Syndicat du personnel de soutien du Collège de Shawinigan (CSN) et Collège de Shawinigan (griefs individuels, Jocelyne Caron et autres) |
2015 QCTA 424 |
TRIBUNAL D’ARBITRAGE
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
N o de dépôt : 2015-4488
Date : 25 mai 2015
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DEVANT L’ARBITRE : DANIEL CHARBONNEAU
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Syndicat du personnel de soutien du Collège de Shawinigan (CSN)
« le Syndicat »
ET
Collège de Shawinigan
« l’Employeur »
Griefs n o 2015-0000384-1320; 2015-0000385-1320; 2015-0000386-1320;
2015-0000387-1320; 2015-0000388-1320; 2015-0000499-1320
2015 - 0000500-1320; 2015-000501-1320; 2015-0000502-1320;
2015-0000509-1320; 2015-0000510-1320; 2015-0000511-1320
Nature du litige : Calcul du prorata de vacances - Employés à temps partiel
Dates d’audition : 5 mai 2015
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SENTENCE ARBITRALE
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PRÉALABLES
[1] Le soussigné fut désigné le 23 février 2015 par le Greffe des tribunaux d’arbitrage du secteur de l’Éducation pour entendre et disposer de griefs portant sur le calcul des quanta de vacances et de leur rémunération, pour le personnel de soutien à temps partiel ou en retraite progressive du Collège de Shawinigan, appliqué par l’Employeur à compter de 2013.
[2] L’audience s’est tenue à Shawinigan le 5 mai 2015.
LE LITIGE
[3] Douze (12) griefs ont été déposés, dix (10) par six (6) salariées, soit mesdames Jocelyne Caron, Kim Morency, Denise Ferland, Karine Langlais, Madeleine Beaupré et Renée Pouliot et deux (2) par le Syndicat, en 2013 et 2014. Aux fins de la présente décision, un des griefs du Syndicat sera reproduit.
[4] Le 2 mai 2014, le Syndicat adressait à l’Employeur le grief suivant :
« Exposé du grief :
Nous contestons l’application par le Collège de la clause 7-5.12, notamment, le calcul des jours de vacances et leur rémunération pour les salariés à temps partiel et les salariés en retraite progressive.
Correctif requis : Nous réclamons
pour ces salariés à temps partiel ou en retraite progressive que la durée des
vacances calculée selon leur ancienneté et que leur rémunération soit au
prorata des heures travaillées pendant l’année, tel que prévu à la convention
collective. Nous réclamons aussi l’application de la Loi sur le régime de
négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.
Nous réclamons aussi que l’employeur se conforme à l’article
Renée Pouliot, Présidente »
LA PREUVE
Le Syndicat
[5] Le Syndicat procède au dépôt des documents suivants :
S-1 : En liasse, les griefs déposés en 2013;
S-2 : En liasse, les griefs déposés en 2014;
S-3 : La convention collective 2010-2015 conclue entre le CPNC et la Fédération des employées et employés de services publics inc. (CSN), au nom des syndicats du personnel de soutien des collèges (FEESP);
S-4 : La liste d’ancienneté du personnel de soutien au 30 juin 2013 et au 30 juin 2014;
S-5 : Le choix de vacances de madame Renée Pouliot en 2014
S-6 : Le choix de vacances de madame Jocelyne Caron en 2013 et 2014;
S-7 : En liasse, des choix de vacances de quatre (4) autres salariées visées par les griefs pour les années 2013 et/ou 2014;
[6] Madame Renée Pouliot est technicienne en documentation au Collège de Shawinigan depuis 1977 et présidente du Syndicat depuis 1988. Elle possède un statut régulier à temps complet, soit 35 heures/semaine.
[7] La question des vacances a été portée à sa connaissance lorsqu’une personne de La Tuque l’a avisée que l’Employeur la rémunérait 5 heures par jour de vacances alors qu’elle en travaillait 6h15 par jour. Il s’agissait de madame Jocelyne Caron.
[8] Madame Pouliot indique que les salariés obtiennent un jour additionnel de vacances lorsqu’ils atteignent 17 ans de service, comme c’est le cas au 30 juin 2013 pour madame Jocelyne Caron, selon son ancienneté dans le tableau S-4.
[9] Commentant son propre choix de vacances pour 2014 selon le document S-5, madame Pouliot indique qu’elle est en retraite progressive, ce qui est équivalent à un statut à temps partiel aux fins d’octroi de vacances. En fonction de son ancienneté, elle a obtenu 21.54 jours de vacances rémunérés à 100%.
[10] Dans le cas de madame Jocelyne Caron, agente de bureau principal au centre collégial de La Tuque, elle atteint 17 ans de service en juin 2013. Madame Caron a un horaire annuel à temps partiel de 6h15 par jour, quatre (4) jours par semaine.
[11] Selon le formulaire de choix de vacances de madame Caron (S-6), il lui a été attribué 105 heures de vacances alors qu’elle avait droit à 21 jours, selon madame Pouliot. Elle a été payée 5 heures par jour de vacances au lieu de 6h15. Pour l’année 2014, madame Caron a obtenu 14,7 jours de vacances alors qu’elle aurait eu droit à 21 jours, toujours selon madame Pouliot.
[12] Madame Pouliot précise que toutes les personnes à temps partiel faisant partie du personnel de soutien sont visées par cette situation, soit environ huit (8) ou neuf (9) par année.
[13] Les formulaires de choix de vacances des personnes visées par les griefs sont déposés, en liasse, sous S-7.
[14] Contre-interrogée, madame Pouliot précise qu’elle est en retraite progressive à raison de 7 heures par jour, 4 jours par semaine. Elle confirme que la page 2 du document (S-6) concernant madame Caron représente l’étalement des heures de vacances effectué par la direction des ressources humaines.
