Motifs de décision
Louise Lacroix,
plaignante,
et
Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,
intimé,
et
Société canadienne des postes,
employeur.
Dossier du Conseil : 29451-C
Référence neutre : 2014 CCRI 740
Le 28 août 2014
Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil)
était composé de M
e
Claude Roy, Vice-président, siégeant seul en
vertu du paragraphe
Ont comparu
M e Stéphanie Delisle-Goudreau, pour la plaignante;
M e Stéphanie Lindsay, pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes;
M e Stéfanie Germain, pour la Société canadienne des postes.
[1] Il
s’agit d’une plainte de manquement au devoir de représentation juste déposée
auprès du Conseil le 31 mai 2012 par M
me
Louise Lacroix
(la plaignante) contre le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes
(le syndicat ou l’intimé). La plaignante allègue que son syndicat a agi de
manière arbitraire et de mauvaise foi, en violation de l’article
[2] La plaignante travaille pour l’employeur depuis le 1 er avril 1996. Elle a occupé, à titre d’employée occasionnelle, des postes de factrice, de commis et de commis au comptoir. Parmi les commis occasionnels, elle est l’employée qui a le plus d’ancienneté.
[3] La plaignante s’est absentée du travail du 3 février au 23 septembre 2009 pour des raisons de santé. Le 9 octobre 2009, l’employeur l’a informée que l’assureur, la Financière Manuvie, lui avait émis des limitations fonctionnelles et qu’elle devait arrêter de travailler comme commis. Elle n’a pas travaillé du 12 octobre 2009 au 12 janvier 2010.
[4] En réaction à cette décision de l’employeur, le syndicat a déposé 14 griefs ayant trait à une réclamation identique pour des dates différentes au cours de la période s’étendant du 12 octobre 2009 au 12 janvier 2010. Le syndicat a réclamé des heures de travail effectuées par des employés ayant moins d’ancienneté. Le syndicat allègue que l’employeur a omis d’offrir à la plaignante une affectation de travail selon le principe d’égalité des chances qui est établi par la convention collective, alors qu’elle était disponible pour travailler.
[5] Les parties ont été entendues le 28 janvier 2011 par l’arbitre M e Huguette Gagnon. Le 23 février 2011, l’arbitre a rendu une sentence arbitrale accueillant partiellement les griefs. Elle a déclaré que l’employeur avait affecté à des postes des employés occasionnels ayant moins d’ancienneté que la plaignante alors que celle-ci aurait dû obtenir ces affectations en raison de son ancienneté. L’arbitre a ordonné à l’employeur de payer à la plaignante toutes les sommes que celle-ci avait perdues en conséquence. Les dossiers de griefs ont été plaidés par M. François Senneville et le représentant syndical au dossier était M. Stéphane Vallée.
[6] Le 8 juin 2011, la plaignante a signé un protocole d’entente, préalablement signé par le représentant syndical le 19 mai 2011 et par l’employeur le 31 mai 2011, pour fixer les heures comptabilisées et les sommes d’argent en découlant, en conformité avec la sentence arbitrale. Dans ce protocole, il est mentionné, entre autres choses, que la plaignante est considérée comme ayant été au travail du 12 octobre 2009 au 12 janvier 2010. La preuve à l’audience a démontré que la somme due de 11 990,30 $ a été payée à la plaignante sur la paye du 26 juin 2011 au 9 juillet 2011 (pièce S-27).
[7] Le 22 mai 2011, la plaignante est passée du statut de commis occasionnel à celui de commis à temps partiel, avec effet rétroactif au 10 janvier 2010.
[8] Le 7 janvier 2010, le syndicat avait déposé le grief n o 360-07-01528 contestant la décision de l’employeur de nommer une employée ayant moins d’ancienneté que la plaignante à un poste de commis à temps partiel au point de service de Hull. Le syndicat réclamait tous les avantages que la plaignante aurait dû avoir à la date de cette nomination.
[9] Comme il s’agissait d’un grief de dotation, le syndicat n’a pas suivi la procédure expéditive comme dans le cas des 14 griefs qui avaient été accueillis par l’arbitre Gagnon. Une journée d’audience a toutefois été prévue, selon l’ordre des griefs, pour le 30 mars 2011 devant le même arbitre.
[10] L’employeur a informé le syndicat le 23 février 2011 qu’il faisait droit au grief et qu’il consentait à nommer la plaignante au poste qui lui convenait, avec effet rétroactif au 10 janvier 2010. Le syndicat a veillé à ce que la plaignante ait signé le 11 avril 2011 (pièces S - 2 et P-4) sa nouvelle affectation à temps partiel en Outaouais.
[11] La plaignante reprochait à l’employeur de ne pas lui avoir permis de supplanter l’autre employée occupant le poste au point de service de Hull et de l’avoir plutôt affectée à un poste à temps partiel permanent au point de service de Gatineau en date du 22 mai 2011.
[12] Le syndicat a eu de la difficulté à recevoir de l’employeur les relevés des heures travaillées par l’autre employée et par la plaignante (pièces S-7 et S-8). Toutefois, M me Pascale Caron, l’agente des relations du travail, a informé la plaignante le 17 novembre 2011 que, selon les calculs effectués, l’employeur ne lui devait qu’environ 184 heures.
[13] Le 8 décembre 2011, M me Caron a envoyé un courriel à M. Vallée l’informant que l’employeur reconnaissait devoir à la plaignante 184,83 heures, ce qui représentait, vu le taux horaire de 23,72 $, une somme de 4 384,17 $. Pour la période du 12 janvier 2010 au 21 mai 2011, la plaignante devait toutefois payer les arrérages dus sur son fonds de pension au montant de 1 958,46 $. Elle aurait de plus droit à une prime d’employé étant donné qu’elle avait obtenu le statut d’employée à temps partiel à compter du 12 janvier 2010.
[14] La plaignante a calculé que l’employeur lui devait 833 heures, uniquement pour l’année 2010 (pièce P-8). Le syndicat a calculé pour sa part que le nombre d’heures dues pour toute la période était de 364 heures (pièce S-18). Selon la plaignante, le montant qui lui était dû est supérieur à 40 000 $. Dans le calcul de la plaignante, le syndicat a constaté, entre autres, qu’elle réclamait 203 heures de congés de maladie (pièce S-16) et de congés personnels qui ne devaient pas être payés par l’employeur.
