Côté c. Boulangeries Weston Québec ltée

2015 QCCQ 3509

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

LOCALITÉ DE

LONGUEUIL

« Chambre civile »

N° :

505-32-032784-143

 

 

DATE :

16 avril 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

DANIEL BOURGEOIS, J.C.Q.

 

______________________________________________________________________

 

ALEXANDRE CÔTÉ

[…]Longueuil (Québec)  […]

 

Demandeur

c.

boulangeries weston québec ltée

2700, boulevard Jacques Cartier Est

Longueuil (Québec)  J4N 1L5

 

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

Le litige

[1]            Le demandeur, Alexandre Côté (ci-après «  Côté  » [1] ) réclame à la défenderesse, Boulangeries Weston Québec Ltée (ci-après «  Weston  ») 6 200 $ laquelle somme représente selon Côté le total des vacances qui lui seraient dues à la suite de sa fin d’emploi.

[2]            En défense, Weston nie lui devoir quelques indemnités que ce soient puisque Côté aurai déjà bénéficié de ses vacances par anticipation.

REQUETE EN RÉTRACTATION DE JUGEMENT

[3]            En date du 14 janvier 2015, jugement a été rendu par défaut de contester, condamnant Weston à payer à Côté la somme de 6 200 $ avec intérêts au taux légal ainsi que l’indemnité additionnelle.

[4]            Weston allègue que ce n’est que le 22 janvier 2015 qu’elle a pris connaissance, avec étonnement, que des procédures avaient été intentées contre elle et qu’un jugement avait été rendu par défaut.

[5]            Weston allègue que la demande formulée par Côté à la Division des petites créances ne lui a jamais été adressée à son bureau de Toronto ni à celui de Longueuil. Le représentant de Weston à l’audition, monsieur Renaud Lapierre (ci-après «  Lapierre  ») dépose un affidavit de monsieur Abdissalam Omar, employé en charge de la réception de la poste chez Weston, lequel déclare essentiellement n’avoir jamais reçu les documents en question pour les raisons indiquées dans la déclaration assermentée.

[6]            La Cour d’appel du Québec dans la décision Le Groupe J.S.V. inc. c. Goal Capital inc . [2] a précisé ce qui suit en matière de rétractation :

[ 30 ]        En matière de rétractation de jugement pour cause de « surprise ou autre cause jugée suffisante » (C.p.c., art. 482) [2] , le rescindant (les « motifs qui justifient la rétractation ») et le rescisoire (« les moyens de défense à l’action ») sont des vases communicants. Plus les moyens de défense sont sérieux, plus sont vraisemblables et recevables les motifs du défendeur pour expliquer que son défaut est dû à la surprise, à l’oubli, à l’inadvertance, à la méprise, à une erreur, peut-être même stupide, mais sincère .

[7]            À la lumière du témoignage de Lapierre et de l’affidavit de monsieur Omar, le Tribunal fait droit à la demande de rétractation de jugement, car Weston a démontré une cause suffisante de rétractation, en conformité avec l’article 989 C.p.c.

Le contexte

[8]            Côté a commencé son emploi auprès de Weston le 28 mai 2012 à titre de directeur d’usine. Son salaire annuel était de 115 000 $.

[9]            Son contrat de travail (P-5) stipule, sous la rubrique « Vacances », qu’il pouvait bénéficier de trois semaines de vacances pour l’année 2012 (semaines du 18 juin 2012 et 25 juin 2012 inclues) et de quatre semaines pour l’année 2013 et pour les années subséquentes, le tout selon la politique de l’employeur.

[10]         Côté témoigne qu’avant d’accepter ce nouvel emploi, il avait négocié ses conditions c‘est-à-dire qu’il avait droit dès la signature de son contrat à trois semaines de vacances en plus des gains accumulés à ce titre durant toute l’année.

[11]         Côté, qui a quitté son emploi le 26 juillet 2013, admet avoir pris cinq semaines de vacances, soit trois semaines durant l’année de référence 2012 et deux semaines durant l’année de référence 2013.

[12]         Dans sa mise en demeure du 14 juin 2014, Côté déclare ce qui suit :

« Le 16  août 2013 dernier, vous m’avez avisé que vous ne me paieriez pas la balance de mes vacances dues suite à ma fin d’emploi. Les trois semaines de vacances entendues à mon embauche par contrat, en plus des gains accumulés pour mes vacances pendant l’été, moins les vacances prises pendant mon emploi, devrait me faire récupérer un montant d’environ 6 800 $. Vous n’avez reconnu qu’une partie de ces gains.

