Syndicat des travailleuses et des travailleurs en réadaptation de la Montérégie-Ouest (CSN) et Service de réadaptation du Sud-Ouest et du Renfort (griefs individuels, Suzanne Boulanger et une autre)

2015 QCTA 166

 

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N o de dépôt :

2015-2286

 

 

 

Date :

Le 23 février 2015

 

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DEVANT L’ARBITRE :

   Me Joëlle L’Heureux

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Syndicat des travailleuses et des travailleurs en réadaptation de la Montérégie-Ouest (CSN)

 

Ci-après appelé « le syndicat »

 

Et

 

Service de réadaptation du Sud-Ouest et du Renfort

 

Ci-après appelé « l’employeur »

 

 

 

Griefs :

191613 et 190359  - S. Boulanger et M. Dubé

 

 

 

 

Convention collective :

2011 - 2015

 

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SENTENCE ARBITRALE

 

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[1]            Le tribunal est saisi de deux griefs de harcèlement psychologique déposés aux noms de madame Suzanne Boulanger et de madame Mélanie Dubé. Le libellé des griefs est pratiquement identique. Les principaux reproches faits à l’employeur sont d’avoir banalisé, négligé et omis de traiter les dénonciations concernant monsieur Jean-Luc Brault, et de ne pas avoir pris les moyens à sa disposition pour assurer la sécurité et l’intégrité des plaignantes. Les griefs reprochent aussi la complicité entre l’employeur et le comité de traitement des plaintes, l’absence de traitement juste des plaintes et l’absence d’application de la Politique visant à contrer le harcèlement et la violence (la Politique). Les plaignantes allèguent avoir subi des pertes monétaires. Elles déclarent que la situation de violence et de harcèlement persiste à ce jour. Les griefs sont du 27 et du
29 mars 2012.

LA PREUVE

[2]            Madame Suzanne Boulanger et madame Mélanie Dubé ont longuement témoigné. Le syndicat a par la suite fait entendre madame Marjelaine Dubé, retraitée, auparavant membre active du syndicat.

[3]            L’employeur a fait témoigner pratiquement tous les gestionnaires qui ont côtoyé les deux plaignantes pendant la période en litige, deux témoins de la direction des ressources humaines, les deux membres du comité de traitement des plaintes sur le harcèlement psychologique et deux professionnelles externes qui sont intervenues dans le dossier.

[4]            Monsieur Jean-Luc Brault visé par les allégations de harcèlement psychologique n’était pas présent aux audiences et n’a pas été assigné comme témoin. Il a été avisé de la tenue de l’audience.

[5]            Les événements pertinents se sont produits, sauf pour une courte période, à la résidence Quovadis. Le personnel de la résidence est composé d’éducateurs, d’intervenants et de gardiens de nuit. La résidence accueille des personnes avec des déficiences reliées aux troubles de comportements. Du personnel est présent 24 heures sur 24. Il y a un quart de jour, de soir et de nuit.

[6]            La version du syndicat est que madame Dubé et madame Boulanger se sont plaintes entre 2009 et 2012 du comportement d’un collègue de travail. Les cadres changeaient constamment et elles se plaignaient à chaque cadre. Monsieur Jean-Luc Brault avait une attitude dénigrante, offensante, agressive. Les plaignantes disent que ce comportement était constant et que l’employeur n’a rien fait pour le faire cesser. Cela a affecté leur santé et le milieu de travail. De plus, l’employeur serait intervenu dans le processus du comité de traitement des plaintes, dont la partialité est alléguée.

[7]            La version de l’employeur est qu’il a agi à la suite de chaque dénonciation. Il y avait aussi un problème important au sein de l’équipe à Quovadis. Avec l’accord du syndicat, des interventions significatives pour améliorer le climat de travail ont été faites.  Il n’est jamais intervenu au comité de traitement des plaintes, qui a rejeté les plaintes de harcèlement. Il y aurait aussi de longues périodes de temps pendant lesquelles les plaignantes ne travaillaient pas avec monsieur Brault.

Témoignage de madame Mélanie Dubé (plaignante)

[8]            Madame Mélanie Dubé travaille pour l’employeur depuis 2003. Elle est gardienne de nuit. C’est Jean-Luc Brault qui lui a donné son entraînement. Au début, la relation avec lui était bonne. À un certain moment, monsieur Brault a accepté un poste de jour. Il ne travaillera plus de nuit par la suite. À cette période, madame Dubé savait, parce que monsieur Brault le lui avait dit, qu’il laissait traîner des choses pour voir si l’autre gardienne de nuit, madame Benoît, faisait bien son travail. Madame Dubé souriait de cela au début. Monsieur Brault pouvait aussi, selon madame Dubé, avoir une attitude déplaisante envers certaines personnes et elle lui en faisait la remarque.

[9]            En 2009, il y a eu un déménagement temporaire sur la rue Robert, le temps de faire des rénovations. À partir de ce moment, madame Dubé remarque que des objets sont laissés à des endroits où ils n’auraient pas dû être. Elle considère que c’est l’œuvre de monsieur Brault. À l’audience, madame Dubé déclare qu’à chaque quart de nuit elle trouvait quelque chose. Elle donne l’exemple d’un élastique sous une patte de sofa, ou du miel sur le plancher. Comme elle a failli se blesser en passant la vadrouille sur le miel, elle en parle à monsieur Brault. Il n’a pas confirmé qu’il était à l’origine de tout cela, mais a répondu qu’il ne savait pas que c’était elle qui faisait les tâches. Madame Dubé déclare lui avoir signifié que c’était elle qui tombait sur ces « bébelles » et qu’elle trouvait ça plat, qu’elle voulait qu’il arrête.

[10]         La première dénonciation faite à l’employeur fait suite à l’événement de l’eau de javel qui impliquait madame Boulanger.

[11]         À l’été 2009, madame Boulanger sortait un sac d’une poubelle, dans la cuisine. Les sacs de réserve au fond de la poubelle étaient imbibés d’eau de javel et madame Boulanger a été éclaboussée. Madame Dubé décrit les mesures de nettoyage qui ont suivi et insiste sur les conséquences possibles d’un tel accident. Elle rapporte les propos de monsieur Bouchard, un collègue de travail, sur les commentaires de monsieur Brault.

[12]         Monsieur Pierre Rousseau, chef de service de réadaptation, a été alerté de cet incident par madame Dubé. Elle dit lui avoir aussi parlé des choses cachées par monsieur Brault. Madame Dubé affirme que monsieur Rousseau lui recommande de faire son ménage comme il faut et qu’elle n’aurait pas de problème avec monsieur Brault. Il lui dit aussi qu’il parlera à monsieur Brault. Elle déclare à l’audience ne pas avoir vu de pièges par la suite, avoir pensé que le message était fait et avoir été satisfaite de la rencontre.

[13]         Le prochain événement rapporté par madame Dubé est celui relié au congédiement d’une éducatrice. Le moment précis est difficile à cerner, mais on se situe probablement à l’hiver ou au printemps 2010. À la suite de ce congédiement, monsieur Brault voulait faire un grief et madame Dubé était contre. Selon madame Dubé, monsieur Brault l’aurait menacé de faire croire qu’elle était à l’origine du congédiement. Quelques jours plus tard, devant un autre intervenant, alors qu’elle ne changeait pas d’idée, monsieur Brault lui aurait dit qu’elle ne pourrait pas compter sur l’équipe si elle avait un problème. En réunion, madame Tétrault a voulu clarifier la situation reliée à ce congédiement. Monsieur Brault a blâmé madame Dubé. Madame Dubé aurait voulu que madame Tétrault demande à monsieur Brault de sortir. Elle s’est encore sentie humiliée.

[14]         À la même époque, monsieur Brault, selon madame Dubé, pense qu’elle prépare une pétition contre lui. Il l’apostrophe dans la cuisine en lui demandant si elle a ramassé beaucoup de signatures. Il est agressif et se tient trop près d’elle, à un pied de son visage. Madame Dubé, qui pensait qu’il faisait référence à une situation tout autre qui visait les gardiens de nuit, lui répond que ça ne le concernait pas. Monsieur Brault a répliqué, en sacrant, qu’il savait qu’elle était en train de monter une pétition contre lui. Il criait. Un patient est sorti de sa chambre. Devant le client, monsieur Brault aurait dit à madame Dubé : « à quelle heure qu’y finit ton shift crisse, 7h15, en attendant reste assis sur ton ostie de cul pis ferme ta gueule toi crisse en attendant ». Le patient est devenu très anxieux et un autre intervenant est arrivé. Par la suite, monsieur Brault, alors qu’il marchait devant la porte de la chambre de ce patient, dit à madame Dubé qu’il va les trouver les signatures. Madame Dubé est partie, car un autre membre du personnel était arrivé et elle pouvait alors quitter. Elle dit qu’elle tremblait. Elle se demandait comment elle ferait pour travailler à nouveau avec lui. Elle pleurait dans son auto. Elle dit s’être sentie insultée, dénigrée. Elle qualifie le geste de monsieur Brault de violence.

[15]         À la suite de l’événement des signatures, madame Dubé parle au téléphone avec madame Linda Tétrault qui occupe le poste de chef de service par intérim après le départ de monsieur Rousseau. Elle dit à madame Tétrault qu’elle ne veut pas être en contact avec monsieur Brault, qu’il lui sacrait par la tête devant les clients. Madame Dubé n’est pas certaine si elle a décrit des situations précises au téléphone. Madame Tétrault demande de mettre le tout par écrit. Madame Dubé a effectivement remis un document à madame Tétrault. Madame Dubé explique à l’audience y avoir inscrit les événements les plus importants. Elle dit que monsieur Brault ne cessait de l’humilier.

[16]         Ce document remis à madame Tétrault en juin 2010 est composé d’une page signée par madame Dubé, madame Boulanger et madame Benoît, les trois gardiennes de nuit. Il se lit comme suit :

« Objet : Dénonciation de violence psychologique et verbale au travail

Suite à plusieurs événements désagréables qui persistent depuis des années malgré des avertissements et tenter de parlementer, mais sans succès avec M. Jean-Luc Brault afin que son attitude change nous gardiens de nuit à la résidence Quovadis A et B nous désirons dénoncer les agissements d’agressions perpétuelles verbales et psychologiques.

Son attitude désagréable fait en sorte qu’il nous est maintenant stressant de rentrer au travail, une perte d’ambiance complaisante des lieux que nous subissons des critiques sur un ton de voix peu agréable voir à certains occasions agressives et intimidant devant clients et intervenants. Il utilise la pression et l’intimidation afin que l’on tranche de son côté. L’atteinte à notre réputation et l’humiliation est de mise lorsqu’il voit qu’on est pas d’accord avec lui ou que l’on confronte face à face son attitude désobligeante.

Nos attentes suite à cette dénonciation sont que vous agissiez afin de faire cesser ce comportement mentionné ci-haut pour rétablir un climat de travail adéquat. » (sic)

[17]         Madame Dubé complète un document en annexe qui donne deux exemples où elle dit s’être sentie agressée dans son environnement de travail. Il s’agit de l’événement des signatures et celui relié au congédiement de l’éducatrice. Madame Dubé déclare avoir aussi relaté à madame Tétrault d’autres événements, comme celui où monsieur Brault a collé un « post-it » sur la chaudière disant « utilisez-moi », ou lorsqu’il disait que le bain était sale en parlant à un client devant elle, ou lorsqu’il critiquait son travail devant les autres. Elle qualifie cependant ces autres événements d’anecdotes.

[18]         Madame Dubé rapporte que lorsqu’elle a remis l’enveloppe à madame Tétrault, celle-ci lui a dit qu’elle savait que ce n’était pas évident pour elle et lui a parlé de faire une consolidation d’équipe. Madame Tétrault lui mentionne aussi qu’avec le document écrit, elle va pouvoir faire quelque chose, car elle n’avait que des plaintes verbales contre monsieur Brault. Selon madame Dubé, madame Tétrault a dit, en parlant de monsieur Brault, «  nous autres on l’appelle le caïd ou le fugueur  », et savoir qu’il avait déjà intimidé des gens. Madame Dubé dit avoir demandé à madame Tétrault ce que ça signifiait la consolidation d’équipe et quand elle aurait lieu. Madame Tétrault lui a répondu assez vite, dans les prochains mois, et que ça allait se régler en conciliation d’équipe. Madame Dubé précise qu’à cette époque, elle avait peur que ce type d’agression se reproduise et qu’elle ne pouvait plus travailler avec monsieur Brault. Cependant, elle dit aussi que la proposition de madame Tétrault l’a rassurée.

[19]         Le témoignage de madame Dubé sur la période qui suit, jusqu’au début janvier 2011, est confus. Elle dit que la situation avec monsieur Brault se poursuit, même que c’est pire, mais aussi que monsieur Brault était en maladie souvent. Elle ne donne aucun exemple précis, ne rapporte aucun événement. Elle aurait tenté à plusieurs reprises d’avoir un suivi de la part de madame Tétrault qui ne retournait pas ses appels et qui la fuyait lorsqu’elle la voyait. Elle n’était pas au courant des démarches de madame Tétrault. Madame Tétrault lui aurait cependant dit de continuer à prendre des notes et que le processus de consolidation pouvait être long.

[20]         Le procureur de l’employeur ayant rappelé à madame Dubé que monsieur Brault n’était plus à la résidence Quovadis, elle déclare qu’elle était toujours angoissée, car elle ne savait pas quand il reviendrait. Elle attendait la consolidation d’équipe. Madame Dubé dit aussi que monsieur Brault faisait une campagne contre elle partout où il passait. Elle aurait cependant réalisé cela plus tard. Donc au début du transfert de monsieur Brault elle était soulagée, mais pas par la suite. Madame Dubé dit avoir avisé monsieur Boyer de cette campagne de salissage contre elle. Elle en aurait aussi parlé au syndicat, à madame Marjelaine Dubé, qui lui aurait recommandé de prendre des notes et de garder cela confidentiel.

[21]         Le prochain incident rapporté par madame Dubé survient en réunion d’équipe le 18 janvier 2011. Il s’agissait d’une rencontre de tous les intervenants. Monsieur Brault était donc présent. Cette rencontre était animée par madame Viau, psychoéducatrice. Ils discutaient d’une situation où un client s’était adressé à un intervenant en disant «  petite crisse  ». Monsieur Brault a enchaîné en disant qu’il pourrait dire «  grosse crisse  » en regardant madame Dubé et madame Boulanger et en riant. Lors de la même rencontre, monsieur Brault aurait interrompu madame Dubé qui voulait répondre à une question. Madame Viau a mentionné que si ça continuait comme cela elle devrait arrêter la réunion.

[22]         À la suite de cette réunion, madame Dubé a envoyé une plainte rédigée sur un mémo adressé à monsieur Boyer (coordonnateur), à monsieur Benjamin (directeur des ressources humaines) et au syndicat. Le mémo est daté du 28 janvier 2011. Elle y relate les événements survenus lors de la réunion. Elle parle d’une attitude méprisante et agressive de la part de monsieur Brault. Elle fait référence à d’autres plaintes antérieures écrites et verbales. Elle demande que monsieur Brault soit avisé verbalement de la laisser tranquille et de s’assurer que ça ne se reproduise plus. Elle évoque que la situation est invivable et être épuisée de faire face aux comportements de monsieur Brault.

[23]         À l’audience, madame Dubé dit qu’à cette époque, elle pleurait lorsqu’elle arrivait chez elle, elle dormait mal et elle avait le souffle court. Elle affirme qu’elle appelait souvent monsieur Boyer, qu’elle pleurait au téléphone. Il lui disait d’être patiente, qu’il allait faire quelque chose, que la consolidation d’équipe s’en venait, qu’elle était capable. Elle demande à monsieur Boyer de ne pas être sur les mêmes quarts de travail que monsieur Brault. En contre-interrogatoire, madame Dubé précise que les échanges verbaux avec monsieur Boyer étaient postérieurs au mémo du 28 janvier 2011. Elle confirme que monsieur Boyer retournait ses appels lorsqu’elle laissait un message. Elle maintient que madame Tétrault l’évitait et ne retournait pas ses appels. Questionnée si elle savait à ce moment que monsieur Brault ne travaillait plus à Quovadis depuis septembre 2010, elle ne peut répondre.

[24]         Entre janvier et mars 2011, madame Dubé déclare que monsieur Brault l’a ignorée intentionnellement devant un client dévêtu, et l’a obligée à travailler avec un autre client. Elle affirme avoir alors décidé d’aller de l’avant avec une plainte officielle. Elle a écrit le mémo du 27 mars 2011, car il n’y avait pas de formulaire de plainte officielle à la résidence dans la filière réservée à cette fin. Madame Dubé dit qu’à cette époque elle travaillait toujours avec monsieur Brault et que c’était insupportable.

[25]         Donc le 27 mars 2011, madame Dubé envoie un mémo à monsieur Benjamin dans lequel elle dit déposer une plainte officielle. Ce mémo est aussi adressé à madame Anne-Marie Legault (chef de service) et à madame Marjelaine Dubé. Madame Dubé se plaint du dénigrement perpétuel et d’une situation insoutenable qui persiste malgré ses demandes d’intervention à monsieur Boyer et à madame Tétrault. Toujours selon madame Dubé, p endant la même période, monsieur Brault a ouvert une enveloppe qu’elle transmettait par courrier interne à une collègue de travail. Il a lu le document. Madame Dubé dit que monsieur Brault cherchait la pétition qu’il pensait qu’elle faisait contre lui.

[26]         Le 6 avril 2011, aidée par madame Marjelaine Dubé, madame Dubé remplit un formulaire «  Déclaration d’une plainte pour violence et/ou harcèlement  ». Elle y écrit ceci :

« Toute cette violence psychologique à chaque contact avec M. Brault tant professionnel ou personnel est invivable et m’empêche de rentrer au travail et d’accomplir avec une belle ambiance et avec une grande satisfaction mon travail que j’aime. Un stress constant angoisse me cause migraine lorsque je sais que demain matin il sera présent. Ma réputation est salie au sein de l’équipe et chef de réadaptation. Langage vulgaire, ne respecte pas mon espace personnel que je l’ai ressentis comme une agression. Reprend constamment mes interventions va à l’encontre de mon travail ce qui je crois affecte ma crédibilité devant clients. »

[27]         Elle demande de ne plus travailler avec monsieur Brault dû à son attitude qui persiste.

