Bell Canada c. 3427951 Canada inc. (G-Tek)

2014 QCCQ 15720

JD 1895

 
COUR DU QUÉBEC

« Procédure allégée »

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-22-189916-128

 

 

 

DATE :

19 décembre 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

ANTONIO DE MICHELE, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

BELL CANADA,

Personne morale de droit privé légalement constituée ayant son siège social au 1050 Côte du Beaver Hall, Montréal (Québec) H2Z 1S4

Demanderesse

c.

3427951 CANADA INC.,

Faisant également affaires sous le nom G-Tek, personne morale légalement constituée ayant sa principale place d’affaires au 180, boul. Bellerose Ouest, Laval (Québec) H7L 6A2

et

Promark-TELECON INC.,

Personne morale légalement constituée, ayant son principal établissement au 13500 Métropolitain Est, Pointe-aux-Trembles, Montréal (Québec) H1A 3W1

Défenderesses

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]        Le Tribunal est saisi d’une réclamation de la demanderesse, contre les défenderesses pour une somme de 25 158,93 $ suite à des événements survenus le ou vers le 1 er mars 2011.

[2]        Cette réclamation est contestée par les défenderesses

LES FAITS

[3]        La demanderesse exploite un réseau de télécommunications au Québec et en tant que telle, elle est propriétaire d’installations téléphoniques souterraines telles que celles situées à l’intersection des rues Gouin et Sainte-Dorothée à Laval, le lieu des incidents.

[4]        En février et mars 2011, la codéfenderesse 3427951 Canada Inc.,  faisant affaires sous le nom commercial de G-Tek  (ci-après appelée G-Tek), effectuait des travaux d’excavation pour le bénéfice de la demanderesse sur les lieux de l’incident et, pour ce faire, elle devait procéder à l’excavation des lieux où le nouveau câblage de la demanderesse devait être installé.

[5]        Avant d’entreprendre les travaux d’excavation, comme il est coutume de faire en semblable situation, la codéfenderesse G-Tek doit s’informer s’il y a des installations souterraines et, à cette fin, elle communique avec la codéfenderesse Promark Telecon Inc. (ci-après appelée Promark) qui est spécialisée en semblable matière.

[6]        G-Tek indique à Promark l’endroit approximatif où elle doit procéder à l’excavation (pièce P-2, demande de repérage) et un représentant de Promark se rend sur les lieux afin  de procéder au repérage des câbles souterrains (pièce P-2, croquis de localisation) et au « marquage » de ces câbles souterrains sur la surface des lieux.

[7]        Il est à noter qu’au moment où cet exercice est effectué par le représentant de Promark, aucun représentant de G-Tek n’est présent sur les lieux, le marquage est en grande partie effectué sur la neige et le croquis de localisation a été expédié a G-Tek par télécopieur.

[8]        Le 1 er  mars 2011, forte des informations obtenues de Promark, G-Tek procède à l’excavation des lieux.

[9]        Ce que G-Tek à tenté d’éviter se produit.

[10]         Lors de l’excavation avec une pelle mécanique, deux câbles principaux de la demanderesse sont sectionnés, le premier comprenant 200 paires de lignes téléphoniques et le second comprenant 300 paires de lignes téléphoniques.

[11]         Les travaux d’excavation sont immédiatement interrompus et des représentants de la demanderesse sont dirigés en urgence sur les lieux.

[12]         La demanderesse procède alors à la réparation urgente des dommages afin de redonner une ligne téléphonique à ses usagers et, par la suite, une somme de 25 158,93 $ est facturée et réclamée des défenderesses aux présentes.

[13]         N’arrivant point à une solution satisfaisante, la demanderesse, qui se qualifie elle-même de victime innocente, se voit dans l’obligation d’instituer les présentes procédures contre les défenderesses qui, de nouveau, contestent leur responsabilité respective à l’égard des dommages survenus lors des incidents d’excavation du 1 er  mars 2011.

PREUVE ET DISCUSSION

[14]         D’emblée, toutes les parties s’entendent sur une chose.