[15] Monsieur Hugues Loranger, technicien en physique depuis 1998 occupe également la fonction syndicale de directeur au comité des relations du travail depuis 2000-2001.
[16] Monsieur Loranger a confectionné un tableau suite au phénomène de réduction des vacances à temps partiel à l’endroit du personnel qui travaille à temps partiel, mais tout de même 52 semaines par année.
[17] Le témoin explique son tableau, qui présente la situation d’une personne qui travaillerait un total de 1300 heures annuellement comparativement aux heures régulières annuelles de sa fonction (1820). Cela représente une proportion de 71,43% du temps complet.
[18] Le tableau compare le nombre de jours de vacances et la rémunération pour un salarié à temps complet dont l’ancienneté accumulée donnerait droit à 20 jours de vacances avec celui d’un salarié à temps partiel, ayant la même ancienneté, travaillant vingt-cinq (25) heures sur une semaine de quatre (4) ou de trois jours et demi (3 1/2 ) jours, selon le calcul patronal et le calcul syndical. Suivant ce tableau, la façon de faire de l’Employeur produirait soit une rémunération insuffisante, soit un nombre de jours de vacances attribués inférieur à ce que la personne aurait droit pour le même taux de traitement.
[19] Le témoin présente un autre tableau (S-9) illustrant son propre calcul des vacances de madame Jocelyne Caron. En tenant compte des heures supplémentaires travaillées par celle-ci au cours de l’année précédente, monsieur Loranger estime que le prorata de ses vacances, si l’on tient compte des heures supplémentaires travaillées, doit être de .77 et non de .71 et que la rémunération hebdomadaire en vacances de cette personne pour l’année 2013 devait être de 642.47$.
[20] Contre-interrogé par l’Employeur au sujet du nombre devant apparaître sous la colonne G « jours de vacances en heures » de la pièce S-8, le témoin reconnaît que vingt (20) jours de vacances à raison de cinq (5) heures par jour produit bien un nombre d’heures de 100 et non de 140 tel qu’indiqué sur son tableau, mais il précise qu’il arrive à une rémunération de vacances identique de 2500$, soit vingt (20) jours à 125$ par jour.
[21] Monsieur Loranger précise que, dans son tableau, les exemples des lignes L6 à L9 comportent le même nombre d’heures par semaine, le même salaire et représentent le même prorata de ,7142 du temps partiel par rapport au temps complet; seul le nombre de jours par semaine varie.
[22] En ce qui concerne les quanta de vacances dans le calcul syndical, monsieur Loranger reconnaît que la rémunération indiquée à la colonne H de son tableau, établie à 3125$, représente un pourcentage de 89% de la rémunération à temps complet alors qu’il s’agit d’un employé à temps partiel à 71%; dans cette même colonne, à la ligne suivante, le prorata est de 102. Il reconnaît que la rémunération de vacances de cet exemple de la ligne L12, soit une personne travaillant 25 heures par semaine, est plus élevée que celle d’une employée travaillant à temps complet pour le même nombre de jours de vacances, mais il précise que ce n’est pas pour le même nombre de semaines. Le témoin ajoute : « Le vingt jours tient compte de quatre semaines; la durée est plus longue que quatre semaines ».
[23] Par rapport aux données inscrites au tableau S-8 (aux lignes L11 et L12 de la colonne O), monsieur Loranger admet qu’une personne bénéficiant de 20 jours de vacances répartis sur 5 semaines travaillera 47 semaines durant le reste de l’année, alors que la personne ayant droit aux mêmes 20 jours de vacances travaillera 46,3 semaines le reste de l’année (ligne L12) puisque 5,71 semaines de vacances y sont indiquées. Pourtant, selon le tableau (ligne L4), le témoin confirme qu’une personne qui prend quatre semaines de vacances par année travaillera quarante-huit semaines le reste de l’année.
[24] Suivant le calcul syndical indiqué au tableau S-8, pour deux personnes à temps partiel travaillant 1300 heures par année, l’une aurait droit à quatre semaines de vacances et l’autre à cinq, soit 625 $ de plus de rémunération, ce que confirme le témoin. Il explique que « le même 20 jours ne donne pas le même nombre de semaines ».
L’Employeur
[25] Madame Isabelle Collin, directrice des ressources humaines et secrétaire générale du Collège de Shawinigan, mentionne qu’à son arrivée en 2007 et même auparavant, les salariés à temps partiel étaient rémunérés lors de leurs vacances au prorata de leur horaire sur une durée de quatre (4) semaines, tel qu’illustré aux lignes L8 et L9 du tableau S-8.
[26] Le changement s’est produit en 2013 alors que le Syndicat a demandé que les vingt (20) jours de vacances, rémunérés au prorata, soient fixés selon l’horaire du salarié à temps partiel. Cela a conduit à un étalement différent des vacances.
[27] Ainsi, à la demande du salarié et en s’appuyant sur une sentence arbitrale, celui-ci pourrait prendre vingt (20) jours de vacances par année, mais au prorata du temps travaillé.
[28] À l’aide des tableaux de calcul des vacances du personnel à temps partiel (E-1, en liasse), madame Collin illustre la situation de madame Jocelyne Caron, qui travaille 1300 heures par année, soit 25 heures par semaine effectuées sur quatre (4) jours, ce qui représente un horaire quotidien de 6,25 heures. Lorsqu’elle atteint la tranche des 17-18 années d’ancienneté, elle a droit à 21 jours de vacances annuelles.
