Simard c. Blais

2015 QCCS 2716

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

N° :

200-17-015074-115

 

DATE :

4 juin 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE BERNARD GODBOUT, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

CLAUDE SIMARD

Domicilié et résidant au

[…] Québec (Québec) […]

 

et

 

VÉRONIQUE VOYER

Domiciliée et résidant au

[…] Québec (Québec) […]

 

                            Demandeurs

 

c.

 

RENÉ BLAIS

Domicilié et résidant au

[…] Québec (Québec) […]

 

et

 

MARIE-ÈVE RODRIGUE

Domiciliée et résidant au

[…] Québec (Québec) […]

 

et

 

THOMAS THIBAULT

Domicilié et résidant au

[…] Québec (Québec) […]

 

                            Défendeurs

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR UNE REQUÊTE INTRODUCTIVE D’INSTANCE EN INJONCTION PERMANENTE, EN DOMMAGES-INTÉRÊTS

ET DOMMAGES EXEMPLAIRES

______________________________________________________________________

 

[1]        Le demandeur, M. Claude Simard, a signifié le 9 août 2011 au défendeur, M. René Blais, une requête introductive d’instance qu’il a amendée le 3 février 2012 et réamendée le 19 novembre 2013.

[2]        À cette requête réamendée se sont joints la demanderesse, M me Véronique Voyer, et les défendeurs, M me Marie-Ève Rodrigue et M. Thomas Thibault, qui ont acquis de M. Blais l’immeuble concerné par les procédures.

[3]        M. Simard est propriétaire depuis le 30 avril 1997 d’un immeuble résidentiel portant le numéro […] à Québec (secteur Cap-Rouge). M me Voyer a acquis la demie indivise de cet immeuble au mois de juin 2013.

[4]        M me Rodrigue et M. Thibault ont acquis de M. Blais le 13 octobre 2011 l’immeuble voisin, portant le numéro […] à Québec (secteur Cap-Rouge) (pièces D-16 et DRT-2).

[5]        Selon l’article 8.18 de l’acte de vente, M. Blais : «… déclare qu’il y a présentement un litige avec le voisin concernant des troubles de voisinage. Le vendeur assume entièrement les sommes dues en vertu d’un éventuel jugement et les frais engendrés par ladite poursuite, et ce, à l’entière exonération des acheteurs

[6]        Le paragraphe 1.2 de la requête introductive d’instance précise que M. Blais a été propriétaire de cet immeuble du 2 octobre 2009 au 12 octobre 2011 pour l’avoir acquis de M. Pierre Caron qui en avait été propriétaire du 15 avril 1994 au 11 octobre 2009.

Le contexte procédural

[7]        À la suite de la requête introductive d’instance qui lui a été signifiée le 9 août 2011, M. Blais signifiait le 8 décembre 2011 à M. Simard une requête en rejet de procédures et en réclamation d’honoraires extrajudiciaires selon l’article 54.1 et ss du Code de procédure civile , requête qu’il a amendée le 14 décembre 2011 et réamendée le 5 janvier 2012.

[8]        Cette requête n’a jamais été présentée pour adjudication. Toutefois, dans sa défense et demande reconventionnelle qu’il a produite au dossier de la Cour le 20 février 2012, M. Blais reprend avec plus de détails les allégations de cette requête et les conclusions recherchées.

[9]        M me Rodrigue et M. Thibault ont aussi produit au dossier de la Cour le 20 février 2012, une défense qui soulève, à l’instar de celle de M. Blais, le caractère abusif des conclusions recherchées par M. Simard et M me Voyer dans leur requête introductive d’instance.

[10]     Par leur requête introductive d’instance réamendée, M. Simard et M me Voyer, recherchent les conclusions suivantes :

[…]

ORDONNER aux défendeurs :

a)    d’exécuter à leurs frais les mesures que le tribunal jugera appropriées quant aux arbres, suite à l’audition de toute la preuve relative à ceux-ci, y compris l’élagage périodique des arbres qui subsisteront;

       de faire exécuter ces travaux par une entreprise d’arboriculture reconnue et sous la seule supervision de l’expert des demandeurs, ou de tout tel autre expert choisi par les demandeurs si l’expert Fournier ne pouvait superviser lesdits travaux, les frais de cet expert étant à la charge des défendeurs et devant être payés d’avance;

b)    de s’abstenir de construire toute nouvelle remise extérieure, dans la cour latérale de la propriété, à moins qu’elle ne soit située à au moins 3.5 mètres de la ligne séparative, et que son parement extérieur et ses autres éléments architecturaux soient identiques aux parements de bois et ses autres éléments architecturaux de la résidence sise sur la propriété;

c)    de tailler l’arbuste sis dans la cour latérale de la propriété de telle sorte qu’en aucun temps il ne porte ombrage à la haie de cèdres du demandeur;

