Section des affaires sociales
En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière
Référence neutre : 2015 QCTAQ 04558
Dossier : SAS-M-228382-1409
ÉRIC MÉNARD
c.
SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] Le requérant conteste la décision de l’intimée rendue le 4 septembre 2014 par laquelle celle-ci l’informe qu’il devra notamment se soumettre à une évaluation complète pour obtenir un permis de conduire suite à l’échec de l’évaluation sommaire à laquelle il s’est soumis, conformément à l’article 76.1.2 du Code de la sécurité routière [1] (CSR).
[2] Le requérant était présent et se représentait seul à l’audience tenue le 9 mars 2015.
La preuve
[3]
Le 30 septembre 2013, le requérant fut déclaré coupable de l’infraction
prévue à l’article
[4]
Étant donné qu’il s’agit d’une infraction criminelle énoncée à
l’article
« 180. Entraîne de plein droit la révocation de tout permis autorisant la conduite d'un véhicule routier ou la suspension du droit d'en obtenir un, la déclaration de culpabilité d'une personne à une infraction au Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), commise avec un véhicule routier ou avec un véhicule hors route et prévue aux articles suivants de ce code:
1° les articles 220, 221, 236, le sous-paragraphe a du paragraphe 1, les paragraphes 3 ou 4 de l'article 249, les articles 249.1, 249.2, 249.3, les paragraphes 1, 3 ou 4 de l'article 249.4 ou les paragraphes 1, 1.2 ou 1.3 de l'article 252;
2° l'article 253, le paragraphe 5 de l'article 254 ou les paragraphes 2, 2.1, 2.2, 3, 3.1 ou 3.2 de l'article 255.
Le juge qui prononce la déclaration de culpabilité doit ordonner la confiscation du permis visé au premier alinéa pour qu'il soit remis à la Société. »
[5]
En plus de la révocation de son permis de conduire, le requérant, qui en
était à sa première révocation en vertu de l’article
« 76. Sous réserve de l'article 76.1.1, aucun permis ne peut être délivré à une personne dont le permis a été révoqué ou dont le droit d'en obtenir un a été suspendu à la suite d'une déclaration de culpabilité pour une infraction au Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), visée à l'article 180 du présent code, avant l'expiration d'une période d'une, de trois ou de cinq années consécutive à la date de la révocation ou de la suspension selon que, au cours des 10 années précédant cette révocation ou cette suspension, elle s'est vu imposer aucune, une seule ou plus d'une révocation ou suspension en vertu de cet article.
Si la déclaration de culpabilité est suivie
d'une ordonnance d'interdiction de conduire prononcée en vertu des paragraphes
1, 2 et 3.1 à 3.4 de l'article
[6]
Enfin, selon les termes de l’article
« 76.1.2. Lorsque l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension est reliée à l'alcool et que la personne n'est pas visée à l'article 76.1.4, elle doit, pour obtenir un nouveau permis, établir que son rapport à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe de permis demandée.
La personne doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa:
1° au moyen d'une évaluation sommaire, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle ne s'est vu imposer ni révocation ni suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool;
2° au moyen d'une évaluation complète, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle s'est vu imposer au moins une révocation ou suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool.
La personne qui échoue l'évaluation sommaire doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa au moyen d'une évaluation complète.
La personne qui réussit l'évaluation sommaire doit, après avoir payé à la Société les droits afférents, suivre avec succès un programme d'éducation reconnu par le ministre des Transports et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d'alcool ou de drogue. »
[7] Une copie des documents relatifs à l’évaluation sommaire, soit la transcription de l‘entrevue structurée, les tests psychométriques, leurs résultats et la compilation des données ont été remis au requérant lors de l’audition, en liasse sous I-1 , le tout assorti d’une ordonnance prononcée à l’audience de non-divulgation, non-publication et non-diffusion en vertu de l’article 131 de la Loi sur la justice administrative [3] .
[8] L’évaluation sommaire du requérant a eu lieu le 28 juillet 2014 et l’évaluatrice a conclu par une recommandation non favorable, d’où la présente contestation.
[9]
L’évaluatrice, Mme Debra Gartenberg, personne autorisée aux fins de
l’évaluation prévue à l’article
[10] L’évaluatrice a aussi rapporté que l’évaluation s’était bien déroulée.
[11] Les conclusions de l'évaluation sont à l’effet que le requérant présente 5 facteurs de risque alors que la présence de 3 facteurs de risque et plus emporte un échec à l’évaluation sommaire.
