Syndicat de l'enseignement de la Haute-Yamaska et Commission scolaire du Val-des-Cerfs (Martin Laboissonnière)

2015 QCTA 232

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt :

2015-2980

 

Date :

6 mars 2015

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ARBITRE :

Francine Beaulieu

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Syndicat de l’enseignement de la Haute-Yamaska

Ci-après appelé « le Syndicat »

Et

Commission scolaire du Val-des-Cerfs

Ci-après appelée « l’Employeur »

 

 

Plaignant :

Martin Laboissonnière

 

Grief :

n o du Syndicat

2013-1205

 

n o du Greffe

2015-0000934-5152

 

Nature du grief :                     Représailles

 

Convention collective :

Le Comité patronal de négociation pour les commissions scolaires francophones (CPNCF)

Et

La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) pour le compte des syndicats d’enseignantes et d’enseignants qu’elle représente

 

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SENTENCE ARBITRALE

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[1]           Le Greffe des tribunaux d’arbitrage du secteur de l’Éducation a désigné l’arbitre soussignée pour entendre le grief mentionné en rubrique. Au début des audiences, les parties ont admis que les règles concernant la procédure de grief avaient été respectées conformément aux dispositions de la convention collective, que le Tribunal d’arbitrage était valablement constitué et avait compétence pour décider de cette affaire.  

[2]           Le 3 janvier 2013, le Syndicat déposait un grief au nom du plaignant (pièce S-3). Il se lit ainsi :

LES FAITS

1.          Monsieur Martin Laboissonnière est un enseignant du champ 3 à l’école Saint-Eugène ainsi qu’un membre du conseil d’administration du Syndicat de l’enseignement de la Haute-Yamaska;

2.          Au cours du mois de septembre 2012, monsieur Laboissonnière a informé le président du syndicat, monsieur Éric Bédard, qu’un de ses élèves avait eu plusieurs comportements inappropriés ou violents depuis le début de l’année scolaire, mais que ce dernier n’avait pas été sanctionné puisque le code de vie entrait en vigueur seulement à partir du 18  septembre 2012;

3.          Le 25 septembre 2012, monsieur Bédard s’est adressé aux commissaires lors de la séance ordinaire du Conseil des commissaires notamment afin de leur informer qu’un élève d’une école primaire n’avait pas reçu de sanction pour les comportements violents qu’il avait eus depuis le début de l’année puisque l’application du code de vie entrait en vigueur seulement à partir du 18 septembre;

4.          Le 5 octobre 2012, le directeur de l’école Saint-Eugène, monsieur Jean-Luc Pitre, a rencontré monsieur Laboissonnière notamment afin de l’informer que suite à sa récente sortie médiatique un suivi très serré de ses actions pédagogiques serait fait;

5.          Monsieur Laboissonnière a fait l’objet de deux visites de la part de monsieur Pitre dans sa classe soit le 23 octobre 2012 durant environ 25 minutes et le 8 novembre 2012 durant environ 10 minutes;

6.          À notre connaissance, monsieur Laboissonnière est le seul enseignant de cette école à avoir fait l’objet de deux visites d’observation dans sa classe pendant autant de minutes;

À TITRE INDICATIF, LES CLAUSES OU ARTICLES IMPLIQUÉS

7.          Cette situation constitue des représailles à l’endroit d’un enseignant et contrevient à la clause 14-3.03 de la convention collective 2010-2015;

8.          Cela constitue une contravention des clauses 14-3.01 et 14-3.02 de la convention collective 2010-2015 ainsi que l’article 14 du Code du Travail. 

(…)       

LA PREUVE DES PARTIES

La preuve du Syndicat

[3]           Jean-Luc Pitre a commencé sa carrière comme enseignant en adaptation scolaire de 1990 à 2000. En 2001, il a obtenu un poste de directeur adjoint à l’école secondaire Jean-Jacques Bertrand. En 2004, il a été directeur pendant six ans dans deux écoles primaires. Par la suite, il a été directeur d’une école primaire à Granby pendant trois ans avant d’occuper la même fonction pour l’école Sainte-Marie, au préscolaire et au 1 er cycle, et pour l’école Saint-Eugène, aux 2 e et 3 e cycles. Le témoin a connu le plaignant alors que la conjointe de ce dernier travaillait à l’école l’Assomption à Granby.

[4]           En 2012-2013, Éric Bégin était directeur adjoint à l’école Saint-Eugène et il était en poste depuis un an. Le bureau du témoin était situé à l’école Sainte-Marie, mais il essayait de se rendre à l’école Saint-Eugène une fois par semaine. Il voulait, avec le directeur adjoint, établir une journée spécifique pour s’y rendre, mais l’horaire était difficile à respecter.

[5]           En 2012-2013, le plaignant avait une tâche d’environ 79 % et l’enseignant Yves Laverrière comblait les 20 % de la tâche. Ce dernier s’occupait aussi du groupe pendant les absences du plaignant. Le témoin savait que, cette année-là, le plaignant était un enseignant permanent, mais il ne savait pas depuis combien d’années il enseignait.

[6]           Ainsi, en 2012-2013, le plaignant avait l’élève, que le Tribunal va désigner par la lettre A pour respecter la confidentialité du jeune.  Cet élève présentait des problèmes de comportements violents. Dès le mois de septembre, le témoin en avait été informé par le directeur adjoint. L’élève A avait besoin de soutien car il éprouvait des difficultés dans ses relations sociales avec les autres enfants. En septembre 2012, la direction adjointe est intervenue à quatre ou cinq reprises auprès du jeune pour des comportements violents envers d’autres élèves.  

[7]           Le 26 septembre 2012, un article paru dans le journal La Voix de l’Est traitait du cas d’un élève agressif non sanctionné par son école (pièce S-4). Le témoin connaît cet article, mais il ne se souvient plus du contexte dans lequel il l’a vu. Il croit l’avoir lu le jour même de sa publication ou le lendemain.   

[8]           L’article suivait une rencontre du Conseil des commissaires dont le témoin avait entendu parler le 25 septembre 2012. Il a appris, par Jimmy Fournier, directeur des ressources humaines de l’époque, qu’Éric Bédard, président du Syndicat, avait pris la parole durant l’assemblée des commissaires pour dire que le plaignant avait certaines récriminations à l’égard de la direction de son école. Éric Bédard aurait dit que le plaignant dénonçait sa tâche à 79 %, l’application de la tâche éducative et l’application du Code de vie à l’école. Ce dernier sujet a été traité dans l’article de presse (pièce S-4).  

[9]           Le Code de vie, qui comprend les règles de vie de l’école, était applicable à l’automne 2012 (pièce S-5). Le 7 septembre 2012, Éric Bégin avait transmis  un courriel au personnel de l’école Saint-Eugène pour les informer que le système de fiches débuterait le 10 septembre et que, jusqu’au 18 septembre, se seraient des fiches d’avertissement qui seraient données aux élèves fautifs et que la comptabilisation commencerait à cette date (pièce S-6). Néanmoins, des sanctions pouvaient être données par les enseignants et la direction. Éric Bégin rappelait aussi aux membres du personnel qu’il fallait déterminer un horaire de surveillance pour les retenues. Pour le témoin, il y avait toujours des conséquences au non respect du Code de vie et elles s’appliqueraient plus tard. 

[10]        Le témoin souligne que l’équipe-école appliquait les règles avant et après le courriel. Selon lui, tout le personnel avait compris qu’on pouvait donner des sanctions, mais qu’elles seraient appliquées quelques jours plus tard. Le témoin est convaincu que tous les membres du personnel avaient compris qu’Éric Bégin parlait des retenues et que les fiches pouvaient être utilisées depuis le début de l’année scolaire.

[11]        Le témoin s’est informé auprès du directeur adjoint pour savoir de quel élève il était question dans l’article de presse (pièce S-4). Il s’agissait de l’élève A. Il s’est ensuite informé des interventions effectuées auprès de ce dernier. Cet élève avait un code de difficultés et des besoins particuliers. Il avait déjà un plan d’intervention (PI).  Une rencontre avec les parents était nécessaire.

[12]        Le témoin a échangé par courriel avec le plaignant, mais leurs discussions tournaient en rond. Le 28 septembre 2012, il a donc mis par écrit ses attentes (pièce S-7). Il demandait une rencontre pour établir les démarches nécessaires pour régler la problématique au niveau de sa tâche et un tableau de ses activités éducatives.   

[13]        Le 2 et le 3 octobre 2012, il y a eu un autre échange de courriels avec le plaignant (pièces S-8 a), b) et c)). Puis, le vendredi 5 octobre, le témoin et le plaignant se sont rencontrés à 13 heures. Ce jour-là, en arrivant à l’école, le plaignant a vu le témoin à quelques pieds de lui. Le témoin montait les marches pour se rendre à son bureau, mais le plaignant n’y était pas s’étant plutôt présenté au secrétariat pour annoncer sa présence.   

[14]        Lors de leur entretien, ils devaient discuter du pourcentage de la tâche du plaignant, de ses activités éducatives et du Code de vie. Ce dernier sujet faisait suite à la sortie publique des gens de l’organisation syndicale. Le témoin a été surpris d’entendre que la moitié des élèves de la classe du plaignant étaient des cas lourds. Comme il avait vérifié, il a montré au plaignant que cette affirmation n’était pas fondée. Il n’y avait qu’un seul élève en difficultés en mathématiques et trois ou quatre autres en français ou en mathématiques. L’élève A avait un code 12 qui signifiait qu’il avait besoin de soutien au niveau comportemental. Le témoin a donc mentionné au plaignant qu’il voyait des discordances entre les propos du Syndicat et le véritable portrait de sa classe. Le plaignant a demandé s’il croyait qu’il avait dénoncé publiquement la situation et le témoin a répondu que c’était le Syndicat qui l’avait fait.

[15]        Compte tenu de l’écart entre les propos du Syndicat et le portrait de la classe, Jean-Luc Pitre s’inquiétait. Éric Bédard en avait discuté aussi à l’émission radiophonique de Benoit Dutrisac. Le témoin l’a écoutée et le représentant syndical disait que la moitié des élèves de la classe du plaignant était des cas lourds. Le témoin reconnaît que l’article de presse ne parle que de l’élève violent (pièce S-4). 

[16]        Jean-Luc Pitre s’inquiétait de la situation compte tenu des connaissances qu’il avait des élèves de la classe du plaignant au 30 juin 2012 eu égard à leur cheminement scolaire. Il s’est également questionné sur le travail de l’enseignant et les pratiques en classe. Il souhaitait pouvoir offrir un soutien à l’enseignant en faisant des ajouts ou de l’observation.  

[17]        À la rencontre du 5 octobre 2012, le témoin discutait pour la première fois de ces questions avec l’enseignant. Pour lui, le groupe n’avait pas plus de difficultés que les autres groupes aux niveaux académique et comportemental. La divergence entre les allégations publiques du Syndicat et le portrait réel de la classe du plaignant nécessitait une vérification en classe afin d’observer le comportement des élèves ainsi que le travail de l’enseignant. Il l’a dit au plaignant et lui a parlé de ses inquiétudes ajoutant qu’il devrait avoir des supervisions pédagogiques plus rapprochées ou serrées. Il ne se souvient pas des mots exacts utilisés.

[18]        Le témoin souligne qu’il observe tous les enseignants à un moment ou à un autre au cours d’une année scolaire. Il les écoutait et parfois il y allait de façon plus systématique. Pour lui, une supervision pédagogique était normale.

[19]        Le témoin a reçu un courriel du plaignant le 5 octobre 2012 à 13h39 (pièce S-9). Il n’y a pas répondu. L’enseignant rapportait ses propos en utilisant l’expression suivi pédagogique serré. Toutefois, le témoin ne se souvient pas avoir utilisé ces mots. Il a également mentionné que le témoin lui avait parlé d’une sortie publique. Or, Jean-Luc Pitre avait bien dit qu’il savait que c’était le Syndicat qui avait dénoncé publiquement la situation du plaignant.

[20]        À 16h53, le même jour, il a reçu un autre courriel du plaignant auquel il n’a pas répondu (pièce S-10). Le plaignant réitérait que le témoin avait dit qu’il avait fait une sortie médiatique alors qu’il n’en était rien. Le témoin maintient avoir dit au plaignant qu’il savait que c’était un membre de l’organisation syndicale qui avait parlé.  

[21]        La première observation dans la classe du plaignant a eu lieu vers la mi-octobre. Le témoin est entré et a observé les élèves plus minutieusement. Il voulait évaluer leur fonctionnement dans la routine. Il a constaté qu’il n’y avait aucun problème de comportement. Au niveau pédagogique, il a remarqué que l’enseignant s’adressait aux élèves en les vouvoyant. Il a été surpris. Il ne dit pas que c’est correct ou pas correct. Il ne peut dire si les élèves vouvoyaient l’enseignant. Le témoin dira que le Code de vie mentionne qu’il faut appeler les membres du personnel par Monsieur ou Madame  (avec leur prénom) et les vouvoyer (pièce S-5, page 20).  

[22]        Le témoin est demeuré en classe entre 25 et 30 minutes. Le 29 octobre 2012, il a demandé au plaignant une copie du formulaire des problèmes que devaient résoudre les élèves (pièce S-11). Le plaignant lui a transmis le document deux jours plus tard (pièce S-12). Le 31 octobre, il n’a pas formulé d’attente au plaignant pensant qu’il avait fait une erreur passagère.  

[23]        Sa deuxième observation concernait le fait que beaucoup d’élèves n’avaient pas compris le premier problème écrit. Le plaignant avait choisi une explication qui ne convenait pas pour expliquer le problème en mathématiques. Il a donc observé le plaignant au début du mois de novembre. La visite a été moins longue que la première. Il cherchait surtout à observer le travail du plaignant en français et en mathématiques, mais ce dernier a essentiellement parlé d’un projet de tour de magie . Le témoin se disait qu’il reviendrait éventuellement. Il avait tout de même été attentif aux besoins des élèves. Il n’a pas écrit au plaignant concernant sa deuxième visite en classe et le plaignant ne l’a pas questionné à ce sujet.

[24]         Il n’a pas non plus rédigé un rapport car son évaluation n’en était pas encore rendue là. Il devait retourner en classe, mais il a été absent du travail pour des raisons personnelles pendant trois à quatre semaines. Néanmoins, il souhaitait faire un rapport verbal au plaignant afin de le soutenir dans son travail tout en gardant en tête les besoins des élèves.

[25]        Aujourd’hui, le témoin nous dira qu’il ne rédige pas de rapport, mais écrit  seulement des observations.  

[26]        Le 29 novembre 2012, Jean-Luc Pitre a envoyé un courriel au plaignant expliquant qu’il aurait aimé le rencontrer pour lui faire un rapport verbal de supervision pédagogique dans la semaine du 10 décembre (pièce S-13). La  rencontre ne pouvait se tenir puisque le plaignant était libéré de ses fonctions d’enseignant pour occuper des fonctions syndicales. Le témoin le rencontrerait alors en août 2013. Finalement, le plaignant a été libéré pour l’année 2013-2014.

[27]        Le témoin n’est pas allé dans la classe lorsque Yves Laverrière remplaçait le plaignant. Éric Bégin et lui l’ont tout de même observé dans son travail. Ils n’ont pas fait de rapport à cet enseignant. Des spécialistes, en éducation physique, en art dramatique et en anglais, enseignaient au même groupe. Ils n’ont pas été observés et n’ont pas eu de visite en classe. Ils ont néanmoins eu une supervision pédagogique.

[28]        En fait, cet automne-là, Jean-Luc Pitre dira avoir évalué les groupes de tous les enseignants et de tous les spécialistes. Habituellement, pour ces derniers, il observait et écoutait les classes à partir du corridor pendant environ deux minutes. Il a fait des visites en classe pour tous les titulaires.

[29]        À l’automne 2012, il n’a fait aucun rapport de suivi pédagogique. Auparavant, il n’avait fait qu’un seul rapport verbal à un enseignant, mais aucun rapport écrit à un enseignant permanent.

[30]        Il savait que le plaignant, à ce moment-là, était un enseignant permanent, mais il ne savait pas depuis combien de temps il enseignait, probablement une quinzaine d’années. 

[31]        Jean-Luc Pitre a pris des notes de sa première observation (pièce S-14, en liasse). Il n’a pas d’autres notes manuscrites. 

[32]        Le plaignant a remis au témoin un cahier d’exercices ne contenant que quelques pages (pièce S-14, en liasse). Malgré la date de June 12, 2013 , le plaignant lui a transmis en 2012.

[33]        En contre-interrogatoire , Jean-Luc Pitre confirme qu’il dirigeait les écoles Sainte-Marie et Saint-Eugène à compter de 2012-2013. Il n’a donc pas fait le classement des élèves.

[34]        Éric Bédard est enseignant et a débuté sa carrière en 1991. Il a été libéré à temps plein pour occuper la fonction de président du Syndicat de 2003 à 2008. Il est revenu au Syndicat en 2011 pour un mandat de deux ans. 

[35]        Le Conseil des commissaires tient une séance ordinaire une fois par mois et le témoin y assistait le plus souvent possible. Si une situation problématique ne se règle pas avec les ressources humaines, il arrive que le Syndicat se présente à une séance du Conseil des commissaires.

[36]        En septembre 2012, le plaignant vivait une problématique avec la direction de son école. Un grief avait été déposé et il y avait eu un échange de courriels entre la direction et l’enseignant. Celle-ci était nouvelle et le début de l’année scolaire s’avérait difficile pour l’enseignant.  

[37]        Le plaignant avait vécu une situation problématique avec un élève qui se montrait violent verbalement et physiquement. Il avait frappé un autre élève au visage et a  également insulté une enseignante qui n’a rien fait puisque le Code de vie n’était pas encore en vigueur (pièce S-5). Le témoin a alors appris que le Code de vie adopté par le Conseil d’établissement ne serait pas mis en application avant plusieurs jours.

[38]        Le témoin dira que, plus un enfant est encadré, plus il se sent en sécurité. Il en va de même pour le personnel. Le Code de vie est une démarche vraiment nécessaire et permet aux enseignants de connaître le suivi dans les dossiers de leurs élèves. Ainsi, sans Code de vie, il est impossible de savoir si les parents des élèves sont informés ou si les avertissements sont comptabilisés.

[39]        Avec l’élève A, il fallait agir rapidement pour remédier à la situation d’autant plus que le plaignant avait un autre grief en cours en lien avec une situation d’intimidation et une suspension de deux jours. Le témoin a rencontré à plusieurs reprises le plaignant avant de dénoncer la situation. Il en a parlé avec lui probablement entre 16h00 et 19h30 le 25 septembre 2012.

[40]        Ce soir-là, le témoin s’est présenté à l’assemblée des commissaires pour raconter la situation complexe dans laquelle se trouvait le plaignant qui était présent à la rencontre. Il a expliqué qu’un élève du plaignant avait fait preuve de violence à l’endroit d’un autre élève et que le Code de vie n’était pas appliqué avant une certaine date. Il dira qu’il se questionnait sur la politique à l’égard de la violence et sur le respect par l’établissement scolaire de cette politique. La Loi 56 pour contrer la violence et l’intimidation à l’école rend imputable les directions d’école. Personne ne peut y déroger et son application doit être mise en pratique; le Code de vie devait donc s’appliquer dès le début des classes.  