[28]         Madame Dubé joint à sa plainte du 6 avril 2011 le document transmis en juin 2010 à madame Tétrault et celui du 28 janvier 2011, en plus d’un autre document de trois pages. Elle relate dans ce dernier trois événements où monsieur Brault l’aurait dénigrée devant des clients. Lorsqu’elle regardait un spectacle d’humour avec un client, monsieur Brault est venu le chercher en disant «  c’est plate avec elle  ». Il a ramené le client deux minutes plus tard parce que ce dernier a manifesté vouloir retourner à cette activité. À un autre moment, elle mettait un bas à un client et monsieur Brault est venu rectifier la façon de faire, ce qui n’était pas nécessaire selon madame Dubé. Il a posé ce geste devant une auxiliaire en formation. Il a aussi critiqué une activité que la plaignante faisait avec les clients, en disant que c’était pas mal plus difficile de travailler de jour que de nuit. La date de ces événements n’est pas précisée.

[29]         À la suite de sa plainte du 6 avril 2011, la plaignante a reçu une lettre signée par madame Marie-Claude Lemieux et madame Louise Vinet du comité de traitement des plaintes. Cette lettre du 18 avril 2011 avise madame Dubé que le comité termine le traitement d’une plainte similaire à la sienne, que des suivis sont en cours pour tenter de corriger la situation, lui propose d’attendre les résultats des démarches déjà entreprises et de signaler, à l’automne, si elle n’est pas satisfaite des « résultats entrepris pour corriger la situation ». Après avoir reçu cette lettre du comité de traitement des plaintes, madame Dubé a compris qu’on minimisait la violence qu’elle subissait et qu’on ne l’écoutait pas, en plus de la faire attendre encore. Ses migraines se poursuivaient et elle continuait à annuler des quarts de travail. Elle dit qu’elle était anéantie.

[30]         Questionnée par l’employeur pour savoir pourquoi elle n’a pas fait de grief à ce moment, madame Dubé répond qu’on lui disait d’attendre, elle était donc obligée d’attendre. Elle dit qu’elle aurait préféré s’entendre avec monsieur Brault en médiation, et est confuse quant à l’implication du syndicat à cette étape. Elle affirme qu’elle n’était pas au courant de la démarche auprès de l’ASSTSAS faite conjointement par l’employeur et le syndicat. Elle précise ensuite sa réponse et dit qu’elle était au courant de la démarche, mais ne savait pas nécessairement que le syndicat en faisait partie. Lorsqu’elle a reçu la lettre du 18 avril du comité de traitement des plaintes, elle a téléphoné à madame Marjelaine Dubé. Madame Marjelaine Dubé lui aurait parlé de la conciliation d’équipe qui approchait et que si elle n’était pas satisfaite elle pourrait passer à l’enquête ensuite.

[31]         Madame Dubé prend des vacances à la fin mai début juin 2011. Pendant ses vacances, elle reçoit un appel du comité de traitement des plaintes qui veut la rencontrer parce que monsieur Brault a déposé une plainte contre elle. Elle souligne à l’audience que sa propre plainte n’est toujours pas traitée et on la dérange pendant ses vacances pour la plainte de monsieur Brault. Elle a rencontré le comité à son retour de vacances le 3 juin. Le comité lui a dit que la plainte de monsieur Brault était urgente. La lettre du 22 juin 2011 du comité de traitement des plaintes rejette la plainte de harcèlement de monsieur Brault contre madame Dubé. Cependant, le comité de traitement des plaintes précise qu’il y a en cours un processus de consolidation d’équipe, recommande l’embauche d’un médiateur pour mettre un terme aux conflits interpersonnels entre monsieur Brault, madame Dubé, et les autres personnes visées par la plainte de monsieur Brault.

[32]         Sur le processus de consolidation d’équipe mené par l’ASSTSAS, madame Dubé dit avoir rencontré madame Legault de l’ASSTSAS individuellement et lui avoir donné son opinion sur l’ambiance à Quovadis. Madame Dubé dit avoir voulu parler de la violence subie par monsieur Brault, mais que madame Legault lui a coupé la parole pour lui dire que ce n’était pas dans son mandat, qu’il y avait une enquête et qu’elle (madame Dubé) ne pouvait pas en parler. Madame Legault l’informe que la consolidation vise à régler les conflits au niveau des tâches, que son mandat est organisationnel, et qu’elle n’a pas le mandat de traiter les plaintes de harcèlement.

[33]         Madame Dubé se souvient d’une rencontre de consolidation d’équipe, mais ne peut identifier la date ni donner des détails sur le déroulement de la rencontre. Elle pense que ce serait en juin 2011. Une douzaine de personnes de Quovadis y assistaient. Elle dit que ça ne la rejoignait pas. Les sujets étaient l’ambiance au travail, les conflits au travail (sans nommer de noms), les horaires, les outils de travail. Madame Legault mentionne qu’elle sait que cela ne satisfait pas le besoin de certains. Madame Dubé ne se souvient pas si elle est restée jusqu’à la fin de la rencontre. Elle pleurait, elle tremblait, elle ne pouvait prendre le dessus.

[34]         Madame Dubé a été en arrêt de travail à compter du 9 juillet 2011 pour anxiété généralisée. L’arrêt de travail s’est terminé le 3 janvier 2012.

[35]         Madame Dubé témoigne aussi sur le processus de médiation entrepris pendant sa période d’arrêt en maladie. Les deux plaignantes, madame Isabelle Germain, monsieur René Bouchard et monsieur Brault devaient y participer. Le mandat de madame Laurin, selon madame Dubé, était de régler le problème entre les cinq personnes. Madame Dubé confirme avoir rencontré madame Laurin individuellement. Elle lui a expliqué ce qu’elle vivait. Elle ne voulait pas que cela soit confidentiel. Par la suite il y a eu des rencontres de groupe. Madame Dubé a fait une crise d’anxiété lors de cette rencontre. Elle était alors médicamentée et ne peut répondre précisément aux questions sur le déroulement de cette rencontre. Elle a continué à assister aux rencontres de groupe même si son médecin lui déconseillait de le faire. Elle dit qu’elle était de bonne foi. Madame Dubé dit que l’intervention de la psychologue n’était pas pertinente. Elle ne parlait pas des choses qui l’intéressaient. On ne touchait pas au cœur du problème. Madame Dubé dit avoir appelé madame Laurin à son bureau pour lui en faire part. Elle voulait par exemple parler du langage utilisé. Madame Laurin aurait répondu que si elle touchait à ce sujet ça explorerait. Lors de la dernière rencontre, madame Laurin aurait fait un tour de table. Son tour venu, madame Dubé a regardé monsieur Brault et lui a demandé s’il était capable d’arrêter de lui sacrer par la tête, de l’insulter, de l’humilier devant les clients. Il a répondu oui. La plaignante s’attendait à des excuses. Plus tard, monsieur Brault et madame Germain discutaient d’un problème de salade. En regardant la plaignante, il a dit que ce n’était pas une raison pour porter une plainte et se déclarer malade pour ça, et est parti à rire. Madame Laurin est intervenue et a dit que c’était de trop. La plaignante pleurait. Monsieur Brault a répliqué «  t’es ben trop émotive prends ta pilule  ». La plaignante en a conclu que monsieur Brault n’était pas de bonne foi. Elle s’est levée, a déclaré qu’elle poursuivait l’enquête et est partie.

[36]         Pendant l’automne 2011, madame Dubé est convoquée par madame Cynthia Paquet (chef du service de développement organisationnel et des relations de travail) à une rencontre. Cette rencontre avait pour but de parler de la réintégration de monsieur Brault à Quovadis. Madame Suzanne Boulanger, madame Isabelle Germain, monsieur René Bouchard étaient aussi présents. Monsieur Brault était là, mais est resté à l’extérieur de la salle. Il y avait aussi deux représentants syndicaux, madame Morrisseau et monsieur Morin. Madame Paquet et madame Anne-Marie Legault, la chef de réadaptation, sont aussi présentes. Madame Paquet a annoncé la réintégration de monsieur Brault et a fait part des outils disponibles, comme doubler le personnel le matin, installer une caméra, un changement d’horaire, ou autre suggestion.  Madame Dubé a mentionné que rien n’avait changé à la suite de la médiation et qu’elle était inquiète. Elle était contre le retour de monsieur Brault. Madame Boulanger est sortie en pleurant. L’employeur et le syndicat ont mentionné qu’ils n’avaient pas le choix de réintégrer monsieur Brault. Madame Paquet aurait lancé un ultimatum. Selon madame Dubé, tous les employés ont dit que la médiation n’avait rien réglé et qu’ils n’étaient pas à l’aise avec la réintégration de monsieur Brault.

[37]         À son retour de son congé de maladie, dans la nuit du 5 janvier 2012, un événement se produit avec monsieur Brault. Le 6 janvier au matin, monsieur Brault arrive. Selon madame Dubé, il bougonne et critique ses interventions, disant qu’elle n’est pas capable de faire un lit. Il lui reproche de ne pas mettre le déodorant à un client qu’elle habille. Madame Dubé lui répond qu’elle le met après. Pour elle, les insultes recommencent déjà. Elle en fait part au nouveau chef de service, monsieur Christian Dubé. Il y a eu une rencontre entre madame Dubé, monsieur Christian Dubé et monsieur Brault le 16 ou le 17 janvier 2012. Selon madame Dubé, monsieur Brault aurait admis les événements du 6 janvier, mais dit que ça n’avait pas rapport. Il fait reproche à madame Dubé de dormir la nuit et de rentrer avant son quart de travail. Il lui rappelle qu’elle n’arrivera à rien avec son enquête. Monsieur Brault, selon madame Dubé, dit qu’il est écœuré et qu’il n’a pas de temps à perdre. Monsieur Christian Dubé souligne à monsieur Brault que la rencontre n’est pas terminée. Monsieur Dubé conclut qu’il va essayer de faire un changement d’horaire, car il a deux bons employés, mais qu’ils ne peuvent s’entendre. Madame Dubé confirme que monsieur Dubé a effectivement tenté de faire des changements d’horaire. Elle a eu une autre rencontre avec monsieur Dubé qui lui a demandé si monsieur Brault avait changé son attitude, ce qu’a confirmé madame Dubé. Elle n’admet pas que monsieur Dubé lui ait aussi dit de changer son attitude à elle.  Elle allait quand même de l’avant avec sa plainte, car elle ne se fiait pas à cette amélioration qui pour elle était temporaire.

[38]         Le 29 janvier 2012, madame Dubé demande par écrit à monsieur Benjamin de traiter sa plainte de harcèlement psychologique. Elle y joint une nouvelle annexe dans laquelle elle explique pourquoi elle considère que monsieur Brault n’offre pas une démarche sincère en médiation, et dans laquelle elle détaille l’attitude insultante de monsieur Brault le 6 janvier au matin. En fait, monsieur Brault, selon cette annexe, critique tous les gestes qu’elle pose dans le cadre de son travail. Une autre demande au même effet est transmise le 12 février 2012 à monsieur Benjamin. Les deux documents ont plusieurs pages. Madame Dubé y déplore la démarche de médiation qui n’a pas fonctionné et dénonce que monsieur Brault a repris le même comportement en faisant référence aux événements du 6 janvier et à la rencontre avec monsieur Christian Dubé.

[39]         Le 26 février 2012, madame Dubé fait parvenir à l’attention de monsieur Benjamin, monsieur Nicolas Léger Bourgoin et madame Linda Tétrault une nouvelle lettre qui demande à l’employeur d’assurer sa dignité, sa sécurité et de cesser d’être harcelée par Jean-Luc Brault. Elle signale que depuis le départ de Christian Dubé, monsieur Brault a recommencé à nuire à sa qualité de vie. Monsieur Brault aurait écrit, sur un document destiné à recueillir des sujets de réunion, des éléments mensongers à son égard. Elle dit aussi qu’il la suit dans son travail et la critique devant les clients, sur un ton inadéquat. Elle redemande de ne plus être en contact avec monsieur Brault. Madame Dubé affirme que ses maux de tête recommençaient. Elle aurait laissé des messages à madame Tétrault, et lorsqu’elle a réussi à lui parler, madame Tétrault lui aurait dit qu’elle avait été débordée.

[40]         La liste des points à discuter en réunion est déposée. Cette liste est complétée par les employés avant les réunions. Pour la réunion devant avoir lieu le 27 mars 2012, on distingue deux ou trois écritures. Madame Dubé se sent visée par certaines demandes comme celle sur la cigarette et le point sur le ménage qui laisse à désirer. Madame Dubé affirme avoir été profondément blessée. Monsieur Brault lui reprochait de fumer près de la porte et que ça puait dans la résidence. En réunion, monsieur Léger Bourgoin a avisé monsieur Brault que ce n’étaient pas des points à amener en réunion, mais que ces éléments devaient être réglés avec les personnes concernées. Madame Dubé ne connaissait pas monsieur Léger Bourgoin. Il a rencontré monsieur Brault après la réunion, mais pas elle. Selon madame Dubé, monsieur Brault a continué à passer d’autres commentaires sur son travail, devant les clients. Elle donne un exemple où monsieur Brault lui reproche de ne pas avoir ramassé une couche, alors que l’objectif de madame Dubé était que le client apprenne lui-même à être propre.

[41]         Suite à sa demande de traiter sa plainte, madame Dubé rencontre le comité de traitement des plaintes le 1 er mars 2012. Quelques jours avant la rencontre avec le comité, madame Dubé a reçu un appel de madame Vinet qui, selon le témoignage de madame Dubé, lui offre de s’entendre pour éviter de faire une enquête, considérant son état de santé. Madame Vinet aurait dit avoir parlé avec monsieur Benjamin. L’entente consistait à ne plus jamais travailler avec monsieur Brault et comprenait un léger dédommagement. Madame Dubé déclare avoir été stupéfaite. Elle considère qu’on ne veut pas l’entendre et que l’employeur veut étouffer l’affaire. Elle a refusé l’offre. Madame Dubé a aussi reçu un appel de madame Germain qui disait savoir qu’elle passerait au comité des plaintes. Madame Germain a induit cela, car elle a entendu madame Tétrault dire qu’elle allait au comité des plaintes. Madame Dubé a trouvé la coïncidence bizarre.

[42]         Le 1 er mars 2012, madame Dubé est accompagnée par madame Marjelaine Dubé. Au début de la rencontre, madame Marjelaine Dubé ne veut pas s’asseoir en retrait comme on lui demande. Elle s’assoit finalement à côté de madame Dubé. Il n’y a cependant pas eu enquête de la part du comité. Madame Dubé doutait de l’impartialité du comité. Elle voulait savoir de qui venait l’idée de proposer une entente. Madame Vinet a répondu que c’était le comité avec l’accord de monsieur Benjamin. Elles ont dit ne pas avoir rencontré madame Tétrault et que cette dernière allait peut-être au comité des usagers. Madame Dubé veut aussi savoir pourquoi la plainte de monsieur Brault a été entendue rapidement. La réponse qu’il y avait urgence, car cela impliquait des clients ne la satisfait pas. Madame Dubé insiste beaucoup sur le rôle de madame Tétrault avec les membres du comité qui, selon elle, ne semblent pas savoir quoi répondre. Madame Dubé demande si elle va devoir travailler avec monsieur Brault si elle ne veut pas poursuivre avec l’enquête. Madame Vinet et madame Lemieux doivent vérifier avec monsieur Benjamin. Madame Dubé dit qu’elle veut réfléchir avant de commencer l’enquête avec le comité. Elle quitte la rencontre en disant qu’elle veut aller devant un arbitre. Elle veut que l’employeur reconnaisse qu’il y a eu des manquements. Elle confirme à l’audience qu’elle considérait que le comité était partial.

[43]         La même journée, un message sur le répondeur de madame Dubé l’informe que le comité des plaintes ne pouvait faire les démarches pour elle, car elle avait refusé son intervention. Elle devait donc organiser elle-même avec l’employeur de ne plus travailler avec monsieur Brault. Madame Dubé a contacté monsieur Benjamin, mais c’est monsieur Léger Bourgoin qui a discuté avec elle. Madame Dubé n’en peut plus de recommencer son histoire avec chaque nouveau chef de service. Elle demande que monsieur Brault ne l’engueule plus devant les clients et ne lui sacre plus par la tête. Elle dit que si elle essaie de l’éviter il la suit dans les chambres. La dernière fois il la critiquait devant un client en bloquant la porte de chambre par sa présence, elle ne pouvait pas quitter la chambre. À cette époque, madame Dubé dit qu’elle pleure beaucoup et les maux de tête persistent.

[44]         Le 2 mars 2012, l’employeur avise madame Dubé que le comité va traiter sa plainte. Madame Dubé considère qu’il s’agit d’une lettre d’excuses.

[45]         Peu de temps après, monsieur Léger Bourgoin est entré un matin à la résidence pour voir comment ça se passait. Selon madame Dubé, monsieur Brault est arrivé en claquant la porte, comme d’habitude. Tous les clients étaient éveillés et elle avait commencé la routine du matin. Lorsque monsieur Brault est arrivé, madame Dubé explique lui avoir dit où elle était rendue et demandé de superviser dans le salon. Il a répondu «  quoi, pas capable de faire ta job encore, tu vas me laisser le temps de préparer mon thé et après ça on verra  ». Monsieur Brault est entré dans la cuisine et monsieur Léger Bourgoin y était assis. Monsieur Léger Bourgoin aurait dit à monsieur Brault  «  tu n’as pas entendu ce que ta collègue a demandé elle a besoin d’aide sur le plancher  ». Monsieur Brault a répondu qu’il était venu porter des choses, mais monsieur Léger Bourgoin a répliqué qu’il avait les mains vides.

[46]         Madame Dubé confirme qu’il y a eu des changements d’horaire par la suite, faisant en sorte qu’elle n’était plus seule avec monsieur Brault le matin. Ce dernier arrivait à 7h15, et il devait attendre dans sa voiture que madame Dubé ait quittée pour pouvoir entrer. Un autre employé entrait à 7 heures. Elle pense que le nouvel horaire a commencé au printemps 2012. Selon le témoignage de madame Dubé, madame Tétrault et monsieur Dubé avaient essayé auparavant, mais il y avait un problème le lundi et le dimanche.

[47]         Questionnée pour savoir s’il y a eu d’autres plaintes par la suite, madame Dubé dit qu’il y a eu des plaintes verbales à monsieur Léger Bourgoin, mais que c’était beaucoup mieux.

[48]         Le 29 mars 2012, madame Dubé dépose le grief dont est saisi le présent tribunal.

[49]         Depuis septembre 2012, monsieur Brault ne travaille plus à la résidence Quovadis. Il occupe un poste ailleurs toujours au service de l’employeur.

