Nepveu c. Association professionnelle des officiers de la Sûreté du Québec |
2015 QCCQ 1862 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MINGAN |
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LOCALITÉ DE |
SEPT-ILES |
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« Chambre civile » |
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N° : |
650-32-002781-149 |
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DATE : |
26 février 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
FRANÇOIS BOISJOLI, J.C.Q. |
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RAYMOND NEPVEU
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Demandeur |
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c. |
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ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES OFFICIERS DE LA SÛRETÉ DU QUÉBEC
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur prétend que la défenderesse a commis une faute en refusant de le représenter dans le cadre de sa contestation de son congédiement et, il lui réclame en dommages et intérêts la somme de 7 884,71 $ qu’il accepte de réduire à 7 000 $ pour bénéficier de la Division des petites créances.
[2] Cette somme est constituée en grande partie des honoraires et déboursés qu’il a dû payer à un avocat indépendant pour le représenter dans le cadre de ce litige.
[3] La défenderesse prétend que le demandeur divise sa créance puisqu’il a l’intention avouée de réclamer des frais d’avocat futurs puisque le litige n’est pas terminé.
[4]
Par ailleurs, elle prétend qu’elle n’a commis aucune faute et qu’elle a
respecté les articles
OBJECTION PRÉLIMINAIRE DE LA DÉFENDERESSE
[5]
La défenderesse a soulevé, que pour bénéficier de la Division des
petites créances, le demandeur a divisé sa créance, ce qui est interdit en
vertu de l’article
[6] Le demandeur ne divise pas sa créance dans le présent dossier. Il a témoigné que les seuls frais d’avocat qu’il a payés jusqu’à l’audition sont ceux qu’il réclame. Par ailleurs, la distinction est importante, ce qu’il réclame n’est pas le paiement de ses frais d’avocat, mais des dommages et intérêts suite à la décision de la défenderesse de ne pas le représenter.
[7] Le Tribunal n’a pas compétence à la Division des petites créances pour rendre un jugement déclaratoire et obliger la défenderesse à représenter et payer les frais d’avocat du demandeur. Il ne peut également annuler la résolution de la défenderesse du 22 janvier 2014 recommandant unanimement de ne pas donner suite à la demande de représentation du demandeur.
[8] Le Tribunal doit déterminer dans la présente affaire si les membres de la défenderesse ont commis une faute. En fait, s’ils ont agi de mauvaise foi lorsqu’ils ont pris la décision de ne plus soutenir le demandeur dans son litige avec la Sûreté du Québec.
LES FAITS
[9] La défenderesse est une personne morale sans but lucratif constituée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels L.R.Q. c. S-40.
[10] Dans son règlement général ( D-11 ) les objectifs de la défenderesse sont décrits comme suit :
1.05 Objets :
Les objets pour lesquels l’association a été constituée sont ceux prévus par la Loi sur les syndicats professionnels et plus précisément :
- L’Étude, la défense et le développement des intérêts économiques, sociaux et moraux de ses membres;
et ce, dans le but de permettre à la Sûreté du Québec de se développer.
[11] La défenderesse n’est pas un syndicat accrédité dont les membres sont soumis au Code du travail .
[12] Le demandeur, quant à lui, était un officier de la Sûreté du Québec, et ce, jusqu’à son congédiement le 16 mars 2013.
[13] Il était également membre de la défenderesse et, au moment de l’audition du présent dossier, il témoigne toujours payer ses cotisations.
[14] Les problèmes du demandeur ont débuté lorsqu’il a été promu, en 2004, lieutenant à la MRC des Sept-Rivières au bureau de Sept-Iles.
[15] Il aurait dénoncé plusieurs anomalies dans la gestion du service de police et, vraisemblablement, il n’était pas le bienvenu.
[16] Les difficultés se sont intensifiées et le demandeur a quitté en maladie le 3 juin 2005 et n’est jamais revenu au travail, sauf pour un retour progressif à Baie-Comeau en mai 2006 qui n’a pas fonctionné.