[41]        Le témoin n’a pas obtenu de réponse à son intervention; les commissaires se sont contentés d’écouter sans réagir. Un journaliste de La voix de l’Est était présent dans la salle. Ce dernier a abordé le témoin pour lui demander une entrevue; il a accepté. Ses propos ont été rapportés dans le journal (pièce S-4). Le témoin dira que tout ce qu’il a dit n’a pas été rapporté. Il espérait que la pression médiatique fasse avancer le dossier et que le problème se règle. Il mentionne que les journalistes jouent un certain rôle dans la démocratie et que la population avait droit à des réponses.  

[42]        Après la publication de l’article dans le journal, le plaignant disait que la direction de l’école avait réagi en lui imposant un suivi pédagogique serré. Pour le témoin, il s’agissait là d’une mesure de représailles. Il a convaincu le plaignant, qui ne voulait pas vraiment, de contester la réaction de l’Employeur.

[43]        Pour le témoin, un suivi pédagogique serré est mis en place quand un enseignant a des manquements au niveau de ses attitudes, de son comportement ou de ses compétences ou en présence d’une problématique avec un enseignant. Il peut compter sur les doigts d’une main le nombre de suivis pédagogiques qu’il a connus. Il ne se souvient que de deux cas.

[44]        En contre-interrogatoire , Éric Bédard explique que le Conseil d’établissement est composé de 20 membres tout au plus dont la moitié d’entre eux sont des parents d’élèves. Le président du Conseil doit absolument être un parent et son vote est prépondérant.

[45]        Le témoin n’était pas présent lors des discussions entre le plaignant et Jean-Luc Pitre. Tout ce qu’il en sait lui a été rapporté par le plaignant.

[46]        Il ne fait pas de distinction entre suivi pédagogique et supervision pédagogique.  

[47]        Il a donné une entrevue au journaliste Pascal Faucher le 25 septembre 2012 et à Benoit Dutrisac le lendemain à son émission radiophonique en direct. Il ne se souvient plus s’il a dit à ce dernier que la majorité des élèves du groupe du plaignant était des cas lourds, mais il est certain l’avoir dit aux commissaires.

[48]        Martin Laboissonnière , le plaignant, enseigne depuis 20 ans. Il travaille à l’école Saint-Eugène depuis janvier 1997. De 1997 à 2012, il a enseigné aux élèves de sixième année. En 2012-2013, il a obtenu une classe de quatrième année pour la première fois, par choix personnel.  

[49]        Présentement, il travaille à la deuxième direction du Syndicat et est le représentant des enseignants au préscolaire et au primaire. Il avait déjà travaillé au Syndicat de 2004 à 2008. Il était alors vice-président. En 2008-2009, il est retourné à l’enseignement jusqu’au 3 décembre 2012. À l’automne 2012, Éric Bédard a demandé si une personne était intéressée à être libérée pour travailler au Syndicat, mais aucune personne ne l’était. Le Syndicat lui a alors demandé d’accepter la fonction jusqu’à la fin de l’année scolaire; le plaignant a accepté. Il était déjà deuxième directeur depuis septembre mais là, il était libéré à temps plein.  

[50]        En 2012-2013, le plaignant enseignait pour la première fois à l’élève A. Celui-ci se démarquait des autres élèves par son comportement en dehors de la classe. À la fin du mois d’août 2012, l’élève s’est battu et a brisé ses lunettes; il a aussi envoyé promener une enseignante et a giflé une autre élève qui en a été bouleversée. Pour le plaignant, ces infractions étaient majeures. Elles ne survenaient pas en classe sauf lorsque le plaignant s’absentait et qu’il était remplacé par un suppléant.  

[51]          Le plaignant explique qu’il existe un système de fiches mineures et majeures pour noter les écarts de conduite d’un élève. Cependant, le 7 septembre 2012, le plaignant a reçu, comme tout le personnel, un courriel d’Éric Bégin l’informant que ce système ne serait en vigueur qu’à partir du 18 septembre et, qu’entretemps, des fiches d’avertissement pouvaient être complétées (pièce S-6).

[52]        Le plaignant comprenait que seules des fiches d’avertissement pouvaient être utilisées entre le 10 et le 18 septembre 2012. Il n’avait jamais vu une telle situation auparavant. Il se questionnait aussi puisqu’il n’était nullement question de fiches d’avertissement dans le Code de vie. Il n’avait pas non plus vu de formulaires pour ces fiches. Il a discuté de la situation avec ses collègues qui ne comprenaient pas pourquoi le système de fiches n’était pas en vigueur avant le 18 septembre. Les années scolaires précédentes, les fiches majeures et mineures étaient applicables dès la rentrée scolaire.

[53]        L’élève A était violent depuis le début de l’année scolaire. Il aurait mérité trois fiches majeures et des sanctions. Selon le Code de vie, après une fiche majeure, un élève perd une récréation prolongée et, après trois fiches majeures, il est suspendu pour une journée. D’autres sanctions peuvent être données si d’autres infractions sont constatées.

[54]        Selon le plaignant, il devait manquer des informations à la responsable des horaires pour confectionner les horaires des périodes de retenues ayant ainsi pour conséquence un retard dans l’application du Code de vie. Cette année-là, l’enseignante d’anglais s’occupait de préparer le calendrier de surveillance des retenues. Celles-ci ont commencé le 20 septembre 2012 (pièce S-16). Sur le calendrier, on constate que les fiches du 17, du 18 et du 19 septembre 2012 devaient être prises en considération. Le plaignant dira que les gens ne savaient plus si les fiches commençaient le 17 ou le 18 septembre. Les années précédentes, les fiches étaient données dès le début des classes.

[55]        Le plaignant se trouvait donc dans une situation particulière avec l’élève A n’ayant aucun moyen de le sanctionner. Il lui a néanmoins parlé pendant plus de dix minutes. L’enseignante qui avait été insultée a choisi de ne rien faire compte tenu que les fiches n’étaient pas encore actives. Le jeune n’a donc pas été sanctionné.

[56]        Le plaignant a parlé à Éric Bégin dans le corridor de la gifle donnée par le jeune A, la troisième infraction majeure depuis le début de l’année. Ce dernier a répondu qu’il discuterait avec l’élève. Finalement, la seule sanction qu’il a eue a été d’être accompagné par un adulte dans la cour d’école. En conclusion, l’école ne faisait rien.  

[57]        Il y a normalement une gradation des sanctions avec les fiches. Une première fiche entraîne une perte de récréation ainsi qu’une retenue. À la deuxième fiche, l’élève perd sa récréation et sa récompense et a une retenue. Lors de la troisième fiche, l’élève doit rencontrer la direction, perd sa récréation et est suspendu (pièce S-15).

[58]        Le plaignant a décidé d’informer le Syndicat de la situation se disant qu’il ne pouvait rien faire tant et aussi longtemps qu’il n’était pas rendu au 18 septembre 2012. Ainsi, le 25 septembre suivant, il a raconté les événements à Éric Bédard. Il a été convenu que ce dernier ferait une allocution devant le Conseil des commissaires pour dénoncer la situation. Le plaignant a assisté à la rencontre et l’intervention d’Éric Bédard est fidèle à ce qu’il a dit en témoignage.  

[59]        Le plaignant a vu l’article paru dans la Voix de l’Est probablement chez ses parents qui sont abonnés au journal (pièce S-4).

[60]        Le 28 septembre suivant, le plaignant recevait une lettre signée par le directeur et le directeur adjoint qui exprimaient leurs attentes (pièce S-7). Il n’était pas question du Code de vie, mais plutôt des activités éducatives et du pourcentage de sa tâche. L’Employeur lui reprochait d’avoir refusé de chercher du temps de rencontre convenable pour discuter de son pourcentage de tâche. C’est tout à fait faux, mous dira le plaignant. Jean-Luc Pitre lui avait proposé une journée, un jeudi, pour se rencontrer alors qu’il ne travaillait pas ce jour-là. Le plaignant ajoute ne jamais avoir refusé de rencontre.  

[61]        Le 2 octobre 2012, le plaignant a échangé des courriels avec Jean-Luc Pitre (pièce S-8, en liasse). Une rencontre fut fixée pour le 5 octobre.  

[62]        Au cours de la rencontre, ils ont discuté de sa tâche afin qu’elle se rapproche de 80 %. Il a également été question du tableau des activités éducatives. Le plaignant a accepté de lui envoyer. À un certain moment, Jean-Luc Pitre a sorti un document sur les élèves de troisième année. Il ne semblait pas heureux disant, qu’à la suite de sa sortie médiatique, il devait assurer un suivi pédagogique serré auprès de lui.

[63]        Le plaignant était surpris car il ne devait pas être question de cette affaire durant la rencontre. Il a répondu qu’il n’avait fait aucune sortie médiatique. Le directeur a ajouté qu’il savait qu’il n’avait pas fait une telle sortie, mais que l’organisation syndicale l’avait faite. Le plaignant a demandé en quoi consisterait un suivi serré et s’il était le seul à en avoir un. Le directeur dira qu’il pouvait aller en classe; le plaignant le savait et a demandé un écrit confirmant le suivi serré sous prétexte qu’il aurait fait une sortie médiatique.

[64]        Jusqu’alors, son dossier était vierge. Il n’avait jamais reçu le moindre reproche à propos de son enseignement.

[65]        Plus tard, à son retour à l’école, le plaignant a rédigé un résumé de la rencontre et l’a transmis à Jean-Luc Pitre (pièce S-9). Des citations sont inscrites à la fin de son courriel. En 2012-2013, le plaignant explique avoir demandé à un collègue comment inscrire des citations automatiquement à la fin de tous ses courriels. Ainsi, ils sont toujours présents. Plusieurs de ses collègues inscrivent également des citations différentes à la fin de leurs courriels.

[66]        Les citations du plaignant inscrites à la fin du courriel du 5 octobre 2012 se lisent ainsi (pièce S-9) :

[…]

La majorité a toujours tort. Parce qu’elle est composée d’imbéciles. La minorité est aussi composée d’imbéciles. Mais ils sont moins nombreux. (Léo Campion)

Les grands esprits ont toujours rencontré une opposition farouche des esprits médiocres. (Albert Einstein)  

[…]

[67]        Un peu avant 17h00 ce 5 octobre 2012, le plaignant a envoyé un autre courriel au directeur pour réitérer qu’il n’avait fait aucune sortie médiatique (pièce S-10). Il ne l’avait pas écrit dans son précédent courriel.

[68]        Après le 5 octobre 2012, le plaignant était stressé et nerveux en se présentant au travail.

[69]        Le mardi 23 octobre, Jean-Luc Pitre s’est présenté dans sa classe sans s’annoncer. Les élèves se demandaient qui il était, puisque le directeur était présent à l’école seulement une journée par semaine, habituellement le jeudi. Il s’agissait de la première supervision dans sa classe depuis janvier 1997 alors qu’il arrivait à cette école. La direction l’observait seulement quand il y avait un projet spécial car elle voulait vérifier la réaction des élèves. Le directeur est demeuré en classe entre 20 et 25 minutes. Le plaignant enseignait alors un raisonnement mathématique. Il n’a pas eu de retour sur cette observation. Le directeur lui a seulement demandé une copie des exercices faits avec les élèves; il a répondu à sa demande (pièces S-11 et S-12).

[70]        Le 8 novembre suivant, le directeur s’est à nouveau présenté dans sa classe sans avertir préalablement et sans saluer les élèves. Le plaignant débutait une activité de lecture. Par la suite, il devait y avoir un projet de tour de magie. Il a invité le directeur à se joindre à eux, mais ce dernier a décidé de quitter après dix minutes. Son départ s’est fait aussi glacial que son arrivée, sans salutation.

[71]        Après le 8 novembre, le plaignant était préoccupé par la situation. L’Employeur lui disait qu’il aurait un suivi pédagogique serré et il ne se passait rien. Il en a parlé au Syndicat.

[72]        Le 29 novembre, le directeur lui écrivait qu’il aurait souhaité poursuivre le suivi en décembre, mais que son départ au Syndicat l’en empêchait. Il continuerait le suivi au mois d’août 2013 (pièce S-13).  

[73]        Aucun autre enseignant de l’école Saint-Eugène n’a eu de suivi pédagogique à partir du 5 octobre 2012.

[74]        En contre-interrogatoire , le plaignant confirme qu’il était présent lors de la séance du Conseil des commissaires lorsqu’Éric Bédard a parlé de sa situation. Il croit que ce dernier a dit que sa classe comprenait la moitié de cas lourds; il était mal à l’aise avec cette expression. Le plaignant nous dira avoir plutôt parlé à Éric Bédard de particularités chez certains de ses élèves. Ces élèves ayant des difficultés alourdissaient sa tâche. Il trouvait sa classe moins bien équilibrée que les autres. Il avait des élèves de troisième et de quatrième années. Il y avait des élèves doués et des élèves ayant des difficultés. L’année précédente, il avait eu une de ses plus belles classes en carrière. Pourtant, il y avait plusieurs élèves avec des particularités.

[75]        Il ne se souvient pas avoir écouté l’émission radiophonique de Benoit Dutrisac au cours de laquelle le président du Syndicat a été interviewé.

[76]        Jean-Luc Pitre était directeur de l’école Saint-Eugène lors de l’année scolaire 2012-2013. Comme celui-ci n’était présent à l’école qu’une journée par semaine, le plaignant se référait surtout à Éric Bégin, directeur adjoint, présent quatre jours par semaine. Il transmettait ses courriels à ce dernier et mettait le directeur en copie conforme.

[77]        Le 7 septembre 2012, le plaignant a reçu un courriel d’Éric Bégin dans lequel ce dernier écrivait que seules des fiches d’avertissement pouvaient être données aux élèves jusqu’au 18 septembre (pièce S-6). Il entendait parler de fiches d’avertissement pour la première fois. Elles n’existaient pas dans le Code de vie et il n’a pas demandé où elles se trouvaient.

[78]        Il n’a pas discuté de la situation avec Éric Bégin. Pour le plaignant, il s’agissait d’une décision de la direction et il ne devait pas la contester. Il l’avait compris quand il s’était fait apostropher par le directeur en début d’année après avoir posé des questions qui étaient légitimes. Par contre, il en a parlé avec ses collègues qui pensaient comme lui. Ils avaient tous compris qu’ils n’étaient que des exécutants et que les fiches d’avertissement ne valaient rien.

[79]        Entre le début de l’année scolaire et le 5 octobre 2012, le plaignant n’a pas discuté des particularités de ses élèves avec Éric Bégin ni ne lui a demandé où se trouvaient les fiches d’avertissement. Ce dernier se référait toujours au directeur.  

[80]        Pour le plaignant, la situation avec l’élève A était une injustice puisque trois fiches majeures auraient dû lui être décernées. Il a avisé Éric Bégin du comportement du jeune et le directeur adjoint a répondu qu’il s’occuperait du dossier. La direction avait l’autorité pour sanctionner l’élève par une suspension. Il est possible que le jeune ait été suspendu à l‘interne le 31 août, mais cette sanction n’existait pas dans le Code de vie. De plus, Éric Bégin a décidé d’imposer un accompagnement constant à l’élève lors des récréations. Le plaignant doute qu’il s’agissait d’une vraie mesure disciplinaire. Il n’est pas certain que l’élève ait toujours été accompagné d’un enseignant. Il n’a pas vérifié.

[81]        Le plaignant a parlé à la psychologue et à l’orthophoniste de l’école. Il était habituel de discuter des élèves avec eux. C’est avec ces derniers qu’il a constaté le nombre élevé d’élèves ayant des particularités. Ce n’était pas nécessairement trop lourd pour un seul enseignant, mais il aurait été souhaitable d’avoir davantage d’aide.

[82]        Il a discuté avec Éric Bédard du fait que la moitié de ses élèves avaient des particularités et que l’élève A aurait dû obtenir trois fiches disciplinaires pour son comportement. Ce cas était le plus préoccupant. Il lui a également parlé des problématiques entourant ses activités éducatives et sa tâche d’enseignant.

[83]        Le plaignant ne trouvait pas les services de soutien inadéquats ni que ses élèves devraient être rencontrés éventuellement, mais il sentait que des ajustements seraient nécessaires. Il reprochait à la direction son inaction à l’égard de l’élève A qui avait des problèmes de comportement. Il ne dit pas que la direction ne faisait pas son travail, mais il n’appréciait pas la situation car le Code de vie n’était pas appliqué.

[84]        Le 5 octobre, lors de sa rencontre avec le directeur, il n’a pas réussi à parler de sa classe et des cas difficiles. Le directeur avait un non verbal qui n’invitait pas à la discussion. Le ton de sa voix était correct, mais il parlait avec intensité et presque intimidation. Le directeur a mentionné la discordance entre les allégations du Syndicat et la situation réelle des cas dans sa classe ajoutant, qu’à la suite de sa sortie médiatique, il aurait un suivi pédagogique serré et qu’il irait l’observer dans sa classe. Le plaignant sentait qu’il ne pouvait s’y opposer ou négocier. Il n’a donc rien dit.

[85]        Le directeur a sorti un document comprenant les notes des élèves du plaignant de l’année précédente pour démontrer ses propos. Il s’agissait d’un document similaire à la Liste à carreaux déposé devant le Tribunal (pièce E-1).

[86]        Pour le plaignant, plusieurs de ses élèves présentaient des particularités. SC a repris son année scolaire et son père n’avait pas apprécié. Il éprouvait des difficultés avec l’autorité et niait constamment. CC avait des difficultés académiques, évitait souvent de faire les travaux et jouait au clown. MF placotait beaucoup. MGJ devait consulter un psychologue. L’élève ne dérangeait pas en classe, mais était rapidement désorganisé si personne ne s’en occupait. ZHF avait le code de difficultés 12, mais il agissait correctement en classe. NJ était un élève qui ne disait pas toujours la vérité et inventait des histoires. JP avait un profil de trouble envahissant du développement établi par la psychologue que la mère refusait d’admettre. DP ne dérangeait pas le groupe, mais partait facilement dans son monde et avait des difficultés académiques. BP vivait des conflits avec un autre élève. JR était un clown. YSP travaillait à la va-vite. AV vivait dans un milieu familial éclaté et éprouvait des difficultés académiques, sociales et affectives. Il était nouveau à cette école. Pour le plaignant, les particularités n’avaient pas nécessairement de lien avec les résultats scolaires.

[87]        Ce 5 octobre, ils n’ont pas discuté des particularités des élèves de sa classe. Le plaignant n’en a pas eu la possibilité. Il sentait qu’il ne pouvait pas dire ce qu’il voulait. Il a toutefois réussi à demander un document écrit sur la supervision et s’il était le seul enseignant à avoir un suivi serré. Il dira qu’il aurait aimé que le directeur lui parle de la situation tout bonnement. Il aurait souhaité la présence d’Éric Bédard, mais ce dernier n’y était pas. Il lui en a parlé plus tard. Le plaignant dira que, dès la première rencontre avec le directeur, celui-ci l’a interpellé de façon cavalière. Il ne lui a pas dit que ce n’était pas nécessaire de venir l’observer en classe. Il a senti que ce n’était ni discutable ni négociable. Son groupe comprenait 19 élèves dont neuf avaient des difficultés.

[88]        La convention collective comprend une procédure pour demander du soutien. Le plaignant ne la connaissait que très peu avant le 3 décembre 2012. Avant cette date, la direction suggérait plutôt le Comité conseil. Le plaignant savait que le cheminement par ce comité était long et menait à peu de chose.  Après le 3 décembre 2012, il a fait une petite recherche et réalisé que la direction n’était pas contente quand elle recevait une demande via ce comité. Il n’a donc pas complété de formulaire pour demander de l’aide. 