[50]         Madame Dubé dit qu’elle n’a pas eu l’aide qu’elle aurait dû avoir de la part de l’employeur. L’employeur n’a pas agi pendant trois ans alors qu’elle subissait de la violence physique et verbale. La conciliation d’équipe a été inutile, comme la médiation. Madame Dubé conçoit que l’intervention de l’ASSTSAS avait sa raison d’être quant au climat de travail, mais que son problème à elle était différent, car elle vivait de l’intimidation, du dénigrement et du manque de respect de la part de monsieur Brault, devant les clients. Elle veut obtenir des dommages de la part de l’employeur. Elle dit avoir subi une baisse de revenu parce qu’elle était absente du travail et ne faisait pas de temps supplémentaire. Sa réputation a été entachée dans tout le réseau à cause des propos véhiculés par monsieur Brault. Elle ne comprend pas que monsieur Brault n’a même pas eu une lettre disciplinaire. Il lui riait dans la face, dit-elle, lui disant qu’il était protégé. Madame Dubé voudrait que le tribunal impose une sanction à monsieur Brault. Elle voudrait que l’employeur s’excuse d’avoir minimisé les faits. Elle voudrait des dommages moraux pour l’anxiété et l’humiliation. Elle a aussi dû prendre des médicaments qui l’ont affecté physiquement.

Témoignage de madame Suzanne Boulanger (plaignante)

[51]         Madame Boulanger travaille pour l’employeur depuis 2001. Elle était alors sur appel. Dès cette époque, il l’abordait de façon humiliante. Elle lui parlait du plan d’intervention pour justifier ses façons de faire. En 2002, monsieur Brault a cessé de travailler de nuit. Elle refusait les quarts de jour pour ne pas travailler avec lui. Elle n’en a pas parlé à l’employeur. Elle a trouvé le moyen de l’éviter jusqu’en 2010, changeant ses quarts de travail lorsque nécessaire. Elle aurait cependant fait une plainte écrite en 2008 à madame Claude Desjardins, chef par intérim à  Quovadis. Elle n’a pas de copie du mémo. Elle avait peur de subir un complot de la part de monsieur Brault, qui l’avait apostrophé pour une affaire de bain qu’il disait être sale. Madame Boulanger dit n’avoir eu aucun suivi de la part de l’employeur et elle n’a pas relancé madame Desjardins sur cette question.

[52]         Madame Boulanger a aussi fait une plainte verbale en 2009 à monsieur Pierre Rousseau. À ce moment l’établissement était temporairement sur la rue Robert. Madame Boulanger rapporte qu’elle trouvait des objets cachés. C’est aussi à cette époque qu’elle a été éclaboussée par de l’eau de javel placée dans le fond d’une poubelle. Madame Boulanger ne se souvient pas que monsieur Rousseau ait vraiment réagi, sauf pour lui dire de bien faire son ménage.

[53]         En 2010, madame Boulanger avait un poste de nuit. Elle quittait à 7h15 et monsieur Brault arrivait à 7h00. Monsieur Brault a commencé à lui dire, devant témoin, de ne pas oublier son lunch en sortant, en parlant du sac de poubelles de la cuisine. Madame Boulanger souligne que se faire dire cela une fois c’est déjà beaucoup, mais que monsieur Brault a répété ce commentaire 10 ou 15 fois sur une période de deux ans, la dernière fois devant monsieur Dubé. Comme elle travaillait tellement peu souvent avec lui, dit-elle, c’était pratiquement chaque fois.

[54]         Toujours à cette même époque, monsieur Brault la critique devant les usagers, sur ses façons de faire. Madame Boulanger donne l’exemple d’une fois où un usager nettoyait un dégât qu’il avait fait, et il est intervenu et a amené l’usager avec lui.

[55]         De retour à Quovadis, c’est plus difficile pour madame Boulanger de ne pas travailler avec monsieur Brault. En juin 2010, elle ne peut plus faire d’échanges d’affectations avec d’autres collègues. Elle ne peut plus éviter de le croiser le matin. Pendant 15 minutes elle est seule avec lui et elle dit que c’était interminable à subir. En plus, les comportements de monsieur Brault s’amplifiaient. Il était toujours agressif et de mauvaise humeur. Une fois il pensait qu’il y avait une pétition contre lui et il cherchait partout. Une autre fois il n’avait pas ses clefs et a été désagréable parce qu’il a attendu que madame Boulanger lui ouvre la porte.

[56]         Madame Boulanger souligne qu’il fallait faire quelque chose pour que ça change. Elle signe avec madame Dubé et madame Benoît une dénonciation de violence psychologique et verbale au travail qui sera transmise à madame Tétrault. Madame Boulanger n’a pas parlé personnellement à madame Tétrault ni tenté de la rejoindre, et madame Tétrault n’a pas communiqué avec elle. Elle s’informait du suivi auprès de madame Dubé. Elle ne sait pas si madame Tétrault a fait des vérifications.

[57]         Le document complété par madame Boulanger joint à la lettre transmise à madame Tétrault en juin 2010 décrit sommairement quelques événements. Elle reproche à monsieur Brault d’avoir dit, devant des collègues, de ne pas oublier de sortir son lunch en montrant le sac de déchets. Ce comportement aurait été répété à plusieurs reprises. Il cache des objets dans le but de la dégrader pour vérifier si elle fait bien le ménage. Il lève le ton lorsqu’il y a un désaccord, même devant les clients. Par la suite il peut ne pas lui parler pendant des semaines. Madame Boulanger souligne que tout cela est stressant pour elle et elle ne sait pas si elle pourra accepter ces comportements longtemps. Madame Boulanger ne peut identifier les collègues témoins du commentaire du sac de déchets.

[58]         Madame Boulanger dit qu’à partir de ce moment elle note ce qui arrive, sur le conseil de madame Tétrault. Elle dépose un document daté du 6 juillet 2010. Ce matin-là, monsieur Brault crie en lui disant de s’occuper des clients. Elle trouve le climat de travail stressant. Elle décrit la réaction de monsieur Brault après qu’elle eut demandé à un client de laver son lit, croyant que c’était la façon de faire. Un autre incident est lié au lavage des vêtements des clients. Elle conclut que tout est un argument avec lui, et aussi que monsieur Brault sait qu’une plainte a été portée contre lui. Madame Boulanger ne sait pas comment ce document a été transmis à madame Tétrault. Une note en haut du document, qui n’est pas de l’écriture de madame Boulanger, indique « envoyé à Linda Tétrault le ou vers le 6/07/2010 ». Madame Boulanger pense qu’il s’agit de l’écriture de Marjelaine Dubé. Elle dit ne pas avoir eu de retour de la part de madame Tétrault.

[59]         Quelque temps après, madame Boulanger dit avoir appelé monsieur Boyer, parce que la lettre à madame Tétrault ne donnait rien. Elle a alors laissé un message qui disait qu’elle voulait lui parler de la situation qu’elle subissait. Monsieur Boyer n’a jamais retourné son appel. Elle précise qu’elle pleurait lorsqu’elle a laissé son message. Elle n’a pas fait d’autres démarches à cette époque. Elle travaillait de nuit, elle rentrait chez elle tout de suite après les réunions d’équipe. Elle faisait le suivi avec madame Dubé, qui elle faisait le lien avec madame Tétrault. Madame Dubé lui disait que «  ça s’en venait  ». Questionnée si elle savait qu’un plan d’action avait été élaboré en juillet 2010 par l’employeur, madame Boulanger répond que non.

[60]         Madame Boulanger affirme que pendant cette période, de juin 2010 à février 2011, elle subissait régulièrement les gestes de monsieur Brault. Elle ne sait pas que monsieur Brault était absent à l’automne 2010.

[61]         Le 28 janvier 2011, madame Boulanger fait une plainte écrite au service des plaintes. Le document a été envoyé par télécopieur au service des plaintes, à St-Jean. Elle y écrit avoir porté plainte il y a quelques mois contre le harcèlement subi depuis plusieurs années sans qu’il n’y ait de changement. L’événement qui a déclenché cette démarche est survenu lors d’une réunion d’équipe du 18 janvier 2011 sur le plan d’intervention. Madame Boulanger écrit que monsieur Brault est agressif dans sa façon de lui poser des questions. Monsieur Brault, en regardant madame Boulanger, disait qu’un client parlait de la «  grosse crisse  ». Dans sa plainte, madame Boulanger exprime qu’elle commence à ressentir des symptômes de migraine, d’insomnie, de stress. Elle y décrit aussi un événement survenu le 26 janvier 2011 sur lequel elle ne témoigne pas.

[62]         Le 10 février 2011, madame Boulanger, avec l’aide du syndicat, rédige, sur le formulaire prescrit, une déclaration d’une plainte pour violence et/ou harcèlement. Elle consulte un médecin au printemps 2011, car elle pleurait tout le temps. Elle était épuisée. Elle décrit dans sa plainte l’événement où monsieur Brault a parlé de la «  grosse crisse  » en la regardant, l’événement du sac de déchets, du fait qu’il cache des objets et qu’il passe des commentaires sur son travail (événement de l’urine et des rideaux).

[63]         Le 13 avril 2011, le comité, après avoir fait enquête, répond par écrit qu’il est incapable de déterminer le bien-fondé de la plainte à cause de témoignages contradictoires. Il souligne qu’il a cependant constaté un important problème relationnel entre madame Boulanger et monsieur Brault. Il recommande au directeur général d’entreprendre rapidement des démarches pour régler cette situation.

[64]         Madame Boulanger se dit très déçue du résultat et comprend qu’elle devra encore subir cela. Cependant, au moment où elle a rencontré les membres du comité elle n’a pas eu l’impression qu’ils étaient biaisés.

[65]         Madame Boulanger témoigne assez brièvement sur le processus de médiation. Elle y a assisté à l’été 2011. Au début, elle croyait que la médiation visait à régler le problème de harcèlement, ce qui n’était pas le cas. La discussion tournait autour des problèmes quotidiens, des sujets de réunion d’équipe qui visaient surtout le personnel de jour. Une fois Jean-Luc Brault a dit «  je veux m’excuser Suzanne  » et la psychologue lui a indiqué avec sa main de cesser. Un des sujets était aussi de trouver des qualités à l’intervenant en face de nous.

[66]         Madame Boulanger confirme avoir assisté à la rencontre avec l’employeur en octobre 2011 lorsqu’elle a été avisée de la réintégration de monsieur Brault. Elle dit avoir été menacée par madame Paquet d’être déplacée si la situation ne se réglait pas. Madame Paquet parlait d’une situation de conflit entre travailleurs. Madame Boulanger a dit que ce n’était pas cela, mais du harcèlement. Questionnée par l’employeur pour savoir s’il y avait aussi des conflits, elle répond qu’il y en a partout. En contre-interrogatoire, madame Boulanger précise ne pas avoir été menacée personnellement. Elle a perçu comme une menace le commentaire de madame Paquet que si la situation ne se replaçait pas elle prendrait les moyens en déplaçant les employés un peu partout. Elle a compris de ces propos qu’il y avait des conflits et non du harcèlement, et que si les conflits ne se réglaient pas ils seraient déplacés. Elle a alors éclaté en sanglots en disant que c’était du harcèlement et non un conflit. Pour elle c’était une menace parce que c’était une situation qu’elle ne pouvait pas régler.

[67]         Le prochain élément dans le dossier de madame Boulanger est un courriel du
2 mars 2012 dans lequel elle demande à monsieur Benjamin de ne pas être en contact avec Jean-Luc Brault le lundi, car elle doit rencontrer le syndicat à 14 heures. Madame Boulanger affirme que la situation perdurait. Elle n’a pas eu de réponse de monsieur Benjamin, et monsieur Brault était là le lundi matin. Madame Boulanger croit que le
5 mars 2012 [1] serait le lundi en question. Elle a écrit un document qui relate une série d’événements survenus entre la fin 2011 et 2012. Elle n’a pas remis ce document à un représentant de l’employeur. Elle dit en avoir parlé verbalement à Christian Dubé une nuit lorsqu’il se serait rendu sur place pour observer, sans toutefois lui dire nommément qu’il s’agissait de Jean-Luc Brault, et à Anne-Marie Legault. Madame Boulanger a dit à monsieur Dubé que l’ambiance n’était pas bonne. Elle aurait cependant identifié monsieur Brault à madame Legault, et décrit des événements. Madame Legault lui aurait suggéré de consulter parce qu’elle pleurait beaucoup. La plaignante ne se souvient pas de ce que madame Legault lui aurait dit en plus. Madame Boulanger dit qu’elle se déclarait souvent malade en 2011 et 2012. Dans le document daté du 5 mars 2012, madame Boulanger rapporte certains commentaires faits par Jean-Luc Brault qui, par exemple, trouve que le bain est sale ou entre dans une pièce où deux personnes se trouvent et demande s’il y a un meeting. Il néglige de répondre à une demande de madame Boulanger reliée aux soins à donner à un patient. Monsieur Brault aurait aussi délibérément, selon madame Boulanger, répondu par terre le contenu d’un sac de vidanges. Elle ne l’a pas vu faire, mais a entendu un bruit et a ensuite constaté le dégât. Monsieur Brault impute le tout à un client.

[68]         Le 28 mars 2012, madame Boulanger envoie un courriel à monsieur Benjamin, et lui demande que l’offre de changement d’horaire soit respectée. Ce courriel situe le contexte de l’époque comme suit :

« Le 27/02/2012 Mme Linda Tétrault m’a proposer un changement d’horaire vu la situation délicate que je vivais avec M. Brault et aussi après la demande que je vous avait fait par email le 26/02/2012. Cette offre ne fut pas respecter par Mme Tétrault. Malgré le fait que j’ai accepter cette offre avec empressement et dailleur c’était aussi une demande fait le jours avant par moi - meme aupres de vous Le 20/03/2012 Mme Tetrault passe a Quo vadis alors je rappel l’offre quelle m’avait fait le 27/02/2012, elle me dis avoir rendez vous avec vous ainsi que M. Léger ce jour la alors j’espérais que ce changement d’horaire soit fait dès le lendemain, mais ce ne fut pas le cas et ce ne l’ai toujours pas. Alors M. Benjamin j’aimerais que vous faite en sorte que cette offre soit respecter le plus rapidement possible pour un climat de travail plus adéquat et pour aussi ma santé mentale. Merci de l’attention que vous porterez a ma demande. »

[69]         À l’audience, madame Boulanger affirme avoir accepté l’offre de madame Tétrault immédiatement. Entre février et mars 2012, le harcèlement de la part de Jean-Luc Brault a continué. Elle ne savait plus à qui faire appel.

[70]         Madame Boulanger dépose aussi un mémo daté du 10 mai 2012 adressé à madame Tétrault et à monsieur Léger Bourgoin. Elle y aurait joint un document de deux pages qui fait état d’incidents survenus avec monsieur Brault. Un lundi matin (non daté), monsieur Brault serait intervenu entre madame Boulanger et un patient. Madame Boulanger voulait diriger un patient vers le salon, et monsieur Brault lui a dit en parlant fort de le laisser venir à la cuisine. Madame Boulanger s’apprêtait à quitter. Monsieur Brault aurait crié trois ou quatre fois «  lâche-le  » à deux pouces de ce client. Madame Boulanger déplore l’attitude de monsieur Brault pour plusieurs raisons. On ne doit pas intervenir ainsi face à un client qui est anxieux, et elle s’est sentie intimidée et agressée. Madame Boulanger souligne que Jean-Luc Brault ne commence pas son quart de travail avant 7h15, il n’a donc pas à intervenir. Elle dit qu’elle ne tolère plus ce genre de comportement dénigrant. Ce document, selon madame Boulanger, a été laissé dans la pochette destinée au courrier interne pour madame Tétrault et monsieur Léger Bourgoin. Son contenu n’a pas été vidé avant un mois. Aucun suivi n’a été fait par l’employeur.

[71]         Madame Boulanger ajoute que même si monsieur Brault entrait à 7h15, ça ne changeait rien, il lui rentrait dedans quand même. Madame Boulanger affirme qu’elle vérifiait si l’autre personne entrait le matin sinon elle se déclarait malade. Le grief de madame Boulanger est daté du 27 mars 2012.

Témoignage de madame Marjelaine Dubé

[72]         Les éléments pertinents du témoignage de madame Marjelaine Dubé se résument ainsi. Madame Marjelaine Dubé a pris sa retraite en 2009. Elle a été présidente du SNEI devenu le STTRMO, et ensuite vice-présidente aux litiges et griefs. Elle agissait dans le présent dossier à titre de consultante à la demande du syndicat.

[73]         À la demande de madame Morrisseau, présidente du syndicat, elle a accompagné mesdames Dubé et Boulanger dans leurs démarches pour déposer leurs plaintes de harcèlement et les griefs de mars 2012. Elle n’a pas fait de suivi auprès des plaignantes entre les plaintes et les griefs. Madame Marjelaine Dubé n’a pas validé les allégations de madame Boulanger, pas plus que celles de madame Dubé. Elles semblaient crédibles. Elle faisait rapport à monsieur Morin du syndicat, parce que madame Morrisseau et monsieur Brault avaient un lien personnel entre eux.

[74]         Madame Dubé témoigne sur la rencontre avec le comité de traitement des plaintes du 1 er mars 2012. La rencontre débute avec un accrochage sur l’endroit où elle peut s’asseoir. Madame Marjelaine Dubé dit que lors d’autres rencontres elle pouvait s’asseoir à côté de la personne plaignante. Par la suite, madame Dubé demande au comité pourquoi ils ont rencontré madame Tétrault avant elle. Mesdames Vinet et Lemieux nient que c’est le cas. Madame Dubé demande de qui vient l’idée de la proposition de règlement. Mesdames Vinet et Lemieux répondent que l’idée vient d’elles, mais qu’elles ont vérifié avec monsieur Benjamin qui était d’accord avec la proposition. Madame Vinet aurait confirmé que si madame Dubé acceptait la proposition la plainte tomberait. Madame Dubé demande pourquoi la plainte de monsieur Brault a été traitée avant la sienne. Madame Vinet fait des vérifications et dit qu’il y avait une urgence étant donné que monsieur Brault alléguait que madame Dubé faisait boire des usagers. Madame Dubé dit que c’est plutôt elle qui s’est plainte que monsieur Brault faisait boire des usagers. Madame Vinet réplique que son dossier était similaire à celui de madame Boulanger. Madame Dubé ne veut pas poursuivre la rencontre, elle dit qu’elle n’a pas confiance et veut réfléchir.

[75]         Madame Marjelaine Dubé ajoute que madame Dubé avait demandé de ne pas être en présence de monsieur Brault et que madame Vinet avait dit que monsieur Benjamin était d’accord.  À la fin de la rencontre madame Dubé demande si ça tient toujours de ne pas travailler avec monsieur Brault. Madame Vinet dit qu’elle va vérifier avec monsieur Benjamin.

