Fafard c. Location Parade inc.

2015 QCCQ 2651

COUR DU QUÉBEC

Division des petites créances

 

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-138164-134

 

 

 

DATE :

26 mars 2015

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SOUS LA PRÉSIDENCE DU

JUGE

HENRI RICHARD, J.C.Q.

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OLIVIER FAFARD

Demandeur

c.

 

LOCATION PARADE INC.

Défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]            En août 2012, Olivier Fafard achète de Location Parade inc. ( Parade ) une Porsche 911 de l'année 2005 ayant parcouru 83 447 kilomètres.

[2]            M. Fafard allègue et témoigne que des vices cachés affectent ce véhicule d'occasion si bien qu'il réclame à Location Parade inc. 8 653,85 $ qu'il accepte de réduire à 7 000 $ afin de conférer compétence à la Division des petites créances de la Cour du Québec.

[3]            En défense, Parade plaide que le véhicule en cause n'est pas affecté de défectuosités qui le rendent impropres à l'usage auquel il est destiné.

Question en litige

[4]            Au moment de la vente, le véhicule vendu par Parade à M. Fafard est-il affecté de vices cachés, au sens juridique de ces termes?

Contexte et analyse

[5]            Bien que Parade vende à M. Fafard la Porsche 911 de l'année 2005, elle est conduite et entretenue par M. André Dorais qui négocie les modalités de la vente.

[6]            En fait, comme l'explique son représentant, M. Michel Laplante, Parade agit envers M. Dorais comme compagnie de financement.

[7]            Quoi qu'il en soit, un lien de droit de nature contractuelle existe entre M. Fafard et Parade en relation avec la vente du véhicule en cause.

[8]            La Porsche 911 que vend Parade à M. Fafard est une voiture sport de luxe coûteuse à l'achat et pour son entretien.

[9]            M. Fafard ne fait procéder à aucune inspection avant l'achat et amène le véhicule auprès du concessionnaire Porsche Lauzon une semaine après. On y effectue alors une « inspection pour achat » au cours de laquelle il est découvert certaines défectuosités dont une fuite d'antigel, des bruits reliés à la suspension arrière, la présence du voyant « PSM » qui s'allume, un relâchement dans la direction avant, etc.

[10]         M. Fafard fonde son recours sur les articles 53 de la Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1, ( L.P.C. ) et 1726 du Code civil du Québec ( C.c.Q. ):

« 53.  Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d'indications nécessaires à la protection de l'utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien. »

« 1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »

(soulignements ajoutés par le Tribunal)

[11]         Afin de bien circonscrire la notion d’« acheteur prudent et diligent », le Tribunal réfère à un remarquable article de synthèse de Me Isabelle Viens intitulé « La prudence et la diligence de l’acheteur en matière de vices cachés : un concept à définitions multiples » [1] .

[12]           Sans refaire l’étude exhaustive de Me Viens, le Tribunal retient les principes suivants: 

−    Le comportement de l’acheteur s’évalue eu égard à une norme objective de l’acheteur raisonnable, prudent et diligent;

−    L’acheteur doit prêter une attention suffisante à l’objet qu’il examine dans le cadre d’un examen visuel, attentif mais sommaire, contrairement à un examen en profondeur;

−    L’inspection préachat n’est pas une expertise;

−    En présence d’indice pouvant laisser soupçonner la présence d’un vice, l’acheteur prudent et diligent doit prendre des mesures raisonnables, selon les circonstances, pour connaître l’état réel du bien;

−    Si un bien présente des signes sérieux de vices potentiels, un acheteur prudent et diligent doit s’adjoindre un expert, sinon il risque de se voir opposer le caractère apparent du vice;

−    Le test applicable à l’acheteur afin de déterminer s’il est prudent et diligent est « unique », de sorte que les tribunaux ne peuvent pas modifier l’intensité de cette norme lorsqu’ils font face à un cas où l’inspection est réalisée par un spécialiste plutôt que par l’acheteur;