[89]        Le 5 octobre 2012, le plaignant s’est bien rendu au secrétariat de l’école pour signaler sa présence ajoutant que cette procédure était affichée sur la porte des visiteurs. Le plaignant se considérait comme un visiteur puisqu’il n’avait pas mis les pieds dans cette école depuis 2006-2007. Il a donc suivi la procédure. Jean-Luc Pitre l’a vu, mais ne l’a pas salué. Ce dernier ne l’a pas plus salué en audience devant le présent Tribunal.  

[90]        Dans sa première communication aux parents, avant le 15 octobre 2012, le plaignant a évalué ses élèves (pièce E-2, en liasse). Comme l’année scolaire débutait, il a noté un peu à la hausse. Pour lui, cette évaluation était davantage en lien avec les apprentissages en classe puisqu’il y avait le système de fiches pour l’extérieur de la classe. Ainsi, à SC, il aurait pu indiquer que ce dernier respectait plus ou moins les autres puisqu’il pinçait ses camarades et vivait des conflits avec eux. La situation ne nécessitait pas qu’il en avise la direction. Pour l’élève A, il a indiqué qu’il respectait plus ou moins les autres. En classe, son comportement était adéquat alors, qu’à l’extérieur, il avait giflé une camarade et insulté une enseignante. L’élève a coché qu’il ne respectait pas les autres. JP avait plus ou moins la capacité à s’organiser seule, selon le plaignant, mais elle agissait correctement en classe. Elle parlait sur le bout de la langue, mais les autres élèves l’acceptaient.  

[91]        Le 23 octobre 2012, le directeur s’est présenté dans sa classe pour l’observer (pièce S-14). Il a dit en témoignage devant ce Tribunal qu’il n’avait pas constaté de problèmes particuliers. Il a néanmoins mentionné qu’il avait été surpris de constater que le plaignant vouvoyait ses élèves quand il s’adressait à l’ensemble du groupe. Le plaignant admet qu’il vouvoyait ses élèves quand il parlait à son groupe et même, parfois, seul à seul avec eux pour rire. Les élèves trouvaient cela drôle. Habituellement, il les tutoyait. Au quotidien, le plaignant n’a jamais entendu la direction vouvoyer les élèves en s’adressant à l’ensemble d’eux. Le plaignant se considère être de la vieille école  et préfère se faire appeler monsieur Laboissonnière plutôt que monsieur Martin.

[92]        Le directeur a aussi parlé dans son témoignage d’un exercice de mathématiques effectué durant l’observation du 23 octobre 2012 (pièce S-14). Il a ajouté un dessin qui serait, selon lui, du plaignant. Or, dira ce dernier, il ne reconnaît pas le dessin. Le plaignant considère qu’il y a une erreur monumentale dans le dessin. Il ajoute que, s’il avait vraiment fait cette erreur, elle serait due à la présence du directeur et au stress que cela a occasionné. Il y avait par contre plus d’une solution au problème. S’il y avait une erreur, il aurait aimé le savoir.

[93]        Pour l’année 2012-2013, Monique Laflamme, enseignante en anglais, a été mandatée par la direction pour s’occuper de l’application du Code de vie.  L’enseignante a été embauchée vers les années 2000. Elle siégeait sur le comité responsable du Code de vie. Le plaignant l’a appris au début du mois de septembre 2012.

[94]        Quand il a reçu le courriel du directeur adjoint du 7 septembre 2012 (pièce S-6), le plaignant n’a pas questionné Monique Laflamme à ce sujet puisqu’elle était une collègue. Il lui a écrit pour la féliciter d’avoir obtenu un allègement de sa tâche vu ses responsabilités. On lui avait également retiré son temps de surveillance et les retenues.

[95]        Par contre, il a questionné Éric Bégin sur le temps alloué à la tâche de sa collègue pour être responsable du Code de vie. Il lui a demandé si son temps sur des comités pouvait également être considéré dans sa tâche. Le directeur adjoint a refusé. Le plaignant en avait également discuté avec le directeur se disant que ce qui est bon pour pitou est bon pour minou . Quand il a connu les responsabilités de sa collègue, la situation ne l’irritait plus. Habituellement, en début d’année, le nom du responsable du comité n’est pas indiqué. Il n’y a que le nom des personnes siégeant sur le comité.

[96]        Le calendrier des retenues démontre que celles-ci ont été imposées à la suite de fiches données le 17, le 18 et le 19 septembre 2012 (pièce S-16) mais, ajoute le plaignant, les retenues n’ont commencé que le 20 septembre. L’enseignant n’en avait pas encore données à l’un de ses élèves. Il voit une contradiction entre le courriel d’Éric Bégin, qui prévoit que la comptabilisation débutera le 18 septembre  (pièce S-6) et le calendrier des retenues (pièce S-16). Ses collègues et lui ont compris que les fiches commençaient finalement le 17 septembre 2012 puisqu’il s’agissait d’un lundi alors que le 18 septembre était un mardi.

[97]        Quand l’élève A a insulté l’une de ses collègues, le plaignant a demandé à cette dernière si elle avait donné une fiche majeure à l’élève. Elle a répondu qu’elle pouvait uniquement remettre une fiche d’avertissement, ce qui équivalait à ne rien donner. Ainsi, malgré son comportement, ce jeune n’a reçu aucune fiche majeure. Le plaignant n’est pas allé en discuter avec le directeur adjoint, la consigne était claire. 

[98]        Le plaignant marchait sur des oeufs depuis le début de l’année scolaire. Il ne pense pas avoir refusé de serrer la main du directeur. Il se souvient qu’en début d’année scolaire, le directeur était entré dans sa classe pour lui donner la main. Il lui a demandé s’il allait agir de la sorte à tous les matins. Il s’agissait d’une première pour lui.

[99]        Le plaignant n’a pas écouté l’émission radiophonique de Benoit Dutrisac durant laquelle ce dernier s’est entretenu avec Éric Bédard.

[100]     Réinterrogé , le plaignant affirme avoir dit à Éric Bédard que la moitié de ses élèves avaient des particularités.

[101]     Il n’a pas rencontré Éric Bégin pour discuter des élèves ayant des troubles comportementaux, mais pour échanger sur leurs problèmes didactiques. Cependant, ils ont eu quelques conversations  de corridor sur le comportement de ses élèves. Pour lui, une rencontre vient d’une demande de la direction. Le plaignant a parlé de l’élève A, lors d’une discussion de corridor , à au moins une reprise vers le 10 ou le 11 septembre 2012.  

[102]     Le directeur lui a laissé une copie de la liste à carreaux lors de la rencontre du 5 octobre 2012 (pièce E-1). Lors de celle-ci, il n’a jamais été question des résultats académiques de ses élèves.

[103]     Lorsqu’un élève reçoit une fiche de comportement mineure, une copie blanche est déposée dans la salle des professeurs et une rose est agrafée dans le cahier de l’élève. La procédure est la-même pour une fiche majeure, mais l’élève doit également rencontrer la direction et une retenue est fixée par celle-ci.

[104]     Monique Laflamme s’occupait de consigner et de comptabiliser les fiches pour déterminer les récompenses. L’émetteur de la fiche devait la déposer dans son pigeonnier ou lui remettre directement.

[105]     Les parents sont informés de la présence d’une fiche majeure via le Code de vie et ils signent le document.

La preuve de l’Employeur

[106]     Éric Bégin a obtenu un baccalauréat en 2003 en éducation physique.  Il a commencé sa carrière en enseignant les mathématiques et les sciences en première secondaire à l’école Jean-Jacques Bertrand. Il a enseigné différentes matières scolaires à différents niveaux pour l’Employeur. Après huit ans à l’école Jean-Jacques Bertrand, il a obtenu un poste de directeur adjoint à Granby. Puis, en 2012-2013, il a conservé les mêmes fonctions, mais aux écoles Sainte-Marie et Saint-Eugène.

[107]     À l’école Saint-Eugène, il travaillait quatre jours par semaine et s’occupait des dossiers quotidiens. Le directeur gérait surtout l’école Sainte-Marie, mais il était responsable du budget pour les deux écoles.

[108]     Depuis, le témoin a fait un retour à l’enseignement car cette profession lui manquait. Il n’était pas rendu à l’étape d’être gestionnaire jusqu’à la fin de sa carrière.

[109]     Son premier contact avec le plaignant est survenu à l’assemblée générale lors de la deuxième journée pédagogique. Éric Bégin a trouvé que le plaignant cherchait des bibittes dans les propos du directeur. Le plaignant levait la main de manière à ce qu’on comprenne qu’il exigeait d’avoir la parole et non comme s’il aimerait avoir la parole.

[110]     Le plaignant est intervenu lorsque la question du temps alloué aux spécialistes a été abordée et la question des bulletins de fin d’année transmis aux parents par les élèves plutôt que par la poste. Sur ce dernier point, le directeur a demandé de suggérer des solutions, mais comme il n’y a pas eu de consensus, il a décidé de conserver la même méthode d’envoi.

[111]     Des discussions qui auraient dû prendre dix minutes prenaient beaucoup de temps avec le plaignant. Certains enseignants ont réagi comme le témoin. Ils levaient les yeux chaque fois que le plaignant prenait la parole. Le directeur s’est d’abord montré très cordial, mais il a dû gérer le temps puisque les discussions tournaient en rond. Il n’y a pas eu de réaction positive ou négative des enseignants à la suite de ces interventions.

[112]     En 2012-2013, Jean-Luc Pitre et Éric Bégin arrivaient en poste dans de nouvelles écoles pour eux. Le témoin a questionné Monique Laflamme sur le fonctionnement du Code de vie. Elle s’occupait de la comptabilisation des fiches, de l’horaire des retenues et de l’horaire de la surveillance dans la cour d’école. Elle le connaissait donc bien (pièce S-5). Elle lui a expliqué le fonctionnement ainsi que la comptabilisation des fiches mineures et majeures (pièce S-15). Elle disait que, en début d’année scolaire, la comptabilisation des fiches était inactive. Des fiches d’avertissement étaient plutôt remises aux élèves. Il s’agissait d’une période d’adaptation. On lui a dit que c’était ainsi par le passé.

[113]     À partir des renseignements obtenus de Monique Laflamme, Éric Bégin a rédigé un courriel indiquant que la comptabilisation des fiches ne se ferait qu’à compter du 18 septembre 2012 et que des fiches d’avertissement pouvaient être données aux élèves à partir du 10 septembre (pièce S-6). Avant de l’envoyer, il le fait lire à Monique Laflamme qui lui dira que le courriel était correct.

[114]     Avant le 10 septembre, des fiches ont été données à des élèves, mais leur comptabilisation n’a commencé que le 18 septembre. Les enseignants devaient s’occuper de la discipline en premier lieu et, en cas de problèmes, les élèves étaient envoyés à son bureau. Des sanctions ont été données avant le 10 septembre à certains élèves.

[115]     Quand un élève recevait une fiche d’avertissement, il devait la faire signer par ses parents. Une fiche d’avertissement était la même qu’une fiche inscrite au cahier de l’élève, mais elle n’était pas comptabilisée. Cette expression fiche d’avertissement  provenait de sa discussion avec Monique Laflamme parce qu’il ne connaissait pas la culture du milieu. Aucun enseignant n’est venu le questionner à l’effet qu’il ne comprenait pas ce qu’était une fiche d’avertissement. Il n’a pas eu connaissance que quelqu’un ne comprenait pas son courriel du 7 septembre et n’a pas eu de commentaire.  

[116]     Des fiches ont été remplies avant le 18 septembre 2012, mais il ne sait pas combien. Il en a rempli quelques-unes lui-même.

[117]     Dans le calendrier des retenues, des fiches ont été comptabilisées le 17 septembre 2012 alors que ce système n’était en branle qu’à compter du 18 septembre (pièce S-16). Il s’agissait d’une erreur. Seule les fiches du 18 et du 19 septembre ont été prises en compte pour les retenues du 20 septembre. Aucun membre du personnel ne s’est plaint de la situation.

[118]     L’école Saint-Eugène vivait des problématiques dans sa cour. Lors de la première ou deuxième journée de classe, deux élèves se sont échangés des coups de poings. L’un de ses élèves était l’élève A. Les lunettes de ce dernier ont été cassées au cours de l’altercation et Manon Huot, enseignante, a mené les deux élèves à son bureau. Le témoin les a rencontrés individuellement pour mieux comprendre la situation. Il les a sortis de leurs cours comme suspension à l’interne.

[119]     Le témoin a téléphoné à leur domicile afin d’expliquer l’incident à leurs parents. Il a laissé des messages. Il a réussi à parler à la mère de l’élève A plus tard. Il a également parlé au psychoéducateur afin de mieux comprendre cet élève. Il a surtout été question de son comportement dans la cour de l’école. Ils ont fait un historique et un portrait familial et préciser aussi l’implication du psychoéducateur.

[120]     L’élève A devait être suivi par un enseignant pendant deux jours lorsqu’il se trouvait dans la cour d’école ainsi que par le surveillant le midi. Éric Bégin informait habituellement l’équipe de surveillance des nouvelles modalités concernant un élève. Il ne sait pas si cette surveillance accrue a été respectée. Personne ne l’a avisé d’une quelconque difficulté à appliquer la mesure. Pour certain il s’agissait d’une sanction efficace pour d’autres moins.

[121]     En début d’année, Jean-Luc Pitre a ajouté un enseignant au local d’accueil pour les élèves qui doivent décompresser.

[122]     Éric Bégin sait que l’élève A a giflé une camarade de classe. Il ne peut affirmer que cet incident est survenu avant le 25 septembre 2012. L’élève a aussi insulté une enseignante. Cet incident lui a été rapporté une semaine plus tard; l’événement est survenu dans les premiers mois de l’année scolaire. Il en a discuté avec l’enseignante concernée qui lui dira que c’était du passé.

[123]     Le plaignant l’a déjà interpellé une fois dans le corridor pour discuter de la situation avec l’élève A. Il disait qu’il ne savait pas comment agir avec lui à la suite d’un incident survenu dans la cour de l’école. Le témoin a décidé de rencontrer l’élève et de communiquer avec le psychoéducateur qui suivait le jeune.  

[124]     En octobre 2012, Éric Bégin a également rencontré le plaignant au sujet de l’élève A lorsque ce dernier s’était désorganisé. Il voulait échanger sur le plan d’intervention du jeune.

[125]     Une suppléante a remplacé le plaignant dans sa classe. Durant cette période, l’élève A a fait trois choses qui auraient mérité des fiches, mais la suppléante ne connaissait pas suffisamment bien le système de fiches.

[126]     Le plaignant a donné trois fiches majeures à son élève ce qui auraient dû avoir comme conséquence une suspension. Le témoin considérait que c’était exagéré cette situation en fin de période décidant alors de ne comptabiliser qu’une seule fiche. Le plaignant a manifesté son insatisfaction et il y a eu un échange d’une quinzaine de courriels entre le plaignant et lui.

[127]     Lors de leur rencontre un à un, le plaignant s’est montré cordial et poli. Il vouvoyait le directeur adjoint. Il était néanmoins bien préparé et s’en tenait à son discours. Il a précisé que ses interventions n’étaient pas dirigées personnellement contre lui, mais il tenait à ce que la convention collective soit respectée. Il voulait que sa relation avec la nouvelle direction soit aussi bonne que celle qu’il entretenait avec la précédente.

[128]     Éric Bégin s’est également entretenu avec le plaignant de façon informelle. L’enseignant s’est déjà présenté à son bureau pour discuter de la tâche de Monique Laflamme eu égard aux périodes reconnues pour ses responsabilités concernant l’application du Code de vie. Le plaignant n’avait pas de demande particulière à cet égard.

[129]     Avant le 15 octobre 2012, les premières communications ont été envoyées aux parents des élèves (pièce E-2). Il s’agissait d’un portrait de chacun d’eux. Personne n’a demandé à Éric Bégin si les huit questions du document portaient uniquement sur le comportement en classe. Pour le témoin, les questions visaient le comportement de l’élève en classe et à l’extérieur de la classe. 

[130]     Habituellement, pour l’assignation aux comités, la direction indiquait le nom des différents comités et les enseignants inscrivaient leur nom pour être membres des comités qui les intéressaient. Si trop d’enseignants choisissaient un même comité, la direction en discutait avec les enseignants afin de trouver une solution.

[131]     En 2012-2013, parmi les 22 ou 23 enseignants, un seul enseignant n’avait pas inscrit son nom; c’était le plaignant. Éric Bégin lui a envoyé un courriel pour l’aviser qu’il avait omis d’inscrire son nom à un comité. Le plaignant lui a répondu qu’il revenait à la direction d’assigner les enseignants aux différents comités.

[132]     Le directeur adjoint en a parlé avec le directeur et ils ont convenu d’assigner le plaignant sur le Comité paritaire qui concernait les élèves handicapés et ayant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage. Ils savaient que ce dernier avait de l’intérêt pour ces élèves. Le plaignant lui a transmis un  courriel pour l’informer qu’il ne pouvait l’y assigner puisqu’il revenait au Centre de la petite enfance (CPE) de  désigner les enseignants et qu’il y avait déjà deux enseignants inscrits. Le plaignant ne proposait rien. Finalement, après discussion, la direction a décidé de l’assigner au Comité sur le Code de vie. Le plaignant a accepté.

[133]     Le 26 septembre 2012, un article de journal rapportait une situation problématique à l’école Saint-Eugène (pièce S-4). Éric Bégin comprenait qu’il était question de l’élève A. Pour lui, les propos rapportés étaient inexacts. La direction n’a pas refusé de sévir puisque l’élève avait déjà été sanctionné. Le plaignant ne l’a jamais questionné sur l’application du Code de vie alors, ajoute le témoin, l’enseignant ne peut prétendre qu’il ne sait pas sur quel pied danser .

[134]     Il a aussi été question de la situation du plaignant à l’émission radiophonique de Benoit Dutrisac. Selon les propos de l’animateur, l’enseignant avait une classe très difficile puisque la majorité des élèves étaient en grande difficulté et que la direction ne faisait rien.  

[135]     Éric Bégin connaissait la classe du plaignant comme celle des autres enseignants. Il s’est senti trahi et attaqué personnellement par ces propos. Pour lui, l’équipe-école doit travailler conjointement pour le bien des élèves. Il trouvait déplacé qu’on passe par le Syndicat pour régler le problème. Selon lui, des étapes avaient été sautées pour faire mal paraître la direction. De plus, la direction ne faisait pas la même lecture de la classe du plaignant à l’effet que plus de la moitié des ses élèves avaient des difficultés.

[136]     Pour Éric Bégin, les propos tenus dans le journal n’avaient pas de lien avec la tâche du plaignant.

[137]     À la fin de la journée, le témoin s’est promené sur les étages et cinq ou six enseignants lui ont demandé comment il se sentait. Ils étaient tannés que leur école soit citée sur la place publique de façon négative.

[138]     Le témoin ne sait pas si les parents de la jeune fille giflée par l’élève A ont été contactés mais, habituellement en pareille situation, ils le sont.  

[139]     En contre-interrogatoire , Éric Bégin explique que la direction de l’école est la première responsable de l’application du Code de vie, mais tous les intervenants doivent l’appliquer également. La direction peut intervenir si un enseignant refuse de l’appliquer. Les fiches ne sont pas obligatoires. Il s’agit plutôt d’un moyen d’intervention et d’un outil de conscientisation du jeune. Des gestes réparateurs peuvent également être utilisés. Une suspension peut être donnée même si aucune fiche n’a été remise. La direction se fit au bon jugement de ses enseignants.