[15]         Le rapport de localisation qui a été effectué par le représentant de la codéfenderesse Promark le 23 février 2011 comporte des anomalies à sa face même.

[16]         En effet, même si les mesures indiquées sur le rapport et croquis de localisation sont exactes (pièce P-2), le croquis comme tel est mal dessiné et ne montre point le câblage souterrain au bon endroit.

[17]         C’est un des reproches adressé à la codéfenderesse Promark.

[18]         Le technicien de la codéfenderesse Promark qui est venu témoigner devant le Tribunal reconnaît ce fait mais, informe le Tribunal que les mesures indiquées au croquis sont néanmoins exactes puisque, à toute fin pratique, le câble souterrain endommagé est indiqué sur le croquis comme étant situé à une distance de 5,7 mètres au nord du couvercle du puisard situé au milieu de la rue Gouin, côté sud de l’intersection de la rue Sainte-Dorothée.

[19]         Néanmoins, alors que cette distance doit mener au delà du trottoir coté sud de la rue Sainte-Dorothée, vers le nord, sur le croquis, le câble souterrain est indiqué comme étant au sud du même trottoir coté sud de la rue Sainte-Dorothée.

[20]         Ce qui plus est, tout le marquage effectué par le représentant de la codéfenderesse Promark le 22 février précédent est complètement disparu puisqu’il a été en bonne partie effectué sur la neige au sol et celle-ci n’y est plus.

[21]         C’est un autre reproche adressé à la codéfenderesse Promark.

[22]         Lors de son témoignage, le représentant de la codéfenderesse Promark informe le Tribunal qu’il serait retourné faire un nouveau marquage des lieux le 1 er  mars 2011, sans frais, si la codéfenderesse G-Tek l’avait appelé mais, puisqu’il n’a pas été requis de le faire, il ne l’a pas fait.

[23]         C’est un des reproches adressé à la codéfenderesse G-Tek.

[24]         Un second reproche adressé à la codéfenderesse G-Tek est le fait, qu’au moment de procéder à l’excavation du 1 er mars 2011, le contremaître de celle-ci sur le chantier n’était pas en possession du rapport et croquis de localisation préparé par la codéfenderesse Promark.

[25]         Finalement, un autre reproche adressé à la codéfenderesse G-Tek est le fait d’avoir procédé à une excavation avec une pelle mécanique dans un périmètre inférieur à un mètre de la localisation des câbles souterrains et ce, contrairement aux normes et usages habituellement reconnus en semblable circonstance dans le domaine de la construction.

[26]         Quant à la codéfenderesse Promark, elle rejette et réfute toute responsabilité à l’égard de la réclamation de la demanderesse, soumettant que seule la codéfenderesse G-Tek est responsable des dommages puisque les mesures étaient exactes sur son rapport et croquis de localisation.

[27]         Quant à la codéfenderesse G-Tek, elle rejette et réfute toute responsabilité à l’égard de la réclamation de la demanderesse, soumettant que seule la codéfenderesse Promark est responsable des dommages puisque son rapport et croquis de localisation était erroné et l’a induite en erreur.

[28]         De plus, la codéfenderesse G-Tek reproche à la codéfenderesse Promark que le marquage de son représentant effectué sur les lieux était inexact et inapproprié puisqu’il a été effectué non pas sur le sol mais sur la neige accumulée au sol.

[29]         Finalement, les deux défenderesses reprochent à la demanderesse de ne pas avoir tenté de minimiser ses dommages, et ce, contrairement aux stipulations du Code civil du Québec à cet effet.

[30]         La demanderesse, quelques jours après l’incident du 1 er  mars 2011, a demandé à un enquêteur de faire enquête sur cet incident, ce qui fut fait par M. Danny Matton le 3 mars 2011 et copie de son rapport a été produit comme pièce p-6.

[31]         Ce dernier constate qu’il y a disparité entre les mesures indiquées par le représentant de Promark sur le croquis préparé par lui et remis à la codéfenderesse G-Tek.

