Labonté c. Bouffard |
2015 QCCQ 2928 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-FRANÇOIS |
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LOCALITÉ DE |
SHERBROOKE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
450-32-017225-145 |
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DATE : |
30 mars 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MADELEINE AUBÉ, J.C.Q. |
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LINDA LABONTÉ , domiciliée et résidant au […], Sherbrooke (Québec) […] |
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Demanderesse |
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c. |
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MARCO BOUFFARD , domicilié et résidant au […], Sherbrooke (Québec) […] |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse (ci-après « Madame L. ») réclame au défendeur (ci-après « Monsieur B. ») 7 000 $ en réparation de préjudices subis lors d’une altercation entre les parties, survenue le 15 mai 2013.
[2] La réclamation se détaille ainsi :
· préjudice physique |
3 500 $ |
· préjudice moral, douleurs et inconvénients |
3 500 $ |
[3] Monsieur B. conteste la réclamation. Il soutient que Madame L. s’est infligé elle-même les blessures [1] en se laissant tomber par terre et en se frappant le visage. Elle lui aurait mentionné qu’il allait être dans le trouble.
[4] Le 6 septembre 2013, Monsieur B. a reçu signification d'une mise en demeure le tenant responsable des dommages subis par Madame L. [2]
[5] Les parties, qui ont déjà fait vie commune, ont recommencé à se fréquenter à l’époque des événements.
[6] Le 15 mai 2013, Madame L. soupe chez Monsieur B. Après le souper, une conversation sur des soupçons que Madame L. entretient quant aux fréquentations de Monsieur B. s’amorce. Madame L. quitte les lieux pour se rendre chez elle.
[7] Après avoir consommé environ trois verres de sangria, Madame L., qui aurait eu des informations sur les fréquentations de Monsieur B., retourne chez lui vers 22 heures, dans le but de le confronter.
[8] Le défendeur, de retour du cinéma, est couché. Une fois entrée chez le défendeur, elle veut lui montrer, sur internet, l’information et lui pose des questions.
[9] La demanderesse admet avoir d’abord frappé Monsieur B. après que ce dernier l’ait insultée.
[10] C’est sur la suite des événements que la preuve devient contradictoire.
[11] Madame L. soutient que Monsieur B. s’est retourné pour lui asséner un coup de poing en plein visage et elle est tombée.
[12] Tandis que, Monsieur B. allègue qu’il a pris Madame L. par les épaules, pour la reconduire à l’extérieur de la maison. Madame en état d’ébriété, se serait laissé tomber par terre et s’est frappé le visage sur le plancher. Elle lui aurait dit qu’elle avait l’intention de lui faire du trouble sachant qu’il a déjà eu une accusation de voies de fait, il y a plus de dix ans.
[13] Sous le choc, Madame L. est retournée chez elle, conduisant elle-même son auto. Une fois rendue chez elle, elle appelle un ami, qui vient la rejoindre et lui conseille d’appeler les policiers.
[14] Monsieur B. porte plainte à la police. Le rapport de police indique, après la version des faits de Madame L. [3] :
Mme L[…] nous parle et nous pouvons sentir une odeur d’alcool provenant de son haleine. Elle ne cesse de pleurer. Elle confirme avoir consommé de l’alcool pendant la soirée. M B[…] décide de porter plainte contre elle pour la claque qu’il a reçu (EG13-19800). Nous procédons donc à l’arrestation de Mme L[…] a 23h27 pour voies de fait simple. Nous lui expliquons qu’il y a alors une plainte croisée dans le dossier et que compte tenu du fait que c’est dans le cadre d’une violence conjugale nous ne pouvons la libéré immédiatement et nous devons allé au poste de police avec elle. Nous devons par contre allé à l’hôpital pour ses blessures. Elle est transportée par ambulance [caviardé] vers le CHUS BOWEN. Elle est par la suite emmené à l’urgence en salle B24. Nous prenons la plainte de Mme L[…] à cet endroit. Lors de la prise de la déclaration par 2233, elle se met a être agressive et a vouloir quitter l’hopital. Elle se calme après un certain temps et CST 2232 continu pour la suite de la plainte. [Transcription conforme] |
[15] Madame L. quittera l’hôpital après avoir signé un refus de traitement [4] .
[16] Deux rapports médicaux concluent qu’il n’y a pas évidence de fracture [5] .
[17] Les parties admettent qu’aucune accusation criminelle n’a été portée contre eux.
[18] Le 18 octobre 2013, Madame L. reçoit une confirmation de sa demande à l’IVAC (Indemnisation des victimes d’actes criminels) [6] .
