Magog (Ville de) et Syndicat des pompières et pompiers du Québec, section locale Magog (José Tétreault) |
2015 QCTA 412 |
D É C I S I O N A R B I T R A L E
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No de dépôt : 2015-3771
LA VILLE DE MAGOG
Ci-après appelée La Ville ou l’employeur
et
LE SYNDICAT DES POMPIERS ET POMPIÈRES DU QUÉBEC, SECTION LOCALE MAGOG
Ci-après appelé le syndicat
Pour la Ville : Maître Charles Michaud
Pour le Syndicat : Maître Michel Derouet
[ 1 ] C’est le document S-2 reproduit à la page qui suit. (On notera que le document n’est pas daté et qu’il comporte deux espaces blancs.)
Le Mandat
[ 2 ] L’arbitre soussigné a été nommé à ce titre, du consentement des parties, le 18 septembre 2014.
[ 3 ] Avec l’accord des parties, l’affaire a été entendue à Magog, le 16 janvier 2015.
[ 4 ] En début d’audience, les procureurs au dossier ont convenu des admissions d’usage (procédure et compétence).
La Lettre d’Entente
[ 5 ] De consentement toujours, les parties ont versé au dossier la lettre d’entente numéro 4 signée le 28 octobre 2014. C’est le document S-3, reproduit intégralement aux trois pages qui suivent. (Le mandat confié à l’arbitre est précisé au paragraphe 3, à la deuxième page du document.)
La Preuve
[ 6 ] Le directeur du service des incendies de la Ville, Monsieur Luc Paré, a été le premier témoin de la partie syndicale. Il a décrit les effectifs de son service :
4 capitaines
6 pompiers à temps plein
3 agents de prévention à temps plein
6 lieutenants à temps partiel
54 pompiers à temps partiel
[ 7 ] Ces effectifs sont divisés en trois équipes qui opèrent en rotation. Les affectations sont déterminées en fonction des disponibilités déclarées. Les pompiers sont soit en caserne, soit sur appel (par pagette).
[ 8 ] L’article 8.3 (g) de la convention collective stipule que les pompiers doivent fournir des prestations de travail, sur une base annuelle, soit :
- 340 heures de garde en caserne
- 48 heures de perfectionnement
- Répondre aux appels selon des pourcentages établis (33% et 25%).
(Le directeur a aussi fait état de 12 heures de formation comme premier répondant.)
[ 9 ] Les qualifications requises pour chaque type d’intervention sont prévues au Règlement sur les conditions pour exercer au sein d’un service de sécurité incendie municipal (chapitre S-3.4, a.38).
[ 10 ] L’horaire des pompiers a été qualifié de «perpétuel» par le directeur Paré. Il est reproduit à la page qui suit, pour l’année 2014. (Le plaignant fait partie de l’équipe A.) On retrouve son nom à l’annexe A de la convention collective, soit la liste d’ancienneté des pompiers. C’est la page 28, reproduite ci-après. (On peut y lire que Monsieur Tétreault a le statut de «temps partiel» , et son ancienneté s’établit au 4 décembre 2000.)
[ 11 ] Monsieur Paré a reconnu que la MRC dont la Ville fait partie prévoit trois catégories de pompiers, soit les réguliers, les temps partiel et les volontaires. Il n’y a cependant aucun pompier de cette dernière catégorie sur le territoire de la MRC.
[ 12 ] Tel qu’indiqué à la page 28 de la convention collective, Monsieur Tétreault est décrit comme «pompier à temps partiel» depuis l’année 2000. Lui et sa conjointe ont une entreprise de déneigement, excavation, transport, etc. depuis 2005, sous le nom corporatif 91900902 Québec Inc. («Déneigement Tétreault») . Ils comptent parmi leurs clients des commerces, des institutions, ainsi que la Ville de Magog, à raison de contrats de cinq ans conclus en 2006, 2012 et 2014, pour le déneigement des bâtiments de la Ville, des aires de stationnement, et des voies publiques (contrat de 2014).
[ 13 ] Comme pompier, il a touché des rémunérations de plus ou moins 10 000$ par année en 2012 et 2013.
[ 14 ] Il donne ses disponibilités en fonction de ses occupations comme entrepreneur, plus particulièrement pour les prestations obligatoires de l’article 8.3 de la convention collective. Il ne va pratiquement pas en caserne durant la saison hivernale. Il compense au cours de l’été.
Les Positions des Parties
[ 15 ] C’est en regard de ces admissions et de cette preuve que les procureurs des parties ont fait valoir leurs prétentions respectives.
[ 16 ]
A la page 2
de la lettre d’entente numéro 4, reproduite plus haut à la suite du paragraphe
(5), il est fait mention de l’article
«Les personnes suivantes ne peuvent être nommées à une charge de fonctionnaire ou d’employé de la municipalité, ni l’occuper :
…4è quiconque a, directement ou indirectement, par lui-même ou par son associé, un contrat avec la municipalité…»
[ 17 ]
Une exception
à cette prohibition est cependant prévue au troisième alinéa du paragraphe 8 de
ce même article
«L’inhabilité à une charge de
fonctionnaire ou d’employé prévue au paragraphe 4
è
du premier alinéa
ne s’applique pas à un pompier volontaire ou à un premier répondant, au sens de
l’article
[ 18 ]
L’article
«Sont également inéligibles à un poste de membre du conseil de la municipalité :
1 e les fonctionnaires ou employés de celle-ci, à l’exception de ceux qui lui fournissent leurs services pour combattre les incendies sur une base ponctuelle et qui sont communément désignés sous le nom de «pompiers volontaires» …»
[ 19 ]
Le procureur
du syndicat a également cité l’article
«Le service de sécurité incendie est assuré par des pompiers à temps plein ou à temps partiel ou par des pompiers volontaires…»
[ 20 ] Maître Derouet a soumis qu’il n’existe nulle part une définition de ces termes «pompiers volontaires» , non plus que leur portée. Il a cependant reconnu qu’ils ne se retrouvent pas dans la convention collective.
