RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

 

 

 

NUMÉRO DU DOSSIER

:

40-0345272-002

 

 

[ACCES]

DATE DE L’AUDIENCE

:

2015-04-21 (par téléphone) à Québec

 

RÉGISSEURE

:

M me Carole Fréchette

TITULAIRE

:

9241-3756 Québec inc.

 

RESPONSABLE

:

M me Hélène Normandin

 

NOM DE L’ÉTABLISSEMENT

:

Bar Val-Joli

 

ADRESSE

:

231, rue Principale Nord

Val-Joli (Québec)  J1S 2E4

 

PERMIS ET LICENCE EN VIGUEUR

:

Bar avec autorisation de spectacles

sans nudité, 1 er étage avant droit, capacité 110,

No 9145525;

 

Bar sur terrasse avant, capacité 15,

No 9668096;

 

Licence d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo no 66100.

 

NATURE DE LA DÉCISION

:

Contrôle de l’exploitation

 

DATE DE LA DÉCISION

:

2015-04-28

 

NUMÉRO DE LA DÉCISION

:

40-0006744

 

 

DÉCISION

 

[1]                Par avis de report du 5 mars 2015, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a adressé à la titulaire un avis de convocation à une audience afin d’examiner et d’apprécier les allégations décrites aux documents annexés à l’avis, d’entendre tout témoignage utile aux fins de déterminer s’il y a eu ou non manquement à la loi et, le cas échéant, suspendre ou révoquer les permis de la titulaire.

LES FAITS

 

[2]                Les faits qui ont donné ouverture à la convocation se résument comme suit :

 

[Transcription conforme]

 

Tolérer des boissons alcooliques acquises non conformément au permis :

 

Le 16 avril 2014, les policiers ont saisi, dans votre établissement, les contenants de boisson alcoolique suivants : (Document 1)

 

-     2 bouteilles de boisson alcoolique de 750 millilitres de marque Roncoco, 24% alc./vol.

 

Le timbre de droit de la Société des alcools du Québec n'était pas apposé sur ces contenants.

 

Ces contenants ont été trouvés au sous-sol.

 

Total en litres des contenants : 1,5 litre.

 

 

Le 16 avril 2014, les policiers ont saisi, dans votre établissement, les contenants de boissons alcooliques suivants : (Document 2)

 

-     1 bouteille de boisson alcoolique de 750 millilitres sans étiquette commerciale, 11% alc./vol.

 

-     1 bouteille de boisson alcoolique de 750 millilitres sans étiquette commerciale, 11,5% alc./vol.

 

Les rapports de la S.A.Q. de ces boissons alcooliques mentionnent ce qui suit :

 

-     Cet échantillon est une boisson alcoolique ayant un titre alcoométrique de 11,0% en volume. Le profil est similaire à un vin.

 

-     Cet échantillon est une boisson alcoolique ayant un titre alcoométrique de 11,5% en volume. Le profil est similaire à un vin.

 

Ces contenants ont été trouvés au sous-sol.

 

Total en litres des contenants : 1,5 litre.

 

 

Le 16 avril 2014, les policiers ont saisi, dans votre établissement, les contenants de boissons alcooliques suivants : (Document 3)

 

-     1 bouteille de bière de 625 millilitres de marque O'Keefe

 

-     1 bouteille de bière de 341 millilitres de marque Labatt 50, 5% alc./vol.

 

-     1 bouteille de bière de 341 millilitres de marque O'Keefe, 5% alc./vol.

 

-     1 bouteille de bière de 355 millilitres de marque Antartica, 5% alc./vol.

 

-     1 bouteille de bière de marque O'Keefe

 

-     1 bouteille de bière de 341 millilitres de marque Alberta 75, 5% alc./vol.

 

-     1 bouteille de bière de 625 millilitres de marque Labatt 50, 5% alc./vol.

 

-     1 bouteille de bière de 341 millilitres de marque Miller, 5% alc./vol.

 

-     1 bouteille de bière de 330 millilitres de marque Leffe, 6,6% alc./vol.

 

-     1 bouteille de bière de 330 millilitres de marque Skol Beats

 

-     1 bouteille de bière de 341 millilitres de marque Laurentide

 

-     1 bouteille de bière de 355 millilitres de marque Bohemia

 

-     1 bouteille de bière de 341 millilitres de marque Laurentide, 5% alc./vol.