[140]      Le témoin ne se souvient pas avoir informé le plaignant que l’élève A avait cassé ses lunettes lors d’une altercation avec un autre élève le 29 ou 30 août 2012. Il s’est néanmoins présenté dans sa classe pour lui demander du travail parce que le jeune devait passer du temps au local d’accueil. Il ne sait pas s’il lui a dit qu’il était en suspension interne. Il ne souvient pas non plus s’il a remis une fiche à l’élève.

[141]     Dans le document appelé Passeport Saint-Eugène , qui comprend aussi le Code de vie , il n’est pas écrit qu’une suspension interne pouvait être une sanction (pièce S-5). Il n’y avait aucune inscription à l’effet qu’il y avait une période au cours de laquelle le Code de vie ne s’appliquait pas.

[142]     En début d’année, Monique Laflamme lui a remis l’horaire de surveillance des retenues (pièce S-16). Il n’a pas validé la date du 17 septembre 2012 pour les fiches. Il a fait confiance à l’enseignante.

[143]     Le 7 septembre 2012, il a écrit un courriel au personnel de l’école Saint-Eugène pour les informer que le système de fiches ne commencerait que le 10 septembre (pièce S-6). Or, des fiches avaient déjà été données. Il reconnaît qu’on ne parle pas de fiches d’avertissent dans le Code de vie . Il n’existait pas de formulaire pour ces fiches, mais il en a reçues avant le 10 septembre 2012. Il ne se souvient pas pourquoi la date du 18 septembre 2012 a été choisie pour commencer la comptabilisation des fiches.

[144]     Éric Bégin a fait un suivi régulier auprès du psychoéducateur concernant l’élève A. Il n’a pas nécessairement tenu informé le plaignant de ces rencontres.

[145]     Le témoin se souvient de plusieurs événements impliquant cet élève, mais il ne peut donner le détail de chaque événement. Il sait qu’il a demandé qu’un enseignant accompagne l’élève dans la cour de l’école pendant deux jours. Cette mesure n’était pas une sanction prévue au Code de vie tout comme une rencontre avec un élève n’est pas prévue. L’événement lui avait été rapporté par un enseignant, mais il ne sait pas si ce dernier a donné une fiche à l’élève. Le témoin, quant à lui, n’en a pas donnée.  

[146]     Une semaine après cet incident, l’élève A a insulté une enseignante. Le jeune n’a pas eu de fiche. Le témoin aurait pu intervenir et appliquer le Code de vie, mais il a choisi de se fier au bon jugement de l’enseignante qui n’a pas remis de fiche. Il considère que l’enseignante, Karine Ayotte, a un bon jugement. Le témoin dira qu’une fiche est un outil qui sert davantage à la conscientisation du jeune. Il n’y a aucune obligation de donner une fiche, il faut se servir de son jugement.

[147]     Le dernier incident impliquant l’élève A survenu avant le 25 septembre 2012 a été discuté avec le plaignant dans le corridor. L’élève était présent. Le témoin croit qu’il s’agissait d’une gifle donnée à une autre élève. Il ne croit pas avoir donné une fiche tout comme le plaignant d’ailleurs. Il y a eu entre 30 et 40 interventions auprès de cet élève cette année-là.

[148]     En octobre 2012, le témoin a été informé que trois fiches majeures avaient été données à l’élève A pour trois gestes différents en présence d’une suppléante. Il s’agissait d’un incident avec un autre élève; d’impolitesse envers la suppléante et il ne se rappelle pas du troisième manquement de l’élève A. 

[149]     Le témoin dira avoir été interpellé par les propos tenus au cours de l’émission radiophonique de Benoit Dutrisac. On disait qu’une classe comptait  plus de la moitié d’élèves en difficultés. L’école Saint-Eugène n’était pas explicitement nommée, mais elle était bien décrite. La Ville était identifiée. Il était également question d’un directeur adjoint nouvellement en poste et d’une situation particulière avec un élève ayant commencé vers le 29 août 2012.

[150]     Il s’en est suivi un questionnement sur la réussite des élèves. Le témoin considérait que c’était une distorsion de la réalité. Il n’a pas contacté le plaignant pour en savoir davantage.

[151]     Il a entendu quatre enseignants jaser de cette entrevue. Ils lui ont demandé comment il se sentait par rapport aux propos tenus. Le témoin dira qu’il était correct, mais qu’il n’aimait pas la situation. L’un des enseignants a ajouté qu’il était tanné d’entendre toujours du négatif sur l’école Saint-Eugène.

[152]     Réinterrogé , Éric Bégin raconte, qu’à la suite de l’altercation entre l’élève A et un autre élève, il a demandé au plaignant du travail pour cet élève qui était alors au local d’accueil. Il lui a dit qu’il y serait pour l’après-midi, mais il ne se souvient pas lui avoir expliqué les raisons du retrait.   

[153]     Il a reçu des fiches d’avertissement avant le 18 septembre 2012. Il était simplement écrit qu’il s’agissait d’une fiche d’avertissement. Elles n’étaient pas comptabilisées. La date du 18 septembre 2012 avait été choisie à la suite d’une conversation avec Monique Laflamme. 

[154]     Selon lui, il y avait une distorsion entre les propos tenus dans les médias et la réalité de la classe du plaignant. Il n’en a pas parlé à ce dernier. Il a plutôt contacté le directeur pour l’informer de ces propos. Ils ont décidé de valider les informations et de vérifier le portrait réel de la classe. Ils ont conclu que la situation était tout autre. Le directeur a décidé de prendre le relais et de s’occuper du dossier.

[155]     Monique Laflamme est une enseignante spécialiste en anglais à l’école Saint-Eugène depuis 1998. Elle enseigne depuis 36 ans.

[156]     Depuis plusieurs années, elle a la responsabilité de la comptabilisation des fiches du Code de vie. Elle est libérée de sa tâche de travail quatre périodes de 60 minutes sur dix jours. Elle siège également sur le Comité du Code de vie. Chaque enseignant sur le comité a droit à un nombre minimal de minutes de libération. En 2012-2013, les membres du Comité étaient David Gagnon, Isabelle Arsenault, Éric Bégin, le plaignant et elle.

[157]     Le Code de vie fonctionne avec un système de fiches mineures et majeures. Chaque fiche entraîne une période de retenue, respectivement les vendredis et les jeudis dans la semaine suivante. Tout le personnel peut donner des fiches. Une copie, la blanche, est déposée dans la boîte de fiches. Une autre, la jaune, est transmise aux parents et la dernière, la rose, est conservée par le titulaire de la classe de l’élève fautif.

[158]     Les vendredis après-midi, la période de récréation est prolongée de 15 minutes (pièce E-4). Les élèves ayant reçu une fiche de comportement durant la semaine se voit retirer ce privilège. Si une troisième fiche majeure est remise, une suspension sera donnée à l’élève fautif. La direction peut en tout temps décider de suspendre un élève. Elle n’a pas l’obligation d’attendre trois fiches majeures.

[159]     En août 2012, il y a eu une rencontre du personnel titulaire et spécialiste. Il a été question du Code de vie en général. Monique Laflamme a donné les informations à ses collègues. Les enseignants ont demandé à ce que le système de fiches ne soit pas effectif immédiatement afin de permettre aux nouveaux élèves de troisième année de se familiariser avec la procédure. Ils souhaitaient pouvoir remettre des fiches d’avertissement en début d’année scolaire.

[160]     En septembre 2012, Monique Laflamme n’a pas donné d’explication concernant la comptabilisation tardive des fiches puisque personne ne lui a demandé et ni n’a manifesté son mécontentement. Le plaignant n’a pas communiqué avec elle à ce sujet.

[161]     Monique Laflamme écrivait des courriels à tout le personnel (CF, conférence Saint-Eugène) concernant le Code de vie mais, en mars 2012, elle a reçu un courriel du plaignant qu’elle n’a pas aimé. Elle en a parlé avec la direction et décidé de ne plus envoyer de mémo au personnel. Au début de l’année scolaire 2012-2013, elle a demandé à Éric Bégin d’envoyer les messages au personnel. Elle n’a pas eu d’autres réactions semblables à celle du plaignant. On lui disait plutôt qu’elle faisait un bon travail.

[162]     Ainsi, le 7 septembre 2012, le directeur adjoint a informé le personnel que la comptabilisation des fiches ne commencerait que le 18 septembre 2012 (pièce S-6). Il s’est trompé dans la date puisqu’il aurait dû écrire le lundi 17 septembre 2012. Aucun collègue n’a signifié une erreur dans l’horaire de retenues vu que la date du 17 septembre y était inscrite (pièce S-16).

[163]     Dans les années antérieures, le système prenait également quelque temps avant d’être effectif en début d’année. Depuis quatre ou cinq ans, les enseignants demandaient à Monique Laflamme de ne pas commencer son horaire de retenues trop tôt. Ainsi, la comptabilisation des fiches ne commençait jamais avant la troisième semaine de septembre.

[164]     L’horaire des retenues a été présenté à la rencontre du mois d’août 2012 (pièce S-16). Les retenues du vendredi existaient depuis plusieurs années. Cet horaire était conçu de la même façon depuis plusieurs années.  

[165]     Pour assurer une certaine discipline, durant l’absence de comptabilisation, des fiches d’avertissement pouvaient être remises aux élèves pour remplacer les fiches mineures. En cas d’événements nécessitant des fiches majeures, les règles demeuraient. Monique Laflamme envoyait les élèves fautifs à la direction qui décidait des mesures adéquates à prendre. Aucune fiche n’était comptabilisée. Elle a souvent été témoin des interventions de la direction lors d’infractions majeures.

[166]     L’horaire de surveillance des retenues du jeudi soir est remis en même temps que l’horaire des retenues (pièces E-5 et S-16). Monique Laflamme a un document indiquant que les fiches commençaient le 17 septembre 2012 (pièce E-5).  

[167]     En contre-interrogatoire , Monique Laflamme mentionne qu’elle a commencé à rédiger les procédures du Code de vie en juin 2012 et l’a complété au cours de l’été 2012. Elle le faisait par écrit pour la première fois. Elle a remis l’original au directeur adjoint et une copie aux nouveaux enseignants. Elle n’est pas certaine si le directeur adjoint l’a mis dans la trousse remise aux enseignants en début d’année. Elle ne l’a pas remis personnellement au plaignant. 

[168]     Les enseignants, surtout ceux de troisième année, ont demandé que la comptabilisation des fiches ne soit effective qu’après un certain temps. Ils voulaient une période d’essai afin de bien mettre en place la procédure auprès des nouveaux élèves. Ainsi, il a été décidé que la comptabilisation débuterait à la troisième semaine de septembre. Elle ne se souvient pas si le plaignant faisait partie de ces enseignants. Cette demande est survenue avant 2012. Cette période d’essai était donc déjà instaurée en août 2012.

[169]     Il est vrai que le Code de vie ne fait pas mention d’une période d’essai. Monique Laflamme ne sait pas qui adopte le Code de vie.   

[170]     À la fin du mois d’août 2012, lors d’une journée pédagogique, la direction a convoqué le personnel. Monique Laflamme ne se souvient pas s’il a alors été question de la période d’essai avant la comptabilisation des fiches ni même s’il y a eu une demande formelle à ce sujet.

[171]     Elle a discuté de la date de commencement de la comptabilisation des fiches avec le directeur adjoint. Elle l’a informé qu’elle débuterait le 17 septembre 2012. Elle lui a sûrement demandé d’en aviser le personnel. Elle était mal à l’aise d’écrire au personnel à la suite d’un événement survenu en mars 2012 avec le plaignant. Elle écrivait néanmoins quelques messages sur la conférence (CF) (pour l’ensemble des enseignants), mais pas autant qu’elle l’aurait souhaité.

[172]     Les fiches d’avertissement n’existaient pas dans le Code de vie. Il fallait que l’enseignant l’inscrive sur la fiche qu’il s’agissait d’un avertissement.

[173]     Le 16 mars 2012, Monique Laflamme a envoyé un courriel à trois enseignants, dont le plaignant, afin de compléter le Code de vie ( pièce E-6 a). Le directeur de l’école était en copie conforme. Le plaignant a répondu le 20 mars qu’il n’aimait pas les caractères gras qu’elle utilisait dans son courriel et qui semblait être des ordres à ses yeux (pièce E-6 c). Elle a répondu qu’elle ne savait pas que les caractères gras pouvaient être perçus comme des ordres (pièce S-17). Elle utilisait souvent ce caractère. 

[174]     Par la suite, elle a rencontré le plaignant ici et là dont lors de rencontres du Comité du Code de vie. Leurs contacts étaient cordiaux. Néanmoins, elle évitait son contact car elle n’aimait pas sa façon de faire, la trouvant intimidante. Elle ne voulait plus recevoir ce genre de commentaires de sa part, mais elle ne lui a pas dit.  

[175]     Monique Laflamme explique qu’elle a placé le directeur de l’école en copie conforme dans son courriel du 16 mars 2012 car elle ne voulait pas être seule à gérer ce dossier. Elle souhaitait se montrer transparente. Elle mettait souvent le directeur en copie conforme dans différentes communications.

[176]     Jean-Luc Pitre souligne que la réunion du personnel tenue en août 2012, qui avait eu lieu dans une classe, était son premier contact avec le plaignant. Le moment a été désagréable. L’enseignant a fait sept ou huit interventions pour discuter de détails comme celle de demander quelle serait la personne qui irait  chercher les élèves lors d’un retour avec le spécialiste. Serait-ce le titulaire ou le spécialiste ? Le directeur a laissé les enseignants échanger sur la question, mais il a vite constaté, par leur non-verbal, que les interventions du plaignant mécontentaient ses collègues. Le professeur d’éducation physique s’est montré le plus impatient. De plus, le plaignant avait la manie de parler pendant que quelqu’un parlait en avant. Il y avait environ 25 personnes présentes. Comme les discussions s’éternisaient, le témoin reconnaît avoir montré de l’impatience dans son ton.

[177]     À la fin de la rencontre, le plaignant lui a poliment demandé une rencontre. Ils se sont vus le lendemain. L’enseignant disait avoir remarqué son impatience au cours de la réunion du personnel. Le témoin l’a admis. Le plaignant a expliqué que, depuis le décret des conditions de travail imposé en 2006, il se montrait plus minutieux sur les petits détails ajoutant que cela n’avait rien de personnel. Le témoin a répondu, que lui, il n’aimait pas qu’on s’enfarge dans les petits détails. Le plaignant a ajouté que, dorénavant, il n’interviendrait plus et le rencontrerait à la fin d’une réunion. Le directeur aimait la proposition qui satisferait aussi le personnel. Il a dit au plaignant qu’il était très content de la rencontre. Ils se sont serrés la main.

[178]     Dans les jours qui ont suivi, comme à son habitude, le directeur a fait le tour des classes pour serrer la main des enseignants. Il n’y avait rien de particulier dans cette démarche.

[179]     Un matin, vers 7h45, alors qu’il faisait sa tournée de l’étage, le directeur a  rencontré le plaignant qui discutait avec un collègue, Yvon Laverrière, ancien délégué syndical. Il s’est approché d’eux pour leur serrer la main et leur souhaiter une bonne journée. Yvon Laverrière lui a donné la main. Le plaignant a retiré sa main et dit : Bon, on vas-tu faire ça à tous les matins? La prochaine étape, on va se faire des «  Hugs  » comme dans les Teletubies . Le témoin n’a pas apprécié cette attitude arrogante. L’autre enseignant était mal à l’aise par la situation qu’il ne semblait pas considérer comme étant une blague. Le témoin ne croit pas que le plaignant voulait faire de l’humour, comme il l’a soutenu en témoignage devant ce Tribunal. Finalement, le témoin a poursuivi sa tournée.

[180]     Quelques jours après la réunion du personnel, Éric Bégin a transmis un courriel au plaignant sur un ton cordial et poli pour lui rappeler qu’il n’avait pas inscrit son nom à l’un des comités (pièce E-7). Le directeur était en copie conforme. La direction avait demandé que tous les enseignants inscrivent leur nom sur deux comités sur lesquels ils aimeraient siéger. Le plaignant était le seul à ne pas l’avoir fait. Sans être impoli, le plaignant ne s’est pas montré aussi cordial et poli dans sa réponse utilisant l’expression  allons-y doucement .

[181]     Comme Éric Bégin était nouvellement directeur adjoint et que le témoin avait plus d’expérience, ce dernier a décidé de répondre au plaignant pour protéger et soutenir son collègue. Il ne voulait pas entrer dans un débat sur la tâche du plaignant.

[182]     Par la suite, jusqu’au 26 septembre 2012, il n’y a rien eu de particulier impliquant le plaignant.

[183]     Le 26 septembre 2012, un journaliste a écrit un article concernant la situation qui prévalait dans une classe et qui avait été dénoncé par Éric Bédard devant le Conseil des commissaires (pièce S-4). Le directeur avait été informé des propos du président du Syndicat par un courriel de Jimmy Fournier.

[184]     Il a entendu l’entrevue radiophonique donnée par Éric Bédard à Benoit Dutrisac (pièce E-3). Les propos qui ont été tenus l’ont mis en colère. Il n’appréciait pas que des situations scolaires soient rapportées publiquement alors qu’aucune rencontre n’avait été demandée au directeur adjoint pour en discuter. Si le plaignant et le Syndicat étaient insatisfaits de la direction de l’école, ils pouvaient se retourner vers le comité de relations de travail où les litiges sont souvent réglés. Une rencontre avec la direction générale de la Commission scolaire pouvait aussi être demandée. Malheureusement, Éric Bédard a choisi de faire une dénonciation publique.

[185]     De plus, il était surpris d’entendre que la moitié des élèves de la classe du plaignant étaient des cas lourds. Le plaignant n’avait entrepris aucune démarche pour soutenir ses élèves ayant des troubles lourds. 

[186]     Le lendemain, le témoin s’est empressé de vérifier cette allégation. Il devait faire un portrait des élèves de la classe du plaignant pour démontrer la discordance entre les propos du Syndicat et la situation réelle. Il a organisé une rencontre avec l’enseignant pour le 5 octobre 2012.

[187]     Le jour de la rencontre, le plaignant est entré dans l’école et a croisé le regard du témoin qui se trouvait entre le secrétariat et lui, à sept ou huit pieds de distance. Ce dernier se dirigeait vers son bureau, trois ou quatre marches plus haut. Il s’est assis à son bureau. Il a vu le plaignant le regarder et indiquer à la secrétaire qu’il avait un rendez-vous avec le directeur. Ce dernier s’est demandé pourquoi le plaignant agissait ainsi.

[188]     Le témoin a rencontré le plaignant sans faire mention de son comportement ne trouvant pas le sujet pertinent. Ce dernier a raconté en témoignage qu’il avait senti que le témoin n’était pas content et qu’il n’y avait pas place à discussion. Cependant, il a mentionné que le ton du directeur était correct. Le témoin avait alors en mains le portrait exact de la classe du plaignant. S’il s’agissait de cas lourds, il n’y avait pas de plan d’intervention ou de demande d’intervention. Quand il a fait mention de l’allégation à l’effet que la moitié de ses élèves seraient des cas lourds, le plaignant ne s’en est pas dissocié. Le directeur a signifié son inquiétude sur les élèves confiés au plaignant ajoutant qu’il devrait avoir un suivi plus rapproché puisque la situation n’avait pas encore été constatée par le directeur adjoint.  