[29] Le prorata des heures travaillées de madame Caron est de 71,43%, soit 1300 heures /1820 heures. Un salarié à temps complet a droit à 21 jours ou 147 heures de vacances annuelles. Madame Caron a donc droit à 105 heures de vacances (147 heures X 71,43%). Ces 105 heures de vacances sont versées selon son horaire, à savoir 105 heures divisées par 6,25 heures par jour, ce qui correspond à quatre (4) semaines plus un (1) jour de vacances annuelles.
[30] L’annexe de la pièce E-1 illustre la répartition des heures de vacances de madame Caron selon qu’elle opte pour une répartition de ces 105 heures au prorata de son horaire normal (habituel) de travail ou pour une répartition sur 21 jours. Dans le premier cas, sa rémunération est de 6,25 heures par jour pendant seize (16) jours, puis une dix-septième de 5 heures (pour compléter les 105 heures) alors que dans le second, elle est de 5 heures par jour pendant 21 jours.
[31] Si on fait le calcul sous l’angle de la rémunération, madame Collin précise que cela donne les mêmes résultats : si 147 heures de vacances, pour un temps complet, rémunérées au taux de 24.56$ / l’heure produisent une rémunération totale de vacances de 3623,55$, la rémunération de madame Caron sera établie à 71,43% de 3623,55$, soit 2588.30$ ou encore 105 heures à 24,65$ / l’heure soit 2588.25$.
[32] C’est la pratique depuis toujours.
[33] Madame Collin mentionne que , selon le Syndicat, madame Collin a droit à 21 jours de 6,25 heures, soit 131,25 heures au taux horaire de 24,65$ pour une rémunération de vacances de 3235$, ce qui correspond à 89,29% du temps complet et non pas à 71,43%.
[34] Toujours suivant les tableaux de calcul des vacances du personnel à temps partiel (E-1, en liasse), madame Renée Pouliot travaille 1456 heures par année, soit 28 heures par semaine effectuées sur quatre (4) jours, ce qui représente un horaire quotidien de 7 heures. Madame Pouliot ayant plus de vingt-quatre années d’ancienneté, elle se qualifie pour 25 jours de vacances annuelles.
[35] Le prorata des heures travaillés de madame Pouliot est de 80% (1456/1820). Vingt-cinq (25) jours de vacances représentant 175 heures, elle a droit à 80% de ce nombre, soit 140 heures.
[36] Suivant l’annexe (E-1), madame Pouliot verra ses 140 heures de vacances réparties selon son horaire habituel pour une rémunération de 7 heures par jour pendant 20 jours ou, si elle opte pour une répartition sur 25 jours, sa rémunération sera de 5,6 heures par jour durant 25 jours. Au taux horaire de 27,60$ /l’heure, cela représente une rémunération totale de vacances de 3864$, soit 140 heures à 27,60$/heure ou 80% de 4830$ (rémunération d’un employé à temps plein à ce taux horaire).
[37] Finalement, madame Karine Langlais travaille 728 heures par année, soit 14 heures par semaine effectuées sur deux (2) jours, ce qui représente un horaire quotidien de 7 heures. Madame Langlais ayant moins de 17 ans d’ancienneté, elle a droit à 20 jours de vacances annuelles.
[38] Le prorata des heures travaillées de madame Langlais étant de 40% (728/1820), elle a droit à 40% de 140 heures (20 jours X 7 heures), soit 56 heures. Elle aura droit à 8 jours de vacances suivant son horaire de 7 heures par jour, qui seront répartis sur quatre semaines suivant son horaire habituel de 2 jours/semaine; si elle opte pour une répartition sur 20 jours, sa rémunération sera de 2,8 heures par jour pendant 20 jours. Au taux horaire de 28,13$ / l’heure, cela représente une rémunération totale de vacances de 1575.28$, soit 56 heures à 28,13$/heure ou 40% de 3938$ (rémunération d’un employé à temps plein à ce taux horaire).
[39] Selon madame Collin, le Syndicat demande de verser 20 jours de vacances selon son horaire de 7 heures par jour, ce qui correspond à 100% de la rémunération d’un employé à temps complet à ce taux horaire, soit 3938$ au lieu de 1575$.
[40] L’Employeur produit une copie d’un courriel acheminé par madame Collin à madame Caron, daté du 13 septembre 2013 (E-2), dans lequel celle-ci lui explique le calcul du prorata de ses vacances et de la rémunération qui lui a été versée sur une période de 21 jours, de sorte que sa rémunération quotidienne était de 5 heures par jour. Madame Caron ne comprenait pas pourquoi sa rémunération était de 5 heures par jour.
[41] Au sujet du tableau S-8, madame Collin mentionne que ce qui la frappe le plus dans ce document, c’est que trois personnes travaillant la même proportion de temps devraient avoir droit à la même proportion de vacances annuelles, ce qui n’est pas le cas dans le tableau élaboré par le Syndicat.
[42] Les données contenues dans les lignes L6 et L7 sont la résultante d’un étalement des vacances sur plus de semaines que celles travaillées habituellement. Quant aux données de la colonne G aux lignes L11 et L12, le nombre d’heures de vacances d’un employé à temps partiel à un prorata de .7143 devrait être 100 et non pas 140, pas plus que 98 ou 102 aux cases L8 et L9.
[43] En 2013, elle a suggéré au Syndicat d’appliquer la sentence arbitrale St-Laurent 1 en étalant les vacances mais qu’alors, le revenu est moindre. Selon elle, ce qui achoppe, c’est que la convention collective stipule que les vacances sont au nombre de 20 jours au prorata. C’est là-dessus que les parties ne s’entendent pas.
[44] Pour ce qui est des heures supplémentaires, elle reconnaît qu’elles sont prises en compte dans le calcul du prorata. Si la personne cumule en banque ses heures supplémentaires, c’est lorsque celles-ci sont payées qu’elles sont prises en compte dans le calcul du prorata.
