[1] Par avis de report du 17 décembre 2014 suivant l’avis de convocation du 24 octobre 2014, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a convoqué la titulaire et la demanderesse à une audience afin d’examiner et d’apprécier les allégations décrites à l’avis de convocation, d’entendre tout témoignage utile aux fins de déterminer s’il y a eu ou non manquement à la loi et, le cas échéant, sanctionner tel manquement.
[2] La Régie doit également compléter son analyse concernant la demande de permis de la demanderesse, Le Bistro M Bouffe & Mousse s.a.
LES FAITS
[3] Les faits qui ont donné ouverture à la convocation se résument comme suit à l’avis :
[Transcription conforme]
Tolérer des boissons alcooliques acquises non conformément au permis
Le 12 juillet 2012, les policiers ont saisi, dans votre établissement, le contenant de boisson alcoolique suivant (document 2) :
- 1 bouteille de vin rosé de 750 millilitres de marque Val Caudalies, 12% alc./vol.
Le timbre de droit de la Société des alcools du Québec n'était pas apposé sur ce contenant.
Ce contenant a été trouvé dans le bar.
Total en litres du contenant : 0,75 litre
Cette infraction a été commise alors que la titulaire exploitait une autorisation d’exploitation temporaire .
Perte du droit d’occupation
L’analyse du dossier démontre que la titulaire, Le Terminal inc., n’a plus la qualité de locataire requise pour détenir et exploiter le permis d’alcool délivré à l’établissement, et ce depuis le 1 er avril 2013 (document 3 en liasse).
AUTRES INFORMATIONS PERTINENTES
Le Terminal inc. a été autorisée à exploiter l’établissement par autorisation d’exploitation temporaire (AET) pour la période du 28 mai 2012 au 26 août 2012 et a obtenu son permis permanent le 3 octobre 2012.
La date d'anniversaire du permis est le 30 mars.
L’AUDIENCE
[4] L’audience a eu lieu au Palais de justice de Montréal le 12 janvier 2015 en présence du responsable de la demanderesse, M. Michel Malo, et de M e Mélanie Charland représentant la Direction du contentieux de la Régie.
Preuve de la Direction du contentieux
[5] En préambule, M e Charland résume l’historique des cessions ayant eu cours depuis le début de l’exploitation du permis par la titulaire jusqu’au jour du dépôt de la demande effectuée par la demanderesse, Le Bistro M Bouffe et Mousse s.a.
[6] Le 28 mai 2012, la titulaire, Le Terminal inc. , a obtenu une autorisation d’exploitation temporaire (AET) et, le 3 octobre 2012, son permis permanent.
[7] Le 13 février 2013, la titulaire a vendu son fonds de commerce au propriétaire du bâtiment, la Régie aéroportuaire régionale des Cantons de l’Est .
[8] Le 25 février 2013, la Régie aéroportuaire régionale des Cantons de l’Est vend le fonds de commerce à la compagnie 6851835 Canada inc.
[9] La compagnie 6851835 Canada inc. exploite l’établissement avec une autorisation d’exploitation temporaire (AET) entre les 5 avril et 9 décembre 2013.
[10] Le 30 janvier 2014, 6851835 Canada inc . vend son fonds de commerce à la Régie aéroportuaire régionale des Cantons de l’Est , qui le revend, le 25 février 2014, à la demanderesse, Le Bistro M Bouffe et Mousse s.a.
[11] Le 17 février 2014, Le Bistro M Bouffe et Mousse s.a. adresse une demande de permis d’alcool à la Régie (document 1 annexé à l’avis de convocation) et exploite présentement le permis avec une AET.
[12] La titulaire, Le Terminal inc., et la demanderesse, Le Bistro M Bouffe et Mousse s.a., sont convoqués en audience essentiellement relativement à l’exploitation du permis par la titulaire.