[ 21 ] Pour sa part, le procureur de la Ville a formulé d’une façon plus lapidaire la question qui est posée à l’arbitre au paragraphe 3 de la lettre d’entente numéro 4; le plaignant peut-il être un pompier à temps partiel et agir en même temps comme entrepreneur auprès de la Ville ?
[ 22 ]
Maître
Michaud a représenté que l’exception de l’article
[ 23 ]
Quant à la
portée des termes
«pompiers volontaires»
, le procureur patronal a
suggéré que l’on pourrait s’inspirer d’une disposition du Guide-Élections
municipales du Directeur général des élections du Québec, où ce dernier
commente l’exception de l’article
«Les pompiers volontaires :
Les pompiers qui fournissent leurs services à la municipalité pour combattre les incendies sur une base ponctuelle et qui sont rémunérés à l’acte… En effet, ils ne sont pas considérés comme des employés permanents où à temps partiel de la municipalité… » (mon souligné)
Décision
[ 24 ] Les deux procureurs au dossier ont cité un jugement de la Cour supérieure dans l’affaire Picard c. Bastien, 2012, QCCS 3857. Ce jugement mérite quelques commentaires.
[ 25 ]
Tout d’abord,
il convient de souligner qu’il s’agissait d’un recours en destitution d’un
conseiller municipal qui était aussi à l’emploi de la municipalité à titre de
directeur du service de sécurité incendie, mais en qualité de
«pompier
volontaire»
au sens de l’article
[ 26 ] Il s’agissait là d’un élément important de ce dossier en Cour supérieure. En effet, au paragraphe 20 de son jugement, le juge Louis Crête a écrit :
«Il n’est pas contesté que M. Bastien agit depuis 1980 «comme pompier volontaire» pour la municipalité.»
Et il a ajouté, au paragraphe 23 :
«Dans la municipalité de Saint-Hugues, la preuve a révélé qu’il n’y a que des pompiers volontaires. La taille de la municipalité, ses budgets et le nombre relativement petit d’incendies dans une année donnée à cet endroit ne requièrent sans doute pas l’embauche des pompiers à temps plein ou même à temps partiel.»
[ 27 ] La situation sous étude est bien différente.
En effet, dans la lettre d’entente numéro 4 reproduite plus haut, le plaignant est désigné comme étant un «salarié» à l’emploi de la Ville, et c’est en cette qualité qu’il a déposé le grief numéro 2014-03. Il en découle que les droits qu’il veut faire valoir lui échoient, de toute évidence, de la convention collective en vigueur.
[ 28 ] Comme on l’a vu plus haut, son nom apparaît à la page 8 de cette convention collective, et il y est désigné comme étant un pompier avec le statut de temps partiel.
De plus, l’article 10.1 de la convention collective stipule que «tous les salariés sont à temps partiel, sauf si une disposition contraire l’indique.»
[ 29 ]
Manifestement,
le plaignant n’est donc pas un
«pompier volontaire»
, ce qui lui
permettrait de se prévaloir de l’exception prévue au paragraphe 8 de l’article
[ 30 ]
Les
dispositions des articles 8.3 et 10.1 de la convention collective ne sont pas
compatibles avec la notion de
«pompiers volontaires»
, soit celui qui
fournit ses services pour combattre les incendies
«sur une base ponctuelle»
(article
Il en va de même de certaines autres dispositions de la convention collective :
Article 13.4 (séances de perfectionnement)
Article 14 (gardes et interventions)
Article 16 (horaire de travail)
Article 18 (uniformes et équipements)
Article 19 (salaires et classifications)
Article 20 (jours fériés) etc.
[ 31 ] Pour que le grief de Monsieur Tétreault réussisse, l’arbitre devrait ajouter à la convention collective, ou la contredire, pour lui faire dire qu’il est un «pompier volontaire» , ce qu’il n’est manifestement pas, étant donné qu’il est, au contraire, un salarié à temps partiel au sens de la convention collective.
(Il convient de rappeler ici que dans son grief, reproduit plus haut comme pièce S-8, le plaignant lui-même, ou le syndicat en son nom, fait état de son «emploi de pompier à temps partiel» .)
[ 32 ]
Somme toute,
le plaignant correspond rigoureusement, aux dispositions de l’article
[ 33 ] Le tribunal se voit donc dans l’obligation de répondre dans l’affirmative à la question que les parties ont convenu de lui poser au paragraphe 3 de la lettre d’entente numéro 4 :
«Est-ce que la Ville de Magog
peut interdire, notamment par l’article
Dispositif
[ 34 ] En conséquence, le grief est rejeté.
Montréal, ce 23 avril 2015
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CLAUDE LAUZON, Arbitre