[45] Contre-interrogée sur le fait que madame Caron (S-6) ait eu un prorata de .7143 pour son calcul de vacances en 2014 alors qu’elle a effectué 96.08 heures supplémentaires en 2013, madame Collin répond que les heures sont prises en compte lorsqu’elles sont payées et si elles sont prises en temps, cela a un impact l’année suivante. Le nombre de jours de vacances pour 2014 étant de 14.7 pour 2014, madame Collin ne peut expliquer ce chiffre puisqu’elle n’a pas en main le détail de ces données précises pour madame Caron.
[46] Dans le cas de madame Langlais, madame Collin confirme que le nombre de jours de vacances selon son ancienneté est bien de 20 et qu’il s’agit de jours ouvrables, et non pas des jours prévus à son horaire. Elle reconnaît que les congés de madame Langlais s’échelonnent sur 10 semaines et qu’un employé à temps complet aura travaillé 50 jours sur une période de 10 semaines et que 40% de 50 jours donne bien 20 jours, mais que les 20 jours sont rémunérés au prorata. Elle nie appliquer ainsi un second prorata.
[47] Questionnée sur le fait que la convention collective stipule que les jours ouvrables sont ceux prévus à son horaire, madame Collin répond que la semaine de travail du Collège est de 5 jours.
[48] Madame Collin reconnaît qu’il n’y a pas une clause dans la convention collective stipulant qu’un employé a le droit de demander l’application de la sentence arbitrale St-Laurent.
Position des parties
Le Syndicat
[49] Le Syndicat conteste l’application qui est faite de la clause 7-5.12 sur le calcul du nombre de jours et de la rémunération, effectué par l’Employeur.
[50] Par ailleurs, il est admis que la sentence Collège St-Laurent et Syndicat des employées et employés de soutien du collège de St-Laurent 1 assimile aux fins de calcul de vacances le salarié en retraite progressive et celui à temps partiel.
[51] La clause 7-5.12 comporte deux volets : le premier porte sur la durée des vacances et le second sur la rémunération. L’article 7-5.00 porte pour sa part sur le quanta de vacances en fonction de l’ancienneté.
[52] Pour ce qui est du nombre de jours, cela a déjà été interprété par la sentence Collège St-Laurent précitée. Dans cette décision, l’arbitre ne vient que déterminer l’application de ce prorata.
[53] Par ailleurs, l’Employeur erre dans le calcul du prorata puisqu’il ne tient pas compte des heures supplémentaires effectuées. Madame Collin a témoigné que ces heures devaient être prises en compte.
[54] L’Employeur erre également en appliquant un prorata à chaque journée et non uniquement sur la durée des vacances.
[55] La clause sur le quanta des vacances établit sa quantité et non sa durée. C’est à ce moment que s’applique le prorata.
[56] La preuve a démontré, dans le cas de madame Langlais, on applique un 40% sur ses 10 semaines, ce qui donne un résultat de 20 jours rémunérés à 100%. L’Employeur a indiqué appliquer un prorata sur la durée et ensuite sur chaque journée. C’est peut-être possible dans d’autres conventions collectives, mais pas dans la convention collective actuelle.
[57] Pour ce qui est des préjudices subis, il y a lieu de rembourser les sommes perdues tant au niveau du prorata appliqué qu’au niveau de la prise en compte des heures supplémentaires sur la durée des vacances.
[58] La définition d’heures travaillées et d’heures supplémentaires contenue au Dictionnaire canadien des relations du travail 2 couvre les heures où les gens sont au travail.
[59] Suivant S-6, les heures supplémentaires de madame Jocelyne Caron n’ont pas été prises en compte l’année suivante. Peu importe si ce l’est à l’avenir, l’arbitre doit rendre une décision pour toutes les situations où cela s’est produit.
[60] Le Syndicat demande au tribunal de réserver sa compétence sur le quantum.
L’Employeur
[61] L’Employeur souligne que le Syndicat réclame deux choses : le nombre de jours de vacances et le salaire. Un des griefs invoque le Code civil et le devoir de loyauté.
[62] Pour ce qui est du nombre de jours, les salariés ont eu le choix : auparavant, les 20 jours étaient répartis sur 4 semaines; le Syndicat a porté à l’attention de l’Employeur la sentence arbitrale Collège St-Laurent 1. L’Employeur soumet à ce sujet que le paragraphe 17 de cette décision doit être lu en lien avec le paragraphe 29.
[63] Suite à cette décision, l’Employeur a offert l’option que le nombre de jours soit maintenu, mais que la rémunération soit étalée.
[64] Le Syndicat fait une différence entre la durée et le nombre de jours; pour l’Employeur, c’est la même chose.
[65] L’Employeur soumet que sa façon de faire avant la sentence arbitrale respectait la convention collective. La convention collective définit les jours ouvrables à la page 6 et l’article 7-2.01 définit la semaine normale de cinq jours ouvrables. Le système de paie calcule les mêmes résultats pour 25 heures / semaine donc, 20 jours ouvrables étaient payés.
[66] L’offre de l’Employeur suivant la sentence arbitrale Collège St-Laurent comporte le nombre de jours de vacances approprié mais rémunérés au prorata. Si le tribunal adhère à cette sentence arbitrale, les jours de vacances doivent être payés au prorata.
[67] Quant aux heures supplémentaires, l’Employeur en tient compte. Les tableaux déposés reflétaient des exemples d’années normales. L’Employeur a reconnu que les heures supplémentaires devaient être prises en compte.
DISPOSITIONS PERTINENTES
[68] Les clauses pertinentes de la convention collective sont les suivantes :
Article 1-1.09 Jours ouvrables
Pour chacune des personnes salariées prise individuellement : les jours de la semaine de travail tels qu’ils sont définis à l’article 7-2.00. Aux fins des délais prévus à la convention collective : du lundi au vendredi inclusivement à l’exclusion des jours fériés prévus à l’article 7-8.00.