[32]         Néanmoins, il constate qu’il y avait eu un réasphaltage partiel (patch) de la rue à un endroit autre que celui où la présence des câbles souterrains étaient localisés sur le croquis et ce fait aurait alors dû obligé la codéfenderesse G-Tek  à une vigilance accrue au moment de l’excavation, et ce, même si l’enquêteur constate que le marquage au sol n’était pas visible au moment de son enquête.

[33]         Avec respect et égard, le Tribunal ne concourt nullement avec cette façon de penser de l’enquêteur retenu par la demanderesse.

[34]         Pourquoi et comment conclure ainsi lorsqu’on reconnaît d’emblée «que le croquis ne montre pas le parcours réel du massif 2C que le parcours du massif 2C n’est pas exact» sur le croquis (pièce P-6) ?

[35]         Pourquoi  et comment conclure ainsi lorsqu’on reconnaît que «le localisateur n’a pas suivi son signal a été influencé par les données NetX et que le localisateur avait la responsabilité d’indiquer la réalité» (pièce P-6) ?

[36]         Pourquoi et comment conclure ainsi lorsqu’on reconnaît spécifiquement que «le croquis de localisation 2011081134 fourni par Promark Telecon à G-Tek ne montre pas le parcours exact du massif» (pièce P-6) ?

[37]         Au contraire, le Tribunal conclut qu’aucune faute n’a été commise par la codéfenderesse G-Teck dans ce litige, faute pouvant engendrer sa responsabilité à l’égard de la réclamation de la demanderesse et que les fautes soulevées, par l’enquêteur de la demanderesse M. Danny Matton dans son rapport produit comme pièce P-6, démontrent clairement et sans équivoque que la responsabilité de l’incident du 1 er  mars 2011 et les dommages qui en découlent sont de la seule et unique responsabilité de la codéfenderesse Promark.

[38]         Est-ce que la codéfenderesse G-Tek  doit vérifier l’exactitude des données qui lui sont fournies par Promark ?  La réponse est simple et négative.

[39]         Est-ce que la codéfenderesse G-Tek doit assumer la responsabilité des lacunes dans le rapport et croquis de Promark ?  La réponse est encore négative.

[40]         Est-ce que la codéfenderesse G-Tek doit faire abstraction des données contenues au rapport et croquis de Promark et se fier plutôt à des indications de réasphaltage partiel (patch) de la rue à un endroit autre que celui où la présence des câbles souterrains étaient localisés sur le croquis ?  Ici également la réponse est encore négative.

[41]         Est-ce que la codéfenderesse G-Tek  aurait dû communiquer à nouveau avec la codéfenderesse Promark avant d’entreprendre ses travaux d’excavation afin que celle-ci procède à un nouveau marquage des lieux ?  Peut-être, mais il ne s’agit pas d’une obligation.

[42]         Est-ce que la codéfenderesse G-Tek a été imprudente en effectuant l’excavation avec une pelle mécanique à une distance moindre de un mètre de la localisation des câbles souterrains ?

[43]         La réponse ici également est négative puisque ces câbles ont été mal indiqués sur le croquis de la codéfenderesse Promark et, en conséquence, selon la codéfenderesse G-Tek, cette excavation était faite au delà du périmètre de un mètre.

[44]         De plus, les représentants de la codéfenderesse G-Tek venus témoigner devant le Tribunal sont catégoriques sur un point précis :  ni les plans qui nous avaient été remis par la demanderesse Bell Canada pour l’exécution de nos travaux, ni le rapport de localisation préparé par la codéfenderesse Promark n’indique la présence de câbles à l’endroit où le bris a eu lieu.

[45]         Au contraire, ces deux documents indiquent la présence de câbles au même endroit, soit en dessous (côté sud) de la rue Sainte-Dorothée, à une distance de 1,9 mètres du lieu de l’accident soit, au delà de la zone tampon de sécurité de un mètre.