 

-     1 bouteille de bière de 341 millilitres de marque Molson Golden

 

Ces contenants n'étaient pas marqués (mention CSP ou timbre).

 

Ces contenants ont été trouvés au sous-sol.

 

Total en litres des contenants  : 5,007 litres.

 

 

[3]                L’audience s’est tenue à Québec, par conférence téléphonique, le 21 avril 2015. La titulaire, 9241-3756 Québec inc., était représentée par son unique actionnaire, M me  Hélène Normandin, assistée de son procureur, M e Jean-Guillaume Blanchette. La Direction du contentieux de la Régie était représentée par M e Andréanne Tremblay.

 

 

Preuve de la Direction du contentieux de la Régie

 

[4]                M e Tremblay réfère à la preuve documentaire annexée à l’avis de convocation aux documents 1 à 4 et ajoute que la titulaire est autorisée à exploiter l’établissement depuis le 12 janvier 2009.


Preuve de a titulaire

 

Témoignage de M me Hélène Normandin

 

[5]                M me Normandin dit qu’elle a acquis l’établissement en 2009 de M. Richard Nadeau. Depuis, ce dernier travaille pour elle à titre de barman.

 

[6]                Lors de la saisie d’alcool effectuée le 16 avril 2014, elle précise qu’elle était sur place. Elle explique que c’est M. Nadeau qui lui a demandé, trois ans auparavant, d’entreposer quatre à cinq boîtes de carton dans lesquelles il y avait certains de ses effets personnels. En aucun moment, il ne lui aurait dit que ces boîtes contenaient des alcools non acquis conformément aux permis.

 

[7]                Comme elle connaît M. Nadeau depuis nombre d’années pour avoir été à son emploi avant d’acquérir l’actuel établissement, elle n’a pas jugé opportun de vérifier plus à fond le contenu de ces boîtes.

 

[8]                En contre-interrogatoire, elle dit qu’elle est propriétaire de la bâtisse qui abrite l’établissement. Au premier étage, il y a le bar, le bar sur terrasse ainsi que le bureau. Au sous-sol, il y a un congélateur servant à entreposer de la nourriture pour les fins du commerce, un établi et des effets personnels de toutes sortes.

 

 

Témoignage de M. Richard Nadeau

 

[9]                M. Nadeau explique qu’il est barman à l’établissement Bar Val-Joli depuis son acquisition par M me Normandin en 2009.

 

[10]            Concernant les alcools saisis, il dit que lorsqu’il était propriétaire, ceux-ci ne devaient servir qu’à la décoration de l’établissement pour certains et qu’il s ont été offerts en cadeau pour d’autres. Il ignorait que les deux bouteilles de marque Roncoco étaient au quart pleines et que les autres étaient intactes.

 

[11]            De plus, il ne se rappelle plus que ces alcools étaient rangés au sous-sol de l’établissement et lorsqu’il a demandé à M me Normandin d’entreposer ses boîtes, il lui a dit que celle-ci ne contenaient que ses effets personnels.

 

[12]            En contre-interrogatoire, il mentionne qu’il a exploité l’établissement Bar Val-Joli de 1996 à 2009 et que ces alcools étaient possiblement là depuis plusieurs années et que les bières ne portaient pas de mention CSP à ce moment-là.

 

LE DROIT

 

[13]            Les dispositions légales qui s'appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :

 

Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [1] (LIMBA)

 

82.1.       Sous réserve des droits qui lui sont conférés par la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), à titre de titulaire de permis de boisson artisanale ou de producteur artisanal de bière, un titulaire de permis ne peut garder, posséder ou vendre dans son établissement :

               

1º         des boissons alcooliques autres que la bière, le cidre léger ou celles visées au deuxième alinéa  qui n'ont pas été achetées directement de la Société ; (...)

 

3º         de la bière qui n'a pas été achetée directement de la Société, d'un titulaire d'un permis de brasseur ou de distributeur de bière délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec, ou d'un agent d'un titulaire de permis de brasseur ou de distributeur de bière ; (...)

 

84.          Il est défendu à un titulaire de permis de garder dans l'établissement où ce permis est exploité un contenant de boissons alcooliques autres que la bière et le cidre et sur lequel n'est pas apposé le timbre de la Société ou un contenant de boissons alcooliques fabriquées par un titulaire de permis de production artisanale sur lequel n'est pas apposé un autocollant numéroté de la Régie (...)