[189]     Le témoin donne les exemples suivants pour démontrer la différence entre un suivi pédagogique et une supervision pédagogique.

[190]     Un suivi pédagogique a eu lieu à l’hiver 2013 lorsqu’un enseignant, à sa dernière année d’enseignement, n’offrait plus un encadrement satisfaisant pour répondre aux besoins de sa classe. Un conseiller pédagogique a été requis pour développer une planification pour soutenir l’enseignant dans la gestion et l’encadrement de sa classe.

[191]     Une supervision pédagogique permet de savoir ce qui se passe dans les classes à l’égard de la mission de l’école. Le directeur dira s’être rendu dans les classes plus de 150 fois. En octobre 2012, il était présent qu’une journée par semaine. Il s’est présenté en classe entre 30 et 40 fois. Dans certains cas, il y est allé trois ou quatre fois. Il s’agit d’évaluer le travail d’un enseignant en regard des besoins des élèves. Il n’y a pas de planification. Pour le plaignant, le témoin voulait voir son enseignement. Il entendait que la moitié des élèves étaient des cas lourds, mais ce n’est pas ce qu’il a pu observer. Il s’est rendu dans sa classe à deux occasions.   

[192]     À la suite de sa rencontre avec le plaignant, le 5 octobre 2012, le plaignant lui a transmis un courriel pour résumer leur entretien (pièce S-9). Selon le témoin, l’enseignant a omis certains éléments. Il n’a pas parlé de la supervision pédagogique plus rapprochée ni de l’inquiétude du directeur à l’égard des besoins des élèves. Pour le témoin, ce résumé n’est certes pas un procès-verbal de leur rencontre.

[193]     Le plaignant a reproché au témoin de ne pas lui avoir répondu. Il n’a pas répondu car, avec le plaignant, les discussions n’étaient jamais finies. Il avait dit ce qu’il avait à dire et irait dans la classe du plaignant dès qu’il le pourrait. Il ne voulait pas qu’Éric Bégin s’occupe de l’observation en classe.

[194]     Dans son rapport d’observation en classe du 23 octobre, le témoin a écrit que le plaignant vouvoyait ses élèves que ce soit en groupe ou individuellement (pièce S-14). Il a entendu le plaignant quatre ou cinq fois utiliser le vouvoiement avec un élève qui ne trouvait pas cela drôle. En fait, il n’a pas entendu le plaignant tutoyer ses élèves. Le témoin considérait que cette pratique ne correspondait pas à ses valeurs d’autant plus que l’école est située dans un milieu défavorisé. Pour lui, il fallait créer une relation chaleureuse avec les élèves; sans oublier que ce sont des élèves de quatrième année. Ce n’était pas sur un ton humoristique qu’il les vouvoyait, comme l’a prétendu le plaignant. Le témoin peut comprendre le vouvoiement avec lui, mais pas avec les élèves. 

[195]     Le 8 novembre, le témoin est retourné dans la classe du plaignant afin de l’observer pour une courte période parce qu’il n’avait pas valider le contenu de l’enseignement des mathématiques et du français. Il y avait eu une erreur dans l’enseignement des mathématiques et il voulait vérifier si cela se répéterait. Finalement, il n’est pas demeuré en classe longtemps.

[196]     Le témoin a compris que la situation avec le plaignant était complexe. Il souhaitait l’observer plus en profondeur avant d’intervenir auprès de lui.

[197]     En contre-interrogatoire , le directeur précise que le plaignant a fait la moitié des interventions au cours de la réunion du personnel tenue à la fin du mois d’août 2012. Le plaignant souhaitait l’envoi par la poste des bulletins des élèves aux parents parce que la méthode d’alors ne correspondait pas aux dispositions de la convention collective. Des dates avaient été discutées avec l’ancienne direction sur l’envoi. Il y avait également un questionnement quant au délai d’inscription des notes pour les enseignants. Le témoin a dit qu’il était prêt à vivre avec la décision même s’il y avait un déficit de 85 000$. L’envoi postal était plus dispendieux comme méthode.

[198]     Le directeur nous a dit qu’il était en colère après avoir écouté l’entrevue radiophonique de Benoit Dutrisac et d’Éric Bédard. Il l’a dit au plaignant lors de leur rencontre du 5 octobre 2012.

[199]     Dans son premier témoignage, le directeur a affirmé que le résumé du plaignant de la rencontre du 5 octobre 2012 était correct. Aujourd’hui, il a soutenu qu’il avait toujours utilisé l’expression supervision rapprochée  et non suivi pédagogique serré  comme l’a écrit le plaignant dans son résumé de la rencontre (pièce S-9). Il n’a pas fait corrigé l’expression. 

[200]     La supervision pédagogique a été décidée à la suite de l’entrevue radiophonique puisqu’Éric Bédard disait que la moitié des élèves de la classe du plaignant étaient des cas lourds. Pour le témoin, il ne s’agissait pas du portrait qu’il en avait fait. 

[201]     Un plan d’intervention peut être envisagé pour un cas lourd, mais ce n’est pas une obligation. Il faut d’abord s’entretenir avec l’enseignant et avec le spécialiste. Des démarches peuvent être entreprises avant d’adopter un plan d’intervention.

[202]     Dans la classe du plaignant, deux élèves avaient un plan d’intervention. La première étape pour en obtenir pour ses élèves était d’entreprendre des démarches en ce sens. En septembre 2012, il n’y avait donc aucun indice d’une problématique particulière dans la classe du plaignant. Pour le témoin, le plaignant manquait rapidement d’idées pour venir en aide à l’élève A qui avait des difficultés comportementales en dehors de la classe. Il cherchait aussitôt l’intervention de la direction. Dès septembre et octobre 2012, il avait eu des échanges avec Éric Bégin. Néanmoins, ce jeune demeurait sous la responsabilité du plaignant.

[203]     À l’automne 2012, le directeur a fait entre 30 et 40 observations en classe pour évaluer le travail de la vingtaine d’enseignants. Le plaignant a néanmoins été le seul à obtenir un rapport de supervision pédagogique. L’observation était différente pour le plaignant puisque le témoin partait de ses inquiétudes pour les élèves. Il se questionnait sur le manque d’action du plaignant qui considérait que la moitié de ses élèves étaient des cas lourds.

[204]     La première supervision a donc eu lieu le 23 octobre 2012 (pièce S-14). Entretemps, Éric Bégin devait observer le plaignant plus attentivement. Le témoin a attendu un mois avant de superviser puisque les interventions auprès de l’élève A s’avéraient efficaces et, en début d’année, son horaire était plus chargé. Après 25 minutes d’observation, le témoin a été rassuré de constater que la situation en classe était normale; les élèves avaient un comportement adéquat. Il a également évalué la qualité de l’enseignement.

[205]     Il a remarqué que le plaignant vouvoyait ses élèves. Il n’aimait pas cette façon de faire. Pour lui, et selon le Code de vie , le vouvoiement est pour les enfants à l’endroit des enseignants. Le vouvoiement garde une distance entre les interlocuteurs. 

[206]     En octobre et novembre 2012, le témoin n’a pas procédé à une évaluation des élèves cas par cas.

[207]     Le 8 novembre 2012, Jean-Luc Pitre s’est rendu une deuxième fois dans la classe du plaignant, mais il n’est pas demeuré longtemps. Il y allait pour évaluer l’enseignement, mais le plaignant avait organisé une activité éducative.

[208]     Réinterrogé , le directeur explique, qu’au début du mois d’août 2012, il y avait eu une discussion concernant l’envoi des bulletins par la poste. Il avait répondu qu’il vivrait avec la décision d’utiliser la poste même si cette méthode était coûteuse et que l’école avait un déficit budgétaire. Finalement, il n’y a pas eu d’envoi postal. En contre-interrogatoire , il dira que le plaignant n’a pas demandé de dépenser de l’argent, mais de fournir aux enseignants le temps maximum pour corriger les examens. Il n’a pas vérifié si ce délai respectait la convention collective.

La contre-preuve du Syndicat

[209]     Yvon Laverrière a terminé son baccalauréat en enseignement préscolaire en 2010. Il a débuté sa carrière d’enseignant en 2010 à l’école Saint-Eugène. Il combinait les tâches de 20 % dans deux classes de quatrième année et complétait le reste dans une autre école.

[210]     En 2012-2013, il enseignait à l’école Saint-Eugène dans trois classes de quatrième année pour 69 % dune tâche d’enseignant. Jean-Luc Pitre est arrivé au poste de directeur cette année-là. Au cours de l’année, le plaignant l’a contacté pour l’informer qu’il quittait son poste pour travailler au Syndicat.

[211]     Yvon Laverrière a téléphoné au directeur alors en convalescence pour lui demander s’il pouvait obtenir la tâche à 100 % de la classe du plaignant. Le directeur devait vérifier si cela était possible. Finalement, il l’a obtenue. L’année suivante, il a eu une tâche complète d’enseignant dans une autre école.

[212]     Au début de l’année scolaire 2012-2013, la direction ne l’a pas rencontré pour discuter de son groupe, celui du plaignant. À sa connaissance, personne n’est venu l’observer dans sa classe ou en dehors de sa classe.

[213]     Martin Laboissonnière confirme qu’il était présent lors de la première réunion du personnel en août 2012. Il n’y a pas eu de vote sur les fiches de comportement ni sur le Code de vie. Il n’a pas été question d’appliquer une période d’adaptation avant de commencer la comptabilisation des fiches. Les années antérieures, le système se mettait en branle dès le début de l’année scolaire.  

[214]     En 2012-2013, on ne lui a pas remis une procédure écrite sur le Code de vie. Selon lui, il n’y avait pas de copie disponible sur le site Internet de l’école.

[215]     Dans son deuxième témoignage, Jean-Luc Pitre a allégué que le plaignant avait refusé de lui serrer la main. Ce dernier affirme qu’il est convaincu de lui avoir serré la main en lui demandant s’il ferait cela tous les matins. Selon lui, il n’a pas ajouté autre chose et son ton était correct. Sa surprise et son étonnement devaient certainement paraître.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

L’argumentation du Syndicat

[216]     Le Syndicat a déposé un grief pour contester les représailles de l’Employeur à l’endroit du plaignant en raison de l’exercice d’un droit reconnu par la convention collective (clause 14-3.03).  

[217]     En septembre 2012, il y avait une situation de violence et d’intimidation dans la classe du plaignant.

[218]     La Loi sur l’instruction publique définit ce que signifie le mot intimidation (article 13. 1.1) et les obligations de l’élève quant à son comportement envers le personnel de la Commission scolaire et envers ses pairs (article 18.1). Il revient au Conseil d’établissement de mettre en œuvre un plan de lutte contre l’intimidation et la violence et de le mettre à jour (articles 75 et suivants).

[219]     Quant à la qualité des services éducatifs dispensés à l’école, elle est sous l’autorité du directeur de l’école (article 96.12). Ce dernier voit ainsi à ce que tous les membres du personnel de l’école soient informés des règles de conduite et des mesures de sécurité de l’école, des mesures de prévention établies pour contrer l’intimidation et la violence … (article 96.21).         

[220]     Certains faits pertinents n’ont pas été contestés par les parties dont le fait que l’élève A était un élève turbulent et violent à l’endroit de ses camarades de classe. En début d’année, ce jeune a été impliqué dans trois événements qui auraient mérité des fiches de comportement. Il s’agit d’une bagarre avec un élève, d’une gifle à une élève et d’une insulte envers une enseignante.

[221]     En 2012-2013, il est en preuve que la comptabilisation des fiches ne débutait que le 18 septembre (pièce S-6). Par ailleurs, le personnel pouvait remettre des fiches d’avertissement. Or, ces fiches n’existaient pas dans le Code de vie, pas plus que les périodes d’adaptation en début d’année scolaire (pièces S-5 et S-15). Plusieurs témoins ont affirmé que les fiches d’avertissement n’existaient pas.

[222]     Avec ce délai dans l’application des fiches, le plaignant se sentait impuissant à l’endroit de l’élève A puisqu’il ne pouvait le sanctionner malgré la présence de trois faits majeurs. Selon lui, il existait une confusion au sein du corps professoral. Il y avait une certaine tolérance normale dans les premiers jours, mais le système devait être en vigueur dès le début de l’année scolaire.

[223]     À la suite d’une gifle que l’élève A  a donné à une autre élève, le plaignant se sentait embarrassé et devait agir. Il a discuté de l’incident avec le directeur adjoint Éric Bégin mentionnant qu’il n’y avait pas de conséquence à un geste violent puisque le système de fiches n’était pas effectif.   

[224]     À la suite de ce constat, le plaignant a discuté avec le président du Syndicat Éric Bédard. Il se sentait impuissant face à la violence et à l’intimidation d’un élève et à l’absence de sanction. Éric Bédard a choisi d’en parler lors de l’assemblée du Conseil des commissaires.  

[225]     Le lendemain de l’assemblée, le 26 septembre 2012, un article du journal La Voix de l’est rapportait qu’un élève agressif n’avait pas été sanctionné (pièce S-4).

[226]     Par la suite, le 28 septembre, le plaignant recevait un avis de la direction quant aux activités éducatives du groupe 402 qu’elle n’avait pas et quant à la fixation d’une rencontre pour discuter de sa tâche (pièce S-7). La rencontre a été fixée au 5 octobre 2012 avec le directeur.  

[227]     Au début de celle-ci, ils ont discuté des deux éléments mentionnés à l’avis, puis le directeur a enchaîné sur les résultats de l’année précédente des élèves de l’enseignant en lui montrant un tableau des résultats (pièce E-1). Le directeur a ajouté, qu’à la suite de sa sortie publique, il fera un suivi pédagogique serré. Le plaignant était surpris du sujet qui ne se retrouvait pas à l’avis de convocation (pièce S-7). L’enseignant a souligné au directeur que ce n’était pas lui qui avait fait la sortie publique mais le Syndicat, ajoutant qu’il n’avait jamais eu de suivi pédagogique dans sa carrière. Le plaignant dira en témoignage que le directeur avait l’air fâché et qu’il n’y avait pas place à la discussion.  

[228]     Le plaignant a rédigé un résumé de la rencontre à l’attention du directeur (pièce S-9). Il a transmis un autre courriel à ce denier pour clarifier la situation quant à la sortie publique qui n’avait pas été faite par lui, mais bien par le président du Syndicat (pièce S-10). Il n’a reçu aucune suite à ses courriels.

[229]     Le plaignant était nerveux ne sachant pas à quoi s’attendre avec le suivi pédagogique. Il n’avait jamais eu de reproches dans sa carrière au niveau pédagogique et aucun collègue n’avait un tel suivi. En 15 ans, aucun indice ne permettait de croire que le plaignant avait des difficultés dans sa gestion de classe ou dans ses compétences.

[230]     Le procureur syndical soumet qu’il y a des différences dans les deux témoignages du directeur devant ce Tribunal. Le directeur disait, dans un premier temps, qu’il n’avait jamais fait de supervision. Puis, lors de son deuxième témoignage, alors qu’il écrit au plaignant sur la supervision pédagogique (pièce S-13), il nous dira qu’il voulait valider les 12 compétences de l’enseignant (article 22 de la Loi sur l’instruction publique).

[231]     Le directeur disait avoir fait des observations entre 30 et 40 fois, mais elles se faisaient de l’extérieur de la classe.       

[232]     Ainsi, ce dernier s’est présenté deux fois dans la classe du plaignant, soit le 23 octobre et le 8 novembre 2012. Yvon Laverrière, qui enseignait au même groupe que le plaignant, n’a pas fait l’objection d’observation. Pourtant, selon le témoignage du directeur, il y avait une allégation de la présence de plusieurs cas lourds dans cette classe. Le plaignant disait plutôt que 50 % de ses élèves avaient des particularités.

[233]     Le procureur soutient que le directeur et le directeur adjoint étaient fâchés de la parution d’un article dans le journal et qu’il est clair, pour lui, que la direction a alors choisi l’envoi d’une lettre administrative pour une supervision pédagogique accompagnée d’un rapport (pièce S-13).    

[234]     Éric Bédard, président du Syndicat, a mentionné que le plaignant l’avait consulté concernant le Code de vie qui n’était pas appliqué. Il a décidé d’en informer les membres du Conseil des commissaires. Éric Bédard n’a vu, dans sa carrière, que deux situations où il y a eu un suivi pédagogique et c’était dans deux cas où les enseignants étaient incapables de gérer leur classe. Le plaignant n’avait aucune difficulté dans sa gestion de classe. 

[235]     Le directeur a admis que le système de fiches ne commençait que le 18 septembre et que les fiches d’avertissement avaient peu de conséquences.

[236]     Au cours de la première observation, le directeur a constaté que le plaignant vouvoyait ses élèves. Le Code de vie suggère le vouvoiement. Pour le Syndicat, l’Employeur cherchait à prendre le plaignant en défaut et a riposté à la dénonciation publique. Pourquoi avoir choisi une telle approche de surveillance ?

[237]     La riposte à l’exercice d’un droit est illégale. Le plaignant a exercé son droit de discuter de sa situation problématique avec le Syndicat. La convention collective permet à l’Employeur de faire une supervision pédagogique, mais aucunement en riposte à l’exercice d’un droit.

[238]     Pour le Syndicat, le Tribunal doit conclure qu’il y a eu l’exercice d’un droit, celui de consulter son Syndicat et qu’il y a eu des représailles illégales de la part de l’Employeur. Le geste de ce dernier est concomitant avec le droit du salarié de consulter son syndicat le 25 septembre 2012. En somme, on cherchait à prendre en défaut le plaignant. Le directeur lui-même disait qu’il se sentait trahi.   

[239]     Pour appuyer son argumentation, le procureur syndical dépose les autorités suivantes :

Projet de Loi n 0 56 (2012, chapitre 19), Loi visant à prévenir et à combattre l’intimidation et la violence à l’école, Éditeur officiel du Québec, 2012.

Loi sur l’instruction publique, (LRQ., c.I-13.3).

DION, Gérard, Dictionnaire canadien des relations de travail, deuxième édition, Les Presses de l’Université Laval, Québec, 1986, p.412.

Rahilly c. Collège Dawson , 2013 QCCRT 116 (CRTQ).

West Island Teachers’ association c. Commission scolaire Baldwin-Cartier , SAE 6480 (T.A.).

Syndicat de l’enseignement des Moulins c. Commission scolaire des Manoirs , SAE 6386 (T.A.).

L’argumentation de l’Employeur

[240]     Le procureur patronal soumet que le fardeau de la preuve appartient au Syndicat. Il revient à ce dernier de prouver chacun des éléments constitutifs de l’infraction prévue à la clause 14-3.03. Le Syndicat devra démontrer qu’il y avait mauvaise foi de la part de l’Employeur. Il faut que les représailles soient une riposte à l’exercice d’un droit et qu’elles aient été fondées sur une intention de nuire.    

[241]     Il faut donc démontrer que le plaignant a fait l’exercice d’un droit prévu; que le directeur a démontré une intention malicieuse et que la mise en exécution de cette intention ait engendré un inconvénient chez le plaignant. La notion de concomitance des événements doit également être évaluée.