[46]         Soit, sur le croquis de localisation préparé par la codéfenderesse Promark et remis à la codéfenderesse G-Tek il y a une mention d’une distance de 5,7 mètres du couvercle du puisard, mais ce même croquis démontre que les câbles endommagés ont été indiqués au mauvais endroit par la codéfenderesse Promark.

[47]         Est-ce que la codéfenderesse G-Tek a l’obligation de vérifier l’exactitude du rapport remis par la codéfenderesse Promark ?

[48]         Poser la question équivaut à lui répondre puisque les indications de Promark correspondent avec l’information contenue aux plans fournis à la codéfenderesse G-Tek par la demanderesse.

[49]         Ce n’est pas parce qu’il y a une information correcte sur le croquis de localisation préparé par la codéfenderesse Promark (distance de 5,7 mètres du puisard) que cela justifie l’absence de responsabilité de celle-ci dans le présent litige.

[50]         Ce n’est pas parce que la codéfenderesse G-Tek aurait pu demander une nouvelle signalisation et marquage sans frais, de la codéfenderesse Promark qu’il suffit de conclure à faute de G-Tek et absence de faute de Promark, d’autant plus que le rapport de M. Matton (pièce P-6) indique clairement que «le localisateur (de Promark) n’a pas suivi son signal a été influencé par les données NetX et que le localisateur avait la responsabilité d’indiquer la réalité», ce qui n’est pas le cas dans le litige qui nous concerne.

[51]         De l’ensemble de la preuve soumise devant le Tribunal, il ressort qu’aucune faute ne peut être imputée à la codéfenderesse G-Tek à l’égard des dommages survenus le 1 er  mars 2011 et pour lesquels la demanderesse réclame compensation.

[52]         Au contraire, cette même preuve nous permet de conclure que tout le problème est dû au fait que «le localisateur (de Promark) n’a pas suivi son signal a été influencé par les données NetX et que le localisateur avait la responsabilité d’indiquer la réalité» (pièce P-6).

LE DROIT

[53]         Il y a une jurisprudence abondante au Québec en ce qui concerne la question de bris de câbles souterrains et beaucoup de jugements concernent la demanderesse Bell Canada.

[54]         La règle générale en droit civil est à l’effet que la demanderesse doit démontrer, par voie prépondérante, le bien fondé de sa réclamation. Il s’agit de ce qui est couramment appelé le fardeau de preuve (article 2903 C.c.Q.)

[55]         Par contre, lorsqu’il s’agit d’un dommage occasionné à un bien de service public souterrain, il y a renversement du fardeau de preuve qui s’opère et, en semblable instance, l’auteur du dommage, pour dégager sa responsabilité, doit prouver qu’il a observé les règles de l’art lors de l’exécution des travaux d’excavation et qu’il a pris la précaution de, préalablement, faire localiser les installations publiques endommagées.

[56]         Ces précautions ont été prises par la codéfenderesse G-Tek dans le présent litige et on ne peut imposer aux parties plus d’obligations que ne leur impose la Loi.

[57]         On ne peut obliger la codéfenderesse G-Tek de demander un deuxième marquage lorsque le rapport qui lui a été remis par la codéfenderesse Promark est clair et sans équivoque, l’emplacement visuel du câble souterrain indiqué par Promark correspond à l’emplacement du même câble sur les plans remis à l’excavateur par la demanderesse.

[58]         Cet élément de preuve n’est pas contredit.

[59]         On ne peut reprocher à l’excavateur de ne pas avoir refait le travail qui aurait dû être bien fait par les personnes ressources qu’elle a engagées, soit Promark, et de ne pas avoir procédé à un nouveau mesurage ou marquage avant d’entreprendre ses travaux d’excavation.

[60]         À ce moment, la codéfenderesse G-Tek avait toutes les raisons de croire que ses travaux d’excavation étaient situés, à tout le moins, à une distance de 1,9 mètres de l’endroit où la codéfenderesse Promark a indiqué la présence des câbles souterrains.