[17] Le 23 mai 2008, il est relevé de ses fonctions.
[18] Bien que les motifs exacts justifiant que le demandeur soit relevé de ses fonctions n’ont pas été mis en preuve, le Tribunal présume, à la lecture de la preuve et surtout du rapport de l’autorité disciplinaire, que le demandeur a été relevé de ses fonctions en raison de menaces de mort qu’il aurait proférées envers l’inspecteur-chef du bureau de Sept-Iles, monsieur Pierre Pinel.
[19] Par ailleurs, la preuve révèle que le demandeur a été acquitté des accusations qui ont été portées contre lui de menaces de mort envers monsieur Pierre Pinel.
[20] Par la suite, la situation se dégrade entre le demandeur et la Sûreté du Québec. Le demandeur considérait qu’il était victime d’une conspiration afin qu’il se taise sur les constatations qu’il avait faites au poste de Sept-Iles. Il a dénoncé à l’époque le laxisme de la Sûreté du Québec à l’égard des situations et, par la suite, il a été harcelé et victime d’intimidation. Il a d’ailleurs dénoncé la situation auprès de plusieurs médias tant régionaux que provinciaux.
[21] Le 26 février 2008, le demandeur demande à la défenderesse de lui désigner un avocat spécialisé en droit du travail afin de faire bouger son dossier qui stagne depuis près de 33 mois. En effet, bien que la défenderesse assiste le demandeur dans son dossier, il est toujours en congé de maladie et la situation semble s’éterniser.
[22] Le 29 février 2008, monsieur Mario Bouchard, Directeur de la défenderesse, informe le demandeur qu’ils ont un nouveau Directeur, soit monsieur Louis Raîche et que ce dernier s’occupera de son dossier et entrera en contact avec lui dans les prochains jours.
[23] Le 21 mars 2008, Louis Raîche informe le demandeur que la défenderesse a décidé de ne pas lui fournir un avocat. Il mentionne ce qui suit :
«Nous avons rediscuté lors de la rencontre de l’exécutif du 19 mars dernier de la situation vous concernant et il fut décidé que nous ne vous fournirons pas d’avocat de pratique privée puisque ce n’est pas le mandat de votre association et qui plus est, vous êtes représenté par un directeur de l’APOSQ. Notre mandat est de vous représenter dans ce dossier. Vous avez toujours reçu une représentation équitable et professionnelle des représentants de l’APOSQ et notre volonté et de continuer à vous représenter adéquatement.»
[24] Une rencontre est prévue le 17 avril 2008 pour discuter avec les intervenants de la Sûreté du Québec afin de régler le litige qui oppose le demandeur à la Sûreté du Québec.
[25] Fait particulier, c’est Louis Raîche qui représente le demandeur dans son litige contre la Sûreté du Québec et qui signe une déclaration solennelle le 26 mai 2008 à l’effet que le 21 mai 2008 le demandeur a menacé de mort le commandant Pinel.
[26] Ce même Louis Raîche, qui est Directeur de la défenderesse, est membre du comité d’examen des plaintes en vertu du Règlement de déontologie et de la discipline des membres de la Sûreté du Québec, et ce, du 5 décembre 2006 au 4 décembre 2008. Pour le demandeur, il y a «anguille sous roche».
[27] Le demandeur témoigne, que du moment qu’il est accusé au criminel pour des menaces de mort qui ont été divulguées par monsieur Raîche qui est l’un des administrateurs de la défenderesse et responsable de son dossier, il a perdu confiance en la défenderesse et c’est pour cela qu’il voulait choisir lui-même son avocat et avoir le contrôle complet sur son dossier.
[28] Suite à plusieurs événements reprochés au demandeur par la Sûreté du Québec, un dossier disciplinaire est alors ouvert et la défenderesse informe le demandeur qu’il peut retenir l’avocat de son choix, et ce, aux conditions suivantes :
«Concernant les frais d’avocat par l’APOSQ, il est entendu que le membre doit fournir les renseignements suivants : le nom de l’avocat, le taux horaire, une évaluation des coûts incluant l’étude de la cause, la Cour, l’appel; le maximum du tarif ne doit pas dépasser 250 $. De plus, la cause doit avoir une expectative de plus de 50% de réussite.»