[76]         Madame Marjelaine Dubé distingue la situation des deux plaignantes de l’intervention de l’ASSTSAS. Elle explique que le syndicat a demandé à l’employeur, en CRT, en janvier 2011, de gérer la situation qui existait à Quovadis. Madame Marjelaine Dubé parle de problèmes entre le quart de jour et de soir sur l’application des programmes et sur la philosophie d’intervention auprès des usagers. L’employeur était d’accord pour faire des démarches pour résoudre les problèmes à l’intérieur de l’équipe. C’est dans ce contexte qu’une demande conjointe à l’ASSTSAS a été faite en février 2011. Madame Marjelaine Dubé décrit le mandat de l’ASSTSAS comme un mandat de réconciliation d’équipe. Il n’est pas question des deux plaignantes ou de situations de harcèlement psychologique. Un comité aviseur a été formé, composé de deux représentants de l’employeur, de deux représentants du syndicat et de madame Legault, pour faire le suivi du mandat. L’ASSTSAS a débuté des rencontres individuelles pour constater qu’une démarche de consolidation d’équipe avec cinq personnes, dont monsieur Brault et les deux plaignantes, était nécessaire. Une autre personne, madame Laurin, a été appelée à cette fin. Des rencontres avec madame Laurin ont eu lieu de juillet à octobre 2011. Pendant ce temps les autres membres du personnel étaient déçus, car l’ASSTSAS avait suspendu les rencontres. En septembre 2011, une autre personne, monsieur Larin, a fait une intervention sur la qualité des services et a fait des recommandations.

[77]         En contre-interrogatoire, madame Marjelaine Dubé situe plutôt les premières discussions d’intervention vis-à-vis l’équipe  à mars ou juin 2010. Les problèmes visaient tout ce qui concerne l’organisation du travail. Les conflits dans l’équipe découlaient des différentes approches face au travail. Les difficultés étaient reliées à l’application des plans d’interventions. Elle n’a pas fait de lien entre les problématiques qu’elle décrit ici et le cas de madame Boulanger et de madame Dubé qui travaillaient de nuit.

[78]         Elle est questionnée par l’employeur sur certaines rencontres survenues entre elle et monsieur Brault, lorsque ce dernier voulait déposer une plainte de harcèlement psychologique. Le syndicat s’oppose à ce qu’elle réponde aux questions sur la teneur des échanges qui seraient confidentiels. Les deux parties ont argumenté par écrit sur cette objection. Le tribunal a considéré que les critères de Wigmore dans l’arrêt Gruenke [2] n’étaient pas remplis. Il a autorisé certaines questions en respectant la règle de la pertinence, étant donné que l’employeur plaide avoir pris les mesures nécessaires avec la collaboration du syndicat. Les réponses de madame Marjelaine Dubé seront cependant considérées comme du ouï-dire pour établir ce que monsieur Brault a fait ou non. Si l’employeur veut établir la version de monsieur Brault, il devra le faire témoigner.

[79]         En résumé, madame Marjelaine Dubé confirme avoir parlé à monsieur Brault à plusieurs reprises, dans le cadre de sa plainte de harcèlement et aussi lorsque madame Laurin faisait les rencontres de consolidation. Elle a informé monsieur Brault qu’elle avait accompagné madame Dubé et madame Boulanger dans leur plainte respective. En fin de compte, madame Marjelaine Dubé lui aurait recommandé de ne pas déposer de plainte, mais que la décision lui revenait. Monsieur Brault reprochait aussi à madame Laurin et à madame Legault leur manque d’objectivité face à lui. Pendant toute cette période, monsieur Brault demandait à réintégrer son poste. L’employeur refusait. Il a déposé un grief à cet effet en septembre 2011, avec l’accord du syndicat. Madame Marjelaine Dubé confirme que le problème n’était pas réglé à cette date et que les rencontres se poursuivaient avec madame Laurin, qui trouvait que ce n’était pas le moment de le réintégrer. Madame Marjelaine Dubé dit que c’est le syndicat qui a demandé au départ que monsieur Brault soit retiré de la résidence à cause du dossier de harcèlement. Comme il ne se passait rien de ce côté, il n’avait pas à être pénalisé et il voulait participer au débat sur l’organisation de la résidence. Par la suite, madame Marjelaine Dubé dira que le syndicat a demandé que monsieur Brault soit retiré de la résidence parce qu’il revenait d’une maladie et que tout le monde se tirait les cheveux à la résidence. Monsieur Brault travaille de jour, dit-elle, et c’est lui qui subit la pression de défendre les enlignements au niveau des interventions et des programmes. C’était pour le protéger.

-        Témoignages des chefs de service et des coordonnateurs

[80]         Un tableau est déposé qui illustre l’historique des gestionnaires :

 

Période en poste

Nom du chef de service

Coordonnateur

2009.01.26 au 2010.01.16

Pierre Rousseau

Jean-Charles Boyer

2010.01.17 au 2010.09.12

Linda Tétrault (intérim)

Jean-Charles Boyer

2010.09.13 au 2010.12.09

Maria De La Penna

Jean-Charles Boyer

2010.12.09 au 2011.02.14

Linda Tétrault (intérim)

Jean-Charles Boyer (retraite le 2011.06.13)

2011.02.15 au 2011.11.27

Anne-Marie Legault (intérim)

Nicolas Léger Bourgouin (intérim)

2011.11.28 au 2012.02.23

Christian Dubé

Linda Tétrault (débute le 2011.08.15)

2012.02.24 au 2012.03.06

Linda Tétrault (intérim)

Linda Tétrault

2012.03.07 au 2012.08

Nicolas Léger Bourgouin (intérim)

Linda Tétrault

2012.08 au 2012.09 (mi)

Jean-Charles Boyer (intérim)

Linda Tétrault

2012-09 (mi) au 2012.10.08

Linda Tétrault et             
Jean-Charles Boyer (intérim)

Linda Tétrault

2012.10.29

Mihaela Serban

Linda Tétrault


Témoignage de madame Linda Tétrault

[81]         En janvier 2010, madame Tétrault ne connaît ni les plaignantes ni monsieur Brault. À ce moment, la résidence n’était pas facile à gérer parce qu’elle accueillait de nouveaux usagers avec des troubles graves de comportement, et aussi au niveau de la dynamique d’équipe. À cette époque, madame Tétrault allait à la résidence une fois par semaine et faisait une réunion d’équipe aux deux semaines.

[82]         Elle a reçu la dénonciation signée par les deux plaignantes et madame Benoît en juin 2010, après une réunion d’équipe. Elle a lu le document et affirme avoir dit à madame Dubé que si les allégations étaient véridiques elle appelait ça des attitudes de caïd et qu’il fallait que ça cesse. Elle précise à l’audience qu’elle signifiait par cela une attitude d’intimidation, de contrôle, d’irrespect. Elle dit aussi à madame Dubé qu’elle va communiquer avec les ressources humaines et faire un suivi. Les ressources humaines lui recommandent de faire une enquête administrative. À la fin juin ou début juillet, madame Tétrault rencontre les gens de l’équipe de jour et de soir pour vérifier le pouls de l’équipe et s’il y avait des témoins des gestes reprochés à monsieur Brault. Elle constate à ce moment qu’il y a des clans qui se jugent mutuellement. Elle conclut son enquête en disant qu’il n’y a pas de plaintes des autres membres de l’équipe envers Jean-Luc Brault, mais beaucoup de critiques envers les différents membres de l’équipe. Madame Tétrault dépose un document qui reprend les informations qu’elle a recueillies. Les propos des personnes rencontrées portent sur des communications faites sur un ton inacceptable (de la part de madame Boulanger), une intervenante qui dit s’être fait « rentrée dedans » par deux autres employés, des critiques sur le fait que les autres employés ne suivent pas la programmation, l’ambiance difficile. Monsieur Brault a demandé à la rencontrer avant la fin de son enquête. Il lui dit « comme ça tu m’appelles le caïd ». Il a nié les allégations des plaignantes sauf une fois, avoir dit à madame Boulanger de ne pas oublier son lunch en faisant référence au sac de déchets. Même s’il niait en général le comportement reproché, madame Tétrault dit lui avoir demandé d’avoir un ton respectueux envers ses collègues et qu’il fallait que ça cesse immédiatement.

[83]         Suite à cette enquête, madame Tétrault a communiqué avec madame Paquet aux ressources humaines pour lui dire qu’il ne s’agissait pas d’une situation spécifique à madame Dubé ou à madame Boulanger, mais d’une dynamique d’équipe. Son enquête lui indique que les employés n’appliquent pas les plans d’interventions et critiquent les autres quarts de travail sur la façon de faire le travail. Vu l’ampleur de la situation, elle a fait un plan d’action pour centrer les gens sur la tâche.

[84]         Le plan d’action est déposé en preuve. L’objectif du plan d’action est de « Rétablir un climat de travail positif à la résidence ». L’application de ce plan d’action débute à l’été 2010 avec des interventions individuelles sur la sensibilisation sur la civilité en milieu de travail, en plus d’une supervision individuelle et du coaching clinique sur des aspects reliés au travail. Des interventions sont prévues jusqu’en novembre 2010, jusqu’à une consolidation d’équipe avec une ressource externe. Des suivis doivent être faits sur l’application de la programmation, sur l’application des principes de civilité et sur les suites de la consolidation d’équipe.

[85]         Madame Tétrault, selon son témoignage, a aussi fait un suivi avec madame Dubé. Elle lui a dit, après une réunion d’équipe, qu’elle n’a pu valider les faits, mais qu’elle a clarifié les attentes avec monsieur Brault. Elle lui a aussi dit qu’il se dégageait un besoin de plan d’action pour rétablir un climat de travail positif. Elle ne se souvient pas du document de juillet 2010 que madame Boulanger lui aurait transmis. Si elle l’a reçu, elle l’a traité comme une suite du document de juin 2010.

[86]         Madame Tétrault décrit aussi la réunion d’équipe à laquelle madame Dubé associe un comportement reprochable à monsieur Brault. Madame Tétrault dit que c’est madame Dubé qui a amené le sujet, et que le ton montait. Monsieur Brault et madame Dubé se faisaient tous deux des reproches au sujet de cette fin de probation. Madame Tétrault a expliqué le processus de probation et que les motifs de fin d’une probation étaient confidentiels.

[87]         Par la suite, avant son départ en septembre 2010, le plan d’action a été présenté à toute l’équipe et de façon individuelle aux personnes qui étaient absentes lors de la rencontre. Monsieur Brault a quitté en maladie au début septembre 2010. Elle n’a reçu aucune autre plainte de la part de madame Dubé ou de madame Boulanger entre son enquête administrative et son départ en septembre 2010. C’est monsieur Boyer qui a pris la relève de l’application du plan d’action.

[88]         Madame Tétrault ne sera pas impliquée dans ce dossier pour une bonne période de temps, d’autres gestionnaires étant en place à Quovadis. Le document du 23 février 2012 transmis par madame Dubé ne lui a pas été remis à ce moment. Elle en a pris connaissance depuis. Elle nie ne pas avoir retourné des appels ou ne pas avoir fait de suivi à une demande. Il est impossible que madame Dubé ait demandé à la rencontrer et qu’elle ait répondu ne pas être disponible.

[89]         Madame Tétrault confirme avoir vu la demande de déplacement d’horaire du
2 mars 2012 de madame Boulanger.  Avec monsieur Benjamin, ils ont regardé les horaires. Une intervenante a changé de quart de travail avec monsieur Brault. Isabelle Germain arrivait à 7h et monsieur Brault à 7h15. Après le courriel du 28 mars 2012 de madame Boulanger, madame Tétrault a demandé à madame Germain si elle acceptait d’être deux minutes seule avec les usagers le temps que la préposée de nuit quitte la résidence et aille à sa voiture et que monsieur Brault entre.

[90]         En contre-interrogatoire, madame Tétrault confirme ne pas avoir reçu de formation en matière de harcèlement psychologique. Elle était cependant au courant de la politique de l’employeur sur le harcèlement psychologique. Elle connaissait le comité des plaintes, ne savait pas s’il y avait des formulaires spécifiques pour s’adresser à ce comité.

[91]         Elle nie catégoriquement avoir dit que nous, on l’appelle le caïd, parlant de monsieur Brault à madame Dubé. Madame Tétrault décrit avec davantage de détails son enquête administrative et les personnes rencontrées. Elle leur demandait comment ça allait au niveau du travail, l’ambiance et l’organisation du travail. Elle a aussi demandé aux personnes rencontrées si elles avaient été témoins de gestes irrespectueux sans nommer monsieur Brault.

Témoignage de monsieur Jean-Charles Boyer

[92]         Monsieur Boyer est retraité depuis juin 2011. Il a été impliqué dans ce dossier à titre de coordonnateur. Il ne se souvient pas du document de plainte remis à madame Tétrault en juin 2010, mais madame Tétrault lui avait fait part d’une problématique à Quovadis. Ça n’allait pas dans l’équipe, l’atmosphère était tendue, les plans d’action et de réadaptation des usagers n’étaient pas maintenus. Il était important de recadrer l’équipe. Un plan de consolidation en lien avec les orientations du SRSOR et du ministère pour recevoir les personnes avec troubles graves de comportement a été mis en place. Le rythme d’application du plan d’action a été plus lent que souhaité.

[93]         Monsieur Boyer ne se souvient pas du mémo du 28 janvier 2011 de madame Dubé. Il n’est pas possible, dit-il, qu’il ne se souvienne pas de quelque chose d’aussi important. Plus tard, madame Vinet l’a informé de la réception d’une plainte de harcèlement psychologique devant être analysée par le comité de traitement des plaintes, lui demandant de ne pas traiter une plainte similaire de son côté, car ce devait être fait par le comité.

[94]         Monsieur Boyer n’a pas souvenir d’un appel de madame Boulanger pour se plaindre de monsieur Brault. Il n’a pas davantage de souvenirs d’appels de madame Dubé en lien avec des problèmes avec monsieur Brault, ni de messages laissés par madame Boulanger. Même avec l’aide d’un résumé de ce qu’auraient été ses échanges avec madame Dubé, il n’a pas de souvenir de cela. Il confirme par contre que madame Tétrault l’avait avisé que madame Dubé et aussi que monsieur Brault se plaignaient de harcèlement. Il en a conclu que l’équipe était dysfonctionnelle et qu’il fallait faire quelque chose. Le plan d’action ne traitait pas des plaintes de harcèlement, mais il traitait de la civilité.

Témoignage de madame Anne-Marie Legault

[95]         Madame Legault a assumé la responsabilité de chef de service par intérim à Quovadis de février ou mars 2011 à novembre 2011. Elle ne connaissait pas les plaignantes ou monsieur Brault à son arrivée. Ce dernier était alors absent en maladie.

[96]         Elle se souvient que madame Boulanger évoquait qu’elle avait l’intention de déposer une plainte et mentionnait avoir des problèmes avec monsieur Brault. Madame Legault précise qu’à ce moment, le retour de monsieur Brault n’est pas prévu. C’est le comité de traitement des plaintes qui a avisé madame Legault qu’il y avait une plainte de la part de madame Boulanger. À son retour de maladie monsieur Brault a été assigné ailleurs.

[97]         Elle a vu la plainte déposée par madame Dubé le 27 mars 2011. Elle a dit à madame Dubé que c’était son droit de porter plainte, mais que ces choses s’étaient passées avant son arrivée, qu’elle ne pouvait en juger parce que Jean-Luc Brault n’était pas sur place. Madame Legault a parlé à madame Dubé du processus de conciliation pour améliorer le climat de travail, mais ne peut dire à quel moment. Madame Legault exprime que lorsqu’une plainte officielle est déposée, c’est le comité des plaintes qui la prend en charge. Le supérieur immédiat va appliquer les recommandations du comité.

[98]         Madame Legault a participé à la planification de la démarche de conciliation avec l’ASSTSAS. Elle a aussi participé à la recommandation de faire une médiation entre les cinq personnes particulièrement impliquées dans ce qu’elle qualifie de phénomène de climat de travail. Elle affirme que ce constat était partagé par le syndicat. Madame Legault a par la suite été présente lors des rencontres de mini consolidation avec madame Laurin. Madame Legault a constaté que monsieur Brault n’était pas d’accord avec le processus de médiation entrepris. Il l’a exprimé ouvertement à plusieurs reprises lors des rencontres. Il souhaitait régler les choses face à face, mais madame Laurin a jugé que les autres personnes n’étaient pas prêtes pour cela.

[99]         À cette période, monsieur Brault et le syndicat demandaient sa réintégration à son poste. Madame Laurin a tenté d’expliquer qu’il valait mieux continuer la médiation avant de penser au retour de monsieur Brault. Vers la fin de l’été, monsieur Brault a formulé une nouvelle demande pour revenir à Quovadis. L’employeur voulait que le retour au travail de monsieur Brault se fasse de façon très progressive pour pouvoir évaluer la situation au fur et à mesure de son intégration. Une rencontre a eu lieu entre le syndicat, l’employeur et les personnes impliquées. Les quatre personnes visées par les plaintes ont manifesté leurs craintes face au retour de Jean-Luc Brault. Pour elles le problème n’était pas réglé. Le syndicat voulait un retour au travail de monsieur Brault plus rapide. Une entente de retour progressif sur trois semaines a été conclue. Cela ne correspondait pas au souhait de l’employeur. Madame Legault confirme qu’à la fin de la rencontre madame Paquet a pris un ton plus directif, car le retour de monsieur Brault n’était plus discutable. Il n’y a pas eu d’ultimatum de sa part. Madame Paquet a pu dire que nous n’avions pas le choix, car on ne pouvait maintenir Jean-Luc Brault indéfiniment hors de son poste.

[100]      À l’automne, une autre démarche a été entreprise pour évaluer la qualité du travail auprès des usagers. Cette évaluation a été faite par monsieur Larin.

[101]      Madame Legault connaît la politique de harcèlement psychologique de l’employeur. Elle sait où doivent se retrouver les formulaires. Elle ne peut juger de la situation qui existait entre les plaignantes et monsieur Brault, car elle n’était pas la gestionnaire lorsque monsieur Brault était présent.

Témoignage de madame Danièle Jutras

[102]      Madame Danièle Jutras est coordonnatrice au programme d’amélioration continue de la qualité depuis mars 2011. Le 7 octobre 2011, madame Lamoureux-Hébert, la directrice des services professionnels de la qualité et de la recherche, a envoyé une lettre aux employés de la résidence Quovadis. Elle annonce une démarche pour faire le portrait de la situation concernant la qualité des services spécialisés fournis. Un consultant externe, monsieur Roger Larin, avait le mandat, avec madame Jutras, de la démarche visant à faire un portrait de la situation. Madame Jutras dit qu’il fallait faire un rappel important sur la qualité des services en raison de conflits dans l’équipe. Il y avait des difficultés dans l’application des plans d’interventions. Une formation a été donnée par madame Jutras sur le guide des valeurs. Monsieur Larin a donné une formation sur la qualité de vie et la prévention des comportements excessifs. Le témoin dépose une série de documents sur ce plan d’action et les activités mises en place.