[15] La plaignante a été convoquée à une rencontre avec M. Vallée et les représentants du syndicat le 1 er février 2012 en vue de la préparation pour une réunion du comité de griefs prévue en après-midi avec l’employeur. On l’a avisée que le dossier avait déjà été préparé et qu’elle serait informée du résultat de la rencontre avec l’employeur.
[16] Lors de la rencontre avec l’employeur, M me Annie Leblond a expliqué aux représentants du syndicat le calcul qu’elle avait effectué pour arriver au nombre de 184,83 heures. Elle a offert à la plaignante, à plusieurs reprises, de faire des heures aux points de service de Hull, Gatineau et Aylmer, ce qui lui aurait permis de faire beaucoup plus d’heures, mais la plaignante refusait ces affectations pour travailler au point de service de Buckingham, où les possibilités de faire plus d’heures étaient moindres. Comme la plaignante avait le plus d’ancienneté, elle avait le premier choix. Le 20 septembre 2010, M me Leblond s’est heurtée à un nouveau refus d’affectation de la part de la plaignante. À partir de cette date (pièce S-15), estimant que la plaignante ne faisait rien pour mitiger ses dommages, elle a arrêté le calcul des heures qui lui étaient dues.
[17] M. Vallée a négocié l’offre de 4 400 $ de l’employeur pour réussir à la faire augmenter à une offre finale de 8 000 $. Le 3 février 2012, il a expliqué à la plaignante la position de l’employeur et le fait que le syndicat n’obtiendrait pas gain de cause à l’arbitrage.
[18] Le 14 mars 2012, un protocole d’entente (pièce P-11) a été signé par MM. Vallée et Serge Therrien, le président de la section locale, et a été présenté à la plaignante le 21 mars 2012, mais elle a refusé de le signer (pièce S-19).
[19] La plainte a été déposée le 31 mai 2012 et, le 8 juin 2012, la plaignante a déposé une plainte modifiée dans laquelle elle demandait au Conseil de rendre une ordonnance de sauvegarde. À l’audience, la nouvelle procureure de la plaignante a retiré cette demande. La plainte a été modifiée à nouveau le 2 août 2012.
[20] Le Conseil a rendu, au début de l’audience, une ordonnance de confidentialité concernant le nom de l’employée dont le poste était convoité par la plaignante et tout renseignement pouvant l’identifier.
[21] À la suite de différentes rencontres tenues avant l’audition d’un premier témoin, les parties ont également conclu une entente (pièce n o 01) dûment signée par elles et leurs procureures, dans laquelle elles ont convenu de ce qui suit :
1) Considérant que la question du nombre d’heures prétendument dues à la plaignante est de la juridiction d'un arbitre de grief si le Conseil en vient à la conclusion qu’il y a eu manquement au devoir de juste représentation et que le dossier doit être déféré à l’arbitrage;
2) Considérant que la seule juridiction du Conseil est de se prononcer quant au devoir de juste représentation du syndicat dans cette affaire;
3) Les parties conviennent qu’aucune preuve ne sera présentée quant à la prétention de la plaignante à l’effet que 833 heures lui sont dues pour l’année 2010, laquelle prétention est contestée par l’employeur et le syndicat.
[22] Lors de la dernière journée d’audience, le 19 novembre 2013, les parties et leurs procureures ont également convenu d’une entente (pièce n o 02) quant à l’application du protocole que la plaignante avait refusé de signer. Cette entente prévoit ce qui suit :
1) Il a été mis en preuve par M me Lyne Laurin-Desjardins que la somme de 8 000 $, suite à la signature du protocole (P-11), a été payée à la plaignante;
2) Il a également été mis en preuve par M me Laurin-Desjardins que la plaignante a été nommée dans un poste régulier temps partiel le 22 mai 2011 avec effet rétroactif au 10 janvier 2010;
3) Si l’employeur en avait l'opportunité, il mettrait en preuve qu’il a rempli toutes les obligations qui étaient les siennes en vertu du protocole P-11 et qu’il a notamment payé tous les avantages et bénéfices à la plaignante de façon rétroactive au 10 janvier 2010;
4) Si la plaignante en avait l’opportunité, elle contesterait l’allégué mentionné au paragraphe précédent;
5) Souhaitant limiter le débat à la question du devoir de juste représentation du syndicat, de janvier 2010 à mars 2012, laquelle question est la seule en litige devant le présent tribunal, les parties s’entendent, dans un souci de saine administration de la justice, pour ne pas faire de preuve quant à l’exécution du du ( sic ) protocole (P-11) sauf celle indiquée au paragraphe 1 des présentes.
[23] La plaignante a fait entendre M. Stéphane Vallée et elle a par la suite témoigné pour compléter la preuve au soutien de sa plainte.
[24] Dans son témoignage, M. Vallée explique le processus de traitement d’un grief et la procédure suivie du premier arrivé, premier sorti. Il y a 12 dates qui sont déterminées par mois, séparées en deux parties, soit la moitié pour le Québec et l’autre moitié pour la région de Montréal, y compris quatre dates pour des griefs « formels », comme des congédiements ou des griefs d’interprétation où des sommes d’argent importantes sont en jeu.
[25] Il explique que la saisine d’un grief est la date retenue pour en disposer devant un arbitre, soit, dans le cas de la plaignante, le 11 janvier 2011 pour une audience prévue le 30 mars 2011. Le 23 février 2011, l’arbitre Gagnon a accueilli les 14 griefs que le syndicat avait présentés au nom de la plaignante concernant la période du 12 octobre 2009 au 12 janvier 2010. À la fin de février 2011 ou au début du mois de mars 2011, M me Pascale Caron a téléphoné à M. Vallée pour lui mentionner que l’employeur faisait droit au grief n o 360-07-01528 de la plaignante et qu’il allait lui donner son poste. Il ne restait que le quantum à déterminer. La plaignante, par son grief de dotation, est passée du statut de commis occasionnel à celui d’employée permanente à temps partiel avec possibilité d’affectation à Hull, Gatineau, Aylmer et Buckingham.
