Dixon c. Matte

2015 QCCQ 1626

   JG2338

 
 COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUHARNOIS

LOCALITÉ DE VAUDREUIL-DORION

« Chambre civile »

N° :

760-32-015985-130

 

 

 

DATE :

19 janvier 2015

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

 CÉLINE GERVAIS, J.C.Q

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AMAILLA DIXON

demanderesse

 

c.

 

FRÉDÉRIC MATTE

défendeur

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Il s'agit d'une action réclamant la somme de 910,50 $, représentant le remboursement d'un acompte versé pour l'achat d'un véhicule, qui n'a finalement pas eu lieu, ainsi que des frais de courrier recommandé.

Les FAITS :

[2]            Amailla Dixon veut acquérir un véhicule usagé.  Après avoir fait plusieurs recherches sur le site Internet Kijiji, elle souhaite se porter acquéreur d'un véhicule Maxima 2006, propriété de Frédéric Matte.

[3]            Ceux-ci se rencontrent à une adresse sur la rue De Tonnancour à Vaudreuil-Dorion, qui est celle d'une amie de M. Matte.  Madame Dixon procède à l'essai du véhicule, et les parties s'entendent pour un prix de vente de 5900 $.  Elle verse alors un montant de 900 $ à M. Matte.

[4]            Ce dernier dénonce à Mme Dixon que le voyant de vérification du moteur (check engine) s'allume de temps à autre depuis un an, mais que le véhicule fonctionne bien néanmoins.  Les parties s'entendent sur le fait que M. Matte procéderait à l'installation des pneus d'hiver et ferait vérifier ou réparer, selon les versions, le problème du voyant lumineux dans le tableau de bord.  Le 16 novembre 2013, un contrat de vente de véhicule intervient. [1]  

[5]            Selon la version de M. Matte, il appelle Mme Dixon le 19 novembre pour lui mentionner que son garagiste suggère d'amener le véhicule chez un concessionnaire Nissan pour savoir exactement ce qu'il en est de la question du voyant lumineux.  Madame Dixon lui aurait répondu qu'elle viendrait chercher le véhicule le 25 novembre.

[6]            Monsieur Matte fait une offre d'achat sur un autre véhicule de marque Mazda 6 le 23 novembre 2013.

[7]            Il allègue que Mme Dixon le contacte cependant le 24 novembre pour l'informer qu'elle a trouvé un nouveau véhicule, qu'elle a effectivement acheté la veille, selon son témoignage, et que de ce fait, elle ne souhaite plus acquérir le sien.

[8]            Monsieur Matte procède à l'achat du véhicule Mazda 6 le 25 novembre 2013. [2]  Comme il se retrouvait en possession de deux véhicules, M. Matte a vendu la Maxima 2006 le 9 décembre suivant pour une somme de 5000 $, ayant décidé de s'en départir pour un prix moindre afin de le vendre plus rapidement.

[9]            Selon la version de Mme Dixon, M. Matte l'aurait appelé quelques jours après la signature du contrat pour lui indiquer que le voyant lumineux était éteint, qu'il devait attendre que celui-ci se rallume, ce qui prendrait une semaine, et que son garagiste n'était pas en mesure de lui expliquer la raison pour laquelle le voyant s'allumait.  Elle ne souhaitait pas amener le véhicule chez un concessionnaire Nissan à cause des coûts que cela impliquait et lui aurait alors mentionné qu'elle ne voulait pas prendre le véhicule dans ces conditions.  Elle a acheté un autre véhicule d'un particulier le 23 novembre suivant.  Elle prétend que M. Matte est responsable des dommages subis, puisque c'est lui qui a acheté un autre véhicule trop rapidement.

[10]         Dans sa demande, Mme Dixon allègue également que M. Matte lui aurait offert une réduction du prix de 200 $ pour compenser le fait qu'elle devait se rendre chez Nissan, ce qui est nié par M. Matte.

ANALYSE ET DÉCISION :

[11]         Il faut en premier lieu décider de la rétractation de jugement demandée par M. Matte.  En effet, le dossier avait procédé une première fois par défaut devant l'Honorable Claude Montpetit, J.C.Q., qui avait rendu jugement en faveur de Mme Dixon le 10 juillet 2014.