Même si nous avons échangé à plusieurs reprises, votre décision finale a été de ne payer qu’environ 550 $ du montant dû. De plus, lors de nos échanges, vous avez argué que votre entreprise fonctionnait en mode de paiement de vacance anticipée, ce qui est en conflit avec l’esprit de l’entente contractuelle acceptée lors de mon embauche. Je vous mets donc en demeure de me payer la somme de 6 200 $ […] »

(Reproduction intégrale)

[13]         Weston invoque que l’année de référence pour ce qui est des vacances est l’année civile soit du 1 er janvier au 31 décembre. Pour l’année 2012, soit du 28 mai au 31 décembre 2012, Weston affirme que le demandeur a pris trois semaines de vacances auxquelles il avait droit. Du 1 er janvier 2013 au 26 juillet 2013 (date de démission de Côté) Weston précise que Côté a pris deux semaines de vacances comme il y avait droit. Côté admet avoir pris les jours de vacances qui précèdent.

[14]         Essentiellement, Weston plaide que Côté n’a droit à aucune autre indemnité de congés annuels supplémentaires puisqu’il a déjà pris et bénéficié de ses vacances par anticipation.

analyse

[15]         Lors de l’audition, Côté a témoigné que ce qui apparaissait au contrat d’emploi (P-5), n’était pas tout ce qui avait été négocié lors de son embauche.

[16]         Il prétend qu’il avait droit à trois semaines de salaire dès la signature de son contrat d’emploi et que par la suite, il accumulait ses vacances au fur et à mesure.

[17]         En ce qui concerne l’interprétation des contrats, le Code civil du Québec («  C.c.Q.  ») prévoit ce qui suit :

SECTION IV 

DE L'INTERPRÉTATION DU CONTRAT

1425.  Dans l'interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes utilisés.

1426.  On tient compte, dans l'interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l'interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu'il peut avoir reçue, ainsi que des usages.

1431.  Les clauses d'un contrat, même si elles sont énoncées en termes généraux, comprennent seulement ce sur quoi il paraît que les parties se sont proposé de contracter.

[18]         Par ailleurs, en ce qui concerne la preuve, le C.c.Q. prévoit ce qui suit :

LIVRE SEPTIÈME 

DE LA PREUVE

TITRE PREMIER 

DU RÉGIME GÉNÉRAL DE LA PREUVE

CHAPITRE PREMIER 

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

2803.  Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

SECTION IV 

DES ACTES SOUS SEING PRIVÉ

2829.  L'acte sous seing privé fait preuve, à l'égard de ceux contre qui il est prouvé, de l'acte juridique qu'il renferme et des déclarations des parties qui s'y rapportent directement.

CHAPITRE DEUXIÈME  

DES MOYENS DE PREUVE

2863.  Les parties à un acte juridique constaté par un écrit ne peuvent, par témoignage, le contredire ou en changer les termes, à moins qu'il n'y ait un commencement de preuve.

[19]         En l’instance, Côté allègue que le contrat (P-5) est incomplet puisque, dit-il, on lui aurait promis trois semaines de vacances en plus de celles qu’il accumulait tout au long de l’année.

[20]         Malheureusement pour Côté, le Tribunal ne peut arriver à cette conclusion. D’une part, aucune personne n’est venue témoigner de circonstances qui auraient rendu possible les allégations de Côté concernant les trois semaines de vacances additionnelles. Il n’y a pas non plus de commencement de preuve par écrit.

[21]         D’autre part, le contrat (P-5) est clair et ne souffre d’aucune ambigüité. Ce contrat stipule que Côté bénéficiait de trois semaines de vacances pour l’année 2012 et de quatre semaines pour l’année 2013.

[22]         Compte tenu que Côté admet qu’il a pris trois semaines de vacances en 2012 et qu’il a quitté son emploi le 26 juillet 2013, après avoir pris deux semaines de vacances en 2013 et reçu un montant de 550 $ de Weston, le Tribunal arrive à la conclusion que Côté n’a droit à aucune autre somme à ce titre.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL  :

            rejette la demande;

le tout sans frais.

 

 

 

__________________________________

DANIEL BOURGEOIS, J.C.Q .

 

Date d’audience :

23 mars 2015

 



[1]     L’utilisation des noms de famille dans le jugement vise à alléger le texte et non à faire preuve de familiarité ou de prétention.

[2]     2014 QCCA 398 .