[13] L’avis de convocation présente des allégations de faits concernant la présence, dans l’établissement, d’une bouteille de vin rosé ne portant pas le timbre de droit de la Société des alcools du Québec (SAQ) ainsi que la perte du droit d’occupation de la titulaire requis pour détenir et exploiter le permis d’alcool (document 3 en liasse).
[14] Les détails de la saisie de la bouteille de vin rosée sont décrits au rapport policier daté du 12 juillet 2012, signé par les agents Vincelette et Keys, qui est joint à l’avis sous le document 2. Cette bouteille serait un échantillon d’un vignoble régional offert en dégustation au propriétaire lors d’un spectacle aérien.
[15] La preuve de la perte du droit d’occupation de la titulaire est annexée à l’avis sous le document 3 en liasse. Elle se compose de deux contrats de bail, le premier intervenu entre la Régie aéroportuaire régionale des Cantons de l’Est (le Locateur) et 6851835 Canada inc. (le Locataire) le 25 février 2013 et le deuxième intervenu entre le Locateur et Le Bistro M Bouffe et Mousse s.a. (le Locataire) le 30 janvier 2014.
Preuve de la demanderesse
Témoignage de M. Michel Malo
[16] M. Malo œuvre dans le domaine de la restauration depuis six années, au cours desquelles il a été serveur et cuisinier.
[17] C’est en association avec sa conjointe, M me Thalissa Gailloux, qu’il a acheté le fonds de commerce et qu’il administre l’établissement pour lequel il sollicite les permis d’alcool.
[18] Le restaurant, qui compte 8 employés, accueille une clientèle ouvrière tous les jours de la semaine de 7 h 30 à 14 h. L’âge de la clientèle se situe en moyenne entre 25 et 65 ans. Le samedi, la clientèle est plutôt familiale.
[19] M. Malo est chef cuisinier et partage, en collaboration avec M me Gailloux, les responsabilités de gérance de l’établissement, des ressources humaines et des commandes de boissons alcooliques. Il travaille de 50 à 70 heures par semaine.
[20] L’inventaire de boissons alcooliques se compose de bouteilles de vin blanc et rouge ainsi que quelques spiritueux, tous achetés à la SAQ conformément au permis, et de près de caisses de bière provenant du brasseur Molson Coors .
[21] M. Malo s’est informé des lois et règlements régissant l’exploitation des permis d’alcool et a instauré des mesures de contrôle nécessaires à leur respect, notamment en matière de mention légale sur les boissons alcooliques (timbres ou codes CSP), d’absence d’insectes dans les bouteilles (vérification avec lampe de poche) et de service d’alcool exclusivement réservé aux personnes majeures (vérification des cartes d’identité).
[22] M. Malo affirme ne pas avoir été informé, lors de l’acquisition du fonds de commerce, qu’une infraction avait été commise par la titulaire du permis. C’est par le biais de l’avis de convocation que lui a adressé la Régie le 24 octobre 2014 qu’il l’a appris.
Plaidoirie de la Direction du contentieux
[23] M e Charland soumet qu’en l’absence de la titulaire, la présomption de tolérance, dans l’établissement, d’une bouteille de vin rosé non acquise conformément au permis, saisie par les policiers le 12 juillet 2012, n’a pas été renversée et qu’en conséquence il y a eu infraction à l’article 72.1 de la Loi sur les permis d'alcool [1] (LPA).
[24] Elle rappelle qu’en cas de cession et d’exploitation du permis de la titulaire par la demanderesse, cette dernière doit assumer le reproche.
[25] La Direction du contentieux recommande une journée de suspension du permis pour l’infraction commise.
[26] En ce qui concerne la demande, M e Charland ne fait pas de commentaires spécifiques et s’en remet à l’appréciation du Tribunal de la Régie.
LE DROIT
[27] Les dispositions légales qui s’appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :
Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [2] (LIMBA)
84. Il est défendu à un titulaire de permis de garder dans l'établissement où ce permis est exploité un contenant de boissons alcooliques autres que la bière et le cidre et sur lequel n'est pas apposé le timbre de la Société ou un contenant de boissons alcooliques fabriquées par un titulaire de permis de production artisanale sur lequel n'est pas apposé un autocollant numéroté de la Régie.
