COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
AQ-1003-6511 |
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Cas : |
CQ-2014-7276 |
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Référence : |
2015 QCCRT 0253 |
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Québec, le |
19 mai 2015 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Nancy St-Laurent, juge administratif |
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Christian Gagné
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Plaignant |
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c. |
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Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec inc.
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Intimé |
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et |
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Gouvernement du Québec Ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles
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Mis en cause |
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DÉCISION |
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[1]
Le 13 décembre 2014, monsieur Christian Gagné (le
plaignant
) dépose
une plainte fondée sur l’article
[2] Il prétend que son association, le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec inc. (le syndicat ) a manqué à son devoir de représentation en ne poursuivant pas à l’arbitrage ses griefs réclamant son rappel au travail.
[3] Le syndicat soutient qu’après analyse, ces griefs se sont avérés sans fondement, d’où leur retrait.
[4] Le plaignant travaille pour le gouvernement du Québec (l’ employeur ) comme aide-sylvicole depuis 1984. Dès lors, il travaille à la Pépinière de Duchesnay comme salarié occasionnel (saisonnier) avec droit de rappel.
[5] À titre d’aide-sylvicole, il effectue « tous travaux d’assistance auprès des ouvriers agricoles » comme l’alimentation et la transplantation de plants d’arbres, l’élagage et la coupe d’arbres, le nettoyage des boisés, l’entretien des terrains, etc. Il s’agit d’un travail saisonnier qui s’effectue d’avril à octobre.
[6] En 2005, le plaignant fait l’objet d’un premier congédiement qu’il conteste par grief. Une sentence arbitrale est rendue en août 2007, accueillant ce grief et ordonnant sa réintégration.
[7] En juillet 2010, une seconde sentence arbitrale est rendue à l’égard du plaignant qui contestait son non-rappel au travail pour les saisons 2008 et 2009. L’arbitre rejette ses griefs pour les motifs suivants :
[123] Ici, la preuve démontre effectivement il y a eu des changements d'ordre qualitatif, en concentrant plus particulièrement les travaux directement liée à la recherche, l'employeur a ainsi augmenté son besoin de personnel plus qualifié et, en transférant une partie de ses activités nécessitant un plus grand nombre de travaux du niveau aide sylvicole à d'autres pépinières, il a là encore réduit son besoin de ce type de personnel .
[124] Comme il est bien admis qu’un poste est normalement composé de tâches principales qui sont alors dites caractéristiques et déterminent le niveau du poste et de tâches dites connexes qui peuvent être des tâches exécutées également par du personnel de moindre qualification, dans l'espèce, l'employeur nous apparaît avoir été bien fondé de procéder à l'embauche d'une employée qualifiée et détenant les permis nécessaires pour exécuter les tâches d'ouvrier sylvicole pour combler ses besoins et procéder au non rappel de personnel de niveau de qualification moins spécialisée pour tenir compte de ses contraintes et de ses budgets.
(soulignement ajouté, reproduit tel quel)
[8] Malgré cette décision défavorable, le plaignant dépose de nouveaux griefs pour contester son non-rappel au travail pour les saisons 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014. À l’audience, il précise que la présente plainte conteste le retrait des griefs concernant les saisons 2012, 2013 et 2014, ses autres réclamations étant prescrites.
[9] Pour sa part, l’employeur indique avoir retiré le nom du plaignant de la liste de rappel en avril 2012, vu la perte de ses droits. À cet effet, il réfère à l’article 11-49.16 de la convention collective :
11-49.16 L’employé saisonnier perd son droit de rappel et son nom est rayé de la liste de rappel dans les circonstances suivantes :
(…)
-interruption d’emploi à partir de sa liste de rappel d’employés saisonniers pour une durée dépassant quarante-huit (48) mois consécutifs;
(…)
[10] C’est également pour cette raison que le syndicat décide de retirer les griefs du plaignant. En effet, considérant les sentences arbitrales rendues à l’égard de ce dernier, le syndicat conclut que sa dernière prestation de travail remonte à la fin de la saison 2007 et que, par conséquent, il a fait l’objet d’une interruption d’emploi de plus de 48 mois.