[26] Le témoin indique qu’il a eu de la difficulté à recevoir les heures d’affectation pour les commis de l’Outaouais (pièce S-7), ainsi que pour la plaignante (pièce S-8) et l’autre employée (pièce S-9), mais qu’il a finalement reçu le tout en octobre 2011. Le travail de compilation a été fait par une employée du syndicat, M me Marjolaine Labrecque, et a été complété par le président de la section locale, M. Therrien (pièce S-16). Le résultat final du calcul du syndicat est de 364 heures (pièce S-18), calcul qui, selon lui, a été difficile à faire vu la complexité de la convention collective et le statut d’employée occasionnelle de la plaignante. Il explique qu’il fallait vérifier si elle avait été affectée à des tâches et si l’employeur lui avait offert des heures.
[27] Il témoigne qu’exceptionnellement, la plaignante pouvait lui téléphoner, ce qu’elle faisait tous les vendredis après-midi. Il considère la situation comme difficile. Elle lui a téléphoné toutes les semaines jusqu’au règlement avec l’employeur. Elle était toujours informée du moment où le syndicat recevait les documents de l’employeur.
[28] M. Vallée avait été informé par l’employeur que la plaignante refusait des affectations et que le calcul qu’il avait effectué était de 184,83 heures (pièce P-6), car la plaignante n’avait pas mitigé ses dommages (pièce S-15). L’employeur avait arrêté son calcul au 20 septembre 2010.
[29] Le témoin a organisé la rencontre avec l’employeur pour le 1 er février 2012. Il a rencontré la plaignante le matin, et elle avait ses documents. Il ne lui a toutefois pas mentionné le résultat du calcul du syndicat. Il affirme avoir vu le calcul de la plaignante qui totalisait 833 heures (pièce P-8). Il se trouvait dans une position délicate face à la plaignante. Le chiffre obtenu par le syndicat était déjà le double de celui de l’employeur, et celui de la plaignante, plus du double du sien.
[30] Il explique la rencontre tenue au bureau de Hull avec les représentantes de l’employeur M mes Annie Leblond et Pascale Caron. Il était accompagné de M. Therrien. Les représentantes de l’employeur leur ont expliqué, avec preuves à l’appui, que la plaignante choisissait des affectations à temps partiel à Buckingham alors qu’elle aurait pu faire 40 heures par semaine à Gatineau ou à Hull où il y avait plus de possibilités de faire des heures supplémentaires et d’obtenir des prolongations d’heures, Buckingham étant le plus petit bureau. M me Leblond lui a montré son agenda personnel à la date du 20 septembre 2010 (pièce S-15) où elle avait noté le dernier refus de la plaignante et la date à partir de laquelle elle avait cessé de calculer les heures qui pourraient lui être dues.
[31] M. Vallée témoigne qu’il a été stupéfait d’apprendre le refus d’affectation de la plaignante. On lui a montré également d’autres documents (pièce S-14), soit des feuilles de saisie de temps de la plaignante avec annotations pour la période de janvier 2010 à mai 2011 démontrant ses acceptations et ses refus d’affectation.
[32] Il explique que, selon lui, il n’aurait jamais obtenu gain de cause devant un arbitre. Il a négocié péniblement avec l’employeur l’offre initiale de 4 400 $ et a réussi, après plusieurs heures, à faire augmenter le montant à 8 000 $, ce qui approchait le nombre d’heures calculé par le syndicat. Le 3 février 2012, il a appelé la plaignante pour lui dire qu’il avait négocié une entente de 8 000 $. Il indique qu’elle ne l’a pas acceptée et qu’elle était fâchée. Elle lui a dit que l’employeur mentait.
[33] M. Vallée a signé l’entente (pièce P-11) le 14 mars 2012, laquelle accordait, entre autres, à la plaignante son poste, avec effet rétroactif au 10 janvier 2010. Il indique que le 3 février 2012 est la date du dernier entretien qu’il a eu avec la plaignante. Il n’est pas contre-interrogé par les procureures du syndicat et de l’employeur.
[34] La plaignante a par la suite complété sa preuve par son propre témoignage. Elle explique l’historique de son emploi chez l’employeur. Elle admet la difficulté éprouvée par le représentant syndical pour faire le calcul du quantum compte tenu du fait qu’elle avait un statut d’employée occasionnelle et que le poste que l’employeur lui reconnaissait était un poste à temps partiel permanent.
[35] Elle explique les discussions difficiles qu’elle a eues avec M. Vallée à l’automne 2011. Elle admet avoir été informée de la position de l’employeur au début de décembre 2011 par M me Caron. M. Serge Therrien lui a remis les documents du syndicat pour qu’elle fasse son propre calcul. En janvier 2012, elle a remis ses calculs à M. Therrien pour qu’il les fasse suivre à M. Vallée. Elle arrivait à 833 heures seulement pour l’année 2010. Elle reproche au syndicat de ne pas avoir calculé le temps supplémentaire que l’autre employée avait effectué.
[36] La plaignante explique ses refus d’affectations par le fait qu’elle était employée occasionnelle à l’époque et qu’elle ne pouvait que supplanter les plus jeunes. Si elle avait obtenu le poste à Hull, comme elle aurait dû l’obtenir, elle aurait accepté toutes les affectations.
[37] Elle explique la rencontre du 1 er février 2012 avec les représentants du syndicat. M. Vallée avait refusé qu’elle assiste à la rencontre avec l’employeur. Elle lui reproche de ne pas avoir regardé ses papiers et de ne pas avoir porté attention à son dossier.
[38] Le 2 février 2012, elle s’est rendue au bureau du syndicat. M. Therrien lui aurait dit qu’elle ne serait pas contente du règlement de 8 000 $. Ils ont essayé d’appeler M. Vallée, mais sans succès.
[39] Le 3 février 2012, elle a parlé à trois reprises avec M. Vallée à partir de chez elle. Il lui a expliqué le règlement obtenu. Elle n’a pas eu beaucoup de détails. Le ton a monté et des propos acerbes ont été échangés. Selon elle, la dernière conversation téléphonique a duré 15 minutes. Elle soutient qu’il lui a admis qu’il n’avait pas regardé ses calculs.