Article 7-2.01
La semaine normale de travail comprend cinq (5) jours consécutifs de travail suivis de deux (2) jours consécutifs de congé hebdomadaire.
Article 7-5.00 - Quanta de vacances
7-5.01 : La personne salariée a droit au cours de chaque année, à vingt (20) jours ouvrables de vacances payées pourvu qu’elle ait une (1) année d’ancienneté au 1 er juin.
(…)
7-5.12 : Pour la personne salariée à temps partiel, la durée des vacances est déterminée selon l’ancienneté accumulée au 1 er juin de chaque année. La rémunération de ladite durée de vacances est calculée au prorata des heures travaillées pendant l’année se terminant le 1 er juin.
ANALYSE ET DÉCISION
[69] La première partie de la clause 7-5.12 ne fait l’objet, à mon avis, d’aucune ambigüité puisque les deux parties s’accordent sur le quantum de vacances initial auxquelles les plaignantes ont droit, soit 21, 25 ou 20 respectivement pour mesdames Caron, Pouliot et Langlais notamment. Ainsi, la détermination du quantum des vacances ne repose que sur la base de l’ancienneté, tel que le stipule la première phrase de la clause 7-5.12.
[70] Les parties admettent également que les salariées en retraite progressive sont considérées à temps partiel aux fins d’application de cette clause 7-5.12.
[71] C’est lorsque vient le temps d’établir ce quantum en nombre de jours et d’en fixer la rémunération que les choses se gâtent.
[72] En 2013, le Syndicat réclame l’application de la sentence arbitrale Collège St-Laurent 1 . Dans cette décision, l’arbitre Jean-Marie Lavoie mentionne, au paragraphe 29, que « les vacances sont définies en termes de jours ouvrables, et non de semaines, et il n’y a alors rien d’anormal, compte tenu de l’article 7-5.12, à ce qu’une salariée à temps partiel puisse prendre plus de semaines qu’une collègue à temps complet, pour utiliser tous ses jours de vacances » 1 (mon soulignement) .
[73] Ce passage établit que, le nombre de jours de vacances étant équivalent, pour un même niveau d’ancienneté, entre une salariée à temps complet et une salariée à temps partiel, celle qui travaille à temps partiel aura besoin d’une période de temps plus longue pour épuiser sa période de vacances qu’une salariée à temps complet.
[74] L’arbitre ajoute ensuite : « Par ailleurs, la situation est différente pour la détermination de la rémunération due aux plaignantes pour les 25 jours auxquels elles ont droit (…). Cette rémunération doit être calculée au prorata des heures travaillées pendant l’année (…) ».
[75] La position du Syndicat, soulevée en 2013, n’est donc pas surprenante. La pratique de l’Employeur d’étaler les vacances accumulées sur une plus grande période moyennant une réduction proportionnelle de la rémunération s’explique également.
[76] La notion de jour ouvrable est au cœur du litige entre les parties. Le Syndicat estime que le nombre de jours de vacances attribué par le premier volet de 7-5.12 doit être établi sur des jours de 7 heures, indépendamment de l’horaire de la salariée à temps partiel, puisque la convention collective n’en fait pas mention dans le calcul des quanta. Pour l’Employeur, depuis toujours, le nombre de jours auxquels la salariée a droit, doit tenir compte de la durée du travail à temps partiel; depuis 2013, il établit les quanta de vacances sur la base de l’ancienneté, mais il accepte d’appliquer un échelonnement des vacances sur un nombre équivalent de jours à l’horaire de l’employé à temps partiel en réduisant sa rémunération en conséquence.
[77] L’Employeur réfère l’arbitre à l’article 1-1.09 qui définit les jours ouvrables et à la clause 7-2.01 qui établit que la semaine normale de travail. Pour le Syndicat, les jours ouvrables d’une salariée à temps partiel sont ceux qui correspondent à son horaire réduit habituel.
[78] Les parties ont défini la notion de jour ouvrable dans leur convention collective, à savoir « pour chaque personne prise individuellement : les jours de la semaine de travail tels qu’ils sont définis à l’article 7-2.00.(…) ».
[79] La notion de « nombre normal d’heures de travail » se retrouve à la clause 7-1.01 qui l’établit à 35 heures par semaine à raison de 7 heures par jour pour les classes d’emploi prévues à l’annexe B et à 38,75 heures par semaine à raison de 7,75 heures par jour pour les classes d’emploi prévues à l’annexe C.
[80] Pour mettre en application la deuxième partie de la clause 7-5.12, l’Employeur établit la rémunération de vacances en calculant le prorata des jours de vacances auxquels la salariée a droit; exemple de calcul pour une personne dont l’horaire est de 25 heures par semaine, comme madame Caron : 21 jours X 7 heures X 1300 heures à temps partiel / 1820 heures annuelles à temps complet, ou 147 heures X .7143, soit 105 heures de vacances. Le prorata est de 71.43%. Aussi, la rémunération reçue durant ses vacances, selon cette méthode, représente 71.43% de celle d’une salariée à temps complet ayant le même taux horaire et ayant droit à 21 jours de vacances.
[81] Le Syndicat prétend pour sa part que les jours de vacances auxquels la salariée a droit, au nombre de 21, doivent être calculés sur une base de 6,25 heures par jour et par la suite, utilisés suivant son horaire habituel de 6,25 jours; dans l’exemple précédent, il s’agit de 21 jours de 6,25 heures, soit 131,25 heures, au lieu de 105 heures.