[11] Le syndicat précise avoir effectué une enquête avant de conclure ainsi. Selon les informations obtenues, seulement deux aide-sylvicoles avaient travaillé entre 2008 et 2014 et ceux-ci avaient un rang d’ancienneté supérieur à celui du plaignant.
[12] Bien que ce dernier ait remis au syndicat des photos sur lesquelles apparaissaient des travailleurs de la Pépinière de Duchesnay, il n’a pas été en mesure de les identifier ni d’établir leur titre d’emploi. Ces photos, qui au surplus étaient postérieures à la rupture de son lien d’emploi, ont donc été jugées insuffisantes pour écarter l’application du délai de 48 mois prévu à la convention collective.
[13] Enfin, le syndicat ajoute avoir demandé une opinion juridique quant au calcul de ce délai, laquelle confirme que les griefs du plaignant étaient voués à l’échec.
[14]
Le devoir de représentation est prévu à l’article
47.2 Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave à l'endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu'elle représente, peu importe qu'ils soient ses membres ou non.
[15]
Dans
Khodabakhchian
c.
Syndicat professionnel des ingénieurs
d'Hydro-Québec inc.
,
[41] Il s’agit, pour l’association accréditée, d’une
obligation de comportement qui existe tant au stade de la négociation
collective que pendant son application. Dans l’arrêt de principe
Noël
c.
Société d’énergie de la Baie-James,
1- Le comportement de mauvaise foi est frauduleux, malicieux, malveillant ou encore hostile. Il présuppose une intention de nuire;
2- Le comportement discriminatoire tente de défavoriser un individu ou un groupe d’individus sans que le contexte des relations de travail ne le justifie;
3- Le comportement arbitraire implique un traitement superficiel ou inattentif de la plainte du salarié, volontaire ou non;
4- La négligence grave survient, même en l’absence d’intention de nuire, quand le syndicat commet une faute grossière dans le traitement de la plainte du salarié.
[42] L’obligation de juste représentation en est une
de moyen : l’association accréditée n’est pas tenue d’obtenir un résultat
désiré, mais elle doit prendre tous les moyens raisonnables, en tenant compte
des circonstances, pour atteindre l’objectif souhaité (
Landucci
c.
Alliance
des professeures et professeurs de Montréal (CSQ)
,
[16]
Il appartient au plaignant d’établir, par prépondérance de preuve, que
le syndicat a contrevenu à son devoir de représentation (
Habib
c.
Comité
des travailleurs(euses) du textile, Lamour inc. (C.T.T.T.)
,
[17] Dans la présente affaire, le plaignant soutient que le syndicat a manqué à son devoir de représentation lors de l’analyse de ses griefs. Selon lui, bien qu’il n’ait pas travaillé depuis 2007, le délai de 48 mois prévu à l’article 11-49.16 de la convention collective n’est pas écoulé en avril 2012. Ainsi, son nom n’aurait pas dû être rayé de la liste de rappel en 2012 et ses griefs auraient dû être déférés à l’arbitrage.
[18]
Il est bien reconnu par la jurisprudence que le rôle de la Commission
n’est pas de siéger en appel des décisions syndicales, mais bien d’examiner si
l’un des comportements prohibés par l’article
[19] Or, la décision du syndicat fait suite à une enquête et repose sur une interprétation raisonnable de la convention collective.
[20]
Le plaignant aurait souhaité une interprétation différente de l’article
11-49.16, mais il n’a pas démontré que celle retenue par le syndicat «
est déraisonnable au point
où elle peut être qualifiée d’arbitraire, discriminatoire ou empreinte de
négligence grave au sens de l’article
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
REJETTE la plainte.
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__________________________________ Nancy St-Laurent |
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M e Patricia Claude |
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Représentante du plaignant |
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M e Jean-Luc Dufour |
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Poudrier Bradet Avocats, S.E.N.C. |
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Représentant de l’intimé |
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M e Jean-Christophe Bédard Rubin |
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Robitaille, Tanguay (Justice-Québec) |
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Représentant du mis en cause |
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/ml