[242]     Pour le procureur patronal, dans une logique de confrontation avec la direction, le plaignant a donné des informations au président du Syndicat. On ne peut dire si Éric Bédard a extrapolé ou non. Néanmoins, les informations dénoncées sur la place publique étaient fausses. La classe du plaignant n’était pas constituée de près de la moitié de cas lourds, la direction n’a pas baissé les bras et ne refusait pas d’appliquer les règles de conduite.  

[243]     Le plaignant a nié avoir donné de telles informations sur la composition de son groupe. Pourtant, il était présent lors de l’assemblée du Conseil des commissaires. En témoignage, il a mentionné que Éric Bédard avait bien fait son discours devant les commissaires sans signifier son erreur quant aux cas lourds dans sa classe. Ce n’est qu’en contre-interrogatoire qu’il a dit que la moitié de ses élèves n’étaient pas des cas lourds, mais particuliers. Il a ressenti un malaise, mais il n’a pas avisé Éric Bédard de son erreur et que son directeur serait considéré comme incompétent.

[244]     Pourtant, lors de la première visite du directeur en classe, le plaignant a fait une erreur en mathématiques et il vouvoyait ses élèves. Le directeur y ait est retourné au mois de novembre, mais il est reparti puisque ce n’était pas propice à une observation. Le procureur patronal soumet qu’on ne peut certes alors parler de représailles, d’intention malicieuse ou d’inconvénient pour le plaignant.     

[245]     Selon le plaignant, la direction ne faisait rien au niveau disciplinaire. Or, il savait qu’Éric Bégin avait rencontré l’élève A, l’avait suspendu à l’interne et lui avait imposé une surveillance accrue à l’extérieur.

[246]     Le directeur et le directeur adjoint étaient fâchés par cette dénonciation car ils n’avaient pas été informés d’une problématique avant qu’elle ne sorte dans les médias. Il était donc normal qu’ils se sentent trahis d’autant qu’ils étaient nouvellement en poste dans cette école. Il ne faut pas en conclure pour autant, ajoute le procureur, qu’ils souhaitaient nuire au plaignant. 

[247]     L’Employeur avait un devoir de respecter le Code de vie. Aucune preuve n’a été faite que la direction ne l’ait pas appliqué correctement. Si tel était le cas, le plaignant aurait pu se plaindre au Conseil d’établissement.

[248]     Éric Bégin a questionné Monique Laflamme, une enseignante de 36 ans d’expérience, sur l’application du Code de vie . Elle lui a expliqué le processus suivi les années antérieures ajoutant que les enseignants lui avaient demandé de laisser une période d’adaptation aux élèves en début d’année scolaire. Il a été admis que les fiches d’avertissement n’existaient pas dans le Code de vie.

[249]     Le procureur trouve curieux qu’Yvon Laverrière n’ait pas témoigné sur les fiches d’avertissement. En somme, personne n’a contredit Monique Laflamme sauf le plaignant. Ce dernier savait qu’en début d’année scolaire le Code de vie s’appliquait, mais que les sanctions étaient plus souples.

[250]     Le directeur a entrepris de vérifier les allégations. Il a analysé le groupe du plaignant en rapport avec les notes de l’année précédente et en visitant la classe du plaignant. Il a conclu qu’il n’était pas formé de la moitié de cas lourds. Il a remarqué une erreur du plaignant en mathématiques et le vouvoiement de ses élèves. Il était loin des 12 compétences à vérifier. Dans la seconde visite, il trouvait que les activités prévues par le plaignant n’étaient pas pertinentes pour son observation et il a quitté la classe.

[251]     Il faut se demander si l’exercice du droit du plaignant était d’entreprendre des attaques contre l’Employeur sur un faux problème afin de nuire à la crédibilité de la direction et de l’école. Il est difficile d’identifier de quel droit il est question.

[252]     Aucune preuve n’a démontré l’intention malicieuse du directeur. Le Syndicat a soutenu que ce dernier avait effectué un suivi pédagogique alors qu’il parlait de supervision pédagogique dans son courriel du 29 novembre 2012 (pièce S-13). De plus, selon la Loi sur l’instruction publique , le directeur avait un devoir légal de s’assurer que les élèves recevaient un service éducatif de qualité et adéquat et de gérer le personnel.

[253]     Ainsi, le directeur, nouvellement en poste, a décidé d’une supervision pédagogique en apprenant que la classe du plaignant était composée pour la  moitié de cas lourds. Il ne connaissait pas le plaignant. Par conséquent, il ne pouvait savoir si celui-ci avait des difficultés. Il a donc dû entreprendre une vérification.

[254]     Il n’a jamais dit au plaignant qu’il avait des choses à améliorer dans son enseignement et il n’a pas pris de mesure contre lui. Il a plutôt pris le temps nécessaire pour dresser un portrait de la classe avant de conclure que le groupe du plaignant n’était pas composé de 50 % de cas lourds. Pourquoi prendre ce temps et se donner du mal s’il voulait uniquement se venger ? Pourquoi le plaignant n’a pas immédiatement admis que le portrait fait par le directeur était juste et démenti les allégations du président du Syndicat ? Son silence laissait plutôt comprendre qu’il considérait les propos d’Éric Bédard comme étant justes.

[255]     Le procureur estime que le plaignant n’était pas dans un état d’esprit pour clarifier les choses préférant laisser la direction dans le trouble. C’est le directeur qui devrait plutôt parler de représailles de la part du plaignant et non le contraire. Celui-ci n’a jamais dit qu’il ferait un rapport écrit au plaignant. Il parlait seulement d’un rapport verbal. S’il avait eu un rapport écrit, il lui aurait envoyé.

[256]     Pour le Syndicat, le fait que le directeur s’assoit 20 minutes dans la classe du plaignant le 23 octobre 2012 et dix minutes le 8 novembre devrait être considéré comme étant des mesures de représailles.  

[257]     Est-ce que la mise à exécution de l’intention du directeur a entraîné un inconvénient pour le plaignant ? Le directeur devait vérifier s’il y avait autant de cas lourds dans la classe du plaignant. Il n’a fait aucune intervention. Il n’était pas en accord avec le vouvoiement du plaignant à l’endroit de ses élèves. Pourtant, le Code de vie prévoit expressément le vouvoiement pour les élèves envers les enseignants. Si le directeur était vraiment de mauvaise foi, il aurait utilisé l’erreur de mathématiques contre le plaignant, mais il ne l’a pas fait. Il a plutôt choisi de se rendre une deuxième fois dans sa classe.

[258]     Selon le procureur patronal, le plaignant n’a pas beaucoup de crédibilité dans cette affaire. Il entretenait une animosité évidente envers la direction. Il se montrait susceptible à tout ce qui touchait l’autorité. À la première assemblée des enseignants, il cherchait des bibittes . Il s’est même dit à cheval sur la convention collective et que ses remarques ne devaient pas être prises personnelles. Il sentait le besoin de le spécifier. De plus, en parallèle, il y avait une problématique avec le pourcentage dans la tâche du plaignant.

[259]     En début d’année scolaire, le directeur aimait faire le tour des classes et donner la main aux enseignants. Le plaignant a retiré sa main en demandant s’il allait faire ça tous les matins. Le plaignant ridiculisait donc la façon de faire du directeur qui s’est alors senti mal à l’aise. Yvon Laverrière, présent lors de cet événement, n’a pas témoigné sur cet incident. Ainsi, le Tribunal doit se fier au témoignage positif du directeur plutôt qu’à celui du plaignant qui a nié les faits.

[260]     Ce dernier s’est présenté le matin de sa rencontre avec le directeur au secrétariat en faisant semblant de ne pas voir ce dernier. Ils devaient discuter de tâches et d’assignation. La rencontre ne devait donc pas être désagréable. Le plaignant a prétexté qu’il agissait conformément à la procédure alors que le directeur était près de lui. Pour le procureur patronal, le plaignant ne faisait que niaiser et n’entretenait pas une relation normale avec la direction.

[261]     Quand il a été question du Code de vie, le procureur allègue que le plaignant n’a pas témoigné de bonne foi en ne disant pas tout. Il a laissé entendre que rien ne s’appliquait et a contesté sa collègue, Monique Laflamme. Il disait n’avoir jamais vu une telle situation se produire alors qu’aucun membre du personnel n’en a parlé à la direction. La confusion existait uniquement dans la tête du plaignant. Dans les faits, ce que voulait l’enseignant, c’est que l’élève A soit suspendu. Il n’était pas satisfait des sanctions décidées par la direction.

[262]     Éric Bédard a témoigné à l’effet que le plaignant lui avait dit que la direction ne faisait rien entre le début de l’année scolaire et le 25 septembre. Il n’a pas dit au président du Syndicat que ses propos étaient exagérés. Il était satisfait de l’impact que cela avait sur la direction.

[263]     Le plaignant a affirmé entretenir de bonnes relations avec Éric Bégin. Pourquoi ne pas alors avoir discuté avec lui de la situation, d’autant plus que le directeur adjoint était nouvellement en poste ? Pourquoi ne pas parler du délai dans la comptabilisation des fiches avec Monique Laflamme ? Il a décidé de ne pas échanger avec elle parce qu’elle était une collègue. D’ailleurs, il avait eu une confrontation avec celle-ci par le passé (pièces E-6 a), b) et c).  Il n’acceptait pas les propos de sa collègue. Il était chatouilleux sur l’autorité et sur ce qui pouvait s’en rapprocher.

[264]     Le plaignant a nié vouvoyer ses élèves individuellement. Ainsi, le directeur  aurait tout inventé.

[265]     Le plaignant a témoigné que, lors de la rencontre du 5 octobre 2012, le directeur avait un ton correct et que, par la suite, il ne pouvait parler et qu’il n’y avait pas place à discussion; le directeur était trop fâché. Pourtant, le plaignant a pu le questionner sur les visites en classe et si d’autres enseignants avaient aussi des visites. De plus, le plaignant a rédigé deux courriels où on peut constater qu’il y avait plutôt matière à discussion lors de cette rencontre (pièces S-9 et S-10). Le plaignant n’est pas de bonne foi.

[266]     Il est vrai que la direction n’a pas répondu à ces courriels, mais le directeur a expliqué, qu’en répondant, il n’y aurait pas eu de fin même s’il avait constaté des énoncés erronés dans les textes.

[267]     L’Employeur a dû écrire au plaignant afin qu’il choisisse un comité sur lequel siéger (pièces S-7 et S-8). Il n’en choisissait pas disant que ce choix revenait à la direction. Il s’est montré arrogant et même menaçant dans ses citations, selon le procureur patronal.

[268]     Dès la mise en application des fiches, le plaignant en a remis trois à l’élève A en moins de trente minutes. Le procureur est d’avis que l’enseignant aime l’affrontement dont le directeur et le directeur adjoint ont été victimes. Il est vrai que le directeur était fâché, il ne faut pas en conclure pour autant qu’il avait l’intention de nuire au plaignant. Il serait plutôt surprenant qu’être assis 20 minutes en classe nuirait à quelqu’un. Après les observations, le directeur a reconnu que le plaignant possédait les 12 compétences pour enseigner. 

[269]     Pour le procureur, il ne s’agit pas ici de déterminer si la direction avait des motifs d’aller en classe. L’Employeur avait toute discrétion pour aller en classe; l’important est que cette visite n’a pas été effectuée dans le but de nuire à l’enseignant.

[270]     Le Syndicat a soutenu que la lettre du directeur est incluse dans les représailles. Le procureur patronal soumet que c’est faux et ajoute aussi que cet élément n’est pas allégué dans le grief.

[271]      Des gestes, même imparfaits, ne peuvent être considérés automatiquement comme étant des représailles.

[272]     Le procureur syndical a parlé de violence et d’intimidation à l’école alors qu’aucune preuve n’a été présentée à cet effet.

[273]     Pour soutenir son argumentation, le procureur patronal dépose les autorités suivantes :

Commission scolaire Berthier-Nord-Joli c. Syndicat de l’enseignement de Lanaudière , SAE 6638 (T.A.).

Commission scolaire de Montréal c. Alliance des professeures et professeurs de Montréal , SAE 7992 (T.A.).

Commission scolaire des Samares c. Syndicat de l’enseignement de Lanaudière , SAE 8284 (T.A.).

Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys c. Syndicat de l’enseignement de l’Ouest de Montréal , SAE 8300 (T.A.).

Loi sur l’instruction publique, (LRQ., c.I-13.3).

La réplique du Syndicat

[274]     Dans le présent dossier, le droit dont il est question est le droit d’association et le droit de consulter son Syndicat. C’est un droit clair et non ambigu.

[275]     La riposte de l’Employeur ne vient pas des 20 minutes passées en classe par le directeur, mais de la lettre administrative (pièce S-7), du suivi pédagogique et du rapport qui devait en découler (pièce S-13). Le Syndicat n’a pas besoin d’alléguer chaque pièce pour qu’elle soit comprise dans l’idée de riposte.

[276]     Le directeur a affirmé avoir fait entre 30 et 40 observations des enseignants. Or, il n’était présent à l’école Saint-Eugène qu’une journée par semaine. 

[277]     Quant à la sortie médiatique, le procureur souligne qu’il n’était pas question de l’école, de l’enseignant ni des élèves; seul le nom de la Commission scolaire a été mentionné. L’objet du message d’Éric Bédard n’était pas qu’il y avait 50 % de cas lourds dans la classe du plaignant, mais que le Code de vie n’était pas appliqué. Comme il n’avait pas accès à ses fiches, l’enseignant ne savoir quoi faire. Si ce dernier avait un sentiment de vengeance, pourquoi l’Employeur ne l’a-t-il pas sanctionné ?  

[278]     Le 5 octobre 2012, le plaignant n’a pas parlé qu’il avait 50 % de cas lourds chez ses élèves. La direction n’en a pas parlé non plus, même si elle aurait pu questionner l’enseignant sur ce sujet. Le plaignant a plutôt souligné qu’il avait plusieurs cas particuliers. La rencontre s’est bien déroulée, selon les propos même du directeur. On est loin du contentieux que veut nous faire croire le procureur patronal.  

[279]     Le directeur a parlé qu’il voulait faire entre huit et dix interventions. Il n’en a fait qu’une en réalité.

[280]     Finalement, conclut le procureur syndical, le plaignant a témoigné en toute honnêteté et les propos du procureur patronal ne collent pas à la réalité.   

La supplique de l’Employeur

[281]     Pour parler de représailles de la part de l’Employeur, il faut véritablement une intention de nuire qui n’est nullement mise en preuve ici. 

[282]     Quant au plaignant, le procureur allègue qu’il a fait plus qu’une consultation auprès du  Syndicat.

[283]     Il n’y a pas eu de rapport de suivi pédagogique.

[284]     Le directeur a été interrogé par la partie adverse; il est donc normal que son témoignage diverge de celui du plaignant qui disait qu’il était mal à l’aise des propos du président alors qu’il a aussi dit que le président avait bien fait son discours au Conseil des commissaires. Pour le procureur patronal, le plaignant ne dit pas toute la vérité.

[285]     Même si l’école, la direction ou l’enseignant ne sont pas nommés dans la sortie publique, tout le monde avait compris de qui il s’agissait. Les enseignants ont d’ailleurs demandé au directeur adjoint comment il se sentait face à cette situation.

[286]     Le 5 octobre 2012, le directeur a montré une liste des élèves de la classe du plaignant (pièce E-1). Il ouvrait donc la discussion sur le sujet des cas lourds.

L’ANALYSE ET LA DÉCISION

[287]     Les clauses pertinentes de la convention collective se lisent ainsi :

14-3.00         REPRÉSAILLES ET DISCRIMINATION

14-3.01

Aucunes représailles ni discrimination d'aucune sorte ne sont exercées contre une représentante ou un représentant de la commission, ni contre une déléguée ou un délégué syndical ou une représentante ou un représentant du syndicat, au cours ou à la suite de l'accomplissement de leurs fonctions.

14-3.02

La commission et le syndicat reconnaissent que toute enseignante ou tout enseignant a droit à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés tels qu'ils sont affirmés dans la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12).

La commission convient expressément de respecter, dans ses gestes, attitudes et décisions, l'exercice par toute enseignante ou tout enseignant, en pleine égalité, de ces droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence pouvant constituer une discrimination au sens de la Charte mentionnée à l'alinéa précédent.

14-3.03

Aucunes représailles, menace ou contrainte ne sont exercées contre une enseignante ou un enseignant en raison de l'exercice d'un droit que lui reconnaît la convention ou la loi.

14-3.04

Le présent article s'applique à l'enseignante ou l'enseignant à la leçon et à la suppléante ou au suppléant occasionnel.

(…)

[288]     La Loi sur l’instruction publique donne la définition du mot intimidation et les obligations de l’élève eu égard à son comportement. Elle définit aussi, entre autres choses, les fonctions et les pouvoirs généraux du conseil d’établissement et du directeur d’école :

CHAPITRE I

ÉLEVE

SECTION I

DROITS DE L’ÉLÈVE

(…)

13. Dans la présente loi on entend par :

(…)

1.1 «  intimidation  » : tout comportement, parole, acte ou geste délibéré ou non à caractère répétitif, exprimé directement ou indirectement, y compris dans le cyberespace, dans un contexte caractérisé par l’inégalité des rapports de force entre les personnes concernées, ayant pour effet d’engendrer des sentiments de détresse et de léser, blesser, opprimer ou ostraciser;

(…)

SECTION III

OBLIGATION DE L’ÉLÈVE

18.1. L’élève doit adopter un comportement empreint de civisme et de respect envers le personnel de la commission scolaire ainsi qu’envers ses pairs.

Il doit contribuer à l’établissement d’un milieu d’apprentissage sain et sécuritaire. À cette fin, il est tenu de participer aux activités de l’école qu’il fréquente concernant le civisme, la prévention et la lutte contre l’intimidation et la violence.

(…)

CHAPITRE II

ENSEIGNANT

(…)

SECTION II

OBLIGATIONS DE L’ENSEIGNANT

(…)

22.  Il est du devoir de l'enseignant:

 

1° de contribuer à la formation intellectuelle et au développement intégral de la personnalité de chaque élève qui lui est confié;

 

2° de collaborer à développer chez chaque élève qui lui est confié le goût d'apprendre;

 

3° de prendre les moyens appropriés pour aider à développer chez ses élèves le respect des droits de la personne;

 

4° d'agir d'une manière juste et impartiale dans ses relations avec ses élèves;

 

5° de prendre les mesures nécessaires pour promouvoir la qualité de la langue écrite et parlée;

 

6° de prendre des mesures appropriées qui lui permettent d'atteindre et de conserver un haut degré de compétence professionnelle;

 

6.1° de collaborer à la formation des futurs enseignants et à l'accompagnement des enseignants en début de carrière;

 

7° de respecter le projet éducatif de l'école.

(…)

CHAPITRE III

ÉCOLE

SECTION I

CONSTITUTION

(…)

SECTION II

CONSEIL D’ÉTABLISSEMENT

1.-     Composition

(…)

4.-     Fonctions et pouvoirs

 

1.      FONCTIONS ET POUVOIRS GÉNÉRAUX

(…)

 

75.1   Le conseil d’établissement approuve le plan de lutte contre l’intimidation et la violence et son actualisation proposés par le directeur de l’école.

Ce plan a principalement pour objet de prévenir et de contrer toute forme d’intimidation et de violence à l’endroit d’un élève, d’un enseignant et de tout autre membre du personnel de l’école.

