Motifs de décision
British Columbia Maritime Employers Association,
requérante,
et
International Longshore and Warehouse Union, section locale 500,
intimée.
Dossier du Conseil : 30845-C
Référence neutre : 2015 CCRI 756
Le 13 janvier 2015
Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de M e Ginette Brazeau, Présidente, ainsi que de MM. André Lecavalier et Norman Rivard, Membres.
Ont comparu
M e Israel Chafetz, pour la British Columbia Maritime Employers Association;
M es Craig Davis et Stephanie Drake, pour l’International Longshore and Warehouse Union, section locale 500.
Les présents motifs de décision ont été rédigés par M e Ginette Brazeau, Présidente.
[1] Le 23
décembre 2014, la British Columbia Maritime Employers Association (la BCMEA) a
présenté une demande en vertu de l’article
1. Déclarer que le syndicat prend part à une grève illégale;
2. Ordonner au syndicat de cesser de prendre part à une grève illégale en refusant d’afficher des avis de possibilités de formation et de fournir des listes de candidats à la BCMEA en vue d’une formation;
3. Ordonner au syndicat d’afficher et de produire des listes complètes;
4. Accorder toute autre mesure de redressement que le Conseil juge indiquée.
[2] Le
Conseil a traité la présente demande en conformité avec l’article 14 du
Règlement
de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles
(le
Règlement
)
et a demandé aux parties de présenter des observations écrites selon une
procédure expéditive. Dans ses observations, le syndicat a demandé au Conseil d’exercer
son pouvoir discrétionnaire de renvoyer l’affaire à la procédure de règlement
des griefs et d’arbitrage, en vertu de l’alinéa
[3] Dans sa réplique, l’employeur a informé le Conseil qu’il avait demandé à l’arbitre de ne pas donner suite au grief jusqu’à ce que le Conseil canadien des relations industrielles ait tranché la présente demande.
[4] Dans une lettre datée du 2 janvier 2015, le Conseil a informé les parties qu’il rejetait la demande du syndicat de renvoyer l’affaire à la procédure de règlement des griefs et d’arbitrage prévue dans la convention collective conclue par les parties et qu’il déterminerait le bien - fondé de la demande. Le Conseil prend les allégations de grève illégale au sérieux et n’hésitera pas à agir rapidement pour établir si son intervention est nécessaire.
[5] En l’espèce, le Conseil a fixé une audience à Vancouver les 13 et 14 janvier 2015 et en a informé les parties le 5 janvier 2015.
[6] Dans une communication subséquente datée du 7 janvier 2015, le syndicat a informé le Conseil qu’il avait fourni à la BCMEA des listes de stagiaires potentiels et qu’il était en voie d’obtenir les renseignements nécessaires auprès de l’employeur pour procéder à l’affichage du deuxième avis de possibilités de formation que l’employeur avait demandé. Le syndicat a demandé au Conseil de refuser d’instruire la demande, puisque la question en litige était devenue théorique.
[7] L’employeur s’est opposé à cette demande.
[8] Dans une lettre datée du 9 janvier 2015, le Conseil a informé les parties qu’aucun objectif lié aux relations du travail ne justifiait de donner suite à l’affaire et il a rejeté la demande. La présente décision énonce les motifs du Conseil.
[9] La BCMEA et la section locale 500 sont liées par une convention collective qui vient à échéance le 31 mars 2018.
[10] Le différend ayant donné lieu à la demande a trait à la responsabilité du syndicat d’afficher des avis de possibilités de formation et de fournir à l’employeur des listes de candidats pour les postes de formation que celui-ci propose chaque année.
[11] Dans une lettre datée du 28 novembre 2014, la BCMEA demandait à la section locale 500 ce qui suit :
... Comme nous en avons discuté précédemment, nous sommes à examiner les programmes que nous envisageons de lancer dès janvier et nous avons besoin d’un nombre suffisant de noms pour les possibilités de formation suivantes :
· Manutentionnaire - cargaisons en vrac (8)
· Camion gros porteur (20)
· Vérificateur régulier (8)
· Chariot élévateur frontal (8)
· Chariot élévateur de charges lourdes (10)
· Chariot élévateur (12)
· Grue sur pneus en caoutchouc (12)
· Spécialité du blé (6)
...