[40] Elle ajoute qu’elle lui a parlé de nouveau le 6 février 2012. Le ton était plus calme au début. Elle voulait savoir pourquoi il avait réglé pour le montant de 8 000 $. Elle n’a jamais vu le calcul du syndicat indiquant 364 heures (pièce S-18) et c’est à l’audience qu’elle a vu le calcul des heures pour la première fois. La conversation s’est toutefois mal terminée et la plaignante a dit à M. Vallée qu’elle allait déposer une plainte.
[41] Elle a refusé de signer le protocole d’entente (pièce P-11) qui lui a été présenté par M. Marc Roussel le 21 mars 2012.
[42] Le contre-interrogatoire de la plaignante par la procureure du syndicat a débuté le 24 septembre 2013. La plaignante explique ses choix de postes et le changement de son statut d’employée occasionnelle à celui d’employée permanente à temps partiel. Elle a eu des communications régulières avec la section locale de son syndicat concernant le grief du 7 janvier 2010, mais elle avait l’impression que les représentants du syndicat ne prenaient pas son grief au sérieux contrairement au traitement des 14 griefs qui avaient été accueillis par l’arbitre Gagnon. Elle leur parlait même une fois par semaine.
[43] Elle explique que le président de la section locale, M. Therrien, l’a même informée que l’employeur ne fournirait pas tous les documents et que le dossier prenait du retard. Il lui aurait même dit qu’un congédiement était plus facile à régler. Elle parlait aussi à M. Vallée qui lui disait la même chose. Elle a reçu de M. Therrien les documents de l’employeur (pièces S-7, S-8 et S-9). Elle parlait au moins une fois par mois avec M. Vallée, mais les communications ont cessé à partir d’octobre 2011 jusqu’en février 2012.
[44] Elle confirme que c’est le 17 novembre 2011, à Gatineau, qu’elle a appris de M me Caron que le calcul de l’employeur totalisait 184,83 heures. Elle reconnaît qu’il y avait plus de possibilités de prolongation d’heures à Hull et à Gatineau. Elle confirme également la rencontre du 20 septembre 2010 avec M me Leblond. Dans ses calculs, la plaignante n’a pas comptabilisé les heures qu’elle avait refusées.
[45] Elle explique le déroulement de la rencontre du 1 er février 2012 avec les représentants du syndicat et précise que c’est à la suite de son quart de travail qu’elle s’est rendue au bureau du syndicat pour les rencontrer. Elle confirme que c’est en janvier 2012 qu’elle a remis au syndicat le calcul des 833 heures qu’elle réclamait.
[46] Aucune autre question n’a été posée à la plaignante par la procureure de l’employeur ni par sa propre procureure. La preuve a été déclarée close en demande.
[47] M. Vallée a témoigné à nouveau comme premier témoin de l’intimé. Il explique le rôle de la section locale dans le traitement des griefs et le processus suivi pour renvoyer un grief à l’arbitrage. Il réexplique les circonstances du traitement du grief de dotation de la plaignante et de la communication téléphonique de M me Pascale Caron en février 2011 l’informant que l’employeur accueillait le grief et que l’on donnerait à la plaignante le poste réclamé. Le 11 avril 2011 était la date d’affectation. Il restait le calcul du quantum à faire, ce qui, selon lui, s’est avéré très difficile compte tenu des postes occupés par les employées concernées.
[48] Il explique qu’il a attendu longtemps pour avoir les « booking » de l’employeur, les premiers lui ayant été remis à l’été 2011 et les seconds très tard à l’automne. Le calcul a été très difficile à effectuer, car il fallait avoir le « booking » de quatre points de service (Hull, Aylmer, Gatineau et Buckingham), lesquels avaient chacun un nombre de commis différent et des employés avec des affectations différentes. Il explique en détail le mode de calcul que devait effectuer le syndicat tout en tenant compte de la liste d’ancienneté.
[49] Il a toujours tenu la plaignante informée de l’évolution de ses dossiers. Il a même accordé un traitement exceptionnel à la plaignante tant dans le cadre du processus d’arbitrage de ses 14 griefs accueillis par l’arbitre Gagnon que lors du dernier grief dont la saisine a été signifiée pendant cet arbitrage.
[50] Le 5 octobre 2011, il a été surpris d’apprendre que la plaignante avait déjà fait son choix de poste depuis le 11 avril 2011 (pièces P-4 et P-5).
[51] Il explique qu’il a fait le calcul avec M me Labrecque du syndicat. Ils faisaient chacun le calcul de leurs chiffres et ils comparaient leurs calendriers et leurs résultats à partir des « booking » (pièces S-7, S-8 et S-9).
[52] M. Vallée explique en détail tout le processus qu’il a suivi pour effectuer le calcul en gardant comme référence la date du 22 mai 2011, date à laquelle la plaignante a obtenu son poste officiel (pièce S-16).
[53] Il précise qu’il a discuté avec la plaignante le 1 er février 2012, qu’il a regardé son calcul (pièce P-8) et qu’il l’a informée que le syndicat n’arrivait pas aux mêmes chiffres. Il n’avait pas été informé que la plaignante connaissait depuis le 17 novembre 2011 la position de l’employeur. Il l’a appris en prenant connaissance de la plainte.
[54] Il confirme qu’il n’a pas mentionné à la plaignante le calcul de 364 heures auquel le syndicat était arrivé car, selon lui, il a toujours été évident qu’on ne s’entendait pas sur le total avec la plaignante. La plaignante a parlé entre une heure et demie et deux heures avec les représentants du syndicat le 1 er février 2012.
[55] Dans l’après-midi du 1 er février 2012, M. Vallée a rencontré les représentants de l’employeur, M mes Annie Leblond et Pascale Caron et M. Marc Labonté. Il avait toute sa documentation en main (pièces S-7, S-8, S-9, S-10, S-11, S-12, S-13 et S-16) et le calcul effectué par la plaignante (pièce P-8). Ils ont analysé toutes les pièces et M. Vallée a demandé pourquoi avoir affecté la plaignante à Buckingham. C’est à ce moment-là que M me Leblond a sorti son calendrier (pièce S-15) et a montré que son calcul s’arrêtait au 20 septembre 2010, parce que la plaignante refusait d’accepter les affectations à Gatineau. Elle avait un tableau comparatif en main qui démontrait que la plaignante aurait pu faire quatre heures de plus par jour.
