheteur.
[32] En ce qui concerne l’autre défenderesse, La Capitale assurances générales inc., sa représentante, madame Manon Bertrand, a reconnu que les défendeurs madame Gagné et monsieur Mikalinas étaient assurés pour ce type de sinistre. Elle ajoute cependant ne pas avoir reçu d’avis en 2009, de sorte qu’elle n’a pu transmettre elle-même un avis écrit à l’appelé Roland Boucher qu’en janvier 2010.
3. L’appelé Roland Boucher peut-il être tenu responsable desdits vices ?
[33] Comme mentionné plus haut, la preuve a révélé que la toiture avait été refaite un an avant que monsieur Boucher ne vende la résidence aux défendeurs.
[34] Dans les circonstances, il ne fait aucun doute qu’entre l’appelé Roland Boucher et les défendeurs madame Gagné et monsieur Mikalinas, les mêmes obligations vendeur/acheteur existaient et toutes les conditions mentionnées plus haut étaient réunies pour engager la responsabilité de l’appelé puisque la toiture a été refaite alors qu’il était propriétaire.
[35] Monsieur Boucher peut-il se plaindre de ne pas avoir été avisé à temps ?
[36] D’une part, la preuve prépondérante révèle que la défenderesse Dominique Gagné a communiqué avec lui en juillet 2009 concernant les dommages qui venaient de se produire à la résidence et que ce dernier n’a pas alors cru utile d’intervenir.
[37] En plus, le Tribunal entretient de sérieux doutes relativement à la version de monsieur Boucher concernant les travaux qu’il a effectués à sa toiture en juillet 2007. En effet, sa version est invraisemblable et cousue de fil blanc : il aurait fait refaire sa toiture par deux ouvriers dont il ne se souvient plus du nom et qui ne lui auraient donné aucun document dont il pourrait se servir en cas de défectuosité.
[38] La version de monsieur Boucher fait plutôt penser qu’il a lui-même participé à la réfection de la toiture pour laquelle il admet, au moins, avoir acheté le matériel. Cette conclusion serait corroborée par Robert Boucher, l’expert couvreur, venu dire à l’audience que la toiture comportait tant de défaillances qu’il fallait en déduire qu’elle n’avait pas été effectuée par un couvreur professionnel.
[39]
Dans un tel cas, il y a lieu de conclure que le vendeur ne peut invoquer
la tardiveté de la dénonciation puisqu’il est censé ne pas pouvoir ignorer le
vice, le tout selon le principe énoncé à l’article
[40] Qui plus est, et même si le soussigné est d’avis que Roland Boucher savait, dès 2009, que des problèmes étaient survenus à la toiture, il convient d’ajouter que la jurisprudence récente a atténué la rigueur du principe à l’effet qu’une dénonciation tardive (ou l’absence de dénonciation) pouvait entraîner le rejet de la demande.
[41] En effet, dans une cause récente [3] , la Cour d’appel a énoncé le principe que le caractère radical de la sanction, soit le rejet de l’action, devait être réservé uniquement lorsque l’omission du préavis prive le vendeur de la possibilité de vérifier l’existence et la gravité du vice ; dans ce cas, une simple diminution des dommages-intérêts ou un ajustement à la baisse de la réduction du prix conviendrait mieux au cas où le défaut de préavis a simplement privé le vendeur de la possibilité de réparer lui-même le vice à meilleur compte.
[42] Dans le cas qui nous occupe, la preuve a révélé que l’assurée ainsi que le réparateur Robert Boucher ont minimisé les coûts en ne remplaçant que les bardeaux d’asphalte sous la partie affectée et renonçant ainsi à profiter de l’occasion pour refaire la toiture au complet.
[43] Quand aux autres dommages situés à l’intérieur, payés par la demanderesse et faisant l’objet de la présente réclamation, il ne fait aucun doute que ceux-ci constituent la suite directe des malfaçons et que Roland Boucher n’aurait pu réparer les dégâts à meilleurs coûts. De toute façon, il devait savoir, dès 2009, que des dommages avaient été occasionnés à l’intérieur et n’a offert aucun secours.
[44] En conclusion, non seulement l’appelé Roland Boucher ne peut se prévaloir de la tardiveté de la dénonciation puisqu’il est lui-même l’artisan du vice mais, de plus, la preuve est convaincante qu’il n’y aurait eu aucun moyen de réparer les dommages, tant ceux sur la toiture qu’à l’intérieur, à coût moindre.
[45] Conséquemment, l’appelé Roland Boucher devra supporter la condamnation en entier.
Pour tous ces motifs, le Tribunal :
Accueille partiellement la demande ;
Condamne
les défendeurs
Dominique Gagné,
Martin Mikalinas
et
La capitale
assurance générales inc.
à payer à la demanderesse
Axa assurances générales inc.
la somme
de
5 032,63 $
avec intérêts au taux légal ainsi que l'indemnité
additionnelle prévue à l'article
Condamne la partie appelée Roland Boucher à payer à la demanderesse Axa assurances générales inc. tout montant devant être payé par les défendeurs Dominique Gagné, Martin Mikalinas et La capitale assurance générales inc. ;
Condamne la partie appelée Roland Boucher au paiement des frais judiciaires.
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__________________________________ Georges Massol , j.c.q. |
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Date d’audience : |
20 janvier 2015 |