[61]         On ne peut valider et remédier aux lacunes du rapport de localisation de la codéfenderesse au simple motif qu’une seule indication était correcte, à savoir la distance de 5,7 mètres du puisard.

[62]         Même s’il est vrai qu’il existe une jurisprudence abondante à l’effet que l’utilisation du creusage mécanique à l’intérieur du périmètre de sécurité de un mètre constitue un risque dont la responsabilité incombe à l’excavateur, l’ensemble de la preuve soumise dans le présent litige nous indique clairement que la codéfenderesse G-Tek avait toutes les raisons de croire qu’au moment du creusage et à l’endroit où les dommages ont été occasionnés, elle était à l’extérieur et au delà de cette zone tampon de un mètre.

[63]         Ce fait est corroboré même par le témoin principal de la demanderesse Matton.

[64]         La causa causans du présent problème se résume à une seule chose et  à été très bien déterminée par l’enquêteur Matton.  Toute la problématique a été occasionnée dû au fait que le représentant de la codéfenderesse Promark a mal indiqué le parcours réel du massif de 2C, ce qui a induit en erreur l’excavateur.

[65]         Le fait qu’il n’y avait pas de marquage au sol et que la codéfenderesse aurait pu demander un nouveau marquage ne change en rien la responsabilité de la codéfenderesse Promark et n’aurait en rien évité les dommages survenus le 1 er  mars 2011 puisque le travail de Promark a été mal exécuté.

[66]         Ceci étant, est-ce qu’on peut imputer une certaine responsabilité à la codéfenderesse G-Tek pour ne pas avoir suivi les mises en garde contenues sur le rapport de localisation de la codéfenderesse Promark ?

[67]         Avec égard et respect pour l’opinion contraire, le Tribunal ne concourt point avec cette théorie.

[68]         La codéfenderesse G-Tek disposait de l’équipement autre que la pelle mécanique utilisée pour le creusage si, effectivement, il y avait du creusage à faire dans la zone tampon de un mètre. G-Tek connaît cette norme et l’aurait surement appliquée si elle n’avait pas été induite en erreur par les plans qui lui ont été remis par la demanderesse et par la fiche de localisation qui lui a été remise par la codéfenderesse Promark.

[69]         La codéfenderesse G-Tek s’est conformée a toutes les exigences qui lui sont imposées en semblable circonstance et elle n’a commis aucune faute pouvant engager sa responsabilité à l’égard des dommages survenus le 1 er mars 2011 et pour lesquels la demanderesse requiert compensation.

[70]         À cet égard, la codéfenderesse Promark a une obligation de résultat envers la codéfenderesse G-Tek qui la mandate spécifiquement pour la localisation des câbles souterrains à un endroit spécifique.

[71]         Il est clair et évident aux yeux du Tribunal, de l’ensemble de la preuve soumise, que Promark n’a pas rempli son mandat adéquatement et n’a pas rencontré cette obligation de résultat dans la confection de la fiche de localisation qu’elle a remise à la codéfenderesse G-Tek.

[72]         Non seulement  Promark n’a pas adéquatement rempli son mandat mais, au surplus, elle a induit la codéfenderesse G-Tek dans l’erreur en lui fournissant des mauvaises informations quant à l’emplacement exact des câbles souterrains qui furent endommagés.

[73]         Il est vrai que le rapport de localisation de la codéfenderesse Promark contient des réserves et des mises en garde à l’effet que le «croquis n’est pas à l’échelle», mais est-il nécessaire de se rappeler que ce n’est pas la première fois que G-Tek fait affaires avec Promark, que les parties feront sûrement encore affaires ensemble dans le futur et que, par conséquent, la codéfenderesse G-Tek est habituée a recevoir les rapports de localisation et les croquis de la codéfenderesse Promark.

[74]         Le Tribunal n’est pas informé si des problèmes sont survenus dans d’autres circonstances entre les parties, cela ne le concerne pas mais cette relation continue entre les parties permet au Tribunal de croire qu’il y a une confiance certaine de la part de la codéfenderesse G-Tek aux rapports et croquis qui lui sont fournis par Promark.