Témoignage de monsieur Christian Dubé

[103]      Monsieur Dubé est enseignant en technique d’éducation spécialisée et a aussi été chef en réadaptation au SRSOR de 2009 à 2012. Il occupe le poste à Quovadis de la fin novembre 2011 à février 2012. Ce poste constituait un défi organisationnel. Il savait qu’il y avait des tensions entre les membres du personnel.

[104]      Madame Dubé était absente du travail lorsqu’il a débuté dans ce poste. Dès son retour début janvier 2012, certains conflits sont apparus. Le 17 janvier, il a rencontré madame Dubé et monsieur Brault ensemble. Ils avaient des propos accusatoires de part et d’autre. Madame Dubé était vindicative et monsieur Brault affichait une certaine nonchalance et soupirait. Madame Dubé ne croit pas à un changement de la part de monsieur Brault même si elle convient, devant monsieur Dubé, que ça va mieux depuis quelque temps. Elle ne croit pas au soutien de son syndicat et elle craint la réaction des collègues si elle dépose une plainte de harcèlement.

[105]      Monsieur Dubé demande aux deux personnes de ne pas se manquer de respect devant les usagers. Il accepte une proposition de changement d’horaire pour qu’ils ne se croisent pas le matin.

[106]      Le 29 janvier 2012, monsieur Dubé a aussi rencontré madame Dubé en se présentant sur son quart de travail entre minuit et une heure. La rencontre a duré
90 minutes. Il voulait lui parler, car elle prétendait encore subir du harcèlement. Elle revient sur des événements anciens et sur le comportement de monsieur Brault. Elle dit qu’elle va déposer une plainte de harcèlement psychologique.

[107]      Monsieur Dubé rédige une lettre dès la fin de cette rencontre, adressée à madame Paquet. Il y rapporte les deux rencontres avec madame Dubé.  Il aurait fait une modification d’horaire après la rencontre du 17 janvier 2012. Il y souligne surtout que chacun donne des torts à l’autre et que les positions ne semblent pas vouloir changer. Il demande la collaboration aux deux personnes, madame Dubé et monsieur Brault.

[108]      Monsieur Dubé ne se souvient pas de situation particulière qui impliquerait madame Boulanger. Il a rédigé, le 29 janvier 2012, une lettre de deux pages adressée à madame Paquet résumant la situation. Il y rapporte essentiellement le contenu de son témoignage devant le tribunal. Il mentionne dans cette lettre avoir avisé madame Dubé qu’elle avait eu, le 17 janvier, des attitudes et comportements peu facilitateurs.

[109]      Monsieur Dubé dit avoir eu une formation sur la gestion du personnel qui comprenait la gestion des conflits. Il a été sensibilisé aux situations de harcèlement.  Il ne connaissait pas la politique de harcèlement de l’employeur ni les formulaires. Monsieur Dubé a été informé lors de son embauche des conflits à l’intérieur de l’équipe et du processus avec la psychologue qui se terminait. Il a appris la situation spécifique entre madame Dubé et monsieur Brault en janvier 2012. Il confirme avoir quitté Quovadis après qu’un grief de harcèlement psychologique ait été déposé contre lui. Une pétition contre lui aurait circulé peu de temps après son arrivée. Ce grief a été réglé par la suite.

Témoignage de monsieur Nicolas Léger Bourgouin

[110]      Monsieur Léger Bourgouin est coordonnateur en réadaptation. Il a cinq ans d’expérience dans le réseau et au SRSOR. Du 7 mars à août 2012, il a cumulé ses fonctions de coordonnateur avec celles de chef de service à Quovadis. Il ne connaissait pas les plaignantes ou Jean-Luc Brault auparavant.

[111]      Monsieur Léger Bourgouin se souvient avoir reçu la note du 26 février 2012 écrite par madame Dubé. Il venait d’arriver. Il est allé rencontrer madame Dubé sur son quart de nuit. Il a constaté que madame Dubé était très tendue. Elle faisait du ménage et discutait en même temps, c’était incompréhensible. Elle sautait du coq à l’âne, parlait de la difficulté d’intervenir auprès d’un usager. Monsieur Léger Bourgouin dit avoir pratiquement forcé madame Dubé à s’asseoir pour lui parler. Il lui a dit qu’il prévoyait être plus présent sur le plancher pour s’assurer que le milieu de travail soit sain.

[112]      Le témoin n’avait pas vu la note du 28 mars 2012 envoyée par madame Boulanger à monsieur Benjamin. Il a eu connaissance de la question du changement d’horaire, mais plus tard. Monsieur Benjamin lui a demandé de faire en sorte que certaines personnes se croisent le moins possible, ce qui a été fait dans les jours suivants pour que madame Boulanger et madame Dubé ne côtoient pas monsieur Brault. Des lettres datées du 5 avril 2012 sont déposées et confirment les modifications apportées aux horaires de quatre personnes dont Jean-Luc Brault.

[113]      Monsieur Léger Bourgouin confirme avoir constaté à une reprise que Jean-Luc Brault pouvait manquer de délicatesse dans ses propos. Madame Dubé n’était pas impliquée dans cet incident. Il est allé de nuit sur les lieux à plusieurs reprises, souvent à l’heure du changement de quart, et a remarqué très peu de situations particulières. Il a rencontré monsieur Brault à la fin mars. Il a abordé le sujet de la civilité au travail et de son attitude rapportée par des collègues. Il s’agissait d’une rencontre de clarification doublée d’un avis verbal.

-        Témoignages des membres du comité de traitement des plaintes

[114]      Madame Marie-Claude Lemieux et madame Louise Vinet étaient les membres du comité de traitement des plaintes à l’époque des plaintes déposées par madame Dubé, madame Boulanger et monsieur Brault.

[115]      Madame Lemieux est éducatrice spécialisée et travaille pour le SRSOR depuis 1990. Elle fait partie du comité de traitement des plaintes depuis 2005. Elle a postulé, a subi des tests menés par un psychologue industriel et a obtenu cette fonction. Elle a eu une formation de deux jours sur le harcèlement psychologique. Elle a participé à une douzaine d’enquêtes entre 2005 et 2011.

[116]      Madame Vinet est retraitée depuis décembre 2010. Elle faisait partie du comité de traitement des plaintes depuis quatre ou cinq années au moment de sa retraite et est demeurée membre du comité par la suite. Elle était aussi commissaire aux plaintes. Elle pense avoir eu une formation d’une journée sur le harcèlement psychologique.

[117]      Les plaintes sont transmises au comité de traitement des plaintes par le directeur des ressources humaines. Le comité détermine si la plainte est recevable. Dans un tel cas, il y a alors enquête. La démarche consiste à lire la plainte, rencontrer la personne plaignante, détailler les faits, rencontrer la personne visée par la plainte, rencontrer les témoins et gestionnaires. Il s’agit d’une cueillette de faits. Par la suite le comité de traitement des plaintes soumet un rapport à la direction des ressources humaines et à la direction générale. L’employeur ne participe pas à l’enquête et il n’intervient pas.

[118]      Le rapport d’avril 2011 dans le cas de madame Boulanger est commenté par les deux témoins. Dans le cas de la plainte soumise par madame Boulanger, le comité de traitement des plaintes a rencontré 14 personnes. Il conclut que l’équipe est divisée en deux clans. L’un appuie les allégations de madame Boulanger et l’autre, tout en reconnaissant le ton sec de monsieur Brault, apprécie travailler avec lui et sont plutôt dérangés par les commentaires de madame Boulanger. Le comité dit être incapable de déterminer le bien-fondé de la plainte à cause des témoignages contradictoires. Il souligne l’existence d’un important problème relationnel entre madame Boulanger et monsieur Brault et aussi d’une détérioration du climat de travail. Le comité recommande qu’une gestion de conflits soit entreprise dès ses premiers signes et lorsqu’une plainte est déposée, ce qui n’aurait pas été fait à son avis.

[119]      Madame Boulanger n’a pas reçu les conclusions du rapport, mais une lettre qui lui dit que le comité est incapable de déterminer le bien-fondé de la plainte à cause de témoignages contradictoires, mais qu’il a constaté l’existence d’un important problème relationnel. Madame Boulanger est aussi informée que le comité a recommandé à l’employeur de prendre des démarches rapidement pour corriger la situation conflictuelle existante. Le mandat du comité se termine lorsque son rapport est achevé. Il ne fait pas de suivi sur les recommandations.

[120]      Lorsque le comité a reçu la plainte de madame Dubé, madame Lemieux et madame Vinet ont décidé, après discussion entre elles, que les allégations étaient semblables à celles de madame Boulanger, et qu’il y aurait des modifications à la suite des recommandations. Les deux témoins disent avoir offert à madame Dubé un temps pour que la situation se résorbe, et de revenir voir le comité si elle demeurait insatisfaite. Madame Vinet souligne que le comité n’a pas agi unilatéralement pour suspendre le traitement de la plainte de madame Dubé, que cette dernière était d’accord pour attendre les résultats des recommandations dans le cas de madame Boulanger. Elle ne se souvient cependant pas comment l’accord de madame Dubé a été donné.

[121]      La plainte de monsieur Brault date du 6 mai 2011. Elle comportait des allégations différentes de celles de madame Boulanger et de madame Dubé, des allégations qui touchaient à la vie privée, la qualité de vie des usagers. Quatre personnes étaient visées. C’est pour cette raison que le comité a procédé avec l’enquête. Ce motif est d’ailleurs inscrit dans les conclusions du comité. Le rapport du comité de traitement des plaintes date de juin 2011. Parmi ses conclusions, le comité dit « malgré les efforts de certains employés pour informer leur supérieur de leur inconfort face aux relations interpersonnelles difficiles et conflictuelles, aucune mesure n’a été prise pour corriger la situation ». Essentiellement, le comité recommande une médiation entre les cinq personnes visées pour résoudre les relations conflictuelles et un suivi plus serré par le gestionnaire pendant la mise en place des recommandations de l’ASSTSAS.

[122]      En janvier ou février 2012, le comité a été avisé de la relance de la plainte de madame Dubé. Une rencontre a été organisée avec madame Marjelaine Dubé et madame Dubé. Le protocole de rencontre prévoit que la personne qui accompagne le plaignant s’assoie en retrait. Madame Marjelaine Dubé a refusé. Elle voulait s’asseoir à la droite de madame Dubé, ce qu’elle a finalement fait. Madame Lemieux dit qu’il a été demandé à madame Marjelaine Dubé de garder le silence. Il s’agit aussi de la procédure habituelle. Le comité peut ajourner l’enquête si les personnes veulent communiquer entre elles.

[123]      Madame Dubé avait des demandes qui ne relevaient pas du mandat du comité. Elle voulait un dédommagement. Elle disait avoir perdu de l’argent dans tout cela. Madame Vinet et madame Lemieux nient avoir fait une proposition de règlement monétaire. Ce n’est pas dans le mandat du comité. Le comité a pu cependant proposer que madame Dubé et monsieur Brault ne se croisent pas. À la fin de la rencontre, madame Dubé voulait réfléchir à la possibilité de poursuivre en dédommagement. Elle demandait aussi que si le processus d’enquête avait lieu, que ce soit fait par une firme externe. Elle n’avait pas confiance vis-à-vis l’employeur et vis-à-vis le comité de traitement des plaintes.

[124]      Madame Vinet confirme avoir parlé à madame Dubé au téléphone avant la rencontre. C’était pour déplacer une première date de rencontre. Elle réitère ne pas avoir offert de dédommagement. Madame Vinet dit que le comité peut demander des changements d’horaires aux ressources humaines. La proposition de ne plus travailler avec monsieur Brault, à laquelle monsieur Benjamin a acquiescé, vient probablement d’une demande du comité. Il s’agit d’enlever les irritants pendant le traitement de la plainte et non d’une façon de régler la plainte.

-        Témoignages des ressources externes

Témoignage de madame Lucie Legault

[125]      Madame Lucie Legault est psychologue et conseillère pour l’ASSTSAS. Cette association sectorielle paritaire a une mission de prévention en santé et sécurité au travail pour les intervenants dans le réseau de la santé. Madame Legault s’implique dans un dossier uniquement lorsque la demande est faite conjointement par l’employeur et le syndicat. Le témoin s’occupe du volet santé psychologique au travail et consolidation d’équipe. Elle intervient sur les climats de travail et fait des diagnostics organisationnels. La demande d’intervention paritaire est datée du 31 mars 2011. Madame Lucie Legault se souvient que l’objectif était d’améliorer le climat de travail. Le comité de pilotage était paritaire. Après les rencontres avec le comité de pilotage, il a été convenu de faire des entrevues individuelles avec les membres de l’équipe pour dresser un état de situation. Les rencontres individuelles se sont déroulées le 27 mai, le 9 et 10 juin 2011. La synthèse des entrevues individuelles est déposée. Madame Legault a préparé pour le comité de pilotage un bilan des principaux facteurs de détérioration du climat de travail et des propositions de pistes de solution. Parmi les solutions proposées, madame Legault souligne que l’objectif est de recréer ce qui avait été perdu dans l’équipe, c’est-à-dire s’entendre sur comment on veut que ça se passe avec les clients et au niveau du climat de travail entre collègues, et le traduire au niveau des attitudes et comportements au quotidien. Les pages 6 et 7 dressent la liste de comportements négatifs rapportés lors des entrevues individuelles :

« -  Le « bitchage »/le « parlage » dans le dos des autres/les discussions de                              corridor

-        Les jugements entre collègues à l’égard des interventions

-        Les commentaires désobligeants, dénigrants (écrits ou verbaux)

-        Les attitudes de méfiance et de critique qui caractérisent les interactions entre les quarts de travail

-        Les conversations « blâmantes » … et en plus, quand elles se font en présence des usagers

-        « Nourrir » des frustrations, de l’animosité

-        Choisir la culpabilisation et l’hostilité : rechercher un coupable - se condamner ou condamner quelqu’un d’autre

-        « St’à cause de … »

[126]      Madame Legault souligne qu’elle ne fait pas de gestion de conflits individuels ou de médiation et qu’elle ne peut pas intervenir en cas de harcèlement psychologique. Elle travaille uniquement sur le collectif. Elle a constaté que quatre ou cinq personnes étaient visées par un conflit interpersonnel et a recommandé une intervention préalable à la consolidation d’équipe pour être minimalement capable de travailler ensemble. Elle qualifie cette intervention préalable de forme de médiation. Cette proposition a été faite en comité de pilotage en juin 2011.

[127]      Madame Legault a suggéré deux ou trois noms, mais n’a pas choisi la ressource. C’est madame Francine Laurin qui a obtenu le mandat. En octobre 2011, lorsque le mandat de madame Laurin a été terminé, madame Legault n’a pas mis en œuvre son plan d’action, car il y avait trop d’éventuels changements organisationnels chez l’employeur. Un déménagement était envisagé. En février 2012, le comité de pilotage voulait relancer la démarche, mais comme le syndicat et l’employeur ne s’entendaient pas sur la suite à donner, elle n’est pas intervenue.

[128]      En contre-interrogatoire, madame Legault confirme que le sujet des plaintes de harcèlement psychologique a été discuté en comité de pilotage. Elle dit pouvoir intervenir même s’il y a une plainte de harcèlement, si l’employeur et le syndicat acceptent de travailler ensemble. Elle travaille cependant sur le volet collectif. Les enjeux de la démarche collective dans ce dossier étaient les communications et comportements jugés non adéquats. Tout le monde reprochait des façons de faire envers les collègues et envers les résidents. Les cinq personnes visées par sa demande d’intervention étaient en conflit avec monsieur Brault et vice-versa.

Témoignage de madame Francine Laurin

[129]      Madame Laurin est psychologue et consultante en psychologie organisationnelle. Elle a une expérience de pratique de 28 années. Elle a reçu un appel de madame Paquet qui demandait une médiation pour cinq personnes qui vivaient des tensions relationnelles au sein d’une équipe de 12 personnes. L’employeur souhaitait un processus de médiation pour dénouer les tensions. Le mandat proposé en date du 5 juillet 2011 résume la situation dénoncée par l’employeur comme suit :

« Mandat proposé

Lors de notre échange téléphonique dans la semaine du 27 juin dernier, vous m’avez fait part de l’existence de conflits interpersonnels touchant cinq employés de la résidence Quovadis 105 à Châteauguay. Ce groupe d’employés a manifesté leurs insatisfactions et leur colère par le dépôt de deux plaintes de harcèlement jugées recevables, mais non fondées. Souhaitant intervenir avec diligence auprès de ces personnes, vous souhaitez mettre en place un processus de médiation, permettant à chacun d’exprimer leur point de vue sur la situation conflictuelle, de mieux comprendre les impacts affectifs sur eux et sur leur groupe de travail, de favoriser l’ouverture à un changement d’attitude afin de dénouer les tensions relationnelles. »

[130]      Le document présenté par madame Laurin aux participants précise que l’intervention ne vise pas à trouver un responsable, mais à comprendre les points de vue sur les événements et à établir une relation plus satisfaisante. Le processus est confidentiel. Il fait appel à la collaboration. Les frais de la démarche sont à la charge de l’employeur.

[131]      Un bilan de l’intervention de médiation est daté du 30 septembre 2011. L’évaluation de l’intervention est mitigée. Le mandat décrit est de régler les conflits relationnels entre cinq personnes ciblées, de définir des stratégies à mettre en place pour faciliter le travail d’équipe et d’évaluer de quelle façon la réintégration de monsieur Brault peut être faite. Les rencontres se sont déroulées de juillet à septembre 2011. Il y a eu quatre rencontres individuelles et trois rencontres de mini-consolidation d’équipe. Le paragraphe suivant est assez éloquent sur la situation :

«  Nous sommes d’avis que des rencontres de médiation dont l’objectif était de reparler des éléments conflictuels n’auraient pas permis à l’ensemble des employés d’y voir clair et d’arriver à des ententes satisfaisantes, surtout lorsque l’on recherche des résultats à court terme. Étant donné la cristallisation de la méfiance et la forte densité émotive, nous avons été d’avis qu’il y aurait eu peu d’ouverture à comprendre la réalité des uns et des autres. Comme il semble y avoir urgence pour rétablir des interactions minimalement fonctionnelles et moins chargées émotivement, il a été envisagé une intervention de mini consolidation d’équipe pour ces cinq employés.

