Voti inc. c. Commission des relations du travail |
2015 QCCS 940 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-083764-145 |
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DATE : |
27 février 2015 |
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L'HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S. |
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VOTI INC. |
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Demanderesse |
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c. |
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COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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-et- |
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GÉRARD NOTEBAERT |
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Défendeurs |
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-et- |
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ROBERT EGERY |
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Mis en cause |
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TRANSCRIPTION RÉVISÉE D'UN JUGEMENT RENDU SÉANCE TENANTE LE 24 FÉVRIER 2015 [1] |
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[1] Nous devons décider si la requête en révision judiciaire de la décision de la Commission des relations du travail (ci-après nommée la CRT) rendue le 16 juillet 2014 doit être révisée, au motif qu’elle serait déraisonnable;
[2] CONSIDÉRANT que la CRT est un organisme spécialisé dans le domaine des relations de travail, qu'il fait partie de son mandat exclusif de disposer de recours liés à l'emploi et, qu'à ce titre, elle a régulièrement à déterminer si les faits qui lui sont présentés démontrent une cause juste et suffisante de congédiement, au sens de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail [2] ;
[3] CONSIDÉRANT que la norme de révision judiciaire applicable à un dossier mettant en cause une décision de la CRT est celle de la décision raisonnable, c’est-à-dire qu'il nous faut déterminer si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité, donc, que le processus décisionnel menant à une décision est transparent, intelligible et que le résultat de celui-ci appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit [3] ;
[4] CONSIDÉRANT qu’en conséquence de la spécialisation de la CRT et de la norme de révision applicable, la Cour supérieure saisie d’une demande de révision judiciaire doit exercer une grande déférence et faire preuve de retenue à l'égard des décisions de la CRT [4] ;
[5] CONSIDÉRANT que la Cour supérieure doit se garder de réévaluer tout le dossier afin d'y substituer son opinion lorsqu’elle décide d’une demande de révision judiciaire d’une décision de la CRT [5] ;
[6] CONSIDÉRANT que la demanderesse n’a rien à redire en ce qui a trait aux faits et au droit que la CRT retient dans sa décision, qu’elle estime que la question posée est la bonne, mais qu’elle critique l’application que la CRT a fait du droit aux faits, nous plaidant que les faits présentés ne justifiaient pas la conclusion retenue à partir du droit exposé dans la décision;
[7] CONSIDÉRANT que la demanderesse est d’accord avec le contenu des paragraphes 44, 47-49, 51-52 et que la première erreur apparaît selon elle au paragraphe 53, où la CRT semble exiger la preuve d’un préjudice alors que la Cour d’appel aurait décidé que telle preuve n’est pas nécessaire pour conclure que les faits et gestes d’un employé peuvent constituer un manquement à un devoir de loyauté, ce qui rendrait la décision aux paragraphes 58 et 59 déraisonnable eu égard à l’exercice qui devait être fait [6] ;
[8] CONSIDÉRANT que la demanderesse reproche à la CRT d’avoir conclu que les propos en cause ne sont pas répréhensibles et qu’ils ne constituent pas un manquement à l’obligation de loyauté du mis en cause dans le contexte particulier où le Commissaire cerne bien la hiérarchie entre ce dernier et le président de la demanderesse et la nature des propos tenus, relation que la demanderesse résume par « Monsieur no 2 parle à Monsieur no 1 » et référant à des lacunes qui méritent une sanction sévère dans les circonstances, peu importe que les propos aient ou non été tenus de bonne foi [7] ;
[9] CONSIDÉRANT ce que la Cour d’appel définit comme étant un manquement à l’obligation de loyauté dans l’arrêt Pro-Quai inc. et als c. Tanguay et als , qui réfère à un élément de gravité ou de répétition [8] ;
[10] CONSIDÉRANT que certaines des causes citées par la demande présentent un contexte où il y a eu vol, appropriation de fonds, mensonges, fausses représentations ou infractions à des politiques d’entreprise, ce qui diffère du dossier soumis en l’espèce à la CRT [9] ;
[11] CONSIDÉRANT que le mis en cause est d’avis que la demanderesse souhaite nous voir agir comme juge d’appel, c’est-à-dire que nous révisions la preuve, le droit et la corrélation entre les deux, afin de substituer notre propre appréciation et d’en tirer une autre conclusion possible;
[12] CONSIDÉRANT que le mis en cause plaide que la décision est claire, en ce que le Commissaire a retenu qu’il n’y avait pas eu violation grave ou répétée de l’obligation de loyauté à partir de la preuve soumise, ayant expressément analysé à qui le mis en cause a parlé, soit le président de la demanderesse (réceptionniste et assistante administrative), le fait qu’il n’a rien dit à des tiers (tels des clients ou des partenaires de l’entreprise) [10] , qu’il a retenu que les propos en cause n’étaient pas acrimonieux [11] , que la demanderesse n’a démontré aucune cause de reproche la justifiant d’imposer au mis en cause la peine capitale qu’est un congédiement [12] , le tout, après avoir révisé la crédibilité des différents témoins entendus [13] ;