[82] Pour l’Employeur, cette façon de calculer produit un prorata de 89,29%, ce qui excède le prorata d’heures travaillées de cette personne annuellement, soit 1300 heures par rapport à 1820 heures pour une personne à temps complet (71.43%). Elle donnera également lieu à une rémunération de vacances représentant 89,29% de celle d’une salariée à temps complet ayant le même taux horaire et ayant droit aux mêmes vacances.
[83] Si l’on poursuit l’exercice, lorsqu’une personne comme madame Pouliot travaille 4 jours par semaine à raison de 7 heures par jour (28 heures/semaine), le calcul de l’Employeur sera de 25 jours X 7 heures X 28/35 ème , ou 175 heures X .80, soit 147 heures. Le prorata est de 80%.
[84] Le Syndicat prétend que madame Pouliot a droit à 25 jours de 7 heures de vacances puisque son horaire journalier, durant les jours où elle travaille, est de 7 heures. Ainsi, son prorata de rémunération est de 100%.
[85] Finalement, dans un cas comme celui de madame Langlais, qui a droit à 20 jours de vacances annuelles, puisqu’elle travaille 2 jours par semaine à raison de 7 heures par jour, l’Employeur applique un prorata de 40% (728 heures annuelles / 1820 heures annuelles) alors que, pour le Syndicat, madame Langlais ayant un horaire journalier de 7 heures lorsqu’elle travaille, elle a droit à 20 jours de 7 heures de vacances annuelles. Le prorata est de 100% également, par rapport à une personne à temps complet, tant au chapitre de la durée des vacances qu’à celui de la rémunération durant ces vacances.
[86] Il est admis par les parties qu’aux fins de vacances, les personnes en retraite progressive sont considérées à temps partiel, en raison de la clause 7-13.44 de la convention collective, et ce, malgré les clauses 1-1.17 et 2-3.02, en raison de la clause 7-5.12. C’est ce qu’a établi l’arbitre Lavoie.
[87] Par conséquent, la deuxième partie de la clause 7-5.12 leur est applicable, peu importe le pourcentage de temps travaillé, qu’il soit de 40% ou de 80%.
[88] La section IV du Code civil du Québec nous enseigne que, dans l’interprétation des contrats, on doit rechercher la commune intention des parties et interpréter les clauses les unes par rapport aux autres; on doit également tenir compte de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ainsi que des usages.
[89] L’article 2-3.02 illustre la volonté des parties au regard des salariés à temps partiel. Bien qu’inapplicable dans l’objet des griefs, en raison d’une disposition particulière au sujet des vacances des personnes salariées à temps partiel par la clause 7-5.12, elle est utile pour cerner l’intention des parties à la convention collective. Ce principe général, enchâssé dans le champ d’application de la convention, annonce d’entrée de jeu une intention des parties contractantes : les salariés à temps partiel voient leurs droits et avantages calculés au prorata des heures travaillées, sauf en cas de stipulations différentes dans la convention collective.
[90] Avant 2013, la preuve non contredite révèle que l’Employeur a toujours appliqué un prorata de la durée des vacances en fonction des heures travaillées.
[91] Aussi, le tribunal est d’avis qu’à la lecture des différentes dispositions de la convention collective liant les parties, celles-ci ont exprimé la volonté que les salariés à temps partiel reçoivent des vacances en prenant en compte la proportion des heures travaillées annuellement par rapport à celles effectuées par les salariés à temps complet. La façon dont elles ont disposé, à la clause 7-5.12 traduit, d’une part, la volonté que l’ancienneté de chacun soit respectée aux fins d’attribution des vacances, mais aussi que celles-ci soient relativisées en fonction des heures travaillées pendant l’année, en date du 1 er juin.
[92] Le mode de calcul syndical, selon la thèse patronale, conduirait à une iniquité selon les heures journalières différentes des salariés à temps partiel, avec pour résultat qu’une personne travaillant 14 heures semaines réparties sur 2 journées de 7 heures, par exemple, recevrait la même rémunération de vacances que la personne salariée à temps complet. Ce n’est certainement pas ce que les parties ont voulu. Quoique séduisante pour les salariés à temps partiel, les parties ont voulu établir une différenciation dans les vacances des salariés à temps complet et à temps partiel, tout en respectant l’ancienneté accumulée par chacun.
[93] Le Syndicat a soutenu que, même si une telle modulation dans la durée des vacances est possible en vertu de d’autres conventions collectives, ce n’est tout simplement pas le cas dans la convention collective sous étude.
[94] Il est vrai que le quanta de vacances, attribué initialement, est uniquement fonction de l’ancienneté, dans un premier temps, tel que le stipulent les clauses 7-5.01 à 7-5.07. Ainsi, la durée sera de vingt (20) jours, et davantage après 17 ans d’ancienneté, peu importe les heures travaillées. Par la suite, c’est dans la rémunération des vacances que les parties ont souhaité que le prorata s’applique, à savoir que la rémunération de cette durée de vacances soit calculée selon la proportion des heures travaillées durant l’année se terminant le 1 er juin par rapport aux heures annuelles des salariés à temps complet de la classe d’emploi. La seule réserve à cette durée se retrouve aux conditions de diminution de celle-ci stipulées à la clause 7-5.11 lorsque la personne n’a pas eu droit à son traitement au cours des douze mois précédant le 1 er juin.
[95] Comment l’Employeur peut-il établir la rémunération de vacances des plaignantes afin de donner effet à la seconde partie de la clause 7-5.12 ? Aurait-il appliqué le prorata au taux horaire qu’il aurait enfreint le taux horaire fixé à la convention collective. Il ne peut pas davantage réduire la durée des vacances. Il ne lui reste que le prorata de la rémunération de ladite durée de vacances auxquelles les salariés ont droit.