Ce genre de rencontre offre aux individus un cadre de rencontre structuré, en présence du chef d’équipe. Les échanges sont orientés vers la tâche, La continuité et la régularité des rencontres favorisent la mise en place d’un climat de confiance, la prise de conscience des différents modes de communication en plus d’un travail de remise en question de ses propres façons de transiger avec ses collègues et les usagers. »

[132]      Madame Laurin souligne la méfiance des participants, la recherche de solution à court terme et le peu d’ouverture à comprendre la réalité des uns et des autres. Elle a laissé tomber la tentative de médiation pour une intervention de mini consolidation d’équipe. Au moment du rapport du 30 septembre 2011, madame Laurin recommande de poursuivre les rencontres de mini consolidation. Deux autres rencontres ont effectivement eu lieu.

[133]      Avant d’écrire ce bilan, lorsque madame Laurin a informé madame Paquet que la médiation n’était pas possible, madame Paquet lui a demandé ce qu’il était possible de faire. La mini consolidation d’équipe se voulait une proposition pour continuer à essayer d’aider les gens à se retrouver ensemble. Madame Laurin dit que l’objectif était de mettre en place un climat de confiance et de les sensibiliser à leur mode de communication.

[134]      Le rapport final d’intervention de madame Laurin est daté du 9 janvier 2012. Les deux premiers paragraphes résument ses interventions. Sur l’impossibilité d’entreprendre une médiation, madame Laurin écrit ceci :

« Étant donné que la médiation est un mode d’intervention cherchant à réintroduire le dialogue, cette procédure n’a jamais été envisageable puisque c’est toujours maintenu chez ce groupe d’employés une dynamique de perdant gagnant. Nous sommes d’avis que ces employés ne pouvaient pas, à très court terme, modifier leurs perceptions et leurs comportements les uns envers les autres. Lorsque les individus restent coincés trop longtemps dans une dynamique conflictuelle, les comportements défensifs se rigidifient et les plaintes ne cessent de s’amplifier. Les personnes concernées ne sont pas arrivées à prendre le recul nécessaire pour observer leur façon de réagir et reconnaître leur participation aux tensions relationnelles. Lors des rencontres individuelles ou de groupe, il nous a semblé que certains d’entre eux ne possédaient pas les habiletés personnelles pour élaborer leur réflexion et comprendre les sources des différents conflits. Pour d’autres, il est possible que l’envahissement d’affects négatifs ait eu comme effet de perturber leur capacité d’analyse. »

[135]      Elle y rapporte aussi que les cinq personnes impliquées ont signifié leur mécontentement que la médiation n’ait pas eu lieu. Le processus mis en place pour travailler la communication de façon constructive ne leur convenait pas. Madame Laurin réitère que la médiation n’était pas envisageable à cause de la dynamique perdant/gagnant entre les individus. Elle confirme que les objectifs fixés au mandat n’ont pas été atteints. La facture pour les services de madame Laurin est de plus de 30,000. $ et a été payée par l’employeur.

[136]      Madame Laurin n’a pas vu que monsieur Brault, à une occasion, a voulu s’excuser auprès de madame Dubé. Si elle avait constaté la moindre ouverture dans ce sens elle serait intervenue pour permettre l’élaboration. C’était l’essence même du processus, dit-elle.

[137]      Madame Laurin, en contre-interrogatoire, précise certaines de ses réponses. Elle ajoute que les tensions relationnelles étaient à son avis causées par la façon dont les gens communiquaient ensemble. Elle confirme qu’elle ne prend pas de mandat en harcèlement psychologique. Elle ne savait pas qu’une plainte n’avait pas été traitée. Elle savait que deux plaintes de harcèlement avaient été jugées non fondées.

-        Témoignages des directions des ressources humaines

Témoignage de monsieur Yves Benjamin

[138]      Monsieur Benjamin est retraité. Il était, au moment des faits, directeur des ressources humaines. Le procédé de plainte pour harcèlement ou violence prévoyait que la plainte était acheminée au directeur général. Le directeur des ressources humaines devait faire le suivi de la plainte. Concrètement, il achemine une copie de la plainte au comité de traitement des plaintes et leur demande d’en étudier la recevabilité le bien fondé. Par la suite, son rôle consiste à faciliter la logistique. Par exemple, si le comité veut rencontrer des employés, il fournit un lieu de rencontre, avise et libère les personnes. Il doit aussi accuser réception de la plainte, et envoyer un avis à la personne visée par la plainte. Par la suite, le rôle de la direction des ressources humaines est de mettre en place les recommandations du comité de traitement des plaintes. L’employeur n’intervient pas dans l’enquête ou dans les recommandations du comité.

[139]      Monsieur Benjamin est au courant des plaintes de madame Boulanger, madame Dubé et monsieur Brault. Il était aussi au courant de la situation à Quovadis, car le dossier avait été traité en CRT. Le syndicat avait donné son accord aux mesures prises. Madame Paquet était responsable de ce dossier. Il fallait mettre en place des mécanismes pour éliminer les irritants.

[140]      En janvier 2012, madame Dubé demande à monsieur Benjamin que sa plainte au comité de traitement des plaintes soit traitée. Il considère les documents comme une annexe à la plainte de 2011, il comprend que madame Dubé n’est pas satisfaite et transmet les documents au comité de traitement des plaintes en demandant d’y donner suite. Il a réalisé par la suite avoir omis d’envoyer un accusé réception, ce qu’il a fait le
2 mars 2012. Il n’a jamais reçu le document dactylographié daté du 12 février 2012.

[141]      Monsieur Benjamin a su que le comité de traitement des plaintes avait rencontré madame Dubé. On l’a informé que le dossier n’avait pas été traité, que madame Dubé était émotive, qu’il n’y avait pas eu d’enquête. Il nie avoir fait une proposition de règlement à madame Dubé via le comité de traitement des plaintes. Il dit que cela va contre la politique. Le problème doit être réglé entre la personne qui fait la plainte et la personne visée. Il n’y a pas de règlement à l’amiable entre la personne qui fait la plainte et l’employeur.

Témoignage de madame Cynthia Paquet

[142]      Madame Paquet est directrice des ressources humaines depuis le 24 mars 2014. Elle était au moment des événements chef du service de développement organisationnel et des relations de travail. Elle a été mise au courant des problèmes à Quovadis par madame Tétrault qui avait demandé le support des ressources humaines en juin 2010. Son témoignage sur ces événements confirme celui de madame Tétrault. Le plan d’action a été conçu pour tenir compte des éléments cliniques, des éléments de clarification de rôles et responsabilités, et des éléments conflictuels.

[143]      Madame Tétrault n’a pas eu le temps d’aller très loin sur les éléments de base des interventions individuelles. À l’arrivée d’un nouveau chef, madame Paquet dit avoir revu le plan d’action et les premiers éléments à mettre en application. Madame De La Penna a instauré une supervision individuelle, elle a mis à jour les PIC et la PA. On avait commencé à planifier la journée d’étude. Madame Paquet n’a pas été informée tout de suite de la réception des plaintes en 2011.

[144]      Madame Paquet dépose la « Politique visant à contrer la violence et le harcèlement » de l’employeur. Elle a suivi des formations sur le harcèlement psychologique et a bâti la politique. Elle n'avait pas eu à intervenir auparavant dans un tel dossier. En 2005 et 2006, l’ensemble des employés et des gestionnaires ont reçu une formation sur la Politique. De 2012 à 2014 des formations ont été données sur la civilité en milieu de travail.

[145]      La Politique définit les composantes du harcèlement psychologique. Elle prévoit la mise sur pied d’un comité de traitement des plaintes, ce qui ne prive pas une personne plaignante d’utiliser la procédure de griefs. Le délai de rigueur pour déposer un grief de harcèlement débute à la suite de la décision rendue par le comité de traitement des plaintes. La personne plaignante peut demander que le processus de traitement de sa plainte soit interrompu. La Politique prévoit que le gestionnaire intervient rapidement pour mettre fin à toute violence ou harcèlement ou à toute situation susceptible de l’engendrer dès qu’ils en ont connaissance. Le comité de traitement des plaintes s’assure de leur traitement avec diligence et célérité, dans le respect des règles de confidentialité. Si la plainte est jugée recevable, le comité peut demander à la direction des ressources humaines que le présumé responsable et la personne plaignante ne soient pas en contact pour la durée de l’enquête ou de l’application de toute mesure transitoire. Il peut, entre autres, décider avec les personnes concernées d’entreprendre une médiation ou une enquête formelle. La médiation est confiée à une personne externe.

[146]      La décision de faire intervenir l’ASSTSAS comme ressource externe a été prise avec le syndicat en janvier 2011. La demande écrite à l’ASSTSAS date du 31 mars 2011. Le mandat a été accepté par madame Legault le 10 mai 2011. Toutes les étapes d’intervention de l’ASSTSAS ont été décidées en comité de pilotage formé de l’employeur (madame Anne-Marie Legault et madame Paquet) et du syndicat (madame Morrisseau et monsieur Morin).

[147]      En juin 2011, madame Legault de l’ASSTSAS a partagé son constat avec le comité de pilotage qu’elle ne pouvait faire son intervention telle que planifiée à cause d’un noyau plus dur de conflit autour de cinq personnes. Elle a recommandé de mandater une psychologue experte dans ce type de problème et nous a suggéré trois noms. Madame Paquet souligne que lorsque madame Legault a fait cette recommandation de démarche de médiation au comité de pilotage, tout le monde était en accord avec ce processus.

[148]      La proposition de madame Laurin du 5 juillet 2011 reflète bien le mandat. Madame Paquet dit que le comité de traitement des plaintes de harcèlement avait fait son travail, et que le mandat à madame Laurin n’était pas dans le cadre d’un dossier de harcèlement psychologique. Madame Paquet ne se souvient pas si elle savait à ce moment que la plainte de madame Dubé n’avait pas été analysée.

[149]      Madame Paquet a parlé à madame Laurin au moment où cette dernière a remis son premier rapport. Madame Laurin lui dit que les gens n’étaient pas en mesure de participer à une médiation. Il n’y avait pas d’ouverture. Madame Laurin veut qu’ils apprennent à communiquer et pour arriver à cela elle propose des sujets neutres pour faire l’apprentissage de la communication avant d’aborder des sujets avec une charge émotive plus élevée. Une nouvelle proposition dans ce sens est acceptée. À cette époque le syndicat avait interpellé madame Paquet à propos de monsieur Brault qui n’aimait pas le processus et qui voulait réintégrer son poste. Madame Paquet dit que la décision de mettre Jean-Luc Brault sur une liste de rappel était une décision administrative prise par l’employeur à cause des plaintes contre lui.

[150]      Un document qui dresse l’historique de la présence de monsieur Brault à Quovadis est déposé par madame Paquet. Monsieur Brault est absent du 8 septembre 2010 au
5 janvier 2011. Du 16 janvier au 15 octobre 2011, monsieur Brault est en retour progressif et sur liste de rappel, il n’a pas travaillé à Quovadis. Il a peut-être eu une journée ou deux de formation. Pendant ce temps l’employeur assume ses frais de déplacement, ce qui a entraîné des frais de 1 259. $. Il fait un grief demandant sa réintégration le 19 septembre 2011. Le syndicat demandait sa réintégration depuis déjà plusieurs mois. Il reprend à Quovadis le 16 octobre 2011 à trois jours par semaine pour deux semaines, quatre jours par semaine pour deux autres semaines et ensuite à cinq jours par semaine à compter du 13 novembre 2011.

[151]      La rencontre avec les employés avant la réintégration de monsieur Brault visait à écouter les préoccupations des personnes face à cette réintégration et à trouver des mesures pour amoindrir les craintes. Madame Paquet se souvient avoir été plus directive à la fin de la rencontre étant donné la fermeture des personnes présentes et la pression faite par le syndicat. Elle a mentionné que si la médiation et la mini consolidation ne fonctionnaient pas, il n’y avait pas beaucoup d’autres options. Il fallait que les choses progressent et que les gens s’entendent. À la suite de la rencontre, madame Paquet a préparé un document intitulé « Quo Vadis 105 - Moyens pour répondre aux attentes ». Les attentes du groupe des « quatre » sont d’améliorer la situation de conflit, améliorer le savoir-être, améliorer le niveau clinique. Les attentes de monsieur Brault sont d’être réintégré rapidement, d’avoir un suivi en supervision individuelle avec Anne-Marie Legault, d’avoir la présence d’une personne neutre sur le plancher. Des moyens sont énoncés en lien avec chacune de ces attentes. Il s’agit de moyens identifiés par les quatre personnes impliquées.

[152]      Sur l’attente qui consiste à améliorer la situation de conflit, les moyens identifiés sont :

-        Une vraie médiation individuelle

-        Poursuivre la mini consolidation et le soutien de madame Laurin - tenir compte des résultats de la mini consolidation

-        Écoute du syndicat, du chef et du patronat

-        Tenir compte des résultats de la réintégration (si néfaste réévaluation)

-        Être en présence progressive avec J.L. Brault (ou ne pas être en présence)

-        Intervention rapide si ça ne fonctionne pas

-        Terminer la mini consolidation avant la réintégration de J.L. Brault

-        Débuter la consolidation en groupe

-        Autre personne ou employé sur place pour ne pas être seule en présence avec J.L. Brault

-        Pouvoir téléphoner quelqu’un immédiatement si problème

-        Pouvoir être remplacé au besoin sur notre quart de travail

[153]      Le groupe des « quatre » demande, en plus, davantage de supervision, par exemple une caméra, et davantage d’encadrement sur le plancher.

[154]      Madame Paquet témoigne aussi sur les lacunes au niveau clinique constatées par madame Legault, et sur l’intervention de monsieur Larin. Les ressources humaines ont organisé la logistique des formations. Une série de lettres écrites par d’autres employés travaillant à Quovadis demandent de l’aide à l’employeur car l’ambiance de travail se détériore depuis plusieurs mois et ils considèrent certaines façons de faire de collègues vis-à-vis les usagers inacceptables.

[155]      Le comité de pilotage a été convoqué en janvier 2012. La décision a été prise suite au rapport clinique de monsieur Larin du manque d’adaptation de la résidence pour donner le service aux usagers. La direction a décidé de fermer Quovadis pour faire un réaménagement et rouvrir sous Drouin.

[156]      En contre-interrogatoire madame Paquet dit que les interventions de l’ASSTSAS et de madame Laurin étaient en lien avec la situation problématique que vivaient les personnes à Quovadis 105. La mesure administrative prise par l’employeur n’a pas été demandée par le comité de traitement des plaintes sur le harcèlement, mais décidée par l’employeur lorsque monsieur Brault a été autorisé par son médecin à faire un retour progressif.

L’ARGUMENTATION

Argumentation du syndicat

[157]      Le syndicat reproche à l’employeur de ne pas avoir pris tous les moyens à sa disposition pour faire cesser le harcèlement psychologique, et de ne pas avoir respecté sa Politique, plus particulièrement les articles 8.3, 8.4 et 8.5. Il attaque aussi l’impartialité du comité de traitement des plaintes.

[158]      Les éléments constitutifs du harcèlement psychologique tels qu’énoncés à la loi et à la convention sont présents selon le syndicat. Il fait un rappel de la preuve. Jean-Luc Brault dénigre les gardiennes de nuit. Il crie, passe des remarques humiliantes, il a un comportement de domination et de mépris.

[159]      L’employeur a été avisé, mais il n’a pas bougé. Il devait intervenir sans délai. Jean-Luc Brault a continué. Il était de plus en plus agressif. Personne ne lui dit d’arrêter. Le climat de travail se détériore et les conséquences sont dévastatrices pour les plaignantes.

[160]      Madame Boulanger a finalement déposé une plainte de harcèlement psychologique. Le comité de traitement des plaintes a conclu que les témoignages étaient contradictoires et se dit incapable de trancher. Or, le comité devait évaluer la crédibilité et rendre une décision. Le syndicat considère que les membres du comité de traitement des plaintes n’avaient pas la compétence nécessaire. Sur quelle base le comité conclut-il à des problèmes relationnels plutôt qu’à du harcèlement psychologique ? Dans le cas de madame Dubé, le comité de traitement des plaintes lui demande d’attendre alors qu’elle n’en peut plus. Le syndicat conclut que le comité a subi des interventions de l’employeur. Comment était-il au courant du plan de conciliation d’équipe? Le comité était noyauté par l’employeur et n’était pas impartial. Il était le porte-parole de l’employeur. L’offre de règlement que les membres du comité admettent le démontre. Il espérait que madame Dubé laisse tomber sa plainte.

[161]      Les deux plaignantes continuent à dénoncer, mais personne ne les aide et les choses ne changent pas. Il y a continuité dans le temps. Finalement elles déposent chacune un grief. L’employeur n’a pas pris les plaintes au sérieux. La médiation de 2011 n’a rien donné, car elle n’était pas conçue pour régler une situation de harcèlement psychologique. L’employeur cherchait à améliorer le fonctionnement du service à Quovadis, et non à faire cesser le harcèlement psychologique. Ce n’est pas ce que la loi demande. Le syndicat demande au tribunal d’accueillir les griefs et de conserver juridiction sur le remède et le quantum.

Argumentation de l’employeur

[162]      L’employeur dit avoir agi en fonction des éléments qu’il connaissait, incluant les décisions du comité de traitement des plaintes. Il a traité la situation à chaque fois que les plaignantes la dénonçaient. Le constat sur la problématique d’équipe à Quovadis était partagé par le syndicat.

[163]      La première question à trancher est la présence de harcèlement psychologique. Le comité de traitement des plaintes a conclu qu’il n’y avait pas de harcèlement. La conclusion du comité, face aux versions contradictoires, apparaît en conformité avec la Politique de l’employeur. La prétention du syndicat que le comité de traitement des plaintes était noyauté par l’employeur n’est basée sur rien. De plus, l’employeur n’est pas responsable des décisions du comité.

[164]      Il est inexact que l’employeur a omis d’agir. Le témoignage de madame Tétrault le démontre. Le plan d’action, élaboré bien avant qu’il n’y ait une plainte selon la Politique, vise à corriger le climat de travail, car c’est ce que l’employeur a pu constater.

[165]      L’employeur souligne le rôle du syndicat. La problématique de conflits dans l’équipe était connue du syndicat. La démarche de consolidation d’équipe est mise en place d’un commun accord. On ne peut d’un côté accepter qu’il y ait des conflits et mettre en place ce plan d’action et en même temps dire qu’il y a du harcèlement psychologique. Cela apparaît incompatible. L’employeur soumet que le syndicat et l’employeur ont tous deux accepté les recommandations de madame Legault parce qu’ils considéraient faire face à une problématique d’équipe. Par la suite le syndicat demande la réintégration de monsieur Brault. Il fallait que le syndicat considère qu’il n’avait pas commis les gestes allégués par madame Dubé et madame Boulanger pour recommander sa réintégration dans un contexte où madame Dubé et madame Boulanger demandent de ne plus être en contact avec lui.