[56] Selon M. Vallée, l’employeur a dès lors brisé tous ses espoirs de réussir à l’arbitrage en raison de ces derniers renseignements. La plaignante refusait depuis septembre 2010 les affectations qu’elle aurait pu avoir même si elle était une employée occasionnelle. Il s’est demandé ce qu’il pourrait faire en arbitrage. Son dossier n’était plus défendable devant un arbitre. Il a dû négocier avec l’employeur, qui a augmenté graduellement le montant qu’il était prêt à payer, pour atteindre le montant de 8 000 $ qu’il désirait obtenir pour fermer le dossier. Il ne s’attendait pas à ce que l’employeur soit aussi bien armé. Il était satisfait du résultat, de même que M. Therrien, le président de la section locale.
[57] Le 3 février 2012, il a parlé à la plaignante et lui a expliqué ce que l’employeur lui avait donné comme argument. La conversation a mal tourné. Il lui a reparlé deux ou trois jours plus tard. La plaignante n’avait pas d’arguments pour contredire ceux avancés par l’employeur.
[58] Il est contre-interrogé par la procureure de la plaignante sur les affectations refusées et sur les choix de 2010 de la plaignante.
[59] Contre-interrogé par la procureure de l’employeur, M. Vallée explique qu’en juin 2011, il y avait eu le lock-out déclaré par l’employeur et que tout avait tourné au ralenti. La situation était pénible. Il est d’avis toutefois que, malgré tout, le dossier de la plaignante avait été réglé rapidement.
[60] L’intimé a fait entendre M. Marc Roussel, actuel président de la section locale, qui était alors premier vice-président de la section locale. Il explique qu’il a présenté le protocole d’entente (pièce P-11) à la plaignante le 21 mars 2012. Comme elle refusait de le signer, il lui a conseillé de ne pas encaisser le chèque de 8 000 $ (pièce S-19). Il n’est pas contre-interrogé.
[61] Le président de la section locale à l’époque, M. Serge Therrien, explique par la suite le déroulement des événements et la rencontre du 1 er février 2012. Il a remis personnellement à la plaignante les documents reçus de l’employeur (pièces S-7, S-8 et S-10). Il n’a pas remis ceux concernant l’autre employée car ceux-ci étaient confidentiels. Il a fait un calcul préliminaire (pièce S-12), mais il a admis sa difficulté à faire le calcul du quantum, n’ayant aucune expérience à ce sujet.
[62] M. Therrien explique qu’il tenait des rencontres fréquentes avec la plaignante et qu’il la tenait informée de l’évolution de son dossier.
[63] Il explique la rencontre du 1 er février 2012 avec la plaignante et le déroulement de la négociation. Elle lui a confirmé qu’elle choisissait Buckingham.
[64] M. Dominic Pothier, vice-président de la section locale, explique ensuite le cheminement des griefs (pièces S-2 et S-3) dont il est le signataire. Le dernier grief de la plaignante a suivi son cours normal et n’a pas été égaré.
[65] L’intimé fait entendre la représentante de l’employeur, M me Annie Leblond, chef d’unité postale des bureaux de Hull et d’Aylmer. Cette dernière explique les possibilités d’obtenir des prolongations d’heures que les commis peuvent faire, selon les bureaux. M me Lacroix avait le premier choix. Elle explique les calculs qu’elle a faits pour arriver à 184,83 heures (pièce P-6) et la raison pour laquelle elle a arrêté de compter à partir du 20 septembre 2010 (pièce S-15). La plaignante n’était pas au travail le 1 er février 2012. En contre-interrogatoire, elle explique que l’intérêt de la plaignante pour Buckingham était connu de tout le monde. Elle aurait pu aller à Gatineau, car elle était première sur la liste d’ancienneté.
[66] L’intimé a fait entendre comme dernier témoin M me Lyne Laurin-Desjardins, analyste aux ressources humaines pour les payes et les avantages sociaux. Elle explique que, le 22 mai 2011 (pièce S-25), la plaignante a changé de statut d’employée occasionnelle à celui d’employée permanente à temps partiel. Elle a été nommée le 22 mai 2011, avec effet rétroactif au 10 janvier 2010. Elle devait donc commencer à contribuer à ses avantages sociaux à compter de cette date. Elle a expliqué que, sur la paye du 26 juin 2011 au 9 juillet 2011 (pièce S-27), l’employeur a payé ce qui était dû à la plaignante pour ses 14 griefs, soit 11 990,30 $, moins les retenues obligatoires. Sur la paye du 13 mai 2012 au 26 mai 2012 (pièce S-28), l’employeur a payé à la plaignante le montant de 8 000 $ conformément au protocole d’entente (pièce P-11) et il a récupéré une avance de 4 000 $ déjà versée à la plaignante et sa participation au fonds de pension.
[67] Il n’y a pas eu de preuve présentée par l’employeur ni de contre-preuve par la plaignante. La preuve a été déclarée close généralement.
[68] La
plaignante demande au Conseil de renvoyer à l’arbitrage le grief n
o
360-07-01528 et d’ordonner qu’elle soit représentée par le procureur de son
choix, et ce, aux frais du syndicat. Elle soutient que l’intimé a manqué à son
devoir de représentation juste prévu à l’article
[69] Elle soutient que l’intimé a agi de mauvaise foi, de façon arbitraire et négligente dans le traitement de son grief. Ainsi, il ne lui a pas fourni d’explications rationnelles relativement au règlement du grief. Il n’a pas déterminé si ses réclamations s’appuyaient sur des faits ou étaient injustifiées en droit.
[70] La plaignante reproche au syndicat de ne pas avoir accordé suffisamment d’attention à ses intérêts dans sa façon d’agir. Elle lui reproche de ne pas avoir évalué l’affaire de manière raisonnable. L’intimé a manqué de respect à son égard.
[71] Elle soutient que l’intimé a souscrit sans contestation aux allégations de l’employeur pour régler le grief pour une somme dérisoire.