[12] Dans sa contestation écrite, le requérant soumet que son comportement en rapport avec l’alcool et les drogues, depuis la suspension de son permis de conduire, devrait être pris en compte et il ajoute qu’il lui sera financièrement difficile d’assumer le coût d’une autre évaluation.
[13] À l’audience, suite au témoignage de l’évaluatrice et aux explications données sur les tests administrés, le requérant a ajouté que son âge et son statut marital, ainsi qu’une suspension antérieure de son permis de conduire pour des raisons non reliées à l’alcool, ce qui lui vaut 2 facteurs de risque, ne devraient pas être pris en compte dans le cadre de l’évaluation .
[14] Le requérant ajoute enfin qu’il a mal compris certaines questions auxquelles il devait répondre dans le cadre de l’évaluation sommaire, ce qui lui vaut des facteurs de risque additionnels.
[15] En résumé, le requérant invite le Tribunal à mettre de côté certains éléments retenus dans le cadre de l’évaluation I-1, à ne pas retenir certaines des réponses données et à tenir compte de son comportement actuel face à l’alcool et à la drogue afin de conclure à l'absence de risque de récidive.
[16] Le procureur de l’intimée rétorque que les conséquences financières ne sont pas pertinentes aux fins du présent recours.
[17] De plus, le procureur de l’intimée soumet qu’il faut privilégier les réponses spontanées données par le requérant au moment de l’évaluation.
[18] Le procureur de l’intimée invite aussi le Tribunal à considérer l’évaluation I-1 comme un tout visant à apprécier le risque de récidive, ce qui inclut la prise en compte du statut marital, de l’âge et de l’expérience de conduite.
[19] Le Tribunal est d’avis que le requérant doit échouer dans sa contestation, et ce, pour les motifs suivants.
Motifs
[20]
Le
CSR prévoit une procédure très précise à laquelle doit se plier le requérant
qui a été déclaré coupable d'une infraction criminelle reliée à l’alcool et
mentionnée à l’article
[21]
Aux
termes de l’article
[22] C’est donc le requérant qui a le fardeau de preuve d’établir qu’il un rapport adéquat à l’alcool et aux drogues, le tout visant à circonscrire le risque de récidive.
[23] La preuve des désagréments financiers vécus par le requérant n’est pas pertinente quant à savoir si le requérant a satisfait à son fardeau de preuve.
[24]
De
même, le comportement actuel du requérant en rapport avec l’alcool et les
drogues ne suffit pas en soi pour satisfaire à l’exigence énoncée à l’article
[25] En effet, l'évaluation du risque de récidive que présente le requérant demande la prise en compte de données supplémentaires qui permettent de circonscrire plus précisément la situation du requérant.
[26] À cet égard, le Tribunal considère que le statut marital, l’âge et l’historique de conduite sont des faits pertinents afin d’évaluer le risque de récidive.
[27] Quant aux réponses aux questions que le requérant aurait mal comprises, le requérant n’a pas démontré, à la satisfaction du Tribunal, qu’il avait mal compris certaines questions.
[28] Ce motif de contestation a été soulevé à l’audience pour la première fois, et ce, suite aux explications données sur la pondération donnée aux réponses à certaines questions incluses dans les tests.
[29] Il est par ailleurs établi que le Tribunal doit privilégier les réponses spontanées données lors de l’évaluation, à moins que démonstration soit faite d’une erreur de compréhension.
[30] En effet, l’évaluation vise à cerner l’attitude et le comportement de l’évalué par rapport à l’alcool au volant et la spontanéité des réponses données constitue le meilleur gage de la justesse de l’évaluation et partant, du risque de récidive.
[31] Pour ces raisons, ce n’est que dans un cas manifeste d’erreur que la réponse donnée lors de l’évaluation pourra être mise de côté.
[32] Le Tribunal constate donc que le requérant n'a pas satisfait à son fardeau de preuve d'établir au moyen d'une évaluation sommaire que son rapport à l’alcool et aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier et, qu’en conséquence, l’intimée devait refuser de délivrer un permis au requérant.
Pour ces motifs, le Tribunal :
- REJETTE le recours du requérant;
- CONFIRME la décision rendue en révision; et
- RÉITÈRE les termes de l’ordonnance de non-publication, non-diffusion et non-divulgation de tout ou partie du document I-1.
Dussault, Mayrand
Me Mario Forget
Procureur de la partie intimée