[75]         Même si la preuve ne l’indique pas comme tel, c’est sûrement une des raisons pour laquelle la codéfenderesse G-Tek n’a pas demandé un deuxième marquage au moment de l’excavation.

[76]         Néanmoins, le Tribunal croit que, même si un second marquage avait été fait par Promark, cela n’aurait en rien changé la situation puisque le repérage avait été mal fait par le représentant de la codéfenderesse Promark.

[77]         Est-ce que la codéfenderesse G-Tek a agi comme une personne prudente et raisonnable dans les circonstances ?  Le Tribunal croit que oui.

[78]         Est-ce que la codéfenderesse G-Tek a respecté les règles de l’art dans les circonstances ? Le Tribunal croit également que oui.

[79]         G-Tek n’avait pas à se préoccuper de la règle de un mètre, elle avait toutes les raisons de croire que l’excavation était au delà de cette zone. Pour les mêmes motifs, G-Tek n’avait pas besoin de recourir au creusage manuel à cet endroit.

[80]         G-Tek s’est fiée à l’expertise qui lui a été remise par Promark.  Elle n’avait pas à vérifier ni à douter de l’exactitude de cette expertise puisque, en plus, la localisation du câblage de la demanderesse sur cette expertise coïncidait avec la localisation indiquée sur les plans remis par la demanderesse elle-même.

[81]         Au moment de procéder au creusage, les employés de G-Tek avaient en main, toute l’information nécessaire pour procéder à cette excavation. Malheureusement, l’information qui lui a été donnée par la codéfenderesse Promark s’avère à être inexacte et, c’est cette inexactitude qui est la seule cause directe et unique du sectionnement des câbles de la demanderesse.

[82]         Rappelons-nous encore une fois que l’obligation de la codéfenderesse Promark est une obligation de résultat et non de moyen.

[83]         Rappelons-nous également que la codéfenderesse Promark est une société experte en semblable matière et, qu’à toute fin pratique, elle détient le monopole  auprès de la demanderesse pour exécuter le type de travail qu’elle effectue soit, le repérage d’installations souterraines.

[84]         La marge d’erreur est à toute fin inexistante pour elle dans la confection de ses rapports de localisation.

[85]         Les excavateurs, comme la codéfenderesse G-Tek, ont une très grande confiance envers Promark et se voient même dans l’obligation de transiger avec elle en semblable occasion sous peine d’encourir la responsabilité de dommages pouvant résulter par la suite.

[86]         Errare humanum est, l’erreur est humaine disaient nos ancêtres et l’erreur ici n’a pas été faite par la codéfenderesse G-Tek mais bel et bien par la codéfenderesse Promark.

[87]         Si l’employé de Promark avait suivi son signal comme les règles de base en matière de signalisation et localisation l’exigent, force est de croire que l’incident du 1 er  mars 2011 ne se serait pas produit.

[88]         Ceci a provoqué une mauvaise localisation et signalisation des conduits souterrains et à leur bris subséquent.

[89]         Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut que la réclamation de la demanderesse doit être maintenue contre la codéfenderesse Promark seulement et rejetée contre la codéfenderesse G-Tek.

[90]         Quant au quantum de la réclamation de la demanderesse, même s’il y a eu des éléments de preuve permettant au Tribunal d’avoir un certain doute sur le montant réclamé et, plus particulièrement, quant aux sommes facturées par le sous-traitant Laurin & Laurin, rien ne permet au Tribunal d’intervenir sur le quantum et la réclamation de la demanderesse doit être accueillie dans sa totalité.

[91]         Quant aux dépens, la demanderesse plaide qu’elle est, a toute fin pratique, la victime innocente dans le présent litige et, en conséquence, elle requiert du Tribunal un « Bullock order » quant aux dépens afin qu’elle ne soit point pénalisée.

[92]         Ce principe est plus reconnu et admis en matière de « common law » qu’en droit civil, néanmoins, il commence a être plaidé en droit civil depuis quelques années.

