COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
AM-2001-5798 |
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Cas : |
CM- 2015-0822 |
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Référence : |
2015 QCCRT 0183 |
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Montréal, le |
8 avril 2015 |
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DEVANT LE COMMISSAIRE : |
André Michaud, juge administratif |
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Syndicat des travailleuses et des travailleurs de Vérification pré-emploi - CSN
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Requérant |
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c. |
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8313784 Canada inc.
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Employeur |
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ORDONNANCE DE VOTE |
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[1]
Le 10 février 2015, le Syndicat des travailleuses et des travailleurs de Vérification pré-emploi - CSN (le
Syndicat
) dépose, en champ libre, une requête en vertu de l’article
« Toutes et tous les salarié-es au sens du Code du travail à l’exclusion des vendeurs, du personnel au service à la clientèle, au service de la comptabilité et des finances et du personnel de l’informatique et de l’administration. »
Établissement visé :
200 - 1303 rue William
Montréal, Québec
H3C 1R4
[2] Le 26 février 2015, le procureur de l’Employeur transmet une lettre à la Commission dans laquelle il signifie son désaccord sur l’unité de négociation demandée parce qu’elle serait inappropriée. Il propose plutôt l’unité suivante :
« Toutes et tous les salariés au sens du Code du travail. »
[3] Le matin de l’audience, les parties s’entendent sur la liste des salariés qui doivent être inclus dans l’unité de négociation, selon l’une ou l’autre des hypothèses de description. Ainsi, à la liste fournie par l’Employeur le 10 février 2015, il faut ajouter les noms de madame Cassia Gang Matheus et de monsieur Marco Carpotorto.
[4] La Commission doit donc décider de la description de l’unité de négociation.
[5] L’Employeur exploite son entreprise sous le nom de « Solutions de vérification Garda ». Il s’agit d’une ancienne division de Garda World qui a été achetée au mois de juin 2013 et qui exerce maintenant ses activités de façon autonome. Son expertise consiste à faire des vérifications préemploi pour les entreprises clientes. Ainsi, elle vérifie les antécédents scolaires, professionnels, judiciaires, financiers et sociaux des personnes dont les noms sont transmis par les clients.
[6] Les sources d’information utilisées sont, selon le cas, des instances gouvernementales, des institutions d’enseignement, des employeurs antérieurs, des services de police et des particuliers. Ces ressources peuvent être localisées à l’extérieur du Québec ou du Canada.
[7] L’Employeur compte 75 personnes à son emploi, soit 66 salariés et 9 cadres.
[8] Les heures d’affaires de l’Employeur sont de 8 h à 20 h, du lundi au vendredi. La majorité des salariés travaillent de 8 h 30 à 17 h.
[9] La majorité des salariés, soit 58, y exerce les fonctions d’agents de vérification ou de commis administratifs. Il s’agit des postes visés par la requête du Syndicat. Les 8 autres salariés occupent les postes suivants :
· Emmanuelle Bonnet, comptable;
· Susana Sequeira et Lyne Sigouin, assistantes-comptables;
· Xiao Hui Cui et Feng Wang, programmeurs;
· Dominique Dumas et Philippe Lanctôt Chaput, chargés de comptes;
· Stéphane Ouellet, spécialiste au service à la clientèle.
[10] Tous les salariés bénéficient des mêmes conditions de travail. Celles-ci sont contenues dans le « Manuel de l’employé et des politiques de ressources humaines » (le manuel ). Celui-ci est remis à tous les employés qui signent ensuite pour attester en avoir pris connaissance.
[11] Le manuel présente la philosophie de l’entreprise et toutes les conditions de travail applicables, incluant les mouvements de personnel, les congés, les heures supplémentaires, la discipline, les avantages sociaux et le mode de règlement des litiges. La majorité des postes sont comblés par des ressources internes. Ainsi, le chapitre sur la gestion des promotions et des mutations débute par :
SVG valorise un environnement de travail qui permet la mobilité; nous encourageons les employés qui en montrent l’intérêt et les capacités de présenter leur candidature pour des postes vacants afin d’évoluer dans leur carrière. Notre politique de gestion des promotions et des mutations définit une procédure permettant de gérer efficacement les mutations d’employés pour les postes autorisés, tant au sein d’un même département qu’entre des départements distincts.
[12] Les dispositions plus générales du manuel s’appliquent aussi au personnel d’encadrement.
[13] Les salaires annuels versés présentent beaucoup de différences, dues principalement aux acquisitions antérieures d’entreprises. Ainsi, celui des agents se situe entre 22 400 $ et 55 000 $ tandis que celui des commis varie entre 24 000 $ et 35 000 $.