[19] Le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de cette réclamation en répondant aux questions suivantes :
A) Madame L., qui est indemnisée par l'IVAC, peut-elle intenter un recours civil contre l’auteur du préjudice?
B) La preuve prépondérante démontre-t-elle que le préjudice subi par Madame L. a été causé par la faute de Monsieur B.?
[20]
L’article
[21] Les auteurs Baudouin et Deslauriers nous enseignent que la victime d’un acte criminel peut, à son choix, soit se prévaloir du régime institué en sa faveur par la loi, soit poursuivre le responsable devant les tribunaux réguliers. Si la victime choisit l’indemnisation prévue à la loi, elle conserve le droit de poursuivre pour le supplément d’indemnité [8] .
[22] Cette loi prévoit également que si la somme adjugée et perçue à la suite d'une poursuite civile est inférieure au montant des indemnités que le réclamant aurait pu obtenir en vertu de la présente loi, ce dernier peut bénéficier, pour la différence, des avantages de la présente loi en avisant la Commission et en lui formulant sa réclamation dans l'année suivant la date du jugement [9] .
[23] Selon les articles 9 et 10 de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels :
9. Dès la production d'une demande, la Commission est de plein droit subrogée aux droits du réclamant jusqu'à concurrence du montant qu'elle pourra être appelée à lui payer et elle peut, en son nom ou aux nom et lieu du réclamant, continuer ou exercer une poursuite civile.
Un montant ainsi recouvré est versé au fonds consolidé du revenu.
Si le réclamant choisit de se prévaloir de la présente loi, les ententes ou compromis qui peuvent intervenir entre les parties relativement à la poursuite civile ou au droit à telle poursuite sont sans effet jusqu'à ce qu'ils aient été ratifiés par la Commission; le paiement du montant convenu ou adjugé ne peut être fait que de la manière que la Commission indique.
10. Rien, dans la présente loi, n'affecte le droit du réclamant qui a choisi de réclamer le bénéfice des avantages de la présente loi de recouvrer de toute personne responsable du préjudice matériel, de la blessure ou de la mort les montants requis pour équivaloir, avec l'indemnité, à la perte réellement subie.
[24] Le Tribunal conclut que cette loi n’empêche pas Madame L. d’intenter un recours en responsabilité civile contre Monsieur B. Toutefois, les sommes octroyées seront soumises aux dispositions de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels .
[25]
L'article
[26] Pour réussir dans son action, Madame L. doit établir trois éléments : la faute, le dommage et le lien de causalité.
[27] Elle a le fardeau de prouver de façon prépondérante le bien-fondé de sa réclamation. À cet égard, il est utile de citer l’affaire Ratthé c. Gagnon Auto Suzuki, L.N. Gagnon Automobile inc. [10] :
En matière de responsabilité civile, le Tribunal doit décider selon la prépondérance de preuve. C'est ainsi que, dans l'arrêt PARENT c. LAPOINTE (1952, 1 R.C.S. 376, 380), l'honorable juge Taschereau de la Cour suprême du Canada déclare :
C'est par la prépondérance de la preuve que les causes doivent être déterminées, et c'est à la lumière de ce que révèlent les faits les plus probables, que les responsabilités doivent être établies .
[Nos soulignés]
[28] Le Tribunal conclut que Madame L. n’a pas prouvé de façon prépondérante que les préjudices qu’elle a subis ont été causés par la faute de Monsieur B.
[29] Devant deux versions contradictoires, le Tribunal ne peut conclure que de façon prépondérante la preuve démontre la faute de Monsieur B.
[30] Le témoignage de Monsieur B. est crédible. Il dit avoir retenu des leçons des accusations portées contre lui en 2005. Il voulait éviter la querelle. Après que Madame L. l’ait frappé à la tête, il l'a prise par les épaules pour l’accompagner jusqu’à la sortie. Madame L. a chuté et s’est blessée.
[31] Le Tribunal conclut que la réclamation n’est pas fondée, mais compte tenu des circonstances, il n’y a pas lieu d’accorder les frais de la contestation contre Madame L.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[32] REJETTE la demande, sans frais.
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__________________________________ MADELEINE AUBÉ, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
23 mars 2015 |
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[1] Pièce D-2.
[2] Pièce P-1.
[3] Pièce P-6.
[4] Pièce P-5.
[5] Pièce P-5.
[6] Pièce P-8.
[7] RLRQ, c. I-6.
[8] Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers , La responsabilité civile. Volume I - Principes généraux , 7 e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, par. 1-1094.
[9]
Article
[10]
(C.Q., 2000-01-13),