(traduction)
[12] Selon la correspondance qui a suivi entre la BCMEA et la section locale 500, il est évident que le syndicat voulait que des changements soient apportés à la procédure de filtrage et d’établissement du calendrier du programme de formation et que l’employeur se formalisait de l’approche adoptée par le syndicat. L’employeur n’était pas disposé à discuter de changements, quels qu’ils soient, jusqu’à ce que le syndicat lui fournisse la liste de noms demandée. Au moment où la présente demande a été présentée le 23 décembre 2014, le syndicat n’avait fourni aucun nom à l’employeur comme celui-ci le lui avait demandé dans sa lettre du 28 novembre 2014.
[13] Selon les observations de la BCMEA, l’affichage des avis et la liste d’employés que le syndicat doit fournir à l’employeur sont nécessaires pour garantir qu’un nombre suffisant de travailleurs qualifiés et formés sont disponibles aux fins de la répartition du travail. Le refus de fournir une liste de candidats pour la formation aurait pour conséquence ultime que le nombre d’employés qualifiés disponibles pour accepter la répartition serait insuffisant, ce qui se traduirait par un ralentissement du travail. L’employeur a aussi soutenu que le refus du syndicat de fournir des listes et d’afficher un deuxième avis allait à l’encontre de la pratique de longue date des parties, et que le syndicat a délibérément conservé la liste de noms alors qu’il cherchait à obtenir des concessions et à faire apporter des changements aux protocoles de formation. Selon l’employeur, cette conduite du syndicat équivaut à une grève illégale pendant la durée d’une convention collective.
[14] Le 7 janvier 2015, le syndicat a demandé au Conseil de refuser d’instruire la demande, faisant valoir qu’il avait fourni à l’employeur une liste de stagiaires potentiels répondant aux exigences décrites par ce dernier dans sa lettre datée du 28 novembre 2014, et qu’il cherchait à obtenir des renseignements auprès de l’employeur pour procéder à l’affichage du deuxième avis dont il était question dans la demande de l’employeur. Le syndicat a joint à cette demande la copie d’une lettre adressée à l’employeur contenant deux fois plus de noms que le nombre de postes de formation proposés par l’employeur pour chaque catégorie d’emploi. Il a aussi inclus la copie d’une lettre adressée à l’employeur lui demandant des précisions en vue de l’affichage du deuxième avis de possibilités de formation. Le 8 janvier 2015, le syndicat a aussi précisé qu’il avait reçu les renseignements demandés et qu’il se préparait à afficher l’avis de possibilités de formation pour une liste de catégories d’emploi.
[15] Dans sa réponse, l’employeur a continué de soutenir que le syndicat ne se conformait pas à la demande de l’employeur de lui fournir une liste complète de stagiaires potentiels et qu’il continuait ainsi à prendre part à une grève illégale. Il a présenté la copie d’une lettre envoyée au syndicat le 7 janvier 2015, qui démontre que le nombre de noms fournis en 2015 est de beaucoup inférieur au nombre de noms fournis au cours des deux années précédentes pour chaque catégorie d’emploi. C’est la raison pour laquelle la BCMEA a demandé au syndicat de lui fournir des listes complètes de tous les candidats à la suite du premier affichage et d’afficher le deuxième avis au plus tard le 9 janvier 2015. Il affirme avoir des doutes sur le fait qu’il pourra obtenir une liste satisfaisante après l’affichage de ce deuxième avis.
[16] L’employeur ajoute également que, des 178 noms qui lui ont été fournis en date du 8 janvier 2015, moins du tiers des candidats sont admissibles à la formation et qu’il ne reste qu’un ou deux candidats dans certaines catégories. Rien n’indique que l’employeur a évalué l’un ou l’autre des candidats potentiels ou qu’il a effectué un suivi quelconque. Il soutient simplement que c’est « trop peu, trop tard » (traduction), faisant référence à la réponse du syndicat.