[12]         La requête en rétractation de jugement a été accueillie au stade de la réception, et a également été accueillie verbalement en début d'audition le 9 octobre 2014.  Monsieur Matte a fait la preuve que Mme Dixon avait transmis les procédures à l'adresse de la rue De Tonnancour à Vaudreuil-Dorion, qui n'était pas la sienne; il n'a pas pu avoir connaissance des procédures, puisque son amie était alors en vacances.  Par ailleurs, il a été mis en preuve que M. Matte n'a jamais reçu la mise en demeure que lui avait transmise Mme Dixon.

[13]         Monsieur Matte avait par ailleurs fait connaître son adresse à Mme Dixon, puisqu'il lui avait transmis un document d'annulation du contrat de vente, dans lequel il était prévu qu'il conservait le dépôt remis à titre de dommages et frais encourus pour l'annulation du contrat de vente. [3]   Madame Dixon n'a jamais signé ce document.

[14]         La rétractation de jugement devait donc être accordée, M. Matte ayant été condamné par défaut sans avoir eu l'occasion de se défendre, pour des raisons qui ne relèvent aucunement de sa négligence.

[15]         Le contrat de vente se lit ainsi :

"Fred Matte vend à Amailla Dixon, qui accepte, un véhicule automobile de marque Maxima 2006 numéro de série (…), pour le prix de 5900 $.  Un dépôt de 900 $ a été remis le 16 novembre.  Une balance de 5000 $ reste donc à payer lors de la vente finale.

Le véhicule est vendu tel quel.

La prise de possession de ce véhicule se fera au 2 décembre ou avant."

 

[16]         L'auteur Denys-Claude Lamontagne dans son ouvrage sur le Droit de la vente s'exprime comme suit relativement au dépôt :

"43.  Toute somme versée à l'occasion d'une promesse de vente et d'achat est présumée être un acompte sur le prix, sauf convention contraire (…)  L'acompte constitue normalement un versement partiel du prix.  Il n'autorise pas la rétractation : les parties restent liées par la promesse bilatérale.  Si la vente est conclue, l'acompte s'applique sur le prix.  Dans le cas contraire, on doit se demander qui est à l'origine de l'inexécution de la promesse.  Le promettant-vendeur fautif doit rembourser au promettant-acheteur la somme avancée, sans parler des dommages exigibles (…)  Le promettant-acheteur qui s'est placé dans l'impossibilité de respecter son engagement risque de perdre son acompte, à titre de dommages-intérêts correspondant au préjudice réel (…)." [4]

 

[17]         Autrement dit, si l'annulation de l'offre d'achat est justifiée, le promettant-acheteur a droit d'obtenir le remboursement du dépôt versé lors de la signature de l'offre d'achat.  Dans le cas contraire, le vendeur a droit de conserver le dépôt en question. [5]

[18]         Qui est donc responsable de l'annulation de la vente du véhicule?  Dans la recherche de l'intention des parties, le Tribunal doit d'abord se fonder sur le contrat P-1, puisque les parties ont pris la peine de mettre par écrit leur entente.  La mention "vendu tel quel" qui apparaît à ce contrat de vente accrédite la version de M. Matte à l'effet qu'il devait uniquement faire vérifier le véhicule et non pas le faire réparer.  Le fait de devoir amener le véhicule chez un concessionnaire Nissan pour de plus amples vérifications  ne constitue pas une raison suffisante de ne pas procéder à l'achat, en l'absence de toute mention conditionnelle dans le contrat de vente.

[19]         Dans la mesure où le montant du dépôt correspond à la perte subie par M. Matte, qui a vendu son véhicule pour un prix moindre, l'action de Mme Dixon ne peut réussir.  Dans les circonstances, elle est cependant rejetée sans frais.

 

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

REJETTE l'action;

LE TOUT sans frais.

 

 

 

 

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CÉLINE GERVAIS, J.C.Q.

 

 

 



[1]     Pièce P-1.

[2]     Pièce D-2.

[3]     Pièce P-2.

[4]     Denys-Claude LAMONTAGNE, Droit de la vente , 3 e éd., Les Éditions Yvon Blais, 2005, p. 25.

[5]     Rondeau c. Pomerleau , 2003 CanLII 18641 (C.Q.).