 

Loi sur les permis d'alcool [2] (LPA)

 

72.1.        Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de brasseur, de production artisanale, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S - 13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.

(…)

 

86.           (…) La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si :

 

(…)

 

4°      le titulaire du permis a contrevenu à  l’article 72.1;

 

(…)

 

La Régie, dans la détermination de la sanction administrative pour contravention à l’article 72.1, tient compte notamment des facteurs aggravants suivants :

 

a)      la quantité de boissons alcooliques ou d’appareils de loterie vidéo;

 

b)      le fait que les boissons alcooliques sont de mauvaises qualité ou impropres à la consommation;

 

c)      le fait que les boissons alcooliques sont fabriquées frauduleusement ou falsifiées;

 

d)      le fait que le titulaire du permis a contrevenu à l’article 72.1 dans les cinq dernières années;

 

e)      le fait que les boissons alcooliques ne sont pas commercialisées par la Société des alcools du Québec et qu’elles ne sont pas fabriquées, embouteillées ou livrées conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13).

 

 

ANALYSE

 

[14]            Dans ce dossier, la soussignée doit décider si le titulaire a contrevenu à l’article 72.1 de la LPA en tolérant dans son établissement des boissons alcooliques non acquises conformément à son permis.

 

[15]            Le législateur n’ayant pas défini ce que l’on devait entendre par ce mot, il faut alors recourir à son sens usuel et l’interpréter en fonction du contexte législatif dans lequel il se retrouve.

 

[16]            Le « Petit Robert » le définit ainsi :

 

Laisser se produire ou subsister (une chose qu’on aurait le droit ou la possibilité d’empêcher) v. autoriser, permettre.

 

Dans son sens usuel, on peut dire que tolérer c’est :

 

-                laisser par son action ou son inaction se produire ou subsister une chose ou une situation qu’on avait le droit, la possibilité ou le devoir d’empêcher.

 

[17]            La soussignée doit également décider si l’endroit dans lequel les alcools ont été trouvés, c’est-à-dire le sous-sol du commerce, doit être considéré comme une dépendance et circonstance de l’établissement.

 

[18]            Pour les fins de l’analyse, la Régie doit se référer à l’article 2 , paragraphe 13 de la LIMBA qui définit le mot « établissement » comme étant une installation dans laquelle est exploité un permis d’alcool ainsi que les circonstances et dépendances de cette installation.

 

[19]            Comme le législateur n’a pas défini le terme « dépendance », il faut recourir à son sens usuel. À cet égard, le dictionnaire Le Petit Larousse le définit comme suit :

 

Annexes constituées d’un bâtiment, d’un terrain, d’un territoire rattaché à un autre, plus important.

 

[20]            Le 10 avril 2008, dans l’affaire Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Colette Lévesque, la Cour du Québec [3] , dans une décision de M me la juge Julie Dionne, est venue préciser la définition du mot « dépendance » en ces termes :

 

[...] il faut conclure de cette analyse qu’une dépendance est un endroit relié à un lieu principal, telle une remise. En poussant un peu plus cette réflexion, force est de conclure qu’il s’agit d’un lieu dont on dépend, notamment pour y entreposer des objets reliés à l’établissement principal.

 

Le Tribunal est d’avis que la défenderesse utilisait son sous-sol aux fins de son commerce puisqu’elle y entreposait des objets qui y étaient reliés, soit des liqueurs et divers autres objets, ce qu’elle a elle-même admis.

 

Dans le contexte de la preuve, le sous-sol en question, bien qu’il soit utilisé tant à des fins commerciales que personnelles, doit, être assimilé à une dépendance au sens prévu par les dispositions applicables.  En conséquence, le policier était justifié de s’y rendre.

 

[21]            La titulaire a expliquée que le sous-sol sert en partie aux fins du commerce puisqu’on y retrouve un établi, un congélateur dans lequel de la nourriture est gardée et qui sert à être offerte à la clientèle, ainsi que plusieurs objets de nature personnelle. À ce titre, on peut donc affirmer que les boîtes dans lesquelles les alcools ont été rangés et saisis par la suite font partie de la dépendance de l’établissement.

 

[22]            Ceci étant établi, la titulaire a-t-elle toléré dans l’établissement la présence de boissons alcooliques non acquises conformément aux permis?