[17] Dans sa lettre datée du 28 novembre 2014, l’employeur a demandé au syndicat de lui fournir un nombre suffisant de noms pour un certain nombre de possibilités de formation. Le syndicat n’a pas fourni la liste de noms dans un délai raisonnable, ce qui a amené l’employeur à présenter la présente demande. Lorsque le Conseil a rejeté la demande de renvoyer l’affaire à l’arbitrage et a fixé des dates d’audience pour déterminer le bien-fondé de la demande, le syndicat a fourni des listes contenant deux fois plus de noms que le nombre de possibilités de formation proposées. Le syndicat soutient que, en fournissant les listes et en affichant l’avis, il a mis fin à la conduite qui lui est reprochée dans la demande. Malgré ce changement de circonstances, l’employeur demande au Conseil de déclarer que le syndicat continue de se conduire de manière illégale par rapport à la pratique antérieure.
[18] Le paragraphe 91 du Code énonce ce qui suit :
91. (1) S’il estime soit qu’un syndicat a déclaré ou autorisé une grève qui a eu, a ou aurait pour effet de placer un employé en situation de contravention à la présente partie, soit que des employés ont participé, participent ou participeront vraisemblablement à une telle grève, l’employeur peut demander au Conseil de déclarer la grève illégale.
(2) Saisi de la demande visée au paragraphe (1), le Conseil peut, après avoir donné au syndicat ou aux employés la possibilité de présenter des arguments, déclarer la grève illégale et, à la demande de l’employeur, rendre une ordonnance pour :
a ) enjoindre au syndicat d’annuler sa décision de déclarer ou d’autoriser une grève, et d’en informer immédiatement les employés concernés;
b ) interdire à tout employé de participer à la grève;
c ) ordonner à tout employé qui participe à la grève de reprendre son travail;
d ) sommer tout syndicat dont font partie les employés touchés par l’ordonnance visée aux alinéas b ) ou c ), ainsi que les dirigeants ou représentants du syndicat, de porter immédiatement cette ordonnance à la connaissance des intéressés.
[19] Le
Conseil ne voit aucun fondement justifiant de formuler maintenant une
déclaration de grève illégale aux termes de l’article
[20] Le Conseil ne rend habituellement pas d’ordonnance rétroactive lorsque le comportement visé par la plainte a déjà fait l’objet d’un examen ( Westnav Container Services Ltd. , 2000 CCRI 55).
[21] Dans
British
Columbia Maritime Employers Association
,
[45] Le comportement sur lequel se fonde TSI, c’est-à-dire le refus de la section locale 514 d’entamer le processus d’affichage demandé, a cessé après la présentation, mais avant l’audition de la demande de TSI. Même si le comportement en question correspondait à la définition de « grève » énoncée dans le Code et même s’il était illégal, le Conseil rejetterait la demande parce qu’aucun objectif lié aux relations du travail ne serait réalisé en rendant l’ordonnance demandée, puisque la question a déjà été réglée.
[22] En l’espèce, même si le Conseil établissait que la conduite du syndicat correspondait effectivement à une grève illégale, le Conseil conclut que les ordonnances de redressement demandées par l’employeur ne permettraient pas de régler les questions qui opposent toujours les parties, puisqu’elles ont trait au nombre de noms contenus dans la liste et à l’admissibilité ou aux qualifications des candidats proposés pour chaque catégorie d’emploi.
[23] Si l’affaire n’a peut-être pas été réglée à la satisfaction de l’employeur, il n’en demeure pas moins que le syndicat a fourni une liste de noms pour chacun des postes proposés par l’employeur dans sa lettre du 28 novembre 2014 et qu’il a invité l’employeur à lui demander d’autres noms lorsque la liste serait épuisée, le cas échéant. Le syndicat a aussi pris les mesures nécessaires pour afficher le deuxième avis au plus tard le 9 janvier 2015.
[24] Étant donné que le syndicat a maintenant pris des mesures pour répondre aux demandes de l’employeur et qu’il convient davantage de laisser aux parties le soin de régler elles-mêmes les questions connexes relatives aux qualifications et à l’admissibilité des stagiaires potentiels au moyen de la procédure de filtrage prévue dans leur convention collective, le Conseil ne voit aucun autre objectif lié aux relations du travail qui justifierait son intervention.
[25] Pour les motifs susmentionnés, la demande de la BCMEA est rejetée.
[26] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.
Traduction
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____________________ Ginette Brazeau Présidente |
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____________________ André Lecavalier Membre
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__________________ Norman Rivard Membre
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