[93]         Bien que reconnu en certaines circonstances en droit civil, le Tribunal ne croit pas qu’il est applicable en l’espèce. Dans un arrêt de la Cour d’Appel du Québec,  soit Smith c. Desjardins [1] , l’honorable juge Morrissette s’exprime ainsi au paragraphe 61 de son jugement :

«… Sans vouloir préciser toutes les circonstances dans lesquelles une telle ordonnance peut être rendue, il suffit de dire qu’elle est possible lorsque les moyens invoqués par la partie défenderesse ont pour effet d’obliger la partie demanderesse à ajouter une autre partie défenderesse au litige qui à l’origine n’était engagé que contre la première… »

[94]         Essentiellement c’est la règle qui s’applique en matière de « Bullock order ».

[95]         Or, de l’ensemble de la preuve du dossier, il n’y a pas lieu de l’appliquer en l’espèce puisque, dans un premier cas, la demanderesse savait dès le début, avant même l’émission de la requête introductive d’instance, qu’il pourrait y avoir une responsabilité partagée entre les deux défenderesses.

[96]         Ce fait a été porté à l’attention de la demanderesse dès la réception par elle du rapport d’investigation des dommages qui lui a été remis par son enquêteur Danny Matton (pièce P-6).

[97]         Également, probablement basé sur ce rapport, la demanderesse a institué les présentes procédures directement contre les deux défenderesses et n’a nullement été dans l’obligation «d’ajouter une autre partie défenderesse au litige qui, à l’origine, n’était engagé que contre la première» défenderesse.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE avec dépens la réclamation de la demanderesse contre la codéfenderesse Promark Telecon Inc.

REJETTE avec dépens la réclamation de la demanderesse contre la codéfenderesse  3427951 Canada inc.

CONDAMNE la codéfenderesse Promark Telecon Inc. de payer à la demanderesse Bell Canada la somme de 25 158,93 $, le tout avec intérets au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec , depuis la date d’assignation.

 

 

 

__________________________________

Antonio De Michele, J.C.Q.

 

 

Me Jean-Frédéric Dicaire

DICAIRE AVOCAT INC.

255, boul. Crémazie Est

2 ième  étage

Montréal (Québec)

H2M 1M2

 

Procureur de la demanderesse

 

 

Me Hugo Beaudoin

BEAUDOIN BRULOTTE AVOCATS S.N.

300, rue du Saint-Sacrement

Bureau 206

Montréal (Québec)

H2Y 1X4

 

Procureur de la défenderesse Promark-Télécom

 

 

Me Marc Lapointe

LAPOINTE BEAULIEU, AVOCATS S.A.

200, Montcalm

Bureau 304

Gatineau (Québec)

J8Y 3B5

 

Procureur de la défenderesse 3427951 Canada Inc.

 

 

 

Dates d’audience :

 

 

 

Les 27 et 28 novembre 2014


 

Autorités fournies par les parties :

Code de la sécurité pour les travaux de construction , [R.R.Q., 1981, c. S-2.1, r.6]

Hydro-Québec c. Les habitations St-Jacques (1983) inc., [1996] R.R.A, 981 (C.A.)

Bell Canada c. Asphalte Desjardins inc., C.Q. Terrebonne, no 700-22-015150-062 , 15 avril 2009, j. Audet

Bell Canada c. 2852-6648 Québec Inc. (Excavation L.M.R.), AZ-50403385 (C.S.)

