Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 25 mars 2015

Référence neutre : 2015 QCTAQ 02649

Dossier  : SAS-Q-202861-1407

Devant les juges administratifs :

BRUNO J. L'HEUREUX

JEAN-MARC DUFOUR

 

R… G…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]           Le présent recours concerne la contestation d’une décision rendue par le Service de la révision de l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec, du 27 mai 2014. Cette décision maintenait une décision qui suspendait le permis de conduire du requérant à compter du 16 avril 2014 en raison d’un diagnostic d’abus chronique ou de dépendance à l’alcool et ce, jusqu’à ce qu’il rencontre les exigences permettant l’obtention d’un nouveau permis de conduire ceci, en vertu de l’article 191 du Code de la sécurité routière [1] .

[2]           L’article 191 est ainsi libellé :

«  191 . La Société doit suspendre un permis d’apprenti-conducteur et un permis probatoire ou un permis de conduire ou une classe de ceux-ci lorsque le titulaire de l’un ou plusieurs de ces permis, selon un rapport d’examen ou d’évaluation visé aux articles 64, 73 , 76.1.2, 76.1.4 ou 76.1.4.1 ou un rapport visé à l’article 603, est atteint d’une maladie, d’une déficience ou se trouve dans une situation qui, suivant les normes concernant la santé établies par règlement, sont essentiellement incompatibles avec la conduite d’un véhicule routier correspondant à l’un des permis ou à l’une des classes de permis qu’il possède. »

(le Tribunal souligne)

[3]           Cette décision identifie, entre autres conditions, les suivantes que le requérant doit respecter pour obtenir à nouveau son permis de conduire, à savoir :

-Se soumettre à une évaluation complète auprès de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec; et,

-Atteindre les objectifs fixés dans le plan d’encadrement qui lui sera proposé.

[4]           Cette décision lui ouvre aussi la possibilité d'être autorisé à conduire un véhicule muni d'un dispositif détecteur d'alcool (permis avec condition I) selon certaines exigences.

[5]           Le requérant demande au Tribunal de pouvoir retrouver le privilège d’avoir un permis de conduire afin de lui permettre de gagner un revenu sans devoir se soumettre aux conditions de l’intimée.

PREUVE TESTIMONIALE

[6]           Le requérant témoigne que c’est lorsqu’il a demandé l’ajout des classes 4B et 4C à son permis détenu qu’il a dû se soumettre à une évaluation médicale par son médecin de famille habituel.

[7]           Il confirme qu’il consomme de l’alcool en quantité variable mais toujours dans un endroit alors qu’il n’est pas amené à conduire.

[8]           Il dit comprendre que son médecin de famille n’avait pas le choix d’indiquer sa dépendance à l’alcool.

[9]           Il soumet qu’il a conduit pendant plus de 30 ans, mais qu’il n’a jamais conduit sous influence, qu’il n’a jamais été arrêté pour conduite en état d’ébriété et qu’il n’a jamais été soumis à un test d’alcoométrie.

[10]        Il atteste ne plus consommer d’alcool depuis moins de 12 mois.

 

ANALYSE

[11]        De l’ensemble de la preuve soumise, le Tribunal retient les éléments pertinents suivants.

[12]        Le requérant a demandé une addition de classes 4B et 4C qui permettent respectivement la conduite d’un autobus et d’un taxi.

[13]        De façon statutaire, pour accorder un tel permis, l’intimée exige la production d’un rapport d’examen médical lequel est produit le 27 mars sous la signature du Dr Evelyne Chevrette, médecin de famille habituel du requérant.

[14]        À la section 7, le rapport indique les diagnostics suivants : troubles anxieux non-spécifiques ainsi qu’éthylisme ou abus d’alcool.

[15]        Plus spécifiquement, le diagnostic d’éthylisme (ou d’alcoolisme) ou d’abus d’alcool est visé par l’article 45 du Règlement sur les conditions d’accès à la conduite d’un véhicule routier relatives à la santé des conducteurs [2]  :

«  45 . L’alcoolisme chronique ou la dépendance pharmaco-physiologique à l’alcool éthylique est essentiellement incompatible avec la conduite d’un véhicule routier sauf si la personne satisfait aux conditions suivantes  :

1°         elle a remis à la Société un rapport d’examen ou d’évaluation visé à l’article 73 du Code de la sécurité routière (chapitre C-24.2) lequel comprend un plan d’encadrement identifiant des objectifs à atteindre compatibles avec la conduite d’un véhicule routier;

2°         elle a atteint les objectifs fixés dans le plan d’encadrement. »