[…]
Loi sur les permis d'alcool [3] (LPA)
39. Pour obtenir un permis, une personne doit:
1° être propriétaire ou locataire de l'établissement ou être expressément autorisée par le propriétaire ou le locataire de cet établissement à exploiter le permis ou, dans le cas des permis «Terre des hommes» ou «Parc olympique», avoir obtenu respectivement une concession de la Ville de Montréal ou de la Régie des installations olympiques;
[…]
41. La Régie doit refuser de délivrer un permis si elle juge que:
1° la délivrance du permis est contraire à l'intérêt public ou est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique ou de nuire à la tranquillité publique;
1.1° le demandeur est incapable d'établir sa capacité d'exercer avec compétence et intégrité les activités pour lesquelles il sollicite le permis, compte tenu de son comportement antérieur dans l'exercice d'une activité visée par la présente loi;
1.2° la demande de permis est faite au bénéfice d'une autre personne;
2° l'établissement n'est pas conforme aux normes prescrites par une loi sur la sécurité, l'hygiène ou la salubrité dans les édifices publics ou sur la qualité de l'environnement ou par un règlement adopté en vertu d'une telle loi.
Elle doit également refuser de délivrer un permis si le demandeur a été déclaré coupable d'un acte criminel lié aux activités visées par la présente loi au cours des cinq années qui précèdent la demande ou n'a pas purgé la peine qui lui a été imposée pour un tel acte criminel, sauf s'il a obtenu la réhabilitation à l'égard de cet acte.
72.1. Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.
[…]
79. La Régie peut, sur production des documents pertinents qu'elle peut exiger et sur paiement du droit déterminé conformément au règlement, autoriser temporairement une personne autre que le titulaire à exploiter un permis, si cette personne est le liquidateur de succession du titulaire du permis, son légataire particulier ou son héritier ou une personne désignée par eux, un syndic à la faillite, un liquidateur, un séquestre judiciaire ou conventionnel ou un fiduciaire qui administre provisoirement un établissement dans lequel le permis est exploité.
La Régie peut également, aux mêmes conditions, autoriser temporairement une personne autre que le titulaire à exploiter un permis, si cette personne produit une demande à cet effet et l'accompagne d'une demande de permis en raison de l'aliénation ou de la location de l'établissement ou de la reprise de possession de l'établissement à la suite de l'exercice d'une prise en paiement ou de l'exécution d'une convention similaire.
Lorsque la Régie décide de la délivrance du permis dans une circonstance visée au deuxième alinéa, elle peut imposer, comme condition supplémentaire à la délivrance, le paiement de frais additionnels de 500 $ si le demandeur du permis n'avait pas requis d'autorisation d'exploitation temporaire alors qu'il aurait dû le faire.
La Régie peut refuser d'accorder une autorisation si elle a entamé des démarches en vue de suspendre ou de révoquer le permis ou si elle est saisie, conformément à l'article 85, d'une demande à cet effet.
81. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi, ainsi que celles de leurs règlements, applicables à un permis et à son titulaire sont, compte tenu des adaptations nécessaires, applicables à une autorisation d'exploitation temporaire et à son titulaire.
86. La Régie peut révoquer ou suspendre un permis si:
[…]
2° le titulaire du permis ou, si celui-ci est une société ou une personne morale visée par l'article 38, une personne mentionnée à cet article ne satisfait plus aux conditions exigées par l'article 36, les paragraphes 1° à 3 ° du premier alinéa de l'article 39 ou les paragraphes 1.1° à 2° du premier alinéa de l'article 41;
[…]
La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si:
[…]
4° le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1;
[…]
ANALYSE
La demande
[28] La preuve a établi la capacité, l’intégrité et les compétences de la demanderesse pour exploiter les permis d’alcool demandés. Conséquemment, les soussignés autorisent la délivrance des permis.