[29] Le 10 août 2009, le demandeur retient les services de Me René St-Léger pour le représenter dans son dossier disciplinaire.
[30] Le 22 décembre 2009, la défenderesse précise au demandeur qu’elle autorisait un premier mandat de 20 heures en raison de 225 $/heure et que, par la suite, elle analyserait s’il y a lieu de confier un autre mandat.
[31] Le 27 avril 2010, le procureur de la défenderesse transmet à Me René St-Léger une convention d’honoraires puisque le demandeur avait fait défaut de faire suite au courriel du 22 décembre 2009.
[32] En vertu de cette convention d’honoraires, c’est la défenderesse qui retient les services de Me St-Léger pour représenter le demandeur devant l’autorité disciplinaire.
[33] Le demandeur, par son avocat Me René St-Léger, répond le 12 mai 2010 qu’il refuse de donner suite à la convention d’honoraires proposée, car il y est prévu qu’il doit discuter de la stratégie à adopter pour sa défense devant l’autorité disciplinaire. De plus, il y est également spécifiquement prévu que la défenderesse ne défraie pas les frais de déplacement et de logement de ses représentants légaux devant l’autorité disciplinaire.
[34] Le demandeur, qui a perdu confiance en la défenderesse, voudrait que cette dernière paie l’avocat qu’il retient sans avoir aucun droit de regard sur la stratégie à adopter, le nombre d’heures à effectuer, etc.
[35] Le demandeur témoigne, que suite à son refus de signer la convention d’honoraires, la défenderesse lui demande des documents qu’il n’a pas, ils sont en possession de la Sûreté du Québec.
[36] Le 31 mai 2010, Freddy Foley, président de la défenderesse, informe le demandeur que la défenderesse refuse de défrayer les coûts d’un avocat pour le représenter devant l’autorité disciplinaire.
[37] Dans cette lettre, monsieur Foley écrit, entre autres, ce qui suit :
«En ce qui concerne votre dossier disciplinaire, devant votre manque de collaboration évident et votre refus de donner suite à nos demandes, je vous avise que c’est avec regret que l’APOSQ a pris la décision de ne pas défrayer les coûts d’un avocat afin de vous représenter dans le cadre des audiences disciplinaires à venir.
En effet, il vous appartenait de collaborer avec l’APOSQ afin que celle-ci autorise un mandat de représentation par avocat. Or, la réponse de votre avocat du 13 mai dernier et les différents échanges que nous avons eus avec vous au cours des derniers mois ne démontrent aucunement que vous avez satisfait votre obligation de collaboration avec l’APOSQ, conditions essentielles pour que l’APOSQ autorise un mandat de représentation par avocat.»
[38] Les audiences disciplinaires devaient débuter au mois d’août 2010. Cependant, suite au refus de la défenderesse de payer les frais d’avocat, le demandeur témoigne qu’il se retrouve sans avocat, puisqu’il n’a pas les moyens de retenir les services de Me St-Léger.
[39] Dans les faits, l’audience était fixée pour plusieurs jours en août, septembre, octobre et décembre 2010. Le 26 août 2010, Me René St-Léger présente une requête pour obtenir le sursis de l’audition, lequel est ordonné par un juge de la Cour supérieure le même jour.
[40] Les conclusions de la Cour supérieure sont les suivantes :
«ORDONNE le sursis de l’audition concernant le demandeur devant l’autorité disciplinaire jusqu’à ce que le Tribunal se prononce sur le droit du demandeur d’être défendu devant l’autorité disciplinaire aux frais de l’Association.»
[41] Le procureur général du Québec en a appelé de cette décision et la Cour d’appel a rejeté l’appel le 27 novembre 2010.
[42] À l’automne 2011, le demandeur revient à la charge auprès de la défenderesse pour que cette dernière accepte de payer les frais d’avocat devant l’autorité disciplinaire.