[72] Elle lui reproche de ne pas avoir enquêté sur le grief. Elle soutient que l’intimé l’a laissée effectuer seule toute l’enquête. Il n’a jamais pris connaissance des résultats de l’enquête qu’elle a menée.
[73] Elle soutient que, le 21 mars 2012, l’intimé l’a placée devant les faits accomplis en lui présentant l’entente signée le 14 mars 2012 et qu’il a mis de la pression sur elle pour qu’elle la signe.
[74] La plaignante soutient que l’entente signée entre l’intimé et l’employeur le 14 mars 2012 ne lui est pas opposable parce qu’elle n’est pas partie à cette entente.
[75] La demande d’inopposabilité vise à empêcher l’employeur d’invoquer cette entente comme moyen d’irrecevabilité du grief en arbitrage.
[76] Si le Conseil accueille la plainte de la plaignante, l’arbitre ne serait pas functus officio .
[77] Elle demande que les frais de sa procureure pour la représenter devant le Conseil soient assumés par l’intimé.
[78] Selon l’intimé, l’important est de bien situer l’objet du litige devant le Conseil. La plaignante ne lui reproche absolument rien dans le traitement de son dossier de grief si ce n’est l’entente conclue sur le quantum. Il s’agissait d’un grief de dotation dont l’objet était d’obtenir un poste. L’employeur a fait droit au grief et il ne restait plus que la question du quantum à régler.
[79] Il mentionne que le Conseil doit analyser le processus décisionnel suivi par l’intimé et non le bien-fondé de la décision prise par celui-ci.
[80] Il soutient que même s’il a pu commettre une erreur, ce qui n’est pas le cas selon lui, il faut que ce soit une erreur grave découlant d’une négligence grossière dans l’analyse effectuée.
[81] L’employé n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et l’intimé est maître du grief.
[82] Il fait valoir que la plaignante s’est dite satisfaite de la façon dont il a traité ses 14 griefs et celui de dotation. Elle n’a rien à lui reprocher. Elle voulait le poste de l’autre employée. Le 11 avril 2011, elle fait son choix et, le 22 mai 2011, elle a été nommée au poste qu’elle avait choisi.
[83] Donc, de janvier 2010 à mai 2011, elle ne lui fait aucun reproche. La preuve est évidente à cet effet. Il affirme qu’il n’y a rien dans la preuve qui démontre une conduite de mauvaise foi de sa part.
[84] Il soutient qu’il ne restait que la question du quantum. Comme il n’était pas satisfait des premiers documents fournis par l’employeur, le syndicat a demandé à en obtenir d’autres. Il les a comparés. Selon lui, ceci n’est pas le comportement d’un syndicat qui ne respecte pas une employée. Ce n’est que le 14 décembre 2011 qu’il a reçu les derniers documents de l’employeur. Il soutient que le délai ne lui est pas imputable compte tenu du lock-out et des vacances également.
[85] Selon lui, la plaignante a toujours été informée du suivi de son dossier, et ce, même une fois par semaine. De plus, l’employeur a rencontré la plaignante le 17 novembre 2011 pour lui expliquer qu’il reconnaissait lui devoir 184,83 heures et lui fournir les motifs de cette décision.
[86] Il fait valoir que le syndicat a fait ses calculs. Il s’est fondé sur les pièces fournies et il est arrivé au nombre de 364 heures. La plaignante a même calculé 393 heures jusqu’au mois de septembre 2010 lorsque l’employeur lui a fait une offre qu’elle a refusée.
[87] Il soutient qu’il n’a pas fait une analyse arbitraire du dossier de la plaignante. La rencontre du 1 er février 2012 a duré plus de trois heures et tous les documents ont été analysés. Selon lui, le représentant syndical a travaillé en s’appuyant sur son expérience et sur la preuve qu’il avait devant lui.
[88] Il souligne que la plaignante a choisi le point de service de Buckingham, alors qu’il y avait moins de possibilité de prolongation d’heures à cet endroit. Elle n’a jamais donné d’explication concernant ce choix.
[89] La plaignante n’a fourni aucun autre élément au syndicat les 3 et 6 février 2012, si ce n’est de dire que l’employeur mentait.
[90] Il soutient que la plaignante n’a pas mitigé ses dommages. Il ajoute qu’il n’était pas obligé de la rencontrer et demande le rejet de la plainte.
[91] L’employeur soutient que la question du quantum ne relève pas de la compétence du Conseil et que ce dernier ne peut conclure que la plaignante puisse garder la somme de 8 000 $ et poursuivre pour réclamer la différence. Selon lui, la plaignante ne peut plaider la nullité de l’entente et garder l’argent.
[92] Si le Conseil accueillait la plainte, l’employeur demande que les conséquences directes et indirectes ne lui soient pas imputées.
[93] L’article
37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.
[94] Le
Conseil a affirmé à plusieurs reprises que le fardeau de la preuve incombe au
plaignant dans le cas d’une plainte alléguant un manquement au devoir de
représentation juste fondé sur l’article
[13] Dans une plainte fondée sur l’article 37, c’est l’employé qui a la responsabilité (ou le fardeau de la preuve) de présenter des faits suffisants pour soulever une présomption que le syndicat a manqué à son devoir de représentation juste. Le fardeau de la preuve est aussi décrit comme l’obligation d’établir le bien-fondé apparent de la plainte, autrement dit de produire assez de faits pertinents pour établir l’existence d’une violation du Code . Le syndicat a le droit de réfuter les allégations du plaignant (voir Terry Griffiths , [2002] CCRI n o 208; et 89 CLRBR (2d) 135).
[95] Le
Conseil a maintes fois déclaré que l’examen de la conduite d’un syndicat doit
s’appuyer sur les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans
Guilde
de la marine marchande du Canada
c.
Gagnon et autre
,
De la jurisprudence et de la doctrine consultées se dégagent les principes suivants, en ce qui touche le devoir de représentation d’un syndicat relativement à un grief :
1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.
2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.
3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.
4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.
5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.