(le Tribunal souligne)

[16]        L’article 73 du Code de la sécurité routière édicte quant à lui :

« 73. La Société peut exiger d'une personne qui demande l'obtention ou le renouvellement d'un permis, d'en faire changer la classe ou de lui en ajouter une autre ou de faire supprimer une condition y apparaissant, qu'elle se soumette à un examen médical ou à une évaluation sur sa santé fait par un médecin spécialiste ou un autre professionnel de la santé que la Société peut désigner nommément. Cette personne doit, à la demande de la Société, lui remettre le rapport de cet examen ou de cette évaluation dans le délai qu'elle lui indique et qui ne peut excéder 90 jours.

En outre, la Société peut requérir que l'examen ou l'évaluation soit fait dans le centre hospitalier ou dans le centre de réadaptation qu'elle désigne nommément ou dont elle détermine la classe parmi celles établies à l'article 86 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2).

Dans le cas où l'évaluation est faite dans un centre de réadaptation pour personnes alcooliques et autres personnes toxicomanes ou dans un centre hospitalier offrant ce même service, elle est faite par des personnes autorisées par ces centres et suivant des règles établies par entente entre la Société et ces centres et entre la Société et l'Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec .

La Société peut également exiger que la personne qui demande de faire supprimer une condition apparaissant sur son permis se soumette à un examen de compétence.

Lorsque l'examen établit qu'une personne est atteinte d'alcoolisme chronique ou a une dépendance pharmaco-physiologique à l'alcool ou lorsque l'évaluation établit que le rapport de la personne à l'alcool compromet la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe demandée, le permis probatoire ou le permis de conduire qui peut lui être délivré ne l'autorise à conduire un véhicule routier que si celui-ci est muni d'un antidémarreur éthylométrique agréé par la Société. »

( notre emphase et notre souligné )

[17]        Le requérant reconnait qu’il a un diagnostic d’alcoolisme; ce n’est pas contesté.

[18]        Le Tribunal doit déterminer si l’intimée était justifiée de suspendre le permis de conduire du requérant pour un motif d’abus d’alcool.

[19]        Le Tribunal rappelle que les dispositions de l’article 191 du Code de la sécurité routière et de l’article 45 du Règlement sur les conditions d’accès à la conduite d’un véhicule routier relatives à la santé des conducteurs sont impératives et que les mesures prévues, notamment le rapport d’évaluation comprenant un plan d’encadrement s’inscrivent à l’intérieur d’un régime d’ordre public visant à assurer la sécurité routière.

[20]        Tel qu’énoncé par la Cour Suprême [3] au sujet de la conduite d’un véhicule automobile :

« Il faut se rappeler cependant que ce droit n’est pas une liberté fondamentale comme le droit ordinaire de circuler dont jouit une personne, mais une activité qui nécessite un permis, c’est-à-dire assujetti à une réglementation et à un contrôle en vue de la protection de la vie des personnes et de la propriété. »

[21]        En regard de la preuve médicale qui a été soumise devant le Tribunal, un problème d’abus d’alcool a été révélé. Cette preuve, par ailleurs, n’a pas été contredite. De sorte que le Tribunal ne peut que constater que les conditions prévues par la Loi, obligeant l’intimée à suspendre un permis de conduire étaient rencontrées au moment où la décision a été prise.

[22]        Le Tribunal constate que le requérant ne s’est pas soumis aux conditions prévues pour obtenir à nouveau un permis de conduire, n’a pas produit une preuve médicale de rémission prolongée de la consommation d’alcool (abstinence d’au moins douze mois) ou a refusé de se plier à l’installation d’un dispositif détecteur d’alcool et à l’inscription d’une condition I sur son permis de conduire.

[23]        En conséquence, le Tribunal conclut que l’intimée était justifiée de suspendre le permis de conduire du requérant pour une condition essentiellement incompatible avec la conduite d’un véhicule routier et que, dès lors, elle pouvait exiger que celui-ci se conforme aux exigences des paragraphes 1 et 2 de l’article 45 du Règlement précité.

 

POUR CES MOTIFS, le Tribunal  :          

REJETTE le recours.

 


 

BRUNO J. L'HEUREUX, j.a.t.a.q.

 

 

JEAN-MARC DUFOUR, j.a.t.a.q.


 


 



[1] L.R.Q. c. C-24-2

[2] RLRQ, chapitre C-24.2, r. 8

[3] 1985, 2 R.C.S.2, 34-35, dans l’affaire Ted Mann c. La Reine