Alpha Témis c. Centre Auto collision |
2014 QCCQ 17886 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TÉMISCAMINGUE |
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LOCALITÉ DE |
VILLE-MARIE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
610-32- 001127-140 |
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DATE : |
19 septembre 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
NANCY McKENNA, J.C.Q. |
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ALPHA TÉMIS |
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Demanderesse |
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c. |
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CENTRE AUTO COLLISION |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] La partie demanderesse, (ci-après nommée Alpha Témis) réclame de la partie défenderesse, Centre Auto collision (ci-après nommée Centre Auto) la somme de 1190,64 $ en raison de facturations abusives qui auraient été faites par cette dernière. Elle allègue avoir été induite en erreur par celui-ci pour une double facturation avec un autre client pour le même espace à déneiger.
[2] Centre Auto plaide n’avoir jamais induit Alpha Témis en erreur et se portant demandeur reconventionnel il réclame à Alpha Témis 523,46 $ à titre de solde impayé pour services de déneigement effectués à l’hiver 2013-2014.
QUESTIONS EN LITIGE
[3] Y a-t-il eu dol de la part de la défenderesse?
[4] La demande reconventionnelle est-elle bien fondée?
CONTEXTE FACTUEL
[5] De 2011 à 2013, les parties étaient liées par un contrat de service en vertu duquel Centre Auto déneigeait la portion de l’entrée de l’organisme à but non lucratif Alpha Témis.
[6] Alpha Témis occupe un local situé dans le même immeuble qu’une succursale de la Banque Nationale. En 2010 lorsque l’organisme aménage dans le local, Centre Auto effectue le déneigement de l’ensemble du stationnement et la Banque Nationale réclame à Alpha Témis le coût de déneigement pour sa partie de stationnement. Pour les deux années suivantes, Centre Auto transige directement avec Alpha Témis. Pour l’année 2011-2012, la facture s’élève à 454,15 $. M me Peers représentante d’Alpha Témis effectue le paiement. L’année suivante, Alpha Témis conserve les services de Centre Auto, mais trouve la facture de 692,75 $ plutôt élevée.
[7] Comme Centre Auto détient également le contrat de déneigement pour la Banque Nationale, M me Peers rencontre M. Royer le président de Centre Auto et lui demande d’indiquer la partie du stationnement pour laquelle on lui facture le déneigement et celle pour laquelle la Banque Nationale est facturée. M me Peers est satisfaite des explications données par M. Royer et effectue le paiement de la facture.
[8] À la réception des factures de l’année suivante au montant de 523,46 $, M me Peers est mandatée par le conseil d’administration de son organisme de faire des vérifications relativement au coût apparemment élevé pour une si petite portion du stationnement. Une discussion avec le propriétaire de l’édifice lui permet d’apprendre que la Banque Nationale assume depuis toujours le déneigement de presque tout le stationnement et conséquemment que l’organisme ne devrait pas avoir à payer pour quelque déneigement à l’exception de l’espace pour le véhicule.
[9] Alpha Témis dépose une déclaration pour valoir témoignage de M me Carole Gauthier employée de la Banque Nationale. Dans cette déclaration M me Gauthier ne précise pas exactement l’ensemble des espaces couverts par les travaux de déneigement effectués par Centre Auto.
[10] M. Royer qui représente Centre Auto soutient pour sa part que l’espace donnant accès au stationnement d’Alpha Témis de même que le stationnement lui-même n’était pas déneigé avant que cet organisme n’en fasse la demande la première année. Il nie donc que cet espace ait été inclus dans les coûts facturés à la Banque Nationale. Conséquemment, il nie avoir effectué des doubles facturations à l’égard d’Alpha Témis. Qui plus est, il affirme s’être entendu avec M me Peers pour facturer un montant fixe pour chacune des activités de déneigement. Si la facturation augmente ou diminue, c’est que le nombre de fois où il doit faire le déneigement augmente ou diminue.
ANALYSE ET DÉCISION
[11]
L’article
[12] Le recours de la partie demanderesse est fondé sur un vice de consentement quant à la formation du contrat.
[13]
À ce sujet, les articles
1399. Le consentement doit être libre et éclairé.
Il peut être vicié par l'erreur, la crainte ou la lésion.
1400. L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.
L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.
1401. L'erreur d'une partie, provoquée par le dol de l'autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.
Le dol peut résulter du silence ou d'une réticence.