[166]      L’employeur conclut que les plaignantes ne cherchent pas à ce que la situation soit contrôlée. Elles veulent que Jean-Luc Brault soit puni, qu’il subisse un dommage. Si l’objectif était de ne plus travailler avec lui, c’est le cas depuis longtemps. Les séquences pendant lesquelles ils ont travaillé ensemble sont d’ailleurs beaucoup plus limitées que ce qui est allégué par le syndicat. Monsieur Brault a été déplacé, et l’employeur a aussi accommodé les deux plaignantes sur leur horaire de travail.

[167]      Le syndicat propose une vision de la situation qui n’est pas basée sur la preuve. Il induit des choses, il dénature le dossier. Par exemple l’absence de formulaire de plainte dans la résidence ne permet pas d’assumer que les cas de harcèlement psychologique ne sont pas importants pour l’employeur. L’employeur a diffusé sa Politique, il a donné de la formation, il a formé un comité de traitement des plaintes. Il n’attend pas la démonstration de harcèlement psychologique pour agir sur le conflit d’équipe. Il veut régler la situation. Même si aujourd’hui le tribunal considérait qu’il s’agissait de harcèlement psychologique, les gestes posés par l’employeur seraient acceptables.

 

LES MOTIFS

[168]      Les griefs reprochent à l’employeur d’avoir minimisé les allégations de harcèlement psychologique de la part des deux plaignantes, d’avoir négligé de prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation dénoncée pendant plusieurs années, laissant donc perdurer le problème , et de n’avoir pas pris tous les moyens à sa disposition pour assurer et garantir la sécurité et l’intégrité physique des plaignantes. Il reproche aussi à l’employeur d’être intervenu dans le processus du comité de traitement des plaintes et la partialité de ce dernier.

Le comité de traitement des plaintes

[169]      Les plaignantes font de nombreux reproches au comité de traitement des plaintes. Chaque geste ou décision du comité de traitement des plaintes est critiqué. En raison de tous ces reproches, le syndicat conclut que le comité de traitement des plaintes n’était pas impartial et était téléguidé par l’employeur.

[170]      Évidemment, l’allégation d’intervention de l’employeur au sein du comité de traitement des plaintes et de partialité de ce dernier est grave. Cependant, la preuve ne supporte pas cette allégation. Monsieur Benjamin nie avoir fait une offre de règlement monétaire pour fermer le dossier. Madame Legault et madame Vinet le nient aussi, contrairement à ce que le procureur du syndicat propose dans son argumentation. Elles admettent par contre avoir fait une offre de changement d’horaire pour que madame Dubé et monsieur Brault ne se côtoient pas pendant le traitement de la plainte. Cette façon de faire est prévue à la Politique. Y a-t-il eu imbroglio sur la nature de l’offre ? Le tribunal croit que oui. Les propos que madame Dubé et madame Marjelaine Dubé rapportent de la part des membres du comité lors de la rencontre peuvent aussi bien viser la proposition sur l’horaire de travail. Madame Dubé voulait savoir qui était à l’origine de l’offre. De quelle offre parlait-on ? Madame Dubé est finalement la seule qui affirme avoir reçu cette offre, qui aurait été faite lors d’un appel téléphonique. En somme, la preuve de l’offre de règlement monétaire par le comité est faible, et la preuve de l’intervention de l’employeur est nulle.

[171]      Les autres reproches faits au comité de traitement des plaintes visent l’exécution de son mandat. L’employeur plaide qu’il n’est pas responsable des décisions du comité. Effectivement, le comité est autonome et l’employeur n’est pas responsable des conclusions des enquêtes ni des démarches du comité.

[172]      Par ailleurs, le tribunal considère aussi que toutes les critiques faites à l’endroit du comité sont nettement exagérées, d’une part, et, d’autre part, ne tiennent pas compte des explications données par madame Lemieux et par madame Vinet.

[173]      Les explications que madame Dubé a obtenues sur la suspension de sa plainte et qui ont été répétées devant le tribunal sont raisonnables. Quelqu’un d’autre aurait peut-être décidé autrement, mais là n’est pas la question. Est-ce que le comité de traitement des plaintes pouvait agir ainsi ? Le tribunal est loin d’être certain que cela relève de son mandat, dans la mesure où il est clair que l’employeur n’a rien à voir dans cette décision. Malgré tout, il faut souligner que les membres du comité savaient que cette procédure était exceptionnelle et disent avoir obtenu l’accord de la plaignante. Madame Dubé ne nie pas directement cette version. Elle n’était pas heureuse de la suspension du traitement de sa plainte, mais était d’accord pour donner une chance au processus de consolidation/médiation. L’histoire de la rencontre avec madame Tétrault est le résultat d’une interprétation hâtive de commentaires compris hors contexte. L’autre reproche fait au comité est d’avoir traité la plainte de monsieur Brault. Les motifs donnés pour distinguer la plainte de monsieur Brault et celle de madame Dubé sont raisonnables. La plaignante peut ne pas être d’accord, mais encore, là n’est pas la question.

[174]      La conclusion du comité de traitement des plaintes dans le cas de madame Boulanger n’est pas du ressort du tribunal. Les deux membres du comité ont expliqué leur cheminement et la conclusion du comité est basée sur son enquête. Elles avaient des notes contemporaines. Leurs témoignages concordent. Elles n’ont pas pris leur rôle à la légère. Elles ont d’ailleurs fait des recommandations à l’employeur.

[175]      En conclusion sur cette question, le syndicat n’a aucun motif pour alléguer une collusion entre le comité de traitement des plaintes et l’employeur, et rien ne peut laisser croire à une conduite partiale de la part de ce dernier.

La question en litige

[176]      La définition de ce qui constitue du harcèlement psychologique est prévue à l’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail (Lnt) .

81.18     P our l'application de la présente loi, on entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste .

Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié.

[177]      La loi impose aussi des obligations à l’employeur, qui doit prévenir et faire cesser le harcèlement psychologique dans le milieu de travail.

81.19 Tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique.

L'employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu'une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser.

[178]      Les articles 123.7 , 123.15 et 123.16 de la Lnt sont réputés faire partie intégrante de toute convention collective. Cette référence est reprise à la clause 3.05 de la convention collective. La clause 3.06 prévoit une collaboration de l’employeur et du syndicat.

3.06       Aucune forme de harcèlement psychologique n’est tolérée. À ce titre, l’employeur et le syndicat collaborent pour prévenir les situations de harcèlement psychologique par la mise sur pied de moyens appropriés d’information et de sensibilisation à être convenues par les parties locales.

[179]      La jurisprudence a bien défini les contours de ce qui constitue du harcèlement psychologique au sens de la Lnt. Pour faire la preuve du harcèlement psychologique, la partie syndicale doit démontrer la conduite vexatoire, elle doit démontrer que cette conduite a porté atteinte à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne visée, et a entraîné un milieu de travail néfaste. C’est la persistance et le cumul dans le temps de comportements, gestes, actes ou paroles hostiles ou non désirés qui font que quelqu’un est face à une conduite vexatoire. Il doit aussi y avoir un lien raisonnable entre les événements pour établir une répétitivité nécessaire à la preuve d’une conduite vexatoire.

[180]      La conduite vexatoire, selon l’arbitre Hamelin, dans Centre hospitalier régional de Trois- Rivières, est une attitude ou des comportements qui blessent et humilient la personne dans son amour propre. Cette appréciation doit être celle d’une personne raisonnable placée dans la même situation.

[181]      L’arbitre Claude Rondeau, dans Commission scolaire des Hautes-Rivières , reprend l’analyse précitée de l’arbitre Hamelin, et distingue ainsi le conflit interpersonnel du harcèlement psychologique. Il émet ces commentaires sur la base de l’analyse des différences notées par la jurisprudence, après avoir fait un tableau qui illustre les diverses situations. Les extraits en foncé sont tirés de la décision de l’arbitre Rondeau :

« (…) Dans le conflit interpersonnel en milieu de travail , il y a une conduite bilatérale centrée sur l’objet d’un litige professionnel ou d’une mésentente sur la solution à trouver à un problème; le litige se situe généralement dans une relation symétrique entre personnes de même niveau ou fonctions, ou chacun prend une position ; il s’agit de divergences sur la nature des tâches ou sur les méthodes appropriées pour les accomplir, pouvant donner lieu à une lutte pour le pouvoir de décision et d’action; les différences peuvent s’accompagner de gestes, attitudes ou comportements ponctuels qui expriment l’impatience, l’indifférence, l’incivilité, le manque de savoir-vivre ou d’habileté interpersonnelle, à l’occasion un ton élevé; le tout demeurant dans l’ordre normal des choses , i.e. à l’intérieur de ce qui est prévisible et acceptable pour une personne raisonnable, bien informée, dans le même milieu de travail. Par comparaison, le harcèlement  est une conduite unilatérale , centrée sur une personne , dans une relation d’autorité ou de domination , où des actes hostiles , posés à répétition , disproportionnés par rapport à l’objet du litige ou sans rapport avec lui ont un effet dégradant sur la personne visée; le tout allant au-delà de la normalité , i.e. au-delà de ce qui est prévisible et acceptable pour une personne raisonnable, bien informée, dans le même milieu de travail. »

[182]      Un comportement qui irrite ou qui cause du stress n’est donc pas nécessairement une conduite vexatoire.  La définition du harcèlement psychologique ne vise pas tous les propos désagréables qui peuvent être échangés, ou toutes les situations tendues qui surviennent dans un milieu de travail.

[183]      La portée de l’obligation de l’employeur est de prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique, et lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, de la faire cesser.

[184]      Ces principes, rapportés par les décisions déposées par les deux parties, ne sont pas vraiment en litige.

[185]      Seules les deux plaignantes ont témoigné sur les faits, gestes ou comportements qui constitueraient du harcèlement psychologique. Le syndicat soutient que le tribunal est face à une preuve non contestée. Le harcèlement psychologique serait donc démontré.

[186]      Le tribunal n’est pas de cet avis. Bien que je ne remette aucunement en question la sincérité des témoignages de madame Dubé et de madame Boulanger, il faut reconnaître que ces deux plaignantes ont éprouvé plusieurs difficultés à situer les allégations de harcèlement dans le temps, et que leurs témoignages sont en nette contradiction avec d’autres éléments de preuve établis. Pour ces motifs, la fiabilité de leurs témoignages est remise en question. La preuve est aussi contradictoire sur les gestes posés par l’employeur au fil du temps. Finalement, la qualification des événements diffère, selon la position du syndicat ou de l’employeur.

Préambule

[187]      Deux facteurs influencent considérablement l’analyse de la preuve qui suit.

[188]      Il est faux de prétendre que l’employeur n’a pas pris les moyens raisonnables pour corriger la situation après la plainte de juin 2010. Plusieurs mesures ont été prises, et au surplus, elles l’ont été de concert avec le syndicat.

[189]      Par la suite, outre la période d’été 2010, les plaignantes n’ont pas vraiment travaillé avec monsieur Brault avant la fin octobre 2011 dans le cas de madame Boulanger, et début janvier 2012 dans le cas de madame Dubé. Dès le début septembre, lorsque l’employeur annonce son plan d’action, monsieur Brault quitte en maladie. Il y aura peut-être quelques jours, en janvier 2011, où il sera au travail en retour progressif, mais pas davantage. L’employeur l’affecte aussitôt sur un poste sur appel et il ne travaillera pas à Quovadis avant octobre 2011, en retour progressif et ensuite à temps plein. Les griefs sont déposés en mars 2012.

L’analyse de la preuve

[190]      Les reproches faits à l’employeur débutent réellement en juin 2010.

[191]      Il y avait eu auparavant une plainte verbale à monsieur Rousseau en 2009. Cette plainte faisait suite à l’événement de l’eau de javel. Malgré la gravité objective de l’événement, aucune preuve ne permet au tribunal de savoir si ce produit a été laissé là par mégarde ou intentionnellement ni qui a posé ce geste. Cet événement ne peut donc être retenu comme un geste posé par monsieur Brault, et conséquemment, comme faisant partie d’une conduite vexatoire attribuée à ce dernier.

[192]      À ce moment, les plaignantes dénoncent aussi à monsieur Rousseau que monsieur Brault cache des objets pour les prendre en défaut, et qu'il critique leur travail. Monsieur Rousseau, selon madame Dubé, aurait avisé monsieur Brault. Le tribunal n’en a pas une preuve directe, mais la preuve prépondérante est à l’effet qu’il n’y a plus eu d’épisodes d’objets cachés par la suite. Madame Dubé dit que ce n’est plus arrivé. Le comité de traitement des plaintes sur la plainte de madame Boulanger situe aussi ces événements avant 2009. Aucun exemple d’objet caché, depuis 2009, n’est fourni au tribunal. Pour le tribunal, cette histoire de cacher des objets a donc été réglée en 2009. Le fait que les plaignantes évoquent toujours ce comportement dans les dénonciations ultérieures ne change pas ce constat. Un grief en 2012 ne peut reprocher à l’employeur des comportements qui ont été réglés en 2009.

[193]      En juin 2010, une plainte écrite, intitulée « Dénonciation de violence psychologique et verbale au travail », est remise à madame Tétrault. Il s’agit d’une dénonciation signée par madame Dubé, madame Boulanger et madame Benoît, qui fait le même travail que les deux plaignantes. Cette dénonciation commune du 10 juin 2011 rapporte que les plaignantes subissent des critiques sur un ton de voix peu agréable et même agressant ou intimidant, que monsieur Brault utilise la pression et l’intimidation pour qu’elles tranchent de son côté, il les humilie lorsqu’elles ne sont pas d’accord avec lui.

[194]      Chaque plaignante complète une annexe à cette dénonciation. Madame Boulanger y parle du commentaire de monsieur Brault sur son lunch et le sac de déchets, des objets cachés et du fait que monsieur Brault lève le ton lors de désaccords, même en présence des usagers. Madame Dubé rapporte l’événement du congédiement de l’éducatrice et de la pétition, lorsque monsieur Brault crie et sacre car il cherche les signatures. Cet événement a bouleversé madame Dubé. Elle a peur de se retrouver à nouveau seule avec lui. C’est ce qui déclenche la plainte de juin 2010.

[195]      Ces allégations ont été jugées comme étant graves par madame Tétrault. Le tribunal ne croit pas que madame Tétrault a qualifié monsieur Brault de caïd, mais plutôt qu’elle a dit que si les allégations étaient véridiques elle appelait cela des attitudes de caïd. Elle a aussi pris le problème au sérieux. Elle a alerté les ressources humaines et fait, sur leur recommandation, une enquête administrative. Cette démarche de la part de madame Tétrault n’est pas contredite. L’enquête administrative, toutefois, ne lui a pas permis de confirmer les allégations de madame Dubé et de madame Boulanger. Que révèle l’enquête ? Que les rapports entre les membres du personnel sont difficiles. Le climat de travail n’est pas bon. En somme, la communication déficiente et les critiques envers les collègues semblent être généralisés au sein de l’équipe.

[196]      L’employeur, à ce moment, n’a pas jugé avoir suffisamment d’éléments pour conclure à du harcèlement psychologique. Cette conclusion était raisonnable dans les circonstances. La dénonciation elle-même situe les gestes de monsieur Brault dans un contexte d’exécution du travail et de points de vue différents sur la façon de faire les tâches. Les trois signataires demandent à l’employeur de faire cesser ce comportement et de rétablir un climat de travail adéquat. Dire aujourd’hui, comme le syndicat le martèle, que le climat de travail était un autre problème, ne tient pas compte de la réalité au moment où l’employeur a décidé de mettre sur pied un plan d’action visant à rétablir le climat de travail.

[197]      Cependant, le comportement de monsieur Brault lorsqu’il a menacé madame Dubé en cherchant les signatures, comme son commentaire à madame Boulanger sur le fait de ne pas oublier son lunch, sont d’un autre ordre. Le commentaire sur le sac de lunch est un commentaire dégradant, humiliant. Les propos de monsieur Brault, lorsqu’il cherchait les signatures, étaient menaçants et hostiles. Il manque cependant l’élément de la répétitivité à ces épisodes pour les qualifier de harcèlement psychologique.

[198]      Madame Tétrault a pris deux mesures. Elle a avisé monsieur Brault que si ce comportement était le sien, il fallait que ça cesse immédiatement. Cet avis vise donc spécifiquement à corriger le comportement de monsieur Brault face à madame Dubé et à madame Boulanger. Ce moyen était raisonnable, que l’on soit ou non face à une situation de harcèlement psychologique. Madame Tétrault a aussi demandé à madame Dubé de prendre des notes si un autre événement survenait. Ni madame Dubé, ni madame Boulanger ne l’informe d’une récidive de la part de monsieur Brault. Il était donc normal qu’aucune autre mesure ne soit prise à l’époque pour régler un problème de harcèlement psychologique. Madame Tétrault lance aussi un plan d’action pour améliorer le climat de travail au sein de l’équipe.

[199]      Les moyens mis en place par madame Tétrault répondent donc aux deux demandes de la dénonciation qui étaient de faire cesser ce comportement et de rétablir un climat de travail adéquat. Madame Tétrault a par la suite informé madame Dubé que monsieur Brault avait été avisé, et qu’il y aurait une démarche de consolidation d’équipe.

[200]      L’employeur a donc mis des moyens en place pour corriger la situation, même s’il ne considérait pas qu’il s’agisse de harcèlement psychologique au sens de la loi.

[201]      Cette décision de l’employeur aura un impact pour toute la suite du dossier, car les plaignantes disent aujourd’hui que cette mesure était insatisfaisante. D’ailleurs, madame Dubé, dans son témoignage, omet complètement de mentionner que monsieur Brault a été avisé par l’employeur.

[202]      Concrètement, madame Dubé et madame Boulanger ne rapportent à l’employeur aucun événement ou comportement de la part de monsieur Brault avant le 28 janvier 2011, soit sept mois plus tard. Malgré la demande de madame Tétrault, de noter les situations problématiques, le seul document invoqué à l’audience est un document du
6 juillet 2010 [3] . Donc le 28 janvier, madame Dubé et madame Boulanger se plaignent du comportement de monsieur Brault lors d’une rencontre de groupe du 18 janvier 2011. Il aurait fait des commentaires que les plaignantes jugent offensants, et des critiques face à leur travail.

[203]      Madame Boulanger déposera une plainte officielle au comité de traitement des plaintes le 10 février 2011. Elle dit qu’il n’y a pas de changement dans le comportement de monsieur Brault. Elle se plaint de son commentaire lors de la rencontre du 18 janvier 2011, des commentaires dégradants qui mettaient en cause le sac de déchets, du fait que monsieur Brault cache des objets et des critiques de son travail. Elle demande de ne plus avoir de contacts avec lui. Dans ce document, madame Boulanger dit que le commentaire sur le sac de déchets est survenu fréquemment de 2005 à 2009.