[14] Les salaires annuels versés aux titulaires des postes exclus de la requête sont les suivants :
· Comptable : 53 000 $;
· Assistantes-comptables : 42 200 $ et 41 500 $;
· Programmeurs : 61 700 $ et 34 300 $;
· Chargés de comptes : 50 000 $ et 45 900 $;
· Spécialiste au service à la clientèle : 43 000 $.
[15] Les deux chargés de comptes reçoivent en plus une commission sur les ventes réalisées. Pour des raisons historiques, environ six agents sont aussi éligibles à recevoir une commission basée sur les montants facturés.
[16] Tous les employés sont localisés dans un même endroit, sur un seul étage. La majorité des salariés travaille dans des espaces séparés par des cloisons mobiles, au centre de l’aire de travail. D’autres cohabitent dans des bureaux fermés. Tous partagent la même cafétéria, les mêmes salles de toilettes et le même vestiaire.
[17] Messieurs Wang et Cui partagent un même bureau fermé avec le directeur TI - Service à la clientèle. Les trois salariées de la comptabilité partagent aussi un seul bureau fermé avec la directrice des ressources humaines. Les chargés de comptes et le spécialiste du service à la clientèle travaillent dans un bureau fermé commun.
[18] La qualité du service à la clientèle constitue la valeur principale de l’Employeur, étant donné la nature de son entreprise. Une des premières phrases du manuel est d'ailleurs : « Chez SVG, nous sommes fiers de soutenir une philosophie d’entreprise axée sur le service à la clientèle et d’inciter l’esprit d’entreprenariat chez nos employés. ». Ainsi, tous les employés sont appelés à interagir avec les clients.
[19] Étant donné que des vérifications d’antécédents doivent être faites à l’étranger dans des langues autres que le français ou l’anglais, tous les employés peuvent être appelés à collaborer selon leur connaissance des langues. Ainsi, madame Sequeira, assistante-comptable, fait occasionnellement des vérifications en portugais et monsieur Feng Wang, programmeur, en fait en cantonnais ou en mandarin.
[20] À la suite de la vérification effectuée, l’agent prépare les données nécessaires à la facturation du client et remet le document à un commis. Celui-ci prépare la facture et l’achemine au service de la comptabilité où un état de compte mensuel ou bimensuel est préparé à l’intention du client. Le commis transmet ensuite cet état de compte à celui-ci. En cas de questionnement, le client transige avec le commis ou une personne du service de la comptabilité selon la disponibilité de ceux-ci.
[21] Les commis administratifs reçoivent les demandes des clients, contactent ces derniers si des précisions sont requises, entrent les données dans le système de traitement et les transmettent aux agents afin qu’ils fassent les vérifications appropriées.
[22] Ces deux postes nécessitent la possession d’un diplôme d’études secondaires.
[23] Monsieur Stéphane Ouellet occupe ce poste depuis environ trois ans. Auparavant, il a été agent de vérification pendant une vingtaine d’années. Son rôle consiste à assurer la liaison entre les clients, les agents de vérification, les commis et les chargés de comptes afin d’assurer la satisfaction des besoins des clients et la résolution des problèmes. Il intervient autant dans les questions techniques que dans celles du traitement des requêtes.
[24] Monsieur Ouellet répond aux appels de la ligne téléphonique consacrée au service à la clientèle. Il fournit ainsi des réponses aux questions spécifiques des clients concernant certains dossiers. Il procède à l’ouverture de dossiers, comme les commis, selon les charges de travail du moment.
[25] Aucune exigence spécifique en matière de scolarité n’est requise pour occuper ce poste.
[26] Ces postes sont occupés par messieurs Dominique Dumas et Philippe Lanctôt Chaput. Monsieur Dumas est responsable du développement des affaires, c'est-à-dire la sollicitation de nouveaux clients. Il peut aussi répondre aux demandes de clients existants.
[27] Monsieur Lanctôt-Chaput, quant à lui, est principalement chargé de s’assurer de la satisfaction des clients actuels et de leur proposer de nouveaux services. Il participe notamment à la résolution de problèmes avec les agents et leurs responsables. Il traite aussi les demandes de clients potentiels qui contactent l’entreprise directement.
[28] La détention d’un diplôme d’études collégiales est requise pour ces deux postes.
[29] Madame Emmanuelle Bonnet occupe le poste de comptable depuis sept ans. À ce titre, elle est responsable de la préparation et du suivi du budget, de la gestion des comptes clients et fournisseurs et de la confection des états financiers.
[30] Mesdames Susana Sequeira et Lyne Sigouin sont assistantes-comptables. Elles s’occupent principalement de la facturation des clients, de la préparation de la paie, du suivi des avantages sociaux et du régime d’assurance collective et de la conciliation bancaire. Elles participent à la préparation et à l’analyse des états financiers.