[96] Le
Conseil a déjà affirmé qu’il ne remet pas en question les décisions prises de
façon raisonnable par un syndicat et que l’objet d’une plainte fondée sur
l’article
[97] La
plaignante reproche à l’intimé d’avoir agi de manière arbitraire et de mauvaise
foi dans le traitement de son grief. À ce sujet, la Cour suprême a mentionné ce
qui suit dans
Noël
c.
Société d’énergie de la Baie James
,
[48] Cette obligation interdit quatre types de conduite : la mauvaise foi, la discrimination, le comportement arbitraire et la négligence grave. Cette obligation de comportement s’applique aussi bien au stade de la négociation collective que pendant son administration (voir Gagnon , op. cit. , p. 308). L’article 47.2 sanctionne d’abord une conduite empreinte de mauvaise foi qui suppose une intention de nuire, un comportement malicieux, frauduleux, malveillant ou hostile (voir Becotte c. Syndicat canadien de la Fonction publique, local 301 , [1979] T.T. 231, p. 235; également Rayonier , précité, p. 201). En pratique, cet élément seul serait difficile à établir (voir G. W. Adams, Canadian Labour Law (2 e éd. (feuilles mobiles)), p. 13-15 à 13-18; R. E. Brown, ‹‹ The “Arbitrary”, “Discriminatory” and “Bad Faith” Tests Under the Duty of Fair Representation in Ontario ›› (1982), 60 R. du B. can. 412, p. 453-454).
…
[50] Se reliant étroitement, les concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée possible. On devrait aussi tenir compte des ressources de l’association, ainsi que des intérêts de l’ensemble de l’unité de négociation. L’association jouit donc d’une discrétion importante quant à la forme et à l’intensité des démarches qu’elle entreprendra dans un cas particulier. (Voir Adams, op. cit. , p. 13-20.1 à 13-20.6).
[98] Dans
McRaeJackson
,
précitée, le Conseil définit dans les termes suivants ce qui constitue une
conduite arbitraire et empreinte de mauvaise foi au sens de l’article
[27] Le syndicat ne doit pas agir de mauvaise foi, autrement dit dans un but illégitime. Il le ferait par exemple si les sentiments personnels de ses agents influaient sur sa décision de donner suite au grief ou non, s’il conspirait avec l’employeur pour faire imposer des sanctions à un employé ou pour le faire licencier, ou encore s’il laissait les ambitions d’un groupe d’employés qui appuient ses représentants l’emporter sur les intérêts d’un autre employé.
…
[29] Le syndicat ne doit pas agir arbitrairement, en somme ne pas agir sans être capable d’expliquer ce qu’il a fait de façon objective ou raisonnable, en croyant aveuglément les arguments de l’employeur ou en ne déterminant pas si les questions soulevées par ses membres sont fondées en fait ou en droit (voir John Presseault , précitée, mais voir aussi Orna Monica Sheobaran , [1999] CCRI n o 10, décision dans laquelle le Conseil a accueilli une plainte dans une affaire où le syndicat avait renvoyé l’employée à l’employeur plutôt que de lui venir en aide; et Clive Winston Henderson , précitée, où la décision du syndicat avait sapé l’ancienneté du plaignant).
[30] Il est arbitraire aussi de ne tenir compte que superficiellement des faits ou du bien-fondé d’une affaire, de même que de prendre une décision en faisant fi des intérêts légitimes de l’employé. Ne pas enquêter pour savoir quelles étaient les circonstances entourant le grief est également arbitraire, et ne pas évaluer raisonnablement l’affaire peut équivaloir aussi à une conduite arbitraire du syndicat (voir Nicholas Mikedis (1995), 98 di 72 (CCRT n o 1126), appel à la C.A.F. rejeté dans Seafarers’ International Union of Canada c. Nicholas Mikedis et autres , jugement prononcé à l’audience, dossier n o A-461-95, 11 janvier 1996 (C.A.F.)). On peut aussi considérer comme arbitraire une attitude non concernée quant aux intérêts de l’employé (voir Vergel Bugay et autres , précitée), de même qu’une négligence grave et un mépris souverain à cet égard (voir William Campbell , [1999] CCRI n o 8).
[99] Compte tenu des principes énoncés précédemment, le Conseil est d’avis que la plainte doit être rejetée car la plaignante n’a pas réussi à démontrer que le syndicat a manqué à son devoir de représentation juste. Il ne suffit pas d’alléguer une multitude de reproches contre un syndicat pour qu’une telle plainte soit accueillie. Il faut présenter des faits concrets qui démontrent une conduite arbitraire, discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi.
[100] Le problème dont il est question dans le présent dossier vient du fait que la plaignante a été entraînée initialement dans un processus de preuve complexe portant sur ses droits découlant de la convention collective et sur ses pertes de revenus, alors que la preuve devait porter strictement sur la conduite du syndicat. La plaignante semble avoir dépensé beaucoup d’énergie et de ressources, tant financières que matérielles, pour produire une preuve relevant de la compétence d’un arbitre de griefs alors que la preuve requise devait strictement viser la conduite du syndicat dans le traitement de son grief.
[101] De plus, certaines procédures, y compris une demande d’ordonnance de sauvegarde entamée au nom de la plaignante, ont complexifié le dossier. Toutefois, la nouvelle procureure de la plaignante, après plusieurs heures de discussion avec ses consoeurs, a entrepris des démarches pour faire avancer le dossier plus efficacement et a informé le Conseil qu’elle retirait la demande d’ordonnance de sauvegarde.
[102] L’ensemble de la preuve précédemment résumée et l’admission de la plaignante à cet effet démontrent clairement qu’elle n’avait aucun reproche à adresser à son syndicat relativement à sa conduite dans le traitement de son grief de dotation (le grief n o 360-07-01528). Le syndicat a procédé avec diligence pour obtenir une saisine de son grief et la date du 30 mars 2011 a même été retenue à cet effet.
[103] En février 2011, l’employeur a avisé le syndicat qu’il avait décidé de faire droit au grief de dotation concernant la plaignante et qu’elle avait droit au poste convoité, avec effet rétroactif au 10 janvier 2010. L’employeur voulait donc convenir d’une entente pour fixer le quantum des sommes pouvant être dues à la plaignante.