d)    de retirer l’arbre qui a été planté par M. Blais dans la cour arrière de la propriété; [1]

d.1) de s’abstenir de faire quelque nouvelle plantation ou ouvrages, ou d’y installer quoi que ce soit, portant ombrage à la haie de cèdres des demandeurs, et à tout autre point sur l’immeuble de ces derniers;

e)    de modifier tous les parements et éléments architecturaux de la remise, sise en cour arrière (à proximité de la ligne séparative arrière) afin qu’ils soient identiques aux parements de bois et ses autres éléments architecturaux de la résidence sise sur la propriété;

f)     d’abaisser le niveau de la corde à linge sise sur la propriété, sur toute sa longueur, à une hauteur maximale de six (6) pieds et quatre (4) pouces du niveau actuel de sa cour arrière, calculée à cinq (5) pieds de distance de son patio, sans tenir compte de la hauteur du gazon ou de toute végétation, sans rehaussement, de quelque nature que ce soit, ladite corde devant être de niveau;

f.1)  de s’abstenir de changer la localisation de cette corde à linge, ou d’en ajouter une, ou d’installer tout autre dispositif conçu aux mêmes fins;

g)    de recouvrir la cheminée de stainless d’un revêtement identique à celui de la cheminée sise sur la résidence des demandeurs, en adoptant toutefois la même couleur que celle des parements de bois de la propriété, ou en la recouvrant de tout autre matériau approprié, tel que démonstration plus précise sera faite à l’enquête; et

h)    de s’abstenir d’utiliser quelque sortie extérieure que ce soit pour leur aspirateur central sans que celle-ci ne soit munie d’un dispositif atténuateur de bruit comme celui que les défendeurs ont installés, et que tel dispositif soit fonctionnel;

       le tout au plus tard quinze (15) jours francs après la date d’expiration d’appel du jugement intervenir;

i)     de dénoncer par écrit, avec copie conforme et récépissé de réception, le jugement à intervenir dans la présente affaire à tout acquéreur subséquent de la propriété;


AUTORISER les demandeurs à exécuter, aux frais des défendeurs, toutes les ordonnances qu’il aura rendu et qui exigent des interventions sur la propriété, si les défendeurs n’y donnent pas suite dans le délai imparti, de pénétrer sur la propriété à cette fin, tous obstacles étant écartés, et de leur réserver leurs recours pour récupérer les sommes dépensées à ces fins, de même que leur recours pour outrage au Tribunal;

CONDAMNER les défendeurs à payer aux demandeurs;

a)    la somme de 5 000 $ à titre de dommages-intérêts pour les troubles et inconvénients décrits à la présente requête réamendée;

b)    des intérêts au taux légal, de même que l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, sur la somme de 5 000 $, le tout à compter du 19 novembre 2013;

LE TOUT avec les entiers dépens, y compris les frais d’experts.

SUBSIDIAIREMENT, si la requête réamendée des demandeurs était rejetée parce que le tribunal concluait à la suffisance des correctifs apportés par les défendeurs :

PRENDRE ACTE des admissions extra-judiciaires des défendeurs;

CONDAMNER les défendeurs à payer aux demandeurs :

a)    la somme de 5 000 $ à titre de dommages-intérêts pour les troubles et inconvénients décrits à la présente requête réamendée;

b)    des intérêts au taux légal, de même que l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, sur la somme de 5 000 $, le tout à compter du 19 novembre 2013.

CONDAMNER les défendeurs, solidairement, au paiement des dépens, y compris les frais d’experts relatifs aux arbres.

[Reproduction textuelle]

[11]     Alléguant abus de procédures dans sa défense et demande reconventionnelle, M. Blais conclut :

[…]

CONDAMNER le demandeur à payer au défendeur la somme de 10 000 $ en plus des intérêts et de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec , et ce, depuis l’introduction de la présente action;

CONDAMNER le demandeur au remboursement des honoraires extrajudiciaires engagés par le défendeur;

REJETER la requête introductive d’instance du demandeur;

S’il advenait que la requête introductive d’instance soit accueillie en tout ou en partie, ce qui est expressément contesté,

OPÉRER compensation entre les sommes accordées par le tribunal à chacune des parties;

LE TOUT avec dépens, incluant les frais d’expertise, le cas échéant, et ce, tant pour la préparation du dossier que pour l’assistance technique au procès.