1407. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d'erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s'il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu'il eût été justifié de réclamer.
[14] Le dol doit être prouvé et la demanderesse a le fardeau de démontrer qu'elle a été victime de dol de la part de la défenderesse. À cet égard, la bonne foi est présumée [1] . Les auteurs Baudouin et Jobin écrivent ceci au sujet du fardeau qui incombe à la partie qui invoque le dol [2] :
[…] La partie qui réclame l'annulation du contrat ou la réduction de ses obligations pour dol a donc un fardeau de preuve assez lourd : elle doit démontrer l'existence de l'erreur dont elle a été victime, son caractère déterminant, l'intention de tromper, et le fait que le dol a émané du cocontractant ou a été connu de lui. Il n'est pas facile de repousser la présomption de bonne foi et la victime ne parvient pas toujours, tant s'en faut, à convaincre le tribunal qu'il y a eu dol. La règle de la prépondérance de la preuve s'applique ici, comme pour n'importe quel fait juridique, et tout moyen de preuve est admissible pour établir le dol.
[15] Les auteurs Baudouin et Jobin définissent le dol comme suit :
Le dol est le fait de provoquer volontairement une erreur dans l'esprit d'autrui pour le pousser à conclure le contrat où le conclure à des conditions différentes. […]
[16] Ainsi, le dol peut résulter de la réticence, du silence ou du mensonge. Dans l'arrêt Lépine c. Khalid [3] , la Cour d'appel nous enseigne que le dol s'évalue en fonction de sa finalité :
[…]
Qu'il consiste ou non en un geste positif, le dol est un moyen tendant vers une fin et il doit toujours s'apprécier en fonction de sa finalité, qui est d'induire quelqu'un en erreur dans le but de l'amener à contracter à son désavantage. Ne pas désabuser quelqu'un dont on ignore qu'il fait erreur n'a manifestement rien de dolosif. Laisser quelqu'un dans l'erreur tout en croyant que cette erreur le poussera à contracter à son désavantage peut certainement équivaloir à de la mauvaise foi, comme l'illustre le récent arrêt Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec c. Services informatiques DecisionOne [15] , mais je ne serais pas prêt à dire qu'en toute circonstance un tel manquement constituera un dol.
[17] Dans la présente affaire, l a déclaration pour valoir témoignage de M me Gauthier de la Banque Nationale ne convainc pas le Tribunal par son caractère imprécis puisqu’elle ne précise pas si le stationnement d'Alpha Témis fait partie ou non de l’espace déneigé au bénéfice de la Banque Nationale. De plus, rien dans la preuve déposée ne permet de conclure que le montant facturé à Alpha Témis l’a également été à la Banque Nationale.
[18] D'autre part, le Tribunal accorde foi au témoignage de M. Royer selon lequel il ne déneigeait pas l’ensemble du stationnement avant qu’Alpha Témis ne devienne locataire dans l’édifice. Son croquis portant sur la division des espaces est précis et détaillé.
[19] Dans les circonstances, Alpha Témis n’a pas fait la démonstration que le représentant de Centre Auto a fait de fausses représentations entraînant une erreur de consentement équivalant à un dol ou susceptible d’entraîner la réduction de ses obligations contractuelles.
[20] Pour toutes ces raisons, le Tribunal conclut que la réclamation d’Alpha Témis est non justifiée.
DEMANDE RECONVENTIONNELLE
[21] Centre Auto réclame d'Alpha Témis la somme de 523,46 $ pour services impayés.
[22] Centre Auto a démontré, à la satisfaction du Tribunal, qu’il a effectué le déneigement de la portion du stationnement d’Alpha Témis pour les mois de novembre et décembre 2013 et janvier 2014. Il a donc droit à la somme réclamée. La demande reconventionnelle sera donc accueillie.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[23] REJETTE le recours de la partie demanderesse Alpha Témis;
[24] ACCUEILLE le recours de la demanderesse reconventionnelle, Centre Auto;
[25]
CONDAMNE
la défenderesse reconventionnelle, Alpha Témis à payer à
la demanderesse reconventionnelle, Centre Auto la somme de 523,46 $ avec
intérêts au taux légal de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à
l'article
[26] CHAQUE PARTIE payant ses frais.
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__________________________________ NANCY McKENNA, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
18 août 2014 |
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