[96] L’Employeur n’a pas la faculté de réduire la durée des vacances; il doit seulement ajuster la rémunération. Il doit appliquer la convention collective ainsi que la sentence arbitrale de Me Lavoie. Ce qu’il a offert de bon gré sur demande, à compter de 2013 lors du dépôt des griefs, il doit l’appliquer systématiquement. Il n’y a pas deux possibilités, mais une seule.
[97] Par conséquent, j’estime que le calcul de la rémunération à verser pour la période de vacances des salariés à temps partiel doit s’effectuer en appliquant au nombre de jours établis sur la base de l’ancienneté la proportion de rémunération correspondant aux heures travaillées annuellement. Ainsi, si une salariée à temps complet reçoit pour 20 jours de vacances une rémunération de X $, la salariée à temps partiel au même taux de rémunération recevra le prorata du temps travaillé annuellement par rapport au temps travaillé à temps complet sur cette somme X $, réparti sur 20 jours. Bien qu’il soit possible d’atteindre un résultat semblable en effectuant le calcul et en le convertissant ensuite en nombre de jours correspondants, il doit être plutôt fixé une « paie totale de vacances » et la répartir ensuite sur le nombre de jours de vacances auxquels le salarié a droit suivant son ancienneté.
[98] Concernant madame Renée Pouliot pour l’année 2014, celle-ci avait droit à 25 jours de vacances avec une rémunération représentant 1456/1820 e d’heures annuelles, soit 80 % de la rémunération d’un salarié à temps complet de son taux horaire. Sur la base de la pièce S-5, elle a bénéficié de 21,54 jours de vacances ou 150,7 heures de vacances. Elle aurait du recevoir 25 jours de vacances à 80% du traitement à temps complet à son taux de traitement.
[99] Dans le cas de madame Caron, celle-ci avait droit à compter de 2013 à 21 jours de vacances avec une rémunération représentant 1300/1820 e de celle d’une personne de sa classe d’emploi à temps complet pour une telle durée, soit une rémunération proratée à 71,43%. Selon la pièce S-6, pour 2013, l’Employeur lui a octroyé 105 heures de vacances annuelles. Elle aurait dû recevoir 21 jours avec la rémunération précitée. Par contre, toujours suivant S-6, les vacances 2013 de madame Caron ont été utilisées du 2 juillet au 6 août 2013, totalisant 21 jours. Selon la pièce E-1, la partie du document intitulée « en salaire » semble lui attribuer la rémunération de .71.43% de 3623,55$, soit 2588,25$, ce qui représente le mode de calcul de la rémunération de vacances que le tribunal estime conforme à la clause 7-5.12., somme devant être répartie sur 21 jours. Sur la base de la pièce S-6, c’est manifestement ce qui a été fait en 2013. En effet, pour l’année 2013 dans le cas de madame Caron, le tribunal a en preuve la pièce E-2 et dispose des chiffres exacts sur le courriel de madame Collin daté du 13 septembre 2013. Ainsi, madame Caron a reçu 1300/1820 X 3517,71$ répartis sur 21 jours, ce qui est conforme à la clause 7-5.12.
[100] Pour l’année 2014, le tribunal dispose toujours et uniquement de la pièce S-6, 2 ème page, où l’Employeur attribue 14,7 jours de vacances à madame Caron, ou 102,87 heures. Elle aurait dû recevoir au minimum 21 jours de vacances, au taux de rémunération précité, sous réserve des heures supplémentaires devant être prises en compte.
[101] Bien entendu, il faut varier la rémunération de vacances en fonction des taux de traitement applicables selon qu’il s’agisse de l’année 2013 ou 2014 ou de la classe d’emploi.
[102] Le modus operandi est le même pour les autres plaignantes.
[103] En consultant les pièces S-6 et S-7, le tribunal constate que l’Employeur a systématiquement attribué un nombre de jours inférieur à 20 jours en 2013 et 2014. Il est improbable que toutes ces personnes aient vu leurs vacances réduites en application de 7-5.11 suite à des journées sans traitement. Il faut plutôt conclure que l’Employeur a converti ces vacances en jours et heures en y appliquant une réduction proportionnelle au temps travaillé par rapport au temps complet. Or, ce n’est pas à ce moment que la proportion doit s’appliquer. Même si mathématiquement, le résultat peut s’avérer le même, la portée de 7-5.12 est différente : elle assure les salariés d’un nombre de jours variant généralement entre 20 et 25, selon l’ancienneté.
[104] C’est au plan de la rémunération que la réduction pour les employés à temps partiel s’applique. Ainsi, recevoir 8 jours de vacances à son traitement habituel n’est pas identique à recevoir 20 jours de vacances à une rémunération réduite à 40% du traitement d’un employé à temps complet. La période de dispense du travail est plus longue même si, au bout du compte, la rémunération encaissée durant les vacances sera équivalente.
[105] Le tribunal conclut donc, sur la base de la preuve produite et à l’exception des vacances de madame Caron en 2013, que la prétention syndicale est fondée à l’effet que l’Employeur erre dans la mise en application de la première partie de la clause 7-5.12 en attribuant la durée des vacances des plaignantes.
[106] L’Employeur a produit en E-1 des exemples de son mode de calcul de vacances, de son calcul en salaire et du calcul selon le Syndicat. Il soumet que le calcul syndical permettrait à madame Langlais, par exemple, de recevoir 140 heures de vacances annuelles avec pleine rémunération alors qu’elle travaille à 40% du temps complet, ce qui, évidemment, serait une erreur et s’éloignerait de la volonté des parties. Cette pièce n’a pas été contestée par le Syndicat. Quoiqu’il en soit, le tribunal ne partage pas ce mode de calcul.