[12]     Enfin, M me Rodrigue et M. Thibault, dans une défense distincte, concluent :

[…]

REJETER la requête introductive d’instance du demandeur;

LE TOUT avec dépens, incluant les frais de repiquage de l’audience tenue le 10 janvier 2012 et les frais d’expertise, et ce, tant pour la préparation du dossier que pour l’assistance technique au procès;

Résumé de la preuve

[13]     Les conclusions de la requête introductive d’instance visent essentiellement différents sujets que M. Simard reprend à l’audience, à savoir :

1.     L’abattage et l’élagage de certains arbres et arbustes situés sur la propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault;

2.     La modification du parement de la remise située dans la cour arrière de la propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault pour le rendre identique au parement de leur résidence principale;

3.     Le recouvrement de la cheminée de stainless par un revêtement identique à celui de la cheminée de la résidence des demandeurs, en l’adaptant toutefois de la même couleur que celle du parement de la propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault;

4.     Munir la sortie extérieure de l’aspirateur central de la propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault d’un dispositif atténuant le bruit;


5.     Abaisser le niveau de la corde à linge située dans la cour arrière de la propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault.

Les arbres

[14]     La preuve concernant l’abattage et l’élagage des arbres repose essentiellement sur les rapports des experts en demande et en défense.

[15]     M. Marco Fournier, ingénieur forestier, a témoigné à la demande de M. Simard et a produit un rapport daté du 26 janvier 2012 (pièce P- 8).

[16]     M. Fournier explique ainsi la méthode qu’il a utilisée :

« … Dans le cas présent, le mandat ne porte pas sur l’évaluation de la valeur marchande des arbres d’ornement, mais davantage sur l’analyse de la situation et le diagnostic des arbres dans le but d’aider le tribunal à déterminer les meilleures interventions si jamais le tribunal en venait à la conclusion qu’une amélioration des conditions d’ensoleillement devait être accordée à la propriété de M. Simard , le tout sous réserve des autres propositions de ce dernier dont nous traiterons plus loin. Dans ce contexte, les principes d’évaluation phytosanitaire présentés dans le guide peuvent nous aider à prendre une décision sur le choix des tiges qui ont le moins d’avenir ou qui apportent le moins de bénéfices à leur propriétaire . Dans ce sens, nous avons procédé au relevé des arbres et à leur examen afin d’établir leur condition générale de santé et leur position relative sur le terrain. À partir de ce diagnostic, nous pouvons procéder à un choix de tige à conserver, à élaguer ou encore à abattre dans le but de diminuer l’opacité du couvert forestier et par voie de conséquence, tenter d’améliorer les conditions de lumière chez M. Simard . …» (Page 7).

[Soulignements ajoutés]

[17]     La figure 3 du rapport indique la « Localisation des arbres » à l’égard desquels une intervention d’abattage ou d’élagage est proposée.

[18]     Malgré que la résidence de M. Simard et de M me Voyer d’une part, et celle de M me Rodrigue et M. Thibault d’autre part, soient situées dans un secteur très boisé, tous les arbres identifiés à abattre ou à élaguer se retrouvent sur la propriété de ces derniers (voir figure 3 (Localisation des arbres) du rapport de M. Marco Fournier (pièce P-8) et photographies (pièces D-11, D-20, D-29, DRT-3, DRT-9, DRT-10 et DRT-11).

[19]     En résumé, M. Fournier propose d’abattre sept (7) arbres et d’en élaguer treize (13) autres (pièce P-8, Tableau 1)

[20]     Concernant les arbres à abattre, M. Fournier écrit :

« Les premiers arbres qui seraient à abattre, selon notre point de vue, sont les arbres no 1 et 2 (figure 4 et 5). Ces arbres, bien qu’ils ne produisent pas énormément d’ombrage compte tenu de la faiblesse de leur couronne et du fait que d’autres arbres sont placés en surplomb sur les terrains situés au sud des propriétés concernées, n’ont aucun avenir ni aucun attrait paysager. Ces arbres croissent sous les fils électriques, c’est pourquoi ils ont été fortement élagués dans le passé et ceci d’une façon plus ou moins élégante. Leur disparition pourrait contribuer faiblement à générer une certaine percée lumineuse en fin d’avant midi ou en début d’après-midi. Leur abattage et leur remplacement par des arbustes mieux adaptés à cette localisation sous les fils permettraient d’améliorer le coup d’œil de l’endroit, pour les propriétaires du terrain, tout en favorisant une amélioration de l’intimité des lieux.

Les arbres no 3 à 5 (figures 6 à 8) sont très rapprochés et il est difficile d’en abattre un sans abattre les deux autres étant donné la proximité des souches. Par ailleurs, ces arbres ont une part importante de leur couronne au dessus de la propriété de M. Simard, ils sont croches et ils ont déjà subi de l’élagage dans le passé, ce qui limite les possibilités actuelles d’interventions. Comme ces arbres bloquent directement le soleil en fin d’avant midi ou au début d’après-midi, ils sont parmi ceux dont la disposition favoriserait un meilleur ensoleillement dans le fond du terrain de M. Simard.