[13] CONSIDÉRANT que, selon lui, il y a lieu de faire une analogie avec les décisions Forget et Les Rôtisseries St-Hubert ltée, Guindon et Corporation de sécurité Garda World et Groupe de sécurité Garda inc . et Guindon [14] , et d’appliquer les principes de l’arrêt Industries Mailhot inc. c. Allard [15] ;
[14] CONSIDÉRANT que le mis en cause soutient que la discrétion du Commissaire a été exercée et qu’il était justifié d’accueillir la plainte, la CRT ayant bien appliqué le droit aux faits, le droit reconnaissant qu’un employé n’a pas à avoir un comportement parfait, que ses paroles peuvent parfois dépasser sa pensée et qu’il peut même commettre certaines erreurs de jugement, tant que le tout n’est pas grave, et que tout cela a été analysé dans le contexte précis révélé par la preuve [16] ;
[15] CONSIDÉRANT que les deux parties en cause s’entendent que le contexte dans lequel les propos ont été tenus par le mis en cause devait être analysé;
[16] CONSIDÉRANT que les trois mots clés nous permettant de disposer de la requête en révision judiciaire sont en l’espèce « contexte », « discrétion » et « déraisonnabilité »;
[17] CONSIDÉRANT que la demanderesse a raison de soutenir que le Commissaire a analysé et retenu des faits pertinents à la question qui lui était soumise, qui consistait à décider si les propos du mis en cause étaient répréhensibles au point de constituer un comportement déloyal justifiant son congédiement dans le contexte révélé par la preuve;
[18] CONSIDÉRANT que nous sommes d’accord avec la demanderesse que le droit auquel le Commissaire réfère est pertinent à la décision qu’il doit rendre sur la question posée;
[19] CONSIDÉRANT toutefois que nous divergeons d’opinion avec la demanderesse en ce qui a trait aux erreurs alléguées quant à l’application du droit aux faits retenus, et que nous sommes d’opinion que la décision ne révèle aucune erreur dans le syllogisme juridique qui la rendrait déraisonnable et mériterait une intervention de la Cour supérieure;
[20] CONSIDÉRANT que la jurisprudence présentée de part et d’autre, y compris celle à laquelle la CRT réfère dans sa décision, démontrent que l’issue de la cause pouvait aller dans un sens ou dans l’autre;
[21] CONSIDÉRANT que la démarche contenue dans la décision soumise à notre révision est intelligible, transparente, qu’elle analyse tous les éléments requis et que l’analyse des faits et les conclusions tirées de ces faits font définitivement partie des issues possibles et acceptables dans le contexte précis révélé par la décision, une fois l’appréciation des motifs invoqués par la demanderesse, leur momentum et la crédibilité des témoins évalués;
[22] CONSIDÉRANT que nous devons respecter les enseignements constants des tribunaux et ne pas intervenir même si nous aurions pu préférer une autre issue, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence, et faisant écho aux dernières directives de la Cour d’appel dans l’arrêt Mailhot , au paragraphe 58 [17] ;
[23] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[24] REJETTE la requête en révision judiciaire;
[25] AVEC DÉPENS.
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__________________________________ HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S. |
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ME ARMAND ELBAZ |
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Colby, Monet, Demers, Delage & Crevier |
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Avocat de la demanderesse |
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COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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et |
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GÉRARD NOTEBAERT |
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Défendeurs, non représentés |
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ME CARLOS MEDINA |
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De Grandpré Chait |
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Avocat du mis en cause |
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Date d’audience : |
24 février 2015 |
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Transcription demandée le : |
26 février 2015 |
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[1]
Le jugement a été rendu séance tenante. Comme le permet
Kellogg's
Company of Canada
c.
P.G. du Québec
,
[2]
Lambert
c.
Commission des relations du travail
,
[3]
Dunsmuir
c.
Nouveau-Brunswick
,
[4]
Groupe de sécurité Garda inc.
c.
Guindon,
[5]
Lambert
c
Commission des relations du travail
,
[6]
Concentrés scientifiques Bélisle inc.
c.
Lyrco Nutrition inc.,
[7]
Improthèque inc
. c.
St-Gelais
,
[8]
Pro-quai inc
. c.
Tanguay,
[9]
Émond
c.
Société des Casinos du Québec inc
.,
[10] Voir paragraphe 53 de la décision.
[11] Voir paragraphe 52 de la décision.
[12] Voir paragraphes 14-34, 40-43, 50, 54-57 de la décision.
[13] Voir paragraphes 31-33 et 50-60 de la décision.
[14]
[15]
[16] Par. 11, 12, 21 et 22 de la décision.
[17]
Voir aussi
Groupe de sécurité Garda inc
. c.
Guindon
,