[43] Dans une lettre du 23 novembre 2011 ( P-4 ), monsieur Foley, président de la défenderesse, réfère le demandeur au nouveau guide décisionnel en assistance et protection judiciaire qui, selon la preuve, date du 12 septembre 2011 voulant qu’une fois que la plainte est déposée en discipline, c’est le Conseil d’administration qui évalue les moyens de défense et contracte un avocat pour représenter l’officier.
[44] Il est indiqué à ce guide la mention suivante :
«Lorsque l’Association vous représente dans un litige, telle une accusation disciplinaire, le fait de vous représenter signifie que l’Association devient l’interlocuteur et qu’elle parle en votre nom. Lorsque l’Association décide d’utiliser les services d’un avocat, c’est l’Association qui contracte et qui devient le client de l’avocat et non le membre directement. Naturellement, la stratégie de défense se fera en partenariat avec le membre concerné. Toutefois, après consultation du membre, l’Association devient décisionnelle dans la stratégie de défense. Si le membre ne veut pas accepter ces règles de fonctionnement, il peut refuser la représentation que l’Association lui offre et se défendre par lui-même et par ses propres moyens. Dès lors, il en assumera les frais.
Pour le choix d’un avocat, c’est l’Association qui vous en désignera un à partir d’une liste préétablie, composée d’avocats aguerris et réputés.
Les décisions de l’Association dans les dossiers des
membres sont toujours basées sur des critères tels que définis selon l’article
[45] Vraisemblablement, le demandeur a refusé de se plier aux exigences de la défenderesse et a mandaté Me Julien Bélanger pour le représenter devant l’autorité disciplinaire. Finalement, l’audition devant l’autorité disciplinaire a eu lieu les 4 et 25 avril 2012, 14 juin 2012, les 10, 11 et 20 septembre 2012 et le 3 octobre 2012.
[46] Le 29 novembre 2012, l’autorité disciplinaire recommande au directeur général de la Sûreté du Québec la destitution du demandeur vu les manquements reconnus dérogatoires.
[47] Malgré que la défenderesse ait refusé de fournir les services d’un avocat au demandeur, elle accepte après la décision de l’autorité disciplinaire de payer les honoraires de Me Bélanger. Les 23 et 31 octobre 2012, intervient un contrat de service de représentation de services juridiques entre la défenderesse, Me Julien Bélanger et le demandeur ( P-6 ).
[48] Cette entente prévoit que Me Julien Bélanger soit rémunéré à 160 $/heure et que ses services sont retenus par la défenderesse afin de représenter le demandeur.
[49] En vertu de ce contrat, la défenderesse a payé à Me Julien Bélanger pour les services rendus au demandeur une somme d’environ 30 000 $.
[50] Le demandeur témoigne qu’il a signé l’entente ( P-6 ) du 12 octobre 2012 de force parce qu’il ne pouvait payer ses frais d’avocat.
[51] C’est le 16 mars 2013 que le demandeur est informé qu’il est destitué. Il mandate alors Me Julien Bélanger pour porter cette décision en arbitrage, conformément à l’article 22.02 a) de la convention sur la rémunération et les conditions relatives à l’exercice des fonctions des officiers de la Sûreté du Québec.
[52] Cette demande d’arbitrage est transmise à la Sûreté du Québec le 13 juin 2013 par Me Bélanger.
[53] Le 24 août 2013, le demandeur revient à la charge auprès de la défenderesse pour lui demander d’être représenté dans le cadre de cette demande d’arbitrage.
[54] Il écrit ce qui suit :
«Suite à mon congédiement en mars 2013, je conteste la décision de l’employeur, conformément au contrat de travail des officiers de la SQ en vigueur. Je demande donc à l’association d’être représenté par avocat.
Considérant la proximité de plusieurs officiers dans ma cause, afin d’éviter la possibilité de tout conflit d’intérêt, d’éluder des dépenses importantes de temps et d’argent pour l’embauche d’un nouvel avocat, et enfin, d’assurer la continuité du dossier, je suggère Me Julien Bélanger dont les services ont été retenus et payés par l’association, durant les audiences disciplinaires.