Bell Canada c. Pavage A.T.G. inc., C.S. Montréal, no 500-17-012761-022 , 30 juin 2004, j. Vézina

Bell Canada c. Ville de Montréal , C.Q. Montréal, no 500-22-112192-052, 27 févreier 2009, j. Amyot

Bell Canada c. Excavation Normand Majeau inc., C.Q. Joliette, no 705-22-007188-053 , 10 octobre 2006, j. Sylvestre

Bell Canada c. Jean Leclerc Excavation inc., C.Q. Québec, no 200-22-029511-045 , 27 juin 2005, j. Brochet

Bell Canada c. Les Entreprises Claude Chagnon inc., C.Q. Montréal, no 500-22-079443-027, 14 avril 2005, j. Charrette

Société en commandite Gaz Métropolitain c. Ville de Chicoutimi , C.Q. Chicoutimi, no 150-22-003558-027 , 18 mai 2004, j. Bond

Smith c. Desjardins , C.A. Montréal, no 500-09-015029-044 , 3 novembre 2005, jj. Dalphond, Morissette et Dutil

Clayton c. [Mauve 1976] C.S. 970

ST-ONGE, Michèle, Bullock Order :  une question de frais, coll. «En Cours» Montréal, Desjardins Ducharme, avril l2006, p.3

Hydro-Québec c. Les habitations St-Jacques (1983) Inc ., [1991] R.R.A. 669 (C.S.) j. Nolin

Bell Canada c. Asphalte Desjardins inc ., 2013 QCCQ 681 , j. Audet

Bell Canada c. Ville de Montréal , 2009 QCCQ 1973 , j. Amyot

Bell Canada c. Doncar Construction Inc., 2013 QCCQ 681 , j. Vadeboncoeur

Bell Canada c. Les Entreprises Chagnon Inc., 2005 CanLII 11852 (QCCQ), j. Charrette

Bell Canada c. EBC Inc. et Promark Télécon Inc., 2003 CanLII 12899 (QCCQ), j. Amyot

Clayton c. Mauve , [1976] C.S. 970 , j. Hugessen


 

Autorités fournies par les parties «suite»:

Smith c. Desjardins , 2005 QCCA 1046 , jj. Dalphond, Morissette et Dutil

Hydro-Québec c. Les Habitations St-Jacques (1983) Inc ., C.S. Montréal, no 500-05-011515-861 , 17 juillet 1991, j. Nolin

Hydro-Québec c. Les habitations St-Jacques (1983) Inc ., C.A.  no 500-09-001299-916. 16 août 1996, 1996 CanLII 5773 (QCCA)

Bell Canada c.. Asphalte Desjardins Inc., Terrebonne, no 700-22-015150-062, 15 avril 2009, j. Audet QCCQ 4587

Bell Canada c. Pavage A.T.G. Inc., C.S. Montréal, no 500-17-012761-022 , 30 juin 2004, j. Vézina, 2004 CanLII 2128 (QCCS)

Bell Canada c. Excavation Normand Majeau Inc ., C.Q. Joliette, no 705-22-007188-053 , 10 octobre 2006, j. Sylvestre, 2006 QCCQ 16467

Bell Canada c. Les Entreprises Claude Chagnon Inc. c. Promark-Télécom Inc ., C.Q. Montréal, no 500-22-079443-027, 14 avril 2005 CanLII 11852 (QCCQ)

Bell Canada c,. 2852-6648 Québec Inc., f.a.s. Excavation L.M.R ., C.S. Roberval, no 155-17-000020-046 , 29 novembre 2006, j. Bélanger, 2006 QCCS 5429

Bell Canada c. Promark-Télécon Inc. et Claveau & Fils Inc., C.Q. Chicoutimi, no 150-22-006133-067 , 27 juillet 2007, j. Lortie, 2007 QCCQ 9839

Bell Canada c. Les Entreprises Québécoises d’Excavation L.E.Q.U.E.L. (1993) Ltée , C.Q. Québec, no 200-22-033755-059 , 27 mai 2008, j. Roy, 2008 QCCQ 6818

Bell Canada c. Ville de Montréal et Promark-Télécon Inc., C.Q. Montréal, no 500-22-112192-052 , 27 février 2009, j. Amyot, 2009 QCCQ 3655

Bell Canada c. Ville de Sherbrooke c. Promark-Télécon Inc., C.Q., Saint-François, no 450-22-008820-095, 1 er  mai 2012, j. Désy, 2012 QCCQ 3655

 



[1] Smith c. Desjardins ( 2005 QCCA 1046 )