[107] Le tableau S-8 présente, en bas du document, le calcul syndical à un taux horaire et une durée du travail à temps partiel, fixés à 25$/l’heure pour une durée de travail de 1300 heures annuelles, soit un prorata de 71,43%. Le tableau transpose, comme le fait l’Employeur, la durée des vacances en heures, mais cela n’est aucunement nécessaire. Il faut également se méfier de la variation du nombre d’heures travaillées par jour ou du nombre de jours travaillés par semaine. Cela n’a aucune utilité pour appliquer le prorata de la rémunération des vacances et assurer l’application de la clause 7-5.12; cela crée d’ailleurs une certaine confusion mathématique. Il en est de même du taux journalier de vacances.
[108] Deux employés, l’un à temps partiel 25 heures/semaine et l’autre à temps complet, ayant plus d’un an de service tous les deux, ont droit à 20 jours de vacances annuelles. Le premier recevra, durant ces 20 jours, une rémunération représentant 71.43% de celle que touchera le second. En termes de salaire suivant ce tableau, la paie des 20 jours de vacances du premier, à temps partiel 1300 heures travaillées par année, sera de .7143 X 3500 = 2500$ alors qu’elle sera de 3500$ pour les 20 jours de vacances du second à temps complet.
[109] En d’autres termes, s’agissant de la rémunération à verser, la proportion de la rémunération reçue durant les vacances, et il y en aura toujours une pour les salariés à temps partiel, sera toujours au taux des heures annuelles travaillées par rapport de celles accomplies par les employés à temps complet.
[110] Dans le cas de madame Langlais, par exemple, qui représente le pourcentage minimal possible de travail à temps partiel (40%), elle avait droit en 2014 à 20 jours de vacances portant une rémunération représentant 40% de celle des employés à temps complet. En utilisant les données du tableau E-1 pour fins d’illustration puisqu’il fournit un taux horaire, à un taux de 28,13$ / l’heure, elle a droit pendant ses 20 jours de vacances à une rémunération totale de 40% x 3938.2$, soit 1575.28$. Elle a reçu 8 jours de vacances à une rémunération de 100%, soit la même somme de 1575.28$. La rémunération versée est conforme à la clause 7-5.12.
[111] D’aucuns prétendront que c’est peu de rémunération pour une longue période de vacances et pourront même préférer une telle paie de vacances répartie sur un nombre réduit de 8 jours. Ce n’est pas à l’arbitre d’en juger. Mais c’est ainsi que les parties ont disposé des vacances des salariés à temps partiel. Il s’agit, dans ce dernier exemple, du seuil minimal pour un travail à temps partiel de 40% du temps complet.
[112] Le tribunal ne peut statuer sur la prétention du Syndicat en ce qui concerne la prise en compte des heures supplémentaires travaillées, la preuve produite au tribunal se limitant aux documents S-5 à S-7. Ainsi, à S-6, dans le cas de madame Caron par exemple, les 96.08 heures supplémentaires travaillées par celle-ci ne semblent pas prises en compte dans le calcul de ses vacances en 2014 : les heures de vacances attribuées à madame Caron en 2014 se lisent 102.87 alors qu’elles auraient du logiquement s’établir à 105 au minimum selon le mode de calcul utilisé par l’Employeur. Aucune preuve suffisante n’a été produite à ce sujet alors qu’il est possible que des périodes durant l’année aient eu pour effet de réduire ses vacances en application de la clause 7-5.11 et que les heures supplémentaires prises en temps durant l’année 2013 par madame Caron aient été prises en compte. Même s’il est admis que les heures supplémentaires sont prises en compte dans le calcul des vacances, celles-ci ne le sont qu’à l’année faisant suite à leur paiement ou à leur prise en temps. Faute de preuve plus précise, le tribunal n’est pas en mesure de conclure que les heures supplémentaires n’ont pas été prises en compte sur la seule base de la pièce S-6, mais il déclare qu’il devait en être tenu compte. Il s’agit d’ailleurs d’une admission de l’Employeur.
[113] Pour ce qui est du devoir de loyauté de l’Employeur invoqué dans un des griefs du Syndicat, le tribunal est d’avis que l’alternative d‘étalement des vacances, offerte par l’Employeur à compter de 2013, ne saurait soutenir un reproche de manquement à son devoir de loyauté. D’ailleurs, il aura fallu deux sentences arbitrales pour clarifier l’interprétation et l’application de la clause 7-5.12. Manifestement, cela ne coulait pas de source pour l’une ou l’autre des parties.
DISPOSITIF
En conséquence, après avoir analysé la preuve, la doctrine, la jurisprudence pertinente et sur le tout délibéré, le tribunal :
ACCUEILLE partiellement les griefs quant à la durée des vacances auxquelles les salariés à temps partiel ont droit;
MAINTIENT la méthode de calcul de la rémunération des vacances des salariés à temps partiel appliquée par l’Employeur, à savoir le prorata des heures travaillées annuellement par rapport aux heures annuelles à temps complet pour la même classe d’emploi, et de ce fait,
REJETTE la seconde partie des griefs au regard de la rémunération des vacances des salariés à temps partiel;
RÉSERVE sa compétence sur le quantum et sur tout litige résultant de l’application de la présente décision.
Les frais d’arbitrage inhérents à la cette décision sont partagés à charges égales.
_____________________________ Daniel Charbonneau, arbitre
Pour le Syndicat : M. Jeremy Gagnon
Pour l’Employeur : Me Marie-Hélène Marchand
DOCUMENTATION DÉPOSÉE ET CONSULTÉE
1 Collège St-Laurent et Syndicat des employées et employés d soutien du collège de St-Laurent, SAE 7836, 16 novembre 2005, Jean-Marie Lavoie, arbitre.
2 DION, Gérard, Dictionnaire des relations du travail , 2 ème édition, Presses de l’Université Laval, p.244.