Depuis ma destitution, quelques ouvrages en lien direct avec ma destitution ont été effectués par Me Bélanger, tels qu’analyse sommaire du dossier, demandes de documents complémentaires et la demande de révision au DGA.
Aussi, auriez-vous l’obligeance tel que demandé dans mon dernier envoi, de me faire parvenir une liste complète du nouveau Conseil d’administration de l’Association.»
[55] Le 27 septembre 2013, monsieur Jocelyn Tardif transmet un courriel au demandeur lui demandant certains documents afin que la défenderesse puisse évaluer la demande de représentation.
[56] Le même jour, le demandeur transmet cette demande à son avocat, Me Julien Bélanger qui, à son tour, transmet les documents à monsieur Tardif par courriel le 8 octobre 2013.
[57] Le 14 novembre 2013, Jocelyn Tardif transmet au demandeur une lettre ( P-11 ) l’informant qu’il n’a pas reçu les documents demandés dans son courriel du 27 septembre 2013.
[58] Le 11 décembre 2013, Me Julien Bélanger confirme à monsieur Tardif lui avoir transmis ces documents le 8 octobre 2013 ( P-12 ).
[59] Le 22 janvier 2014, monsieur Tardif informe le demandeur que sa demande de représentation et d’assistance est refusée par suite d’une résolution votée à l’unanimité qui se lit comme suit :
«Résolution 2014-01-09 CA 001
Attendu que :
Après une évaluation du guide décisionnel en assistance et protection judiciaire aux membres par une firme d’avocats.
Après étude de la recommandation de l’autorité disciplinaire dans le présent dossier, le Conseil d’administration de l’APOSQ en vient à la conclusion que les chances de succès et en gain de cause, à la suite de l’étude du dossier sont inférieures à 50%.
Que monsieur Raymond Nepveu ne donne pas sa pleine collaboration à l’APOSQ dans le traitement de son dossier, tel que la transmission de ses documents pour documenter le dossier.
Il est donc recommandé unanimement de ne pas donner suite à la demande d’assistance pour la démarche prévue à l’article 22.02 des conditions relatives concernant la rémunération des officiers de la Sûreté du Québec faite par monsieur Raymond Nepveu.»
[60] Jocelyn Tardif témoigne que le Conseil d’administration de la défenderesse est composé de 8 personnes qui agissent toutes de façon bénévole et qu’il n’y a pas d’employé permanent. Il y a 15 représentants régionaux et ils se réunissent tous les 2 mois pour prendre les décisions.
[61] En 2011, ils ont adopté un guide pour les aider à traiter équitablement les demandes de représentation.
[62] C’est d’ailleurs la première fois, en janvier 2014, que la défenderesse a une demande de représentation d’un officier pour une destitution qui doit se rendre à l’arbitrage.
[63] À la réunion tenue en janvier 2014, le Conseil d’administration a analysé les documents transmis par l’avocat du demandeur et, surtout, la décision de l’autorité disciplinaire.
[64] La défenderesse a également obtenu un avis juridique de leur procureur sur l’expectative de gain. Elle a considéré, à la lecture de la décision de l’autorité disciplinaire, que 8 manquements du demandeur ont été reconnus comme dérogatoires, que ce dernier n’a manifesté aucun remords ni repenti face aux gestes qu’il a posés et, qu’il a même déclaré qu’il agirait de la même façon si c’était à refaire.
[65] Il ajoute que depuis le 31 juillet 2006, la défenderesse a défrayé une somme d’environ 75 000 $ pour différents frais reliés au dossier du demandeur.
[66] Après analyse du dossier et avoir obtenu un avis juridique en conséquence, la défenderesse a convenu que les possibilités de gain étaient minimes et que le demandeur ne fournissait pas sa pleine collaboration. Selon monsieur Tardif, le demandeur veut que la défenderesse paie tous les frais reliés à sa demande, mais que cette dernière n’ait aucune implication dans les décisions à prendre, la stratégie à adopter et même le nombre d’heures à être autorisé.