L’exploitation par la titulaire
[29]
Lors de sa plaidoirie, la Direction du contentieux a déterminé que la
présomption selon laquelle la titulaire aurait enfreint l’article
[30] M e Charland soumet qu’en cas de cession, la demanderesse assume le reproche adressé à la titulaire et recommande une journée de suspension du permis.
[31] La décision d’éviter à une demanderesse les conséquences de manquements antérieurs à la cession en est une d’espèce pour chaque cas.
[32] L’historique du dossier révèle que plusieurs cessions ont précédé celle par laquelle la demanderesse, Le Bistro M Bouffe & Mousse s.a., s’est portée acquéreur du fonds de commerce.
[33] Les soussignés notent que la titulaire, Le Terminal inc. , a exploité son permis à compter du mois de mai 2012 et a vendu son fonds de commerce au propriétaire du bâtiment, la Régie aéroportuaire régionale des Cantons de l’Est , le 13 février 2013.
[34] Par la suite, la Régie aéroportuaire régionale des Cantons de l’Est l’a revendu le 25 février 2013 à 6851835 Canada inc . qui a exploité l’établissement avec une AET entre les 5 avril et 9 décembre 2013, puis a vendu son fonds de commerce à la Régie aéroportuaire régionale des Cantons de l’Est le 30 janvier 2014 qui l’a revendu à la demanderesse, Le Bistro M Bouffe et Mousse s.a. , le 25 février 2014.
[35] Le 17 février 2014, Le Bistro M Bouffe et Mousse s.a. a adressé une demande de permis d’alcool à la Régie (document 1 annexé à l’avis de convocation) et l’exploite présentement avec une AET.
[36] La preuve documentaire et testimoniale démontre que non seulement la titulaire et la demanderesse sont des personnes morales distinctes, mais que de surcroît la demanderesse et son responsable, M. Michel Malo, n’étaient pas impliqués dans la gestion de l’établissement au moment des faits reprochés à la titulaire le 12 juillet 2012.
[37] Près de deux ans se sont écoulés entre la saisie policière de la bouteille de vin non timbrée, les multiples transactions du fonds de commerce et la cession effectuée le 25 février 2014 à la demanderesse, Le Bistro M Bouffe et Mousse s.a .
[38] Dans les décisions Restaurant Maison Chan/Maison du Dragon [4] et Brasserie Le Château [5] , où, respectivement, un reproche similaire à celui du présent dossier était adressé à la titulaire, le Tribunal de la Régie n’a pas sanctionné l’infraction commise par la titulaire parce qu’aucun lien, de quelque nature que ce soit, ne pouvait être établi entre la demanderesse et la titulaire.
[39] De même, dans la décision Bar-Salon Vinyl/Vinyle-Lounge Le Bleury [6] , pour des faits reprochés mettant en cause la tranquillité publique, le Tribunal de la Régie n’a pas sanctionné les infractions commises soumettant qu’il n’y avait aucun lien entre la titulaire et la demanderesse.
[40] Considérant qu’il s’agit d’un cas particulier vu l’historique des cessions ainsi que l’absence de lien entre la titulaire et la demanderesse, les soussignés n’interviendront pas sur cet aspect du dossier.
PAR CES MOTIFS, |
Pour le contrôle de l’exploitation :
N’INTERVIENT PAS contre la titulaire dans le présent dossier.
Pour la demande :
Révoque le permis de restaurant pour vendre n o 9213307 dont Le Terminal inc. est titulaire;
MET FIN à l’autorisation d’exploitation temporaire;
FAIT DROIT à la demande;
AUTORISE la délivrance, à la demanderesse, Le Bistro M Bouffe & Mousse s.a., et sur paiement des droits prescrits dans les 30 jours de la présente décision, des permis suivants :
CATÉGORIE |
AUTORISATION |
LOCALISATION |
CAPACITÉ |
Restaurant pour vendre |
s/o |
1 er étage |
126 |
Bar |
s/o |
Terrasse |
68 |
|
|
Régisseure |
|
|
|
|
Régisseur |