Mestel c. Boilard |
2015 QCCQ 3625 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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LOCALITÉ DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-137892-131 |
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DATE : |
27 mars 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
NATHALIE CHALIFOUR, J.C.Q. |
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DEREK MESTEL |
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Partie demanderesse c. |
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MARIE-JOSÉE BOILARD
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur, M. Derek Mestel, a acheté la maison de la défenderesse, Marie-Josée Boilard, le 2 novembre 2012, pour un montant de 385 000 $. Dans les jours suivant l’acquisition, il constate des déficiences du système électrique et de la ventilation de la cuisine de même que de la fournaise. Sur la base de la garantie légale contre les vices cachés, il réclame 7 000 $ à Mme Boilard.
Les questions en litige :
1- La garantie légale contre les vices cachés est-elle applicable en faveur du demandeur?
2- Dans l’affirmative, quels sont les dommages du demandeur?
Les faits :
[2] Le 2 novembre 2012, M. Mestel achète la résidence de Mme Boilard après l’avoir visitée à deux occasions et avoir fait procéder à une inspection [1] .
[3] Dans les jours suivant la prise de possession de la résidence, M. Mestel débute des travaux majeurs de rénovation de la cuisine. Un mur est abattu, l’emplacement des appareils électroménagers est modifié, les armoires, les comptoirs et le plancher sont entièrement rénovés.
[4] À l’occasion de ces travaux, M. Mestel constate, à travers les murs ouverts, des manquements aux standards applicables et « aux codes » quant au filage électrique, aux boîtes de jonction et aux conduits de ventilation d’air [2] .
[5] Le 7 novembre 2012, M. Mestel appelle Mme Boilard puis lui écrit pour confirmer la teneur de leur conversation. Il lui dénonce la situation et l’invite à venir inspecter les lieux [3] .
[6] Entre les 7 et 9 novembre 2012, les parties ont diverses discussions par courriel et par téléphone. Mme Boilard collabore, mais convaincue que les plaintes de M. Mestel sont mal fondées, elle ne se présente pas chez M. Mestel.
[7] En sus des enjeux dans la cuisine, M. Mestel se plaint aussi d’un problème à la boîte électrique de la fournaise et de la thermopompe; Mme Boilard, profitant de la garantie applicable aux appareils achetés quelques mois auparavant [4] , règle rapidement le problème.
[8] À l’exception de la ventilation et du système électrique de la cuisine et du moteur de la fournaise, les autres enjeux soulevés dans les échanges entre les parties ne sont plus en litige.
[9] M. Mestel réclame ainsi 7 000 $ pour les coûts associés aux travaux rendus nécessaires pour la réparation des vices cachés. Il invoque avoir payé 1 794,49 $ pour des achats de matériaux et des dépenses de réparation de la fournaise [5] et 8 627 $ à un entrepreneur responsable des travaux de rénovation [6] .
Analyse
1- La garantie légale contre les vices cachés est-elle applicable en faveur du demandeur?
[10] La partie qui réclame en justice et qui veut faire valoir un droit a le fardeau de prouver le bien-fondé de ses prétentions et de sa réclamation, selon la balance des probabilités [7] . La preuve offerte doit être pertinente, claire et convaincante [8] .
[11] Comme l’enseigne l’auteur Jean-Claude Royer : « la partie qui a le fardeau de persuasion perd son procès si elle ne réussit pas à convaincre le juge que ses prétentions sont fondées [9] » .
[12] Pour avoir gain de cause, M. Mestel devait donc convaincre le Tribunal, selon la balance des probabilités, que les critères donnant ouverture à la garantie légale de qualité du vendeur sont rencontrés.
[13] L’article 1726 du Code civil du Québec [10] pose les conditions de la garantie de qualité à laquelle le vendeur d’un bien est tenu. Le vendeur est responsable si :
i) au moment de la vente le bien est affecté d’un vice;
ii) ce vice a un certain degré de gravité;
iii) ce vice n’est pas apparent au moment de l’achat et l’acheteur l’ignore à ce moment.
[14] M. Mestel témoigne que le système électrique et la ventilation de la cuisine contrevenaient à des « standards ou normes » mais ne peut préciser à quoi il fait référence. Il affirme que les photos produites suffisent pour éclairer le Tribunal et maintient que les déficiences sont notoires et ne requièrent pas l’avis d’un expert.
[15]
Or, les photos produites ne démontrent rien d’autre que d’importants
travaux de rénovation. Une photo d’un tuyau déplacé ou d’un fil découvert ne
permet pas de tirer une conclusion de l’existence d’un vice caché au sens de
l’article
[16] Seul un expert peut émettre son avis [11] et à ce sujet, le professeur Royer explique:
« Le témoin expert est celui qui possède une compétence spécialisée dans un secteur donné d’activité et qui a pour rôle d’éclairer le Tribunal et de l’aider dans l’appréciation d’une preuve portant sur des questions scientifiques ou techniques [12] .»
[17] Par ailleurs, les factures déposées en preuve, sans la présence des témoins, sont laconiques et imprécises [13] . Elles ne peuvent justifier la réclamation de M. Mestel.
[18] Deux des factures concernent le moteur de la fournaise dont la capacité aurait été insuffisante pour chauffer correctement le deuxième étage de la propriété. Or, ce problème ne rencontre pas le critère de gravité requis pour justifier l’application de la garantie légale du vendeur pour vice caché; des travaux d’une durée de deux heures ont été nécessaires pour augmenter l’efficacité de la fournaise, le tout à un coût modeste dans les circonstances. De plus, s’il l’avait voulu, M. Mestel aurait pu profiter de la garantie de dix ans applicable à la fournaise [14] .
[19] Enfin, le courriel du 17 novembre 2012 de l’entrepreneur chargé des travaux, produit par M. Mestel, est laconique et imprécis, sans compter que le témoignage de cet entrepreneur était essentiel [15] .
[20] La preuve offerte par M. Mestel ne permet pas de prouver, selon la balance des probabilités, un vice caché [16] . Sa réclamation doit donc être rejetée.
[21] Vu les conclusions du Tribunal à la première question, il est inutile de répondre à la seconde.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la réclamation du demandeur;
AVEC FRAIS représentant le timbre judiciaire de 156 $ payé par la défenderesse pour sa contestation.
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__________________________________ NATHALIE CHALIFOUR, J.C.Q. |
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Date d’audience : 19 mars 2015 |
[1] P-1.
[2] Voir photos en liasse P-4
[3] P-2
[4] D-4
[5] P-3
[6] P-5
[7]
Article
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
Article 2804 C.c.Q. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[8] Voir le texte des auteurs Pierre Tessier et Monique Dupuis, Collection de droit 2013-2014, Les qualités et les moyens de preuv e, pages 234 à 236.
[9] Jean-Claude Royer, La preuve civile , 2 e édition Yvon Blais no. 190, page 109.
[10]
Article
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[11]
Article
[12]
Jean-Claude ROYER,
[13] P-3
[14] D-4
[15]
Article
[16]
Voir 9048-1508 Québec Inc.
c.
Montpetit
,