[67] Dans les circonstances, la défenderesse en est venue à la conclusion de refuser d’assister le demandeur dans sa procédure d’arbitrage. Selon monsieur Tardif, cette décision a été prise en toute bonne foi et honnêteté, de refuser d’assister le demandeur dans sa procédure d’arbitrage.
ANALYSE
[68]
C’est le demandeur qui a le fardeau d’établir le bien-fondé de sa
réclamation, et ce, par prépondérance de preuve. En effet, l’article
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
[69] Tel que le Tribunal l’a indiqué précédemment, il ne peut à la Division des petites créances rendre un jugement déclaratoire obligeant la défenderesse à représenter ou à défrayer les frais d’avocat du demandeur. Il ne peut non plus décider de la validité d’une résolution de la défenderesse et d’annuler cette résolution le cas échéant.
[70] Cependant, il peut déterminer si la défenderesse a commis une faute en refusant de représenter le demandeur.
[71] Afin d’évaluer si la défenderesse a commis une faute quant à son devoir de représentation du demandeur, le Tribunal doit déterminer la portée des obligations de la défenderesse de représentation d’un de ses membres dans le cadre d’une procédure disciplinaire.
[72] Les obligations de la défenderesse envers ses membres découlent de ses statuts constitutifs, ses règlements généraux ainsi que de sa Loi constitutive en l’espèce la Loi sur les syndicats professionnels L.R.Q. c.S-40.
[73] L’article 1.05 du règlement général de la défenderesse ( D-11 ) indique que les objets de l’Association sont les suivants :
«L’étude, la défense et le développement des intérêts économiques, sociaux et moraux de ses membres;
Et ce, dans le but de permettre à la Sûreté du Québec de se développer.»
[74]
Cet objet est la reprise, presque mot pour mot, de l’article
[75]
Par ailleurs, l’article
9. Les syndicats professionnels ont le droit d’ester en justice et d’acquérir, à titre gratuit ou à titre onéreux, les biens propres à leurs fins particulières.
Sujet aux lois en vigueur, ils jouissent de tous les pouvoirs nécessaires à la poursuite de leur objet et ils peuvent notamment :
…
10° passer avec tous autres syndicats, sociétés, entreprises ou personnes les contrats ou conventions relatives à la poursuite de leur objet et spécialement ceux visant les conditions collectives de travail;
11° exercer devant toutes cours de justice tous les droits appartenant à leurs membres, relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
[76] De plus, le demandeur, à titre de membre de la défenderesse et officier de la Sûreté du Québec, bénéficie des conditions contenues à la convention intitulée : «La rémunération et les conditions relatives à l’exercice des fonctions des officiers de la Sûreté du Québec» ( D-12 ).
[77] Il est prévu à l’article 9 de cette convention que les honoraires et les frais du procureur désigné pour représenter l’officier dans les cas suivants sont assumés par la Sûreté du Québec :
-Si l’officier est poursuivi en justice par suite d’actes ou de gestes qu’il a posés ou omis de poser par le fait ou à l’occasion de son travail d’officier;
-Si l’officier est cité en déontologie policière par suite d’actes ou de gestes qu’il a posés ou omis de poser par le fait ou à l’occasion du travail qu’il accomplit comme policier;
-Si l’officier est partie à un incident impliquant la mort probable ou la mort d’une personne ou qu’il est rencontré à titre de témoin dans une enquête criminelle impliquant un policier.
[78] Par contre, l’article 9.08 prévoit que l’article 9 ne s’applique pas en matière disciplinaire.
[79] Par ailleurs, à l’article 66 du Règlement sur la discipline interne des membres de la Sûreté du Québec L.R.Q. P-13.1, r.2.01, il est prévu, que lors de l’audition devant le comité de discipline, l’officier peut se faire représenter par un avocat de son choix à ses frais, un avocat désigné par son association syndicale ou professionnelle, un membre de cette association ou un membre de la Sûreté du Québec.