−    Dans tous les cas, le test consiste à se demander si un acheteur raisonnable placé dans les mêmes circonstances aurait pu déceler le vice au moment de la vente;

−    Parallèlement à la garantie légale contre les vices cachés, le vendeur possède une obligation de renseignement qui découle du principe de la bonne foi codifié aux articles 6, 7 et 1375 du C.c.Q. [2] ;

−    Ainsi, le vendeur est tenu de renseigner l’acheteur en lui communiquant toute l’information déterminante et pertinente afin qu’il consente de manière éclairée à l’acquisition du bien;

−    Certains facteurs doivent être pris en compte dans la détermination du caractère caché du vice : le statut du vendeur et de l’acheteur, la nature, l’âge et le prix du bien, le type de vice et le comportement des parties;

−    Le vendeur est tenu à la garantie contre les vices cachés, même s’il ne les connaît pas et agit de bonne foi. S’il les connaît ou est présumé les connaître, il est tenu de tous les dommages-intérêts soufferts par l’acheteur (article 1728 C.c.Q .).

[13]         De ces principes, le Tribunal conclut que M. Fafard n'agit pas comme « un acheteur prudent et diligent » puisque tous les vices qu'il allègue pouvaient être décelés avant la vente, dans le cadre d'un examen ordinaire, ce qu'il néglige d'effectuer.

[14]         L'achat d'un tel véhicule de plus de 7 ans d'existence, ayant parcouru plus de 80 000 kilomètres oblige l'acheteur à agir avec plus de diligence et de prudence.

[15]         Si M. Fafard avait fait procéder à une inspection préachat, il aurait pu découvrir les vices qu'il constate après la vente.

[16]         Finalement, un des chefs de la réclamation de M. Fafard est le remplacement de la « flywheel » au montant de 2 752,04 $.

[17]         Selon lui, le remplacement de cette composante serait « possiblement » la cause des problèmes de l'apparition du voyant lumineux « check engine » qui apparaît de façon récurrente.

[18]         Pour qu'un vice puisse être qualifié de caché, il doit être mis en preuve qu'il rende le bien impropre à l'usage auquel on le destine ou qu'il diminue tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté. Il s'agit du principe du déficit d'usage qui est indissociable de la qualification juridique d'un vice caché.

[19]         Or, au présent dossier, la preuve démontre que M. Fafard utilise le véhicule, même si le voyant lumineux « check engine » apparaît de façon récurrente.

[20]         Ceci étant, M. Fafard ne se décharge pas d'établir, par prépondérance de preuve, que le vice qu'il allègue rende le véhicule impropre à l'usage auquel on le destine ou diminue tellement son utilité qu'il ne l'aurait pas acheté.

[21]         Quoi qu'il en soit, si M. Fafard avait fait procéder à une inspection préachat et qu'il avait vérifié auprès du concessionnaire qui a toujours entretenu ce véhicule, il aurait constaté l'apparition fréquente d'un voyant lumineux qui indique un possible problème.

[22]         M. Fafard ne procède ni à l'un ni à l'autre et il ne peut faire reproche à Parade son manque de prudence et de diligence dans l'achat de ce véhicule.

[23]         Conséquemment, le Tribunal rejette la demande de M. Fafard mais, exerçant sa discrétion judiciaire, n'impose aucuns frais.

 

PAR CES MOTIFS , le Tribunal:

REJETTE la demande d'Olivier Fafard contre Location Parade inc., chaque partie payant ses frais.

 

 

 

 

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HENRI RICHARD, J.C.Q.

 

 

Date d’audience :

23 février 2015

 



[1] Dans Droit Immobilier - Deuxième colloque, La Collection Blais, Volume 15, Éditions Yvon Blais, 2012, p.1-45.

[2] 6.  Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

 

7.  Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.

 

1375.  La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.