 

[23]            La titulaire dans son témoignage a admis que les alcools contenus dans les boîtes étaient rangés au sous-sol depuis au moins trois ans. Elle a ajouté qu’elle n’a pas cherché à savoir ce que contenait ces boîtes puisque M. Nadeau lui a dit qu’il s’agissait de ses effets personnels.

[24]            M me Normandin et M. Nadeau travaillent ensemble depuis six à sept ans et se devaient d’être en mesure de bien connaître les obligations d’un titulaire de permis puisque M. Nadeau a été titulaire de permis pendant près de treize ans et M me  Normandin depuis au moins six ans.

 

[25]            Bien que M me Normandin dit qu’elle ignorait ce que contenait ces boîtes, il était de son obligation de s’en informer et de vérifier à titre de titulaire de permis.

 

[26]            De plus, au Rapport d’infraction général, il est indiqué qu’aucune trace de colle n’a été trouvée sur les contenants tout comme aucune mention CSP sur les bouteilles de bières laquelle existe depuis 1995.

 

[27]            À cet égard, M me Normandin n’a pu renverser la présomption qui pèse contre elle et le fait qu’elle dise qu’elle ignorait ce que contenait ces boîtes, ne constitue nullement une défense. De plus, de l’aveu même de M. Nadeau, ces alcools étaient dans l’établissement depuis de nombreuses années et il avaient été reçus soit en cadeau ou devaient servir comme décoration et il était de sa connaissance que ceux-ci n’avaient pas été acquis conformément aux permis.

 

[28]            Pour terminer et en réponse à M e Blanchette, qui dans ses représentations invoquait, pour sa cliente, la diligence raisonnable, le Tribunal administratif du Québec (TAQ) dans les dossiers SAE-Q-196393-1311 et SAE-Q-191631-1305 se prononçait comme suit :

 

[Transcription conforme]

 

[21]      La requérante allègue qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable et invoque l’article 103.4 de la LIMBA au soutien de cet argument. Cette disposition se lit comme suit :

 

103.4         Dans une poursuite intentée pour une contravention à l’article 103.1 ou 103.2, le titulaire du permis n’encourt aucune peine s’il prouve qu’il a agi avec diligence raisonnable pour constater l’âge de la personne et qu’il avait un motif raisonnable de croire que celle-ci était majeure ou s’il prouve qu’il avait un motif raisonnable de croire qu’il s’agissait d’un cas visé dans le deuxième alinéa de l’article 103.2.

 

[38]      Et cette disposition est claire. Elle s’applique dans le cadre d’une poursuite pénale initiée en vertu de la LIMBA, une loi à caractère pénal. La requérante aurait pu présenter une telle défense dans le cadre de la poursuite pénale qui fût intentée contre elle, ce qu’elle n’a pas fait. Cette disposition ne s’applique donc pas au processus administratif de contrôle et de surveillance des titulaires de permis prévu par la LPA et qui relève des pouvoirs de la Régie.


[29]            Donc, la soussignée n’a d’autre choix d’en arriver à la conclusion qu’il y a eu  contravention à l’article 72.1 de la LPA, puisque la titulaire a toléré dans son établissement, des boissons alcooliques non acquises conformément aux permis.

 

[30]            Le paragraphe 4 du deuxième alinéa de l’article 86 de cette même loi ne donne donc aucune discrétion et prévoit qu’ il doit y avoir une suspension ou révocation des permis d’alcool.

 

[31]            La soussignée est donc d’avis qu’une suspension de 4 jours est juste et conforme à la jurisprudence établie à la Régie.

 

 

PAR CES MOTIFS,

la Régie des alcools, des courses et des jeux :

 

SUSPEND                              pour une période de 4 jours , les permis de bar avec autorisation de spectacles sans nudité numéro 9145525, de bar sur terrasse numéro 9668096 et, conséquemment, la licence d'exploitant de site d'appareils de loterie vidéo numéro 66100 dont 9241-3756 Québec inc. est titulaire, et ce, à compter de la mise sous scellés des boissons alcooliques par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin;

 

ORDONNE                           la mise sous scellés des boissons alcooliques se trouvant sur les lieux par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin pour la période de la suspension ci-dessus mentionnée.

 

 

 

 

 

 

                                                           CAROLE FRÉCHETTE

                                                           Régisseure

 



[1]    RLRQ, chapitre I-8.1

[2]     RLRQ, chapitre P-9.1

[3]     Cour du Québec, numéro 250-61-033277-073