[80] De plus, la convention ( D-12 ) prévoit que si l’officier veut contester une mesure disciplinaire suite à la décision du comité de discipline, il doit soumettre cette décision à un arbitre selon la procédure prévue à l’article 22.02 de cette convention.
[81] Il est prévu à cette convention que c’est l’officier et non l’Association qui soumet sa contestation à l’arbitrage et que les honoraires et déboursés de l’arbitre ainsi que les coûts pour la location des locaux sont défrayés par la Sûreté du Québec à moins que la contestation soit rejetée par l’arbitre, alors les honoraires et déboursés de l’arbitre sont défrayés en parts égales entre la Sûreté du Québec et l’officier.
[82] On peut constater que le droit de porter une contestation à l’arbitrage suite à une décision du directeur général appartient à l’officier exclusivement et non à la défenderesse et, que même si la défenderesse décide de ne pas représenter l’officier devant l’arbitre, l’officier ne perd pas de droit puisque cette contestation lui appartient.
[83]
Par ailleurs, la défenderesse dans la décision qu’elle prend de
représenter ou non un officier ou de payer ses frais d’avocat doit agir
conformément aux articles
[84]
Par ailleurs, l’article
[85]
Une abondante jurisprudence a traité du devoir de représentation d’une
association de professionnels (syndicat), entre autres, de son devoir de
représentation en vertu de l’article
[86] Dans l’affaire Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleuses et travailleurs du Canada c. Brideau [1] , la Cour d’appel a conclu qu’une association n’est pas tenue au plus haut standard de compétence ou de comportement et, qu’il faut démontrer pour que sa conduite soit considérée comme étant une faute, que son refus de représentation et d’assumer les frais de cette représentation est une décision empreinte de mauvaise foi, d’arbitraire, discrimination ou que l’association a fait preuve de négligence grave.
[87] Par ailleurs, le Tribunal doit considérer dans l’examen de la conduite de la défenderesse, que cette dernière a un pouvoir discrétionnaire quant à la décision de représenter ou non l’un de ses membres puisqu’elle doit agir, entre autres, dans l’intérêt de tous ses membres et en fonction de ses objets constitutifs.
[88] De plus, le Tribunal doit considérer que la décision de la défenderesse n’a pas pour effet de faire perdre des droits au demandeur, puisque c’est ce dernier qui doit porter la décision du comité de discipline en arbitrage et qu’il peut le mener à terme et participer à cet arbitrage même s’il n’est pas représenté par la défenderesse. Cependant, le demandeur mentionne ne pas avoir les ressources financières pour se faire représenter adéquatement devant l’arbitre.
[89] La preuve révèle que les relations entre le demandeur et la défenderesse sont difficiles et que le lien de confiance qui doit exister est absent. En effet, le demandeur se croit victime d’une vendetta par la Sûreté du Québec suite à certaines dénonciations qu’il a effectuées quant à des irrégularités au poste de la Sûreté du Québec de Sept-Iles. Bien évidemment, d’autres officiers membres de la défenderesse ont été impliqués dans cette affaire et le demandeur a tenté de démontrer que la défenderesse a agi pour lui nuire et que sa décision de ne pas payer ses frais d’avocat ou de le représenter devant l’arbitre est teintée de mauvaise foi.
[90] Le lien de confiance étant rompu entre le demandeur et la défenderesse, ce dernier veut essentiellement que la défenderesse paye les frais de son avocat qu’il choisit sans aucun droit de regard sur la stratégie à adopter, sur le taux horaire et sur les heures affectées au dossier. C’est d’ailleurs les raisons pour lesquelles le demandeur a refusé que ce soit la défenderesse qui désigne un avocat pour son audition devant le comité de discipline et, il a également refusé les conditions proposées par la défenderesse pour désigner et payer un avocat afin de le représenter.