[31] Madame Sigouin était auparavant à l’emploi d’une autre entreprise acquise par l’Employeur au courant de l’été 2014. Elle y occupait un poste regroupant des tâches de commis, d’agente de contrôle de la qualité et de service à la clientèle. Elle agit présentement comme remplaçante désignée d’une agente, venant aussi de l’entreprise acquise et desservant les anciens clients.
[32] La détention d’un baccalauréat en sciences comptables constitue un atout pour occuper l’un ou l’autre de ces trois postes.
[33] Messieurs Feng Wang et Xiao Hui Cui occupent ces postes. Le premier est responsable de l’entretien et du développement du logiciel spécifique utilisé par l’Employeur. Il agit comme personne-ressource auprès des employés et des clients. Le second s’occupe du soutien technique du système informatique, ainsi que de l’environnement bureautique de l’entreprise. Il intervient directement auprès du personnel et des clients quant à l’utilisation de l’interface électronique de traitement des demandes.
[34] Le poste détenu par monsieur Wang exige la possession d’un diplôme universitaire en informatique. L’Employeur demande un diplôme collégial pour celui occupé par monsieur Cui.
[35] L’Employeur conteste la description de l’unité de négociation proposée par le Syndicat. Selon lui, tous les salariés devraient en faire partie.
[36]
Les règles fondamentales de la détermination des unités se trouvent
énoncées au troisième alinéa de l’article
Groupe distinct.
Le droit à l'accréditation existe à l'égard de la totalité des salariés de l'employeur ou de chaque groupe desdits salariés qui forme un groupe distinct aux fins du présent code, suivant l'accord intervenu entre l'employeur et l'association de salariés et constaté par l'agent de relations du travail, ou suivant la décision de la Commission.
[37]
Dans l’affaire
Syndicat des employé-es de Salade Ecetera - CSN
c.
Salade Etcetera! inc.
,
[85] Lors du dépôt d’une requête en accréditation en champ libre, la jurisprudence constante veut que le tribunal n’ait pas à choisir l’unité la plus appropriée, mais qu’il vérifie si celle du requérant est tout simplement appropriée. Autrement dit, en vertu de l’article
[86] L’employeur conteste le libellé de l’unité
de négociation proposé par le Syndicat. C’est donc lui qui, dans un premier
temps, doit démontrer que celui-ci n’est pas approprié et au surplus, faire la
démonstration que celui qu’il propose l’est. C’est ce qui ressort de la
décision dans
l’affaire
Jay
Norris Canada inc
. c.
Vitriers travailleurs du verre, local 1135 de la Fraternité internationale des peintres et métiers connexes
,
[87] Par ailleurs, pour déterminer les critères qui doivent être considérés pour la détermination de l’unité appropriée, les deux parties font appel aux décisions de principes, mais chacune insiste sur un critère plutôt qu’un autre. Ainsi, elles plaident les critères définis dans l’arrêt Syndicat national des employés de Sicard (CSN) c. Association internationale des travailleurs de métal en feuilles , [1965] R.D.T. 353, soit :
La volonté des salariés librement exprimée;
L’histoire des accréditations, des négociations et des conventions collectives chez l’employeur ou chez d’autres employeurs similaires;
La division territoriale ou géographique des lieux de travail;
La communauté d’intérêts (similitude dans les conditions de travail, interdépendance, interchangeabilité et promotion d’une fonction à l’autre);
La mobilité de la main-d’oeuvre et/ou de l’exécution du travail;
La paix industrielle qui ne doit pas être troublée par la multiplicité des groupes et des associations (Balkanisation).
[38] L’importance accordée à chaque critère cité plus haut varie selon la situation, ainsi que selon la nature et la taille de l’entreprise visée. Toutefois, la Cour suprême a déjà tranché que la communauté d’intérêts constitue le facteur prééminent de l’analyse ( U.E.S., Local 298 c. Bibeault , [1988] 2 R.C.S.). Dans la présente affaire, il s’agit d’une petite entreprise offrant un seul type de services à sa clientèle, soit la vérification d’antécédents.
[39] La preuve démontre qu’il y a une communauté d’intérêts significative entre les agents, les commis et les huit autres salariés de l’Employeur. Toutes ces personnes travaillent en étroite collaboration en vue de s’assurer de répondre aux demandes des clients, autant quant au traitement des requêtes de vérification que quant au volet administratif du dossier : transmission, ouverture, rapport et facturation. La polyvalence étant privilégiée, tous les salariés peuvent être appelés à partager des tâches, selon leur disponibilité.