Le plan de lutte contre l’intimidation et la violence doit notamment prévoir, en outre des éléments que le ministre peut prescrire par règlement : 

1˚ une analyse de la situation de l’école au regard des actes d’intimidation et de violence;

2˚ les mesures de prévention visant à contrer toute forme d’intimidation ou de violence motivée, notamment, par le racisme, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, l’homophobie, un handicap ou une caractéristique physique;

3˚ les mesures visant à favoriser la collaboration des parents à la lutte contre l’intimidation et la violence et à l’établissement d’un milieu d’apprentissage sain et sécuritaire;

4˚ les modalités applicables pour effectuer un signalement ou pour formuler une plainte concernant un acte d’intimidation ou de violence et, de façon plus particulière, celles applicables pour dénoncer une utilisation de médias sociaux ou de technologies de communication à des fins de cyberintimidation;

5˚ les actions qui doivent être prises lorsqu’un acte d’intimidation ou de violence est constaté par un élève, un enseignant, un autre membre du personnel de l’école ou par quelque autre personne;

6˚ les mesures visant à assurer la confidentialité de tout signalement et de toute plainte concernant un acte d’intimidation ou de violence;

7˚ les mesures de soutien ou d’encadrement offertes à un élève victime d’un acte d’intimidation ou de violence ainsi que celles offertes à un témoin ou à l’auteur d’un tel acte;

8˚ les sanctions disciplinaires applicables spécifiquement au regard des actes d’intimidation ou de violence selon la gravité ou le caractère répétitif de ces actes;

9˚ le suivi qui doit être donné à tout signalement et à toute plainte concernant un acte d’intimidation ou de violence.

Un document expliquant le plan de lutte contre l’intimidation et la violence est distribué aux parents. Le conseil d’établissement veille à ce que ce document soit rédigé de manière claire et accessible.

Le plan de lutte contre l’intimidation et la violence est révisé annuellement et, le cas échéant, il est actualisé.

75.2 Le plan de lutte contre l’intimidation et la violence doit comprendre des dispositions portant sur la réforme et la nature des engagements qui doivent être pris par le directeur de l’école envers l’élève qui est victime d’un acte d’intimidation ou de violence et envers ses parents.

75.3 Tout membre du personnel d’une école doit collaborer à la mise en œuvre du plan de lutte contre l’intimidation et la violence et veiller à ce qu’aucun élève de l’école à laquelle il est affecté ne soit victime d’intimidation ou de violence.

(…)

76. Le conseil d’établissement approuve les règles de conduite et les mesures de sécurité proposées par le directeur de l’école.

Les règles de conduite doivent notamment prévoir, en outre des éléments que le ministre peut prescrire par règlement :

1˚ les attitudes et le comportement devant être adoptés en toute circonstance par l’élève;

2˚  les gestes et les échanges proscrits en tout temps, quel que soit le moyen utilisé, y compris ceux ayant lieu par l’intermédiaire de médias sociaux et lors de l’utilisation du transport scolaire;    

3˚  les sanctions disciplinaires applicables selon la gravité ou le caractère répétitif de l’acte répréhensible.

Les règles de conduite et les mesures de sécurité sont présentées aux élèves lors d’une activité de formation sur le civisme que le directeur de l’école doit organiser annuellement en collaboration avec le personnel de l’école. Elles sont également transmises aux parents de l’élève au début de l’année scolaire.

(…)

SECTION III

ORGANISME DE PARTICIPATION DES PARENTS

(…)

SECTION IV

  COMITÉ DES ÉLÈVES

(…)

SECTION V

DIRECTEUR DE L’ÉCOLE

1.-     Nomination

96.8. Le directeur de l’école est nommé par la commission scolaire selon les critères de sélection qu’elle établit après consultation du conseil d’établissement.

La commission scolaire peut désigner une personne pour occuper temporairement le poste de directeur de l’école, en appliquant les dispositions des conventions collectives ou des règlements du ministre qui peuvent être applicables, le cas échéant.

96.9. La commission scolaire peut nommer un ou plusieurs adjoints au directeur de l’école après consultation de celui-ci.

96.10. Un directeur adjoint assiste le directeur dans l’exercice de ses fonctions et pouvoirs.

Le directeur adjoint, ou celui des adjoints désignés par la commission scolaire, exerce les fonctions et pouvoirs du directeur en cas d’absence ou d’empêchement de ce dernier.

96.11. Le directeur de l’école ne peut, sous peine de déchéance de sa charge, avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise mettant en conflit son intérêt personnel et celui de l’école.

Toutefois, cette déchéance n’a pas lieu si un tel intérêt lui échoit par succession ou donation, pourvu qu'il y renonce ou en dispose avec diligence.     

2.-     Fonctions et pouvoirs            

96.12.  Sous l'autorité du directeur général de la commission scolaire, le directeur de l'école s'assure de la qualité des services éducatifs dispensés à l'école.

 

Il assure la direction pédagogique et administrative de l'école et s'assure de l'application des décisions du conseil d'établissement et des autres dispositions qui régissent l'école.

 

Le directeur de l'école voit à la mise en oeuvre du plan de lutte contre l'intimidation et la violence. Il reçoit et traite avec diligence tout signalement et toute plainte concernant un acte d'intimidation ou de violence.

 

Le directeur de l'école qui est saisi d'une plainte concernant un acte d'intimidation ou de violence doit, après avoir considéré l'intérêt des élèves directement impliqués, communiquer promptement avec leurs parents afin de les informer des mesures prévues dans le plan de lutte contre l'intimidation et la violence. Il doit également les informer de leur droit de demander l'assistance de la personne que la commission scolaire doit désigner spécialement à cette fin.

 

Le directeur de l'école transmet au directeur général de la commission scolaire, au regard de chaque plainte relative à un acte d'intimidation ou de violence dont il est saisi, un rapport sommaire qui fait état de la nature des événements qui se sont produits et du suivi qui leur a été donné.

 

Le directeur de l'école doit désigner, parmi les membres du personnel de l'école, une personne chargée, dans le cadre de sa prestation de travail, de coordonner les travaux d'une équipe qu'il doit constituer en vue de lutter contre l'intimidation et la violence.

 

93.13. Le directeur de l’école Assiste le conseil d’établissement dans l’exercice de ses fonctions et pouvoirs et, à cette fin :

 

1˚ il coordonne l’analyse de la situation de l’école de même que l’élaboration, la réalisation et l’évaluation périodique du projet éducatif de l’école;

 

1.1˚ il coordonne l’élaboration, la révision et le cas échéant, l’actualisation du plan de réussite de ’école;

 

1.2˚ il coordonne l’élaboration, la révision et, le cas échéant, l’actualisation du plan de lutte contre l’intimidation et la violence;

 

2˚ il s’assure de l’élaboration des propositions visées dans le présent chapitre qu’il doit soumettre à l’approbation du conseil d’établissement;

 

2.1˚ il s’assure de l’élaboration des propositions visées dans le présent chapitre qu’il doit soumettre à l’approbation du conseil d’établissement;

 

3˚ il favorise la concertation entre les parents, les élèves et le personnel et leur participation à la vie de l’école et à la réussite; 

 

4˚ il informe régulièrement le conseil d’établissement des propositions qu’il approuve en vertu de l’article 96.15.

 

Lorsque le directeur de l’école néglige ou refuse de soumettre à l’approbation du conseil d’établissement une proposition sur un sujet relevant de la compétence du conseil, dans les 15 jours de la date à laquelle le conseil en fait la demande, ce dernier peut agir sans cette proposition.

 

96.14.  Le directeur de l'école, avec l'aide des parents d'un élève handicapé ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, du personnel qui dispense des services à cet élève et de l'élève lui-même, à moins qu'il en soit incapable, établit un plan d'intervention adapté aux besoins de l'élève. Ce plan doit respecter la politique de la commission scolaire sur l'organisation des services éducatifs aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage et tenir compte de l'évaluation des capacités et des besoins de l'élève faite par la commission scolaire avant son classement et son inscription dans l'école.

 

Le directeur voit à la réalisation et à l'évaluation périodique du plan d'intervention et en informe régulièrement les parents.

 

96.15. Sur proposition des enseignants ou, dans le cas de propositions prévues au paragraphe 5 0 , des membres du personnel concernés, le directeur de l’école :

 

1˚ approuve, conformément aux orientations déterminées par le conseil d’établissement, les programmes d’études locaux pour répondre aux besoins particuliers des élèves;

 

2˚ approuve les critères relatifs à l’implantation de nouvelles méthodes  pédagogiques; 

 

3˚ approuve, conformément à la présente loi et dans le cadre du budget de l’école, le choix des manuels scolaires et du matériel didactique requis pour l’enseignement des programmes d’études;

 

4˚ approuve les normes et modalités d’évaluation des apprentissages de l’élève, notamment les modalités de communication ayant pour but de renseigner ses parents sur son cheminement scolaire, en tenant compte de ce qui est prévu au régime pédagogique et sous réserve des épreuves que peut imposer le ministre ou la commission scolaire;

 

5˚ approuve les règles pour le classement des élèves et le passage d’un cycle à l’autre au primaire, sous réserve de celles qui sont prescrites par le régime pédagogique.

 

Avant d’approuver les propositions prévues au paragraphe 3 ˚ du premier alinéa et celles relatives aux modalités de communication ayant pour but de renseigner les parents d’un élève sur son cheminement scolaire visées au paragraphe 4˚ du premier alinéa, le directeur de l’école doit les soumettre à la consultation du conseil d’établissement.

 

Les propositions des enseignants ou des membres du personnel visées au présent article sont faites selon les modalités établies par ceux-ci lors d’assemblées générales convoquées à cette fin par le directeur de l’école ou, à défaut, selon celles établies par ce dernier.

 

Une proposition des enseignants ou des membres du personnel sur un sujet visé au présent article doit être donnée dans les 15 jours de la date à laquelle le directeur de l’école en fait la demande, à défaut de quoi le directeur de l’école peut agir sans cette proposition.

 

Lorsque le directeur de l’école n’approuve pas une proposition des enseignants ou des membres du personnel, il doit leur en donner les motifs.

 

96.16. Avec l’autorisation du ministre, un nombre d’unités supérieur à celui prévu au régime pédagogique peut être attribué à un programme d’études local.

 

96.17. Le directeur de l’école peut exceptionnellement, dans l’intérêt d’un enfant qui n’a pas atteint les objectifs de l’éducation préscolaire, sur demande motivée des parents et selon les modalités déterminées par les règlements du ministre, admettre cet enfant à l’éducation préscolaire pour l’année scolaire où il serait admissible à l’enseignement primaire, s’il existe des motifs raisonnables de croire que cette mesure est nécessaire pour faciliter son cheminement scolaire.

 

96.18. Le directeur de l’école peut exceptionnellement, dans l’intérêt d’un élève qui n’a pas atteint les objectifs et maîtrisé les contenus notionnels obligatoires de l’enseignement primaire au terme de la période fixée par le régime pédagogique pour le passage obligatoire à l’enseignement secondaire, sur demande motivée des parents et selon les modalités déterminées par les règlements du ministre, admettre cet élève à l’enseignement primaire pour une année additionnelle, s’il existe des motifs raisonnables de croire que cette mesure est nécessaire pour faciliter son cheminement scolaire.

 

96.19. Le directeur de l’école doit transmettre à la commission scolaire à chaque année, à la date et dans la forme demandée par cette dernière, un rapport sur le nombre d’élèves admis dans chacun des cas visés aux articles.

 

96.20. Le directeur de l’école, après consultation des membres du personnel de l’école, fait part à la commission scolaire, à la date et dans la forme que celle-ci détermine, des besoins de l’école pour chaque catégorie de personnel, ainsi que des besoins de perfectionnement de ce personnel.     

                     

96.21.  Le directeur de l'école gère le personnel de l'école et détermine les tâches et responsabilités de chaque membre du personnel en respectant les dispositions des conventions collectives ou des règlements du ministre applicables et, le cas échéant, les ententes conclues par la commission scolaire avec les établissements d'enseignement de niveau universitaire pour la formation des futurs enseignants ou l'accompagnement des enseignants en début de carrière.

 

Le directeur de l'école voit à ce que tous les membres du personnel de l'école soient informés des règles de conduite et des mesures de sécurité de l'école, des mesures de prévention établies pour contrer l'intimidation et la violence et de la procédure applicable lorsqu'un acte d'intimidation ou de violence est constaté.

 

Il voit à l'organisation des activités de perfectionnement des membres du personnel de l'école convenues avec ces derniers en respectant les dispositions des conventions collectives qui peuvent être applicables, le cas échéant.

 

96.22. Le directeur de l’école, après consultation du conseil d’établissement, fait part à la commission scolaire des besoins de l’école en biens et services, ainsi que des besoins d’amélioration, d’aménagement, de construction, de transformation ou de réfection des locaux ou immeubles mis à la disposition de l’école.

 

96.23. Le directeur de l’école gère les ressources matérielles de l’école en appliquant, le cas échéant, les normes et décisions de la commission scolaire; il en rend compte à la commission scolaire.

 

96.24. Le directeur de l’école prépare le budget annuel de l’école, le soumet au conseil d’établissement pour adoption, en assure l’administration et en rend compte au conseil d’établissement.

 

Le budget maintient l’équilibre entre, d’une part, les dépenses et, d’autre part, les ressources financières allouées à l’école par la commission scolaire et les autres revenus qui lui sont propres.

 

Le budget approuvé de l’école constitue des crédits distincts au sein du budget de la commission scolaire et les dépenses pour cette période sont imputées à ces crédits.

 

À la fin de chaque exercice financier, les surplus de l’école, le cas échéant, deviennent ceux de la commission scolaire. Toutefois, ces surplus doivent être portés aux crédits de l’école pour l’exercice financier suivant lorsque la convention de gestion et de réussite éducative conclue en application de l’article 209.2 y pourvoit.

En cas de fermeture de l’école, les surplus et les fonds de celle-ci, le cas échéant, deviennent ceux de la commission scolaire.

 

96.25. Le directeur de l’école participe à l’élaboration du plan stratégique, des politiques et des règlements de la commission scolaire.

 

96.26. Le directeur de l’école exerce aussi les fonctions et pouvoirs que lui délègue des commissaires.  

 

À la demande de la commission scolaire, il exerce des fonctions autres que celles de directeur d’école.     

 

96.27. Le directeur de l’école peut suspendre un élève lorsqu’il estime que cette sanction disciplinaire est requise pour mettre fin à des actes d.intimidation ou de violence ou pour contraindre l’élève à respecter les règles de conduite de l’école.

 

La durée de la suspension est fixée par le directeur de l’école en prenant en compte l’intérêt de l’élève, la gravité des événements ainsi que toute mesure prise antérieurement, le cas échéant.

 

Le directeur de l’école informe les parents de l’élève qu’il suspend des motifs justifiant la suspension ainsi que des mesures d’accompagnement, de remédiation et de réinsertion qu’il impose à l’élève.

 

Il avise les parents qu’en cas de récidive, sur demande de sa part faite au conseil des commissaires en application de l’article 242, l’élève pourra être inscrit dans une autre école ou être expulsé des écoles de la commission scolaire.

 

Il informe le directeur général de la commission scolaire de sa décision.

 

[289]     Le Code du travail , à son article 14,   interdit à tout employeur, entre autres choses, par des mesures de représailles à l’endroit d’une personne salariée, de la contraindre à s’abstenir d’exercer un droit résultant du Code du travail :

CHAPITRE II

DES ASSOCIATIONS

SECTION I

DU DROIT D’ASSOCIATION

(…)

14. [Contraintes prohibées] Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou pour une association d’employeurs ne doit refuser d’employer une personne à cause de l’exercice par cette personne d’un droit qui lui résulte du présent code, ni chercher par intimidation, mesures discriminatoires ou de représailles, menace de renvoi ou autre menace, ou par l’imposition d’une sanction ou par quelque autre moyen à contraindre un salarié à s’abstenir ou à cesser d’exercer un droit qui lui résulte du présent code.

 

[Restriction] Le présent article n’a pas pour effet d’empêcher un employeur de suspendre, congédier ou déplacer un salarié pour une cause juste et suffisante dont la preuve lui incombe.

[290]     La Loi sur les normes du travail prévoit également un recours à l’encontre d’une pratique interdite :           

CHAPITRE V

LES RECOURS

SECTION I

LES RECOURS CIVILS

(…)

 

SECTION II

RECOURS À L’ENCONTRE DUNE PRATIQUE INTERDITE

 

122. [Congédiement interdit]  Il est interdit à un employeur ou à son agent de congédier, de suspendre ou de déplacer un salarié, d'exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles ou de lui imposer toute autre sanction:

 

1° à cause de l'exercice par ce salarié d'un droit, autre que celui visé à l'article 84.1, qui lui résulte de la présente loi ou d'un règlement;

 

1.1° en raison d'une enquête effectuée par la Commission dans un établissement de cet employeur;

 

2° pour le motif que ce salarié a fourni des renseignements à la Commission ou à l'un de ses représentants sur l'application des normes du travail ou qu'il a témoigné dans une poursuite s'y rapportant;

 

3° pour la raison qu'une saisie-arrêt a été pratiquée à l'égard du salarié ou peut l'être;

 

3.1° pour le motif que le salarié est un débiteur alimentaire assujetti à la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires (chapitre P-2.2);

 

4° pour la raison qu'une salariée est enceinte;

 

5° dans le but d'éluder l'application de la présente loi ou d'un règlement;

 

6° pour le motif que le salarié a refusé de travailler au-delà de ses heures habituelles de travail parce que sa présence était nécessaire pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l'éducation de son enfant ou de l'enfant de son conjoint, ou en raison de l'état de santé de son conjoint, de son père, de sa mère, d'un frère, d'une soeur ou de l'un de ses grands-parents, bien qu'il ait pris les moyens raisonnables à sa disposition pour assumer autrement ces obligations;

 

7° en raison d'une dénonciation faite par un salarié d'un acte répréhensible au sens de la Loi concernant la lutte contre la corruption (chapitre L-6.1) ou de sa collaboration à une vérification ou à une enquête portant sur un tel acte;

 

8° en raison de l'exercice par ce salarié d'un droit qui lui résulte de la Loi sur les régimes volontaires d'épargne-retraite (chapitre R-17.0.1);

 

9° dans le but d'éluder l'application de la Loi sur les régimes volontaires d'épargne-retraite;

 

10° en raison d'une communication faite par un salarié à l'inspecteur général de la Ville de Montréal ou de sa collaboration à une inspection menée par ce dernier en application des dispositions de la section VI.0.1 du chapitre II de la Charte de la Ville de Montréal (chapitre C-11.4).

 

[Salariée enceinte déplacée] Un employeur doit, de son propre chef, déplacer une salariée enceinte si les conditions de travail de cette dernière comportent des dangers physiques pour elle ou pour l'enfant à naître. La salariée peut refuser ce déplacement sur présentation d'un certificat médical attestant que ces conditions de travail ne présentent pas les dangers allégués.

[291]     D’entrée de jeu, et après avoir lu attentivement tous les documents déposés en preuve et avoir analysé tous les témoignages entendus, le Tribunal ne peut faire autrement que de constater, comme c’est souvent le cas dans plusieurs conflits, qu’il y a eu un manque flagrant de communication et de bonne volonté de part et d’autre. Le Tribunal ne convient pas, pour le moment, qu’il n’y a pas eu de représailles ni qu’une ou l’autre des parties a agi de façon illicite ou non. Nous y reviendrons plus loin. Ce que le Tribunal constate plutôt, c’est la présence d’un conflit qui perdure et qui perdurera tant et aussi longtemps que chacun n’ y mettra pas une volonté de favoriser un climat de travail sain et serein pour le bien de tous. 