[91] En fait, ce que le demandeur désire, c’est que la défenderesse devienne un agent payeur et non son représentant, puisqu’il ne veut pas qu’elle soit impliquée de quelque façon que ce soit, outre que par le paiement des honoraires et déboursés de son avocat dans son dossier contre la Sûreté du Québec.
[92] Pourtant, les règles de la défenderesse sont claires lorsqu’il est temps de décider si elle représentera un membre dans un litige disciplinaire.
[93] La défenderesse évaluera les moyens de défense et, si elle décide d’utiliser les services d’un avocat, c’est elle qui contracte avec cet avocat et non le membre directement. Par ailleurs, la stratégie à adopter se fera en partenariat avec la défenderesse et l’officier concerné, mais c’est la défenderesse qui prend la décision dans la stratégie de défense. C’est d’ailleurs la défenderesse qui désigne un avocat pour ce faire.
[94] Dans la décision qu’ils ont prise de ne pas donner suite à la demande d’assistance du demandeur, les membres du Conseil d’administration de la défenderesse ont étudié la recommandation de l’autorité disciplinaire et ont obtenu des avis juridiques sur les chances de succès et de gain de cause dans ce dossier. Ils ont convenu qu’elles étaient inférieures à 50%.
[95] Par ailleurs, ils ont également convenu que le demandeur ne donnait pas sa pleine collaboration dans le traitement de son dossier. Ils ont soulevé qu’il ne transmettait pas les documents requis pour l’étude de son dossier. Sur ce point, la preuve démontre que toutes les demandes faites par la défenderesse au demandeur ont été répondues dans un délai raisonnable et que le demandeur lui a transmis tous les documents en sa possession et pertinents au litige qu’il l’oppose à la Sûreté du Québec.
[96] Cependant, il est vrai que le demandeur ne donne pas sa pleine collaboration avec la défenderesse puisqu’il n’a pas confiance en cette dernière.
[97] À tort ou à raison, le demandeur n’a aucune confiance en la défenderesse et, dans les circonstances, il désire que sa représentation ou son assistance se limitent au paiement des honoraires de son avocat.
[98] Il ne veut donc pas se plier aux exigences de la défenderesse, entre autres, quant aux conditions mises en place pour qu’elle le représente dans son litige disciplinaire contre la Sûreté du Québec.
[99] C’est le choix qu’il fait, mais il ne peut par la suite prétendre que la décision de la défenderesse de ne pas l’assister dans son processus disciplinaire est empreinte de mauvaise foi, d’arbitraire, de discrimination ou de négligence grave.
[100] La preuve ne soutient pas les allégations du demandeur. La défenderesse dispose d’une certaine discrétion dans la décision qu’elle a à prendre de représenter ou non l’un de ses membres. Bien évidemment, elle doit agir en fonction de l’intérêt de ce membre, mais également en fonction de l’intérêt de l’ensemble de ses membres.
[101] La décision de la défenderesse a été prise après une étude sérieuse du dossier et après avoir obtenu les avis juridiques nécessaires.
[102] À la lumière de la preuve, le Tribunal ne peut conclure que la défenderesse a agi de mauvaise foi, de façon discriminatoire et a fait preuve d’arbitraire ou de négligence grave envers le demandeur.
[103] De plus, le Tribunal doit tenir compte que la décision de la défenderesse n’a pas pour effet de faire perdre des droits au demandeur dans son litige contre la Sûreté du Québec.
[104] C’est un litige très important pour le demandeur puisque ce dernier a été destitué et conteste sa destitution en arbitrage.
[105] Cependant et malgré la décision de la défenderesse, le demandeur peut continuer sa demande d’arbitrage et se faire représenter par un avocat de son choix. Cependant, il devra le faire à ses frais.
[106] Finalement, la preuve démontre que la véritable intention du demandeur est d’obtenir un jugement obligeant la défenderesse à le représenter ou à payer ses frais d’avocat, ce que le Tribunal ne peut faire à la Division des petites créances.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[107] REJETTE la demande sans frais.
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FRANÇOIS BOISJOLI, J.C.Q. |
[1]
Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des
autres travailleuses et travailleurs du Canada c. Brideau,