[40] Tous les salariés sont des employés de bureau qui travaillent ensemble dans un seul lieu physique. Leurs conditions de travail sont identiques.
[41] Quant aux salaires annuels et au versement de commissions, il y a trop de variations historiques pour en tirer une conclusion logique. On constate toutefois que les salaires accordés aux titulaires des huit postes exclus de la requête se situent au niveau supérieur de l’échelle, à cause des exigences plus élevées pour les occuper.
[42] L’Employeur privilégie aussi les ressources internes dans le comblement des postes vacants. Cela se traduit par une mobilité entre les salariés visés par la requête et les autres. C’est ainsi que madame Sigouin et monsieur Ouellet ont occupé notamment des postes d’agents de vérification avant de devenir respectivement assistante-comptable et spécialiste au service à la clientèle.
[43]
D’autre part, la paix industrielle pourrait être compromise en isolant
artificiellement les huit personnes exclues de la requête, étant donné leur
petit nombre, leur niveau d’interdépendance avec les autres salariés et la
taille de l’entreprise. Dans l’affaire
Syndicat canadien de la fonction
publique, section locale 1142
c.
Camping d’Amqui inc.
,
[34] Le phénomène des petites unités peut survenir dans de grandes entreprises où il existe déjà plusieurs unités accréditées.
[35] Toutefois, la balkanisation peut être le pire ennemi de la paix industrielle dans certaines entreprises, plus spécifiquement les plus petites.
[36] Dans une décision du 9 novembre 2000, le juge Burns du Tribunal du travail écrivait :
Quant à l’allégation de MILOS à l’effet que la paix industrielle serait menacée par l’unité globale retenue par le commissaire, elle ne peut pas être prise au sérieux. C’est au contraire la multiplicité d’accréditations au sein d’une entreprise qui risque de nuire à la paix industrielle et ce danger paraît encore plus important si, pour représenter une trentaine de salariés, il faut prévoir la création de deux unités de négociation, dont l’une ne regrouperait que cinq salariés.
[…]
[38] Il ne faut pas rechercher l’unité la plus appropriée. Toutefois, il apparaît à la Commission que l’unité proposée par le syndicat n’est manifestement pas appropriée.
[39] La Commission est d’avis qu’une unité générale visant tous les salariés est la seule appropriée dans les circonstances.
[44] Bien sûr, les agents et les commis ont exprimé le désir de se regrouper au sein d’une même unité. Toutefois, ce seul critère de la volonté des salariés n’est pas déterminant en l’espèce, étant donné l’analyse des autres facteurs, surtout ceux de la communauté d’intérêts et de la paix industrielle.
[45] En somme, en appliquant les critères développés par la jurisprudence, il faut conclure que l’employeur a démontré que l’unité demandée par le Syndicat n’est pas appropriée et que celle qu’il propose l’est. L’unité de négociation retenue est donc : « Toutes et tous les salariés au sens du Code du travail. »
[46] Enfin, l’examen du dossier d’accréditation indique qu’il y a entre 35 % et 50 % des salariés de l’unité de négociation qui sont membres du Syndicat. Il y a donc lieu de procéder à un scrutin secret pour s’assurer du caractère représentatif de ce dernier.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
ORDONNE la tenue d’un vote au scrutin secret parmi le groupe suivant des salariés :
« Toutes et tous les salariés au sens du Code du travail . »
De : 8313784 Canada inc.
200-1303, rue William
Montréal (Québec) H3C 1R4
Établissement visé :
8313784 Canada inc.
200-1303, rue William
Montréal (Québec) H3C 1R4
pour déterminer si ces personnes désirent ou non être représentées par le Syndicat des travailleuses et des travailleurs de Vérification pré-emploi - CSN ;
DÉCIDE que les personnes admissibles à voter sont celles dont le nom paraît à la liste des salariés au jour du dépôt de la requête et qui travaillent encore pour l’employeur le jour du scrutin;
CONSTATE que les parties conviennent d’inclure madame Cassia Gang Matheus et monsieur Marco Carpotorto à la liste des salariés visés par la requête;
ORDONNE aux parties d’assister l’agent de relations du travail dans l’établissement des mesures susceptibles de donner effet à la présente ordonnance et, le cas échéant, sur avis à cet effet, de comparaître devant lui.
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__________________________________ André Michaud |
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M e Ioanna Egarhos |
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LAROCHE MARTIN (SERVICE JURIDIQUE DE LA CSN) |
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Représentante du requérant |
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M e Denis Manzo |
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DENTONS CANADA S.E.N.C.R.L. |
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Représentant de l’employeur |
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Date de l’audience : |
25 mars 2015 |
/rb