[104] La plaignante a fait le choix de son poste le 11 avril 2011 et a obtenu le poste permanent à temps partiel qu’elle désirait pour le quart de travail de 5 h à 9 h au point de service de Gatineau à compter du 22 mai 2011.
[105] Le syndicat a entrepris des démarches pour parvenir à une entente afin de fixer à la fois le quantum dû à la plaignante par suite de la décision arbitrale et le quantum relativement au grief de dotation. Pour ce faire, le syndicat a demandé les listes produites par le « SAP », (le logiciel « Systems, Applications and Products »), à l’employeur et il a reçu les premières listes à l’été 2011 et les dernières, nécessaires aux fins des calculs, à la fin de l’automne 2011. Jusqu’à ce moment, la plaignante n’avait rien à reprocher à son syndicat, sauf qu’elle estimait que le processus était long. Elle parlait hebdomadairement aux dirigeants de la section locale et, exceptionnellement, elle pouvait discuter de son dossier avec M. Vallée qui était à Québec.
[106] Le syndicat a fait ses calculs à partir de toutes les listes reçues de l’employeur, y compris celles de l’autre employée dont le poste était convoité. La plaignante a fait ses calculs à partir des listes la concernant uniquement, celles de l’autre employée étant confidentielles. M. Vallée a fait lui-même le calcul et s’est fait aider par une personne du syndicat. Il est arrivé à un total de 364 heures. La plaignante arrivait à un total de 833 heures, seulement pour l’année 2010. Or, elle avait inclus 203 heures de vacances et de congés de maladie dans son calcul.
[107] C’est à partir de ce moment seulement que les relations entre la plaignante et le syndicat se sont détériorées. Nous sommes alors en janvier 2012. Le processus suivi par le syndicat jusqu’à ce moment est sans reproche.
[108] La position de l’employeur était connue de la plaignante depuis le mois de novembre 2011. Le 8 décembre 2011, l’employeur a envoyé un courriel à M. Vallée l’informant qu’il reconnaissait devoir à la plaignante 184,83 heures à 23,72 $ l’heure, pour une somme due de 4 394,17 $. Pour la période du 12 janvier 2010 au 21 mai 2011, la plaignante devait payer les arrérages ainsi dus sur son fonds de pension au montant de 1 958,46 $.
[109] Devant cet état de fait, M. Vallée a organisé une rencontre avec l’employeur pour le 1 er février 2012, précédée d’une rencontre avec la plaignante en avant-midi. La plaignante a expliqué son calcul à M. Vallée. Elle lui a reproché de ne pas avoir regardé son calcul. À l’audience, il a déclaré avoir vu le calcul. Toutefois, la plaignante n’a pas été informée du calcul du syndicat totalisant 364 heures.
[110] Dans l’après-midi du 1 er février 2012, les représentants du syndicat ont rencontré ceux de l’employeur. Les employés, membres du syndicat, ne sont jamais présents lors de ces rencontres. L’employeur a expliqué sa position et a informé MM. Vallée et Therrien qu’il avait arrêté son calcul au 20 septembre 2010, car la plaignante refusait toujours des affectations aux autres points de service de Hull et de Gatineau où elle aurait pu travailler plus d’heures. Elle préférait travailler au point de service de Buckingham où les possibilités de faire des heures supplémentaires et d’obtenir des prolongations d’heures sont pratiquement inexistantes. L’employeur a expliqué tout cela à M. Vallée, avec chiffres, tableaux et calculs à l’appui.
[111] M. Vallée était déconcerté et se trouvait devant une offre de 4 400 $. Il a négocié pendant plusieurs heures et a réussi à coup d’offres et de contre-offres à atteindre la somme de 8 000 $.
[112] Il a accepté de conclure une entente avec l’employeur à ce montant. Il a parlé avec la plaignante le 3 février 2012 et lui a demandé si elle avait des arguments pour contrer ceux de l’employeur. Elle n’en avait pas, si ce n’est de dire que les représentants de l’employeur mentaient.
[113] Il s’agit du coeur du litige. Est-ce que la décision du syndicat est raisonnable et est-ce que pour arriver à cette décision, il a suivi un processus logique et acceptable? Force est alors pour le Conseil de conclure que la décision du syndicat satisfait à la norme du caractère raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire. Le Conseil ne siège pas en appel des décisions du syndicat. Que la décision de conclure l’entente soit bien fondée ou mal fondée, là n’est pas la question que doit trancher le Conseil.
[114] Le
syndicat, à titre de représentant exclusif des employés de l’unité de
négociation, est maître du grief. Il revient donc au syndicat, et non à
l’employé, de décider si un grief sera renvoyé ou non à l’arbitrage ou si une
entente sera conclue avec l’employeur. Par conséquent, il n’a pas à obtenir le
consentement d’un employé lorsqu’il décide de régler un grief (voir
D’Angelo
,
[115] Ce n’est pas parce que le syndicat n’a pas obtenu le redressement recherché par la plaignante qu’il a agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi (voir Misiura , précitée). Dans les circonstances, et compte tenu de la preuve présentée, le Conseil est d’avis que le syndicat a obtenu un règlement raisonnable pour la plaignante et que le processus qu’il a suivi pour y arriver n’est pas arbitraire ou entaché de mauvaise foi. Le Conseil ne peut renverser ni casser la décision du syndicat de régler le grief, et ce, à la lumière de la preuve qui lui a été présentée.
[116] Toutes les sommes qui étaient dues à la plaignante lui ont été payées. Le montant qui lui a été finalement versé le 26 mai 2012 tenait compte d’une avance de 4 000 $ qui lui avait déjà été versée ainsi que des retenues obligatoires et de sa participation au fonds de pension.
[117] La
plaignante a demandé au Conseil de déclarer que l’entente de règlement conclue entre
le syndicat et l’employeur lui était inopposable dans le cadre de la présente
plainte. À cet égard, le Conseil tient à souligner qu’en matière de relations
du travail, le règlement d’un grief n’a pas pour effet d’empêcher le Conseil
d’examiner la conduite du syndicat en vertu de l’article
[118] Après analyse de la preuve, des arguments et de la jurisprudence invoquée par les parties, le Conseil rejette la plainte de la plaignante pour tous les motifs exposés ci-dessus.
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Claude Roy Vice-président |
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