[292]     Ceci étant dit, voyons ce qui en est.

[293]     La clause 14-3.03 de la convention collective est claire et interdit que toutes représailles, menace ou contrainte ne soient exercées contre un enseignant ou une enseignante en raison de l’exercice d’un droit que lui reconnaît la convention collective ou la loi.

[294]     Ainsi, dans le dossier sous étude, pour convenir qu’il y a eu représailles, il faut l’exercice d’un droit par le plaignant et une concomitance avec des mesures prises par l’Employeur que la clause 14-3.03 identifie comme étant des représailles, menace ou contrainte.

[295]      Comme l’arbitre Maureen Flynn, dans l’affaire de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, le Tribunal retient la définition du mot représailles que l’on retrouve dans le Dictionnaire des relations du travail :

 

Représailles

Mesure prise par un individu ou un groupe pour infliger un inconvénient, physique, économique ou autre, en vue de riposter à un acte posé par autrui.

[296]     Si nous appliquons cette définition au présent cas, pour qu’il y ait représailles, nous devons être en présence d’une mesure prise par l’Employeur  dans le but de riposter à l’exercice d’un droit du plaignant en tenant compte que la riposte de l’Employeur doit infliger un inconvénient.

[297]     Il n’est nullement contesté que le droit du plaignant a été de consulter et d’informer le Syndicat qu’un de ses élèves avait eu trois manquements majeurs qui, selon lui, n’avaient pas eu de conséquences compte tenu que le Code de vie de l’école n’était pas encore mis en application. Pour le plaignant, le Code de vie devait être en vigueur dès le début de l’année scolaire et la direction de l’école ne respectait pas cette obligation. De plus, le plaignant a également informé le président du Syndicat que plus de la moitié de ses élèves étaient des cas disons particuliers.

[298]     Le plaignant a témoigné à l’effet qu’il avait parlé de cas particuliers et non de cas lourds . Quoi qu’il en soit, il est en preuve que, lorsque le président du Syndicat a informé les commissaires lors de l’assemblée tenue à la fin du mois de septembre, du non respect du Code de vie, il a parlé que la classe du plaignant comprenait plus de la moitié de cas lourds. Peu importe, donnons le bénéfice du doute au plaignant sur le qualificatif utilisé, il n’en demeure pas moins que la moitié des élèves de la classe était, selon lui, en situation particulière.   

[299]     Si nous revenons à nos commentaires d’introduction, il aurait été intéressant de voir quelle aurait été l’intervention de la direction de l’école si le plaignant avait parlé à cette dernière de l’élève A, des trois infractions majeures, de l’impossibilité de sanctionner ce jeune vu que le Code de vie n’était pas en vigueur et aussi de la présence dans sa classe d’un grand nombre d’élèves qui sont des cas particuliers. Comment pouvait-il recevoir de l’aide supplémentaire s’il ne le dit pas à la direction de l’école ? Poser la question est y répondre.  Toutefois, ce n’est pas l’a-propos du grief.  

[300]     Eu égard au Code de vie et à son application en particulier, le Tribunal ne comprend pas pourquoi le plaignant n’a pas questionné la direction sachant fort bien que c’était une nouvelle direction adjointe qui pouvait ne pas être complètement au courant de sa mise en place. Dès le 7 septembre, via un courriel de Éric Bégin, le plaignant savait que le système de fiches commencerait le 10 septembre et que la comptabilisation commencerait plus tard le 17 ou le 18 septembre (pièce S-6). Le directeur adjoint écrivait qu’il y aurait alors des fiches d’avertissement jusqu’au 18 septembre.

[301]     Le Tribunal reconnaît que les fiches d’avertissement ne sont pas prévues au Code de vie tout comme il n’y est pas prévu une période d’adaptation. Connaissant cette façon de faire et n’étant pas en accord avec, pourquoi le plaignant a-t-il choisi de ne pas intervenir auprès de la direction ou de la direction adjointe ? Il nous dira que la direction n’était pas ouverte aux discussions. Peut-être ? Peut-être aussi que son comportement a fait en sorte que la direction avait une certaine retenue. Quoi qu’il en soit, le Tribunal considère tout de même qu’il a plutôt choisi la confrontation. Ce n’est pas qu’il ne pouvait pas informer le Syndicat de la situation qui est une confrontation; c’est plutôt le choix de passer par la deuxième possibilité au lieu de choisir la première qui aurait été celle de s’informer auprès de la direction.  

[302]     D’ailleurs, s’il l’avait fait, il aurait appris que c’était à la demande des enseignants eux-mêmes que la mise en vigueur du Code de vie avait été retardée dans le temps et que l’élève A avait eu une suspension à l’interne et un suivi avec un adulte dans la cour d’école. Il est aussi vrai que la suspension à l’interne n’est pas prévue au Code de vie. Cela ne change rien. Il est toujours de la discrétion d’une direction d’école d’agir pour le bien d’un élève. Sans minimiser les gestes de l’élève A, n’oublions pas que nous sommes en début d’année scolaire et que ce dernier a tout de même été sanctionné.  

[303]     Tout ça était-il à ce point majeur dans la vie de l’école pour en faire un débat public sans même en avoir discuté avec la direction de l’école ? Le Tribunal est loin de partager ce point de vue.

[304]     Le Tribunal est aussi bien conscient que la chimie ne passait pas entre le directeur de l’école et le plaignant. Dès le début de l’année scolaire, ce dernier n’appréciait pas que le directeur fasse la tournée le matin pour donner la main aux enseignants. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’année scolaire ne débutait pas sur une bonne note entre ces deux personnes.  

[305]     Ceci étant dit, le Tribunal reconnaît que l’enseignant avait tout de même tout à fait le droit d’informer le Syndicat eu égard à l’application du Code de vie à l’élève A aussi bien qu’il avait une classe avec beaucoup de cas particuliers.

[306]     À la suite de l’exercice de ce droit par l’enseignant, est-ce que l’Employeur a riposté ?

[307]     Le Petit Robert définit ainsi le mot riposte :

1.          Réponse vive, instantanée, faite à un interlocuteur agressif. - réplique.

3.      Vive réaction de défense, contre-attaque vigoureuse. - représailles 

[308]     Si nous examinons la définition du mot représailles, on comprend très bien qu’il s’agit d’examiner, non seulement la mesure prise par l’Employeur à l’encontre de l’exercice d’un droit reconnu au plaignant, mais aussi d’établir si cette mesure a été prise dans le but d’infliger un inconvénient à l’enseignant.

[309]     Revenons à l’assemblée des commissaires tenue à la fin du mois de  septembre. Il est vrai que ce n’est pas le plaignant, mais bien le président du Syndicat qui a informé les commissaires du non respect du Code de vie et de la présence de plus de la moitié de cas lourds dans la classe du plaignant. Il est en preuve que le président du Syndicat a aussi participé à une entrevue radiophonique pour parler de la même situation (pièce E-3).

[310]     Le 28 septembre 2012, est arrivée une lettre signée par le directeur et le directeur adjoint qui demandaient au plaignant une rencontre pour discuter des activités éducatives et du pourcentage de sa tâche (pièce S-7).

[311]     Par la suite, il s’en est suivi un échange de courriels entre le plaignant et le directeur le 2 et le 3 octobre 2012, dans le but de fixer une date de rencontre (pièces S-8 a), b) et c).

[312]     Le Tribunal retient que c’est le 5 octobre que le plaignant s’est présenté au bureau du directeur. La preuve révèle que l’avant rencontre était un présage du déroulement de celle-ci ne serait-ce que par le comportement du plaignant qui s’est présenté au secrétariat et n’a pas salué le directeur qui se dirigeait au même moment à son bureau.

[313]     Ce 5 octobre, après avoir discuté de sa tâche et malgré que le sujet n’était pas inscrit à l’ordre du jour, le directeur a décidé de parler au plaignant de ses cas lourds en lui montrant les résultats de l’année précédente de ses élèves. Le directeur était en désaccord avec la sortie médiatique du Syndicat qui mentionnait que la moitié de ses élèves étaient des cas lourds. Le directeur a alors informé l’enseignant qu’il aurait un suivi pédagogique et qu’il pouvait aller l’observer dans sa classe. La discussion s’est terminée sur le tableau des sorties éducatives du plaignant.

[314]     Il est certain que cette mesure de l’Employeur est en lien direct avec la sortie médiatique. Le directeur lui-même le dira au plaignant ce 5 octobre, tout comme il le dira en témoignage.

[315]     Toutefois, l’extrait du journal déposé à la pièce S-4 ne fait nullement mention que la moitié des élèves de la classe du plaignant sont des cas lourds. On n’y souligne que le cas de l’élève A et la non application du Code de vie.

[316]     Par ailleurs, lors de l’entrevue radiophonique, le président du Syndicat disait clairement que la Commission scolaire ne faisait rien alors que l’élève A aurait dû être sanctionné et que la classe du plaignant comprenait la moitié de cas lourds (pièce E-3).

[317]     S’il est vrai que le directeur de l’école a décidé de prendre une mesure à la suite de la sortie médiatique en allant observer l’enseignant dans sa classe, le Tribunal ne peut pour autant en conclure, même selon la balance des probabilités, qu’il voulait se venger ou infliger un inconvénient à l’enseignant.

[318]     Il faut comprendre qu’une direction d’école a certainement le droit d’observer un enseignant en classe pour s’assurer de la composition de celle-ci d’autant plus si son opinion diverge de celle de l’enseignant.

[319]     Dans les présentes circonstances, la mesure était-elle raisonnable ? Le Tribunal estime que oui.

[320]     Évidemment, si le directeur de l’école et l’enseignant avaient convenu de discuter des différents élèves pour comprendre le vrai portrait de la classe du plaignant, un tel exercice d’observation de la part du directeur n’aurait pas été nécessaire. Ce n’est pas le choix que ni l’un ni l’autre ont fait.

[321]     La direction ne serait pas allée en classe, qu’on aurait tout autant pu lui reprocher de ne pas l’avoir fait pour s’assurer que tout était conforme. Le directeur nous dira en témoignage, qu’après 20 minutes d’observation, il a réalisé que le comportement des élèves était bien. Il y avait une problématique eu égard à la résolution d’un problème en mathématiques. Il se disait qu’il reviendrait.

[322]     Il y est retourné quelques semaines plus tard pour une dizaine de minutes et il est sorti de la classe puisque la matière ne se prêtait pas vraiment à une observation. Là se sont arrêtées les observations.

[323]     Le Tribunal peut comprendre qu’un enseignant d’expérience comme le plaignant, qui n’a jamais eu une telle observation, en soit choqué, mais le Tribunal n’y voit là aucune intention de nuire ni même un inconvénient. En somme, le directeur de l’école avait le droit, mais encore plus le devoir de valider les informations reçues quant à la composition de la classe.       

[324]     Concernant la lettre du 28 septembre 2012 signée par le directeur et le directeur adjoint où ces derniers expriment leurs attentes administratives, le Tribunal considère qu’il était de leur droit de s’enquérir auprès du plaignant des renseignements à fournir pour les activités éducatives et le pourcentage de sa tâche (pièce S-7). Cette lettre, même si elle est datée du 28 septembre, soit quelques jours après les propos du président du Syndicat lors de l’assemblée du Conseil des commissaires, est loin d’être une mesure de représailles. Il n’est pas difficile de comprendre que les relations sont tendues entre le plaignant et la direction et que celle-ci préfère faire ses demandes par écrit.

[325]     Eu égard au courriel du 29 novembre 2012 dans lequel le directeur, ayant appris le départ du plaignant pour travailler au Syndicat, l’informait qu’il reportait la rencontre qu’il voulait faire dans la semaine du 10 décembre pour le rapport de supervision pédagogique. Il la fera à son retour au mois d’août 2013 (pièce S-13).

[326]     Le Tribunal ne voit pas là, bien au contraire, une mesure de représailles du directeur et estime qu’il aurait été intéressant de voir le suivi que le directeur aurait fait à l’enseignant concernant ses deux observations. Il est normal et approprié qu’un suivi soit effectué après qu’un employeur ait observé un de ses salariés.    

[327]     Ainsi, de ce qui précède, le Tribunal considère qu’il n’y a pas eu de représailles de la part de la direction de l’école.

[328]     Quant à l’affaire du Collège Dawson , le Tribunal partage les propos du commissaire à l’effet qu’ une mesure de représailles doit donc recevoir une interprétation large et peut prendre différentes formes et que L’aspect subjectif y revêt un importance significative.

[329]     Toutefois, cette affaire est fort différente de la nôtre alors qu’il est davantage question d’observation, de lettre ou de rapport. Le dossier Dawson mettait en cause la charge de travail du salarié jusqu’à la réduire à néant (paragraphe 23 de la décision) :

Une mesure de représailles doit donc recevoir une interprétation large et peut prendre différentes formes. L’aspect subjectif y revêt une importance significative. La privation des responsabilités inhérentes à un emploi constitue une altération vitale des conditions de travail d’une personne. […]

[330]     L’affaire de la Commission scolaire Baldwin-Cartier est aussi fort différente de notre dossier. Selon la soussignée, l’arbitre Lavoie aurait même pu parler de menace. Dans cette affaire, le directeur de l’école a refusé de donner suite à la mise en place d’un projet pédagogique proposé par la plaignante parce que cette dernière avait refusé de renoncer à sa participation à un atelier syndical.  Pour l’arbitre Gilles Lavoie, il y avait eu une décision de principe pour accepter ce projet.

[331]     Dans notre dossier, même si tous les faits sont concomitants, il faut voir que la direction de l’école pouvait et devait s’assurer de la composition de la classe de l’enseignant. Comme l’opinion du directeur de l’école était différente sur cette composition et qu’il était impossible d’en discuter avec l’enseignant, il ne restait que l’observation en classe pour vérifier les informations reçues.

[332]     L’arbitre Lavoie s’exprime ainsi (page 181) :

Considérant ce qui précède, y a-t-il lieu de conclure à l’existence de représailles ?

Pour l’arbitre, la réponse à cette question est positive. Il y a eu représailles. En effet, la preuve révèle clairement que le directeur de l’école a refusé de donner suite à la mise en place d’un projet pédagogique proposé  par la plaignante parce que cette dernière avait refus de renoncer à sa participation à un atelier syndical portant sur la question des enfants en difficultés d’adaptation et d’apprentissage et aux mesures de support. Ce droit de la plaignante n’a jamais été nié ni par l’employeur ni par le directeur. Il est prévu à la convention collective. Le soussigné a par ailleurs noté qu’un grief portant sur ces questions existait à la commission et à l’école de la plaignante.

[…]

Le fait pour le directeur Bédard de cesser de fournir son appui au projet de madame Moreau dans les circonstances révélées par la preuve constitue donc des représailles au sens de cette définition.                                                           

[333]     Dans l’affaire de la Commission scolaire des Manoirs , l’arbitre en vient à la conclusion, qu’en l’absence de preuve quant à un motif précis pour refuser la présence de stagiaire dans la classe d’une enseignante, il ne peut que conclure que le directeur a agi ainsi pour punir la plaignante de l’éclat qu’elle avait causé l’année précédente lorsqu’elle a demandé l’aide du syndicat.

[334]     Le Tribunal est bien conscient que notre affaire aussi a eu de l’éclat (article de journal et entrevue radiophonique), mais nous estimons que la direction de l’école avait un motif valable d’observer dans la classe de l’enseignant.

[335]     Dans le dossier de la Commission scolaire des Manoirs, il faut voir que la direction de l’école a présenté plusieurs motifs pour justifier son geste, motifs qui n’ont pas été pris en considération par l’arbitre Gosselin. Voici comment cette dernière s’exprime (pages 891 et 892) :

  C’est dans ce contexte que M. Piché décide de refuser un stagiaire dans les classes de Mme Martin. Ce stagiaire avait été accepté et le stage était commencé. Ses motifs officiels de refus sont le non-respect des deux politiques mentionnées ci-haut. Or, la preuve est à l’effet qu’il n’a appris que quelques jours après avoir retourné le stagiaire que Mme Martin avait déjà reçu un stagiaire à l’automne. Ce motif n’existait donc pas au moment où il a pris sa décision. De plus, il faut rappeler que selon le témoignage non contredit de la plaignante, c’est le directeur adjoint qui lui a demandé de recevoir ce stagiaire. Quant au deuxième motif, on a vu que s’il existait au moment de la décision, il n’était selon la preuve, connu que de la direction. Par ailleurs, les motifs que le directeur donnera aux autres personnes impliquées pour expliquer sa décision varient; à l’un, il dit que c’est à cause des circonstances entourant la personnalité de Mme Martin, à un autre, que c’est parce qu’une stagiaire s’était déjà plainte de Mme Martin et au troisième que c’est parce que les mesures d’encadrement n’avaient pas été respectées.

À cette variété de motifs, s’ajoute le caractère intempestif de la décision du directeur. Le lundi matin, Mme Martin a un stagiaire qui est accepté par la direction et deux jours plus tard elle n’en a plus sans qu’on ait examiné la question avec elle et sans même avoir été avisée par la direction, puisque c’est le stagiaire lui-même qui l’en informe. De même, les personnes responsables du stage ne sont pas consultées au sujet de cette décision que rien n’annonçait, mais seulement informées du fait qu’elle a été prise.

Je considère que les faits de l’affaire permettent d’inférer que M. Piché avait un autre motif pour refuser la présence du stagiaire dans les classes de Mme Martin. Et en l’absence de preuve quant à cet autre motif je ne peux que conclure que le directeur a agi ainsi pour punir la plaignante de l’éclat qu’elle avait causé l’année précédente lorsqu’elle a demandé l’aide du syndicat. Les motifs qu’a invoqués l’employeur, s’ils pouvaient en soi être valables, ne sont pas crédibles en l’espèce.

[336]     En somme, ce n’est pas parce que le Code vie n’aurait pas été respecté dans son intégralité, ni qu’il aurait été mis en vigueur plus tard que prévu, ni que la sanction donnée à un jeune n’était pas non plus prévue au Code vie, ni même que les fiches d’avertissement n’existaient pas dans le Code de vie, que la façon de faire de la direction de l’école est pour autant inacceptable et doit être remise en question.

[337]     La preuve veut plutôt que ce jeune a été sanctionné et que les enseignants désiraient que le Code de vie soit mis en vigueur un peu plus tard. Si le plaignant l’avait demandé, il l’aurait su. Il aurait appris aussi que le directeur adjoint trouvait que trois fiches étaient beaucoup pour un jeune.

[338]     Quant à la question des cas particuliers de la classe du plaignant, le Tribunal reconnaît le bien-fondé de la mesure prise par la direction de l’école même s’il s’agit, selon la preuve entendue, d’une mesure exceptionnelle.

[339]     Considérant les faits spécifiques à ce dossier, la direction de l’école pouvait et devait agir pour vérifier les informations reçues pour le bien-être des élèves.       

 

PAR CONSÉQUENT, pour tous ces motifs, l’arbitre soussignée

 

REJETTE le grief numéro 2015-0000934-5152.

 

 

 

 

 

 

M e Francine Beaulieu, avocate

Arbitre de griefs

 

 

 

 

 

 

Pour le Syndicat :                 M e Maxime Lazure-Bérubé

 

Pour l’Employeur :                M e  Yann Bernard