L’arbre no 14 est situé à l’extrémité de l’entrée de la propriété. Cet arbre a été élagué très fortement dans le passé, mais il serait dans le passage de la lumière en fin de journée. Comme son apport à la mise en valeur de la propriété est limité étant donné son fort élagage, il pourrait être enlevé considérant que les trois arbres du devant (no 18 à 20) sont déjà présents dans la façade et qu’ils sont d’un meilleur aspect.

L’arbre no 15 est situé à l’arrière de la propriété du côté ouest, soit à l’extrémité opposée du terrain. Nous préconisons l’abattage de cet arbre même si sa disparition n’aura que très peu d’impact sur l’apport en lumière sur la propriété Simard étant donné sa position sur le terrain. Cet arbre, bien qu’il parait en santé, a été attaqué par un champignon qui est considéré, à terme, comme étant mortel. Donc, si une intervention importante doit être faite, cet arbre devrait être dans la sélection avant que son état se dégrade et qu’il devienne dangereux. (Page 11).

[Reproduction textuelle]

[21]     M. François Laliberté, ingénieur forestier, a témoigné à la demande de M. Blais et a produit un rapport daté de février 2012 (pièce D-31).

[22]      Commentant la méthode utilisée par M. Fournier, M. Laliberté écrit :

« À notre avis, dans le tableau de monsieur Fournier, la condition attribuée aux arbres est discutable. Pour justifier ses recommandations, M. Fournier s’appuie sur une évaluation phytosanitaire des arbres. Nous croyons que cette méthode est appropriée, mais elle devrait mener à une prescription seulement dans le cas où les arbres présentent des blessures, défauts ou maladies qui en affectent l’état de santé et qui augmentent les risques de causer des dommages à la propriété. Les actions visant à augmenter la pénétration du soleil au travers du couvert arborescent ne visent pas à corriger un problème phytosanitaire .

Monsieur Fournier propose l’abattage de sept (7) arbres dont six (6) (#1, 2, 3, 4, 5 et 14) ne présentent pas de défaut de santé. Il n’apporte aucune raison phytosanitaire pour justifier leur abattage sauf dans le cas du #15. Monsieur Fournier justifie plutôt ces prescriptions par différents arguments tels la rectitude du tronc, l’aspect visuel ou le fait qu’ils aient déjà subi un élagage et ne pourraient en supporter plus. Ceci constitue des arguments subjectifs à notre avis. Nous relevons donc que l’évaluation de monsieur Fournier démontre qu’un seul arbre, soit l’arbre #15 sur son plan, présente des défauts qui justifient l’attribution d’une cote M, soit la cote pour un arbre dont la mort est attendue à court ou moyen terme. Par contre, monsieur Fournier mentionne à la page 11 de son rapport que «sa disparition n’aura que très peu d’impact sur l’apport de lumière sur la propriété Simard étant donné sa position sur le terrain …» (Pages 20 et 21).

[Soulignements ajoutés]

[23]     En guise de conclusion, M. Laliberté écrit :

« Il ressort de nos constats que les propriétés du […] sont situées dans un secteur fortement boisé ou règne une ambiance naturelle. Ceci en fait un secteur très recherché.

La couverture arborescente du 4381 n’est pas significativement différente selon nous, du reste du secteur. Elle projette un recouvrement au sol similaire à plusieurs autres situations dans ce quartier et sur la même rue.

Par ailleurs, outre deux arbres, les # 7 et 15 au plan de monsieur Marco Fournier, tous les arbres du […] sont dans un état phytosanitaire tel qu’ils ne représentent pas de danger immédiat pour la propriété et ses occupants. Leur abattage ou leur élagage n’est donc pas nécessaire d’un point de vue phytosanitaire. À cet égard, nous sommes d’avis que la méthode de l’évaluation phytosanitaire utilisée par monsieur Fournier n’est pas cohérente avec son mandat ni ses recommandations qui visent plutôt à accroitre la pénétration de la lumière.» (Page 26)

« […]

Pour ces raisons, nous sommes d’avis que seuls les arbres #7 et 15 au plan de monsieur Fournier devraient être abattus à brève échéance pour des raisons phytosanitaires et non pas pour des raisons d’amélioration de l’ensoleillement.


[…]

Quant à la haie de cèdres que M e Simard a installée sous les arbres déjà présents et contre ses propres structures, elle ne bénéficie pas de suffisamment de lumière sur l’ensemble de sa longueur. Cependant, ce manque de lumière n’est pas dû au seul fait de la présence d’arbres sur le […], mais aussi, et de façon importante, du fait de la présence de structures (écran de bois, remise) appartenant à Me Simard ainsi que de la présence d’arbres sur sa propre propriété et sur les propriétés avoisinantes, autres que le 4381.» (Page 27