[204]      Madame Dubé fera une plainte officielle le 6 avril 2011, après avoir rédigé un autre mémo le 27 mars 2011. Elle dit être épuisée de faire face à toutes ces agressions et demande à l’employeur d’avertir monsieur Brault. Elle parle d’un dénigrement perpétuel. Elle fait référence à de l’interception de courrier par monsieur Brault. Le tribunal constate cependant que cette allégation est reliée à l’événement de la pétition du printemps 2010. Elle reproche à monsieur Brault de reprendre ses interventions auprès des usagers, elle ne veut plus travailler avec lui. Madame Dubé affirme aussi à l’audience que monsieur Brault faisait une « campagne de salissage » contre elle, qu’elle ne pouvait travailler ailleurs. Le tribunal n’a aucune preuve que monsieur Brault attaquait la réputation de madame Dubé pendant la période où il ne travaillait pas à Quovadis. Il ne peut retenir cette affirmation de madame Dubé qui constitue du ouï-dire.

[205]      À la suite de cet événement du 18 janvier 2011, l’employeur est donc saisi de nouvelles plaintes et peu de temps après de deux plaintes formelles selon la Politique visant à contrer le harcèlement. En mai 2011, monsieur Brault fait aussi une plainte qui vise plusieurs personnes, dont madame Dubé et madame Boulanger. Dans les trois cas, l’employeur réfère les plaintes au comité des plaintes, et poursuit son plan d’action. Il maintient aussi Jean-Luc Brault dans son affectation sur appel, malgré les demandes du syndicat qui commence, vers juin 2011, à vouloir qu’il soit réintégré à Quovadis.

[206]      Cette période, jusqu’à la réintégration de monsieur Brault, a été une période difficile pour les plaignantes. Elles avaient des attentes qui ne correspondaient pas aux mesures qui ont été mises en place par l’employeur et le syndicat. Le comité de traitement des plaintes a rejeté la plainte de madame Boulanger, et a suspendu le traitement de la plainte de madame Dubé. Le tribunal a déjà dit ce qu’il avait à dire sur le travail du comité de traitement des plaintes. L’employeur a reçu les recommandations du comité dans le cas de madame Boulanger en avril 2011. Le comité ne retient pas le harcèlement psychologique, mais constate la présence de deux clans qui s’opposent, un problème relationnel important entre madame Boulanger et monsieur Brault et la contamination du milieu de travail. Il recommande que les plaintes soient traitées dès leur réception par le gestionnaire, que l’employeur s’assure que les descriptions de tâches soient claires et qu’un suivi soit fait pour s’assurer de la qualité du travail accompli. En somme, le comité relie la situation à un problème relationnel et à un problème de respect des descriptions de tâches. Le projet de consolidation d’équipe avec l’ASSTSAS devrait, en principe, répondre à ces préoccupations. C’est du moins ce que se disent l’employeur et aussi le syndicat.

[207]      Les conclusions du comité de traitement des plaintes vont un peu plus loin dans le rapport qui suit la plainte de monsieur Brault. Le comité souligne la présence de relations interpersonnelles difficiles et conflictuelles au sein des employés, et que les conflits ont pris une ampleur démesurée. Il recommande une médiation entre les cinq personnes concernées, une présence accrue du gestionnaire, l’application des recommandations de l’ASSTSAS et finalement, si cela ne fonctionne pas, d’assigner les personnes à différents points de service.

[208]      Le comité de traitement des plaintes recommande donc à l’employeur de poursuivre dans la voie déjà entreprise, qui consiste, avec l’aide de l’ASSTSAS, à travailler sur l’amélioration du climat de travail et sur les problèmes relationnels entre cinq personnes, dont madame Dubé, madame Boulanger et monsieur Brault.

[209]      Nous sommes alors en juin 2011, et monsieur Brault n’est pas à la résidence depuis septembre 2010.  Malgré tout, la situation ne se résorbe pas. Il semble donc assez incontournable de penser qu’il existe réellement, au sein de cette équipe, des problèmes relationnels.

[210]      Cependant, on ne peut parler de harcèlement psychologique de la part d’une personne envers deux autres personnes lorsqu’elles ne sont pas en contact. La définition du harcèlement psychologique exige une conduite vexatoire qui se manifeste par un comportement, des paroles, des actes ou des gestes répétés. Il n’est pas nécessaire de recourir aux interprétations faites de cette disposition, sur lesquelles les parties s’entendent par ailleurs, pour conclure à l’absence de conduite vexatoire lorsque les gens ne se voient pas, ne se parlent pas, ne sont pas en contact. Un seul événement dérangeant, celui du 18 janvier 2011, ne peut être assimilé à du harcèlement psychologique. Il s’agit d’ailleurs du seul événement signalé à l’employeur depuis le
10 juin 2010.

[211]      Le tribunal a bien entendu les plaignantes qui disent qu’elles attendaient et qu’elles étaient anxieuses. Mais les attentes des plaignantes ne constituent pas du harcèlement psychologique de la part de monsieur Brault. On ne peut non plus prétendre que l’employeur n’a rien fait pour régler une situation de harcèlement qui perdurait, lorsque la preuve démontre que les personnes n’étaient même pas en contact. L’absence en maladie de monsieur Brault de septembre à décembre 2010, et son affectation à un autre poste de janvier à octobre 2011, ont réglé le problème à la source.

-        Le plan d’action et ses suites

[212]      L’employeur amorce son plan d’action à l’été 2010, dans la foulée de la plainte de juin 2010 et de l’enquête administrative. L’objectif de ce plan d’action est de rétablir un climat de travail positif à la résidence. La suite des choses nous montre cependant que la mise sur pied du plan d’action a été difficile, et que madame Dubé et madame Boulanger attendaient impatiemment d’en voir l’effet concret. En janvier 2011, l’employeur et le syndicat conviennent ensemble d’engager une firme externe. Un mandat est donné à l’ASSTSAS. Ce mandat, qui ne sera confirmé qu’en avril 2011, a le même objectif que le plan d’action, soit améliorer le climat de travail. Madame Legault de l’ASSTSAS dira aussi que l’objectif était d’améliorer les communications inadéquates.

[213]      On constate aujourd’hui que l’intervention de l’ASSTSAS et aussi l’intervention subséquente de madame Laurin n’ont pas permis de résoudre la problématique parmi les personnes visées. Madame Dubé a été en arrêt de travail de juillet 2011 à janvier 2012. Malgré cela, elle a participé aux rencontres avec madame Legault et avec madame Laurin. Les deux plaignantes ont témoigné sur le déroulement de ces rencontres. Elles sont déçues. Elles voulaient dénoncer le comportement de monsieur Brault. Elles voulaient que monsieur Brault reconnaisse qu’il était coupable. Ce n’est pas l’objectif d’une médiation, ou, à tout le moins, ce n’est pas le chemin que madame Legault et madame Laurin ont choisi. Madame Laurin l’explique très bien dans ses différents rapports. 

[214]      La démarche de consolidation d’équipe a débuté avec des rencontres individuelles en mai et en juin 2011. Madame Legault a alors recommandé au comité de pilotage une intervention préalable de médiation auprès de cinq personnes, dont madame Dubé, madame Boulanger et monsieur Brault. Elle a alors souligné les tensions relationnelles qui existaient entre ces personnes. Le comité paritaire a accepté cette recommandation, qui est arrivée à peu près au même moment que le rapport du comité de traitement des plaintes dans le cas de monsieur Brault. Ni le comité des plaintes ni madame Legault ne considèrent être face à un cas de harcèlement psychologique. Madame Legault dit bien qu’il s’agit de tensions relationnelles.

[215]      Madame Laurin a été choisie pour mener cette médiation entre madame Dubé, madame Boulanger, monsieur Brault, et deux autres collègues de travail. Le mandat a pour but de dénouer les tensions relationnelles en vue d’un changement d’attitude. Le coût est à la charge exclusive de l’employeur. Madame Laurin note que les personnes impliquées ne cherchent pas à comprendre la situation et à l’améliorer, mais à trouver un coupable. Dans ce contexte, la médiation ne peut pas fonctionner. L’employeur est avisé de cela et lui demande si elle peut faire autre chose pour aider les gens à se retrouver ensemble. Elle a suggéré de procéder sur la tâche pour arriver à discuter quand même des comportements et des modes de communication.

[216]      Le rapport final est particulièrement clair. Les employés sont incapables de modifier leurs perceptions et leurs comportements les uns envers les autres. Il y a une dynamique conflictuelle qui dure depuis trop longtemps. Les interventions de l’ASSTSAS et de madame Laurin ont été un échec.

[217]      Cet échec ne signifie cependant pas que l’employeur n’a rien fait. Il a agi en fonction d’une évaluation raisonnable du dossier qui était partagée avec le syndicat. L’employeur et le syndicat ont appliqué les recommandations du comité de traitement des plaintes, de l’ASSTSAS et de madame Laurin. En fait, les mesures prises par l’employeur pour rétablir le climat de travail sont des mesures significatives. Il est exact que ces mesures ne visaient pas à régler spécifiquement une situation de harcèlement psychologique de la part de monsieur Brault envers madame Dubé et envers madame Boulanger. Ce constat de harcèlement psychologique n’avait été fait par personne. Les mesures visaient à modifier la communication déficiente, ce qui correspond quad même à l’essentiel des reproches que madame Dubé et madame Boulanger font à monsieur Brault.

-        Le retour de monsieur Brault à Quovadis et les griefs de harcèlement psychologique

[218]      Monsieur Brault revient à Quovadis en octobre 2011 de façon progressive et en novembre 2011 à temps plein, dans la foulée d’un grief qui demande sa réintégration. L’employeur refusait cette réintégration depuis juin 2011. L’employeur aurait voulu que ce retour soit beaucoup plus graduel, ce à quoi le syndicat s’opposait.

[219]      Madame Paquet, lors d’une rencontre avec le groupe d’employés pour qui le retour de monsieur Brault causait un problème, dresse une liste des attentes du groupe. Cependant, selon la preuve, aucune mesure particulière n’a été mise en place de façon préventive.

[220]      Le tribunal considère qu’à ce moment, l’employeur, qui avait conscience de l’échec de la médiation, et des conflits non réglés entre madame Dubé, madame Boulanger et monsieur Brault, aurait dû prendre des moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique, sans attendre que la situation dégénère à nouveau, conformément à l’article 81.19 de la Lnt.

[221]      L’employeur a donc failli à ses obligations de prévention au moment de la réintégration à Quovadis de monsieur Brault.

[222]      Selon la preuve, monsieur Brault a répété son comportement qui consiste essentiellement en des critiques et des jugements sur le travail de madame Dubé et de madame Boulanger, devant les usagers, sur un ton de voix élevé, arrogant ou méprisant.

[223]      En d’autres circonstances, un tel comportement ne serait probablement pas considéré comme étant du harcèlement psychologique. Comme il a souvent été dit, l’incivilité, l’impatience, les commentaires désobligeants, la bêtise ne sont pas nécessairement du harcèlement psychologique.

[224]      Dans ce cas particulier, étant donné tout le processus de médiation qui a mis en lumière l’importance des communications disons plus respectueuses et appropriées, le tribunal considère que les propos de monsieur Brault envers les plaignantes peuvent alors être considérés comme répétés, hostiles ou non désirés, ce qui en fait une conduite vexatoire au sens de la Lnt. Cette conduite portait atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique des plaignantes, et a entraîné un milieu de travail néfaste.

[225]      L’employeur devait intervenir lorsque cette conduite a été portée à sa connaissance. La preuve montre qu’il a mis en place des mesures propres à régler le problème pour les plaignantes, et ce dans un délai raisonnable.

[226]      Madame Dubé dénonce la situation dès janvier lors de son retour de congé maladie. Elle invoque subir des insultes de la part de monsieur Brault. Il bougonne, il dit qu’elle n’est pas capable de faire un lit et qu’elle est trop lente. Il lui reproche sa façon de donner les soins personnels à un usager. Madame Dubé a immédiatement averti son nouveau gestionnaire, monsieur Christian Dubé. Il a réagi promptement. Il a convoqué monsieur Brault et madame Dubé à une rencontre pour faire des mises au point respectives. Il a fait des changements d’horaires, mais, selon madame Dubé, il y avait des problèmes le dimanche et le lundi. Madame Dubé a confirmé à monsieur Dubé que monsieur Brault avait changé d’attitude. Elle n’avait cependant pas confiance dans un vrai changement, et, le 29 janvier 2012, elle a demandé que sa plainte soit traitée par le comité de traitement des plaintes.

[227]      Après le départ de Christian Dubé comme gestionnaire à Quovadis, en février 2012, monsieur Brault recommence. Le 26 février, madame Dubé se plaint à monsieur Benjamin, monsieur Léger Bourgouin et madame Tétrault, que monsieur Brault a écrit à l’ordre du jour d’une rencontre des sujets qu’elle trouve offensants. Il la suit, il la critique devant les clients sur un ton inadéquat. Il lui reproche de ne pas avoir ramassé une couche. Elle demande de cesser d’être harcelée par monsieur Brault.

[228]      Monsieur Léger Bourgouin a encore fait un changement d’horaire. Il a avisé monsieur Brault en mars 2012. Il a rencontré madame Dubé, pendant le quart de nuit, au travail. Madame Dubé dira que la situation s’est améliorée avec le changement d’horaire fait par monsieur Léger Bourgouin. Elle dépose cependant un grief de harcèlement psychologique le 29 mars 2012.

[229]      Le cas de madame Boulanger est moins documenté. Il est bien difficile de dire qu’à un moment précis, elle a porté à la connaissance de l’employeur le comportement de monsieur Brault, bien qu’elle demandait un changement d’horaire. Il faut donc se référer au grief qui est daté du 27 mars 2012. Le changement d’horaire a été fait le 5 avril 2012.

Conclusion

[230]      Après la plainte de juin 2010, madame Tétrault a avisé monsieur Brault de cesser son comportement. Entre ce moment et la réintégration de monsieur Brault, un seul nouvel événement est dénoncé à l’employeur. Il s’agit de commentaires faits par monsieur Brault lors de la rencontre du 18 janvier 2011.

[231]      Pendant la même période, il y avait aussi une démarche commune patronale/syndicale pour régler un problème de dynamique d’équipe dont faisaient partie monsieur Brault, madame Dubé et madame Boulanger. Des mesures importantes ont été mises en place pour améliorer, entres autres, les communications entre les individus et le climat de travail. Monsieur Brault a été déplacé pendant cette période.

[232]      L’employeur, pendant toute cette audience qui a été assez longue, a défendu le caractère raisonnable de ces mesures. Le tribunal lui donne raison. Dire que l’employeur n’a rien fait est, dans les circonstances, une affirmation qui déforme considérablement la réalité. Les interventions de l’employeur vis-à-vis monsieur Brault ont réglé le problème jusqu’à sa réintégration. Cependant, les interventions de madame Legault et de madame Laurin n’ont pas réussi à rétablir un équilibre dans les rapports au sein du groupe à Quovadis.

[233]      De plus, dire que le comportement de monsieur Brault n’a jamais cessé est aussi inexact. Il n’y avait pas de situation continue de harcèlement de la part de monsieur Brault que l’employeur aurait laissé faire. Monsieur Brault n’était tout simplement plus à Quovadis.

[234]      La réintégration de monsieur Brault a été demandée par le syndicat. L’employeur l’a souligné. Malgré tout, la responsabilité prévue à la Lnt de prendre des moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement incombe à l’employeur. La convention prévoit que le syndicat doit y collaborer.

[235]      Les griefs, pour la période antérieure à la réintégration de monsieur Brault, sont manifestement mal fondés. Ils sont néanmoins accueillis pour la période postérieure à la réintégration de monsieur Brault, en ce qui a trait à l’obligation de l’employeur de prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement.

[236]      Dans les circonstances, le coût de cet arbitrage doit être partagé également entre les deux parties.

 

POUR CES MOTIFS, le tribunal :

ACCUEILLE en partie seulement les griefs de madame Dubé et de madame Boulanger, plus précisément quant à l’obligation de l’employeur, à la suite de la réintégration de monsieur Brault en novembre 2011, de prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique ;

RÉPARTIS les frais du processus d’arbitrage à parts égales entre l’employeur et le syndicat ;

CONSERVE juridiction pour déterminer quelles mesures de réparation sont appropriées compte tenu des conclusions, si les parties ne peuvent s’entendre dans un délai de
60 jours de la présente décision.

 

 

 

 

____________________

Joëlle L’Heureux, arbitre

Pour l’employeur :

Me François Perron

 

 

 

Pour le syndicat :

Me Richard Mercier

 

 

 

Dates d’audiences :

14 jours entre le 14 décembre 2012 et le 12 décembre 2014

 

 

 

 

ANNEXE

 

 

Décision déposée par le syndicat

 

Syndicat du personnel de soutien des Hautes-Rivières et Commission scolaire des Hautes-Rivières , [2012] RJDT 1005 (arbitre Claude Rondeau).

 

 

Décisions déposées par l’employeur 

 

Centre hospitalier régional de Trois-Rivières et Syndicat professionnel des infirmières et infirmiers de Trois-Rivières, [2006] RJDT 397 (arbitre François Hamelin)

 

Ville de Montréal et Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal, DTE 2009T-375 (arbitre François Hamelin)

 

Syndicat des professeurs et des professeures de l’Université du Québec à Trois-Rivières et Université du Québec à Trois-Rivières, DTE 2010T-480 (arbitre Gilles Laflamme)

 

Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3365 et Municipalité de La Minerve, AZ-50510438 (arbitre Pierre Laplante)

 

Hôpital général du Lakeshore et Syndicat national des employés de l’Hôpital général Pointe-Claire, 2007A-170 (arbitre Harvey Frumkin)

 

Olymel s.e.c./Iberville et Teamsters Québec, section locale 1999, DTE 2008T-75 (arbitre Richard Marcheterre)

 

CPE Luminou et Syndicat des travailleuses et des travailleurs des centres de la petite enfance de Montréal et de Laval, DTE 2006T-582 (arbitre Noël Mallette)



[1]     Madame Boulanger hésite entre la date du 5 février ou du 5 mars 2012, mais détermine qu’il s’agit du
5 mars 2012.

[2]     R. c. Gruenke [1991] 3 RCS 263 .

[3]     Les événements du 6 juillet 2010 n’ont pas été dénoncés à un représentant de l’employeur . Il s’agit d’événements qui se rapportent à la façon de faire le travail. Monsieur Brault reproche à madame Boulanger d’avoir demandé à un client de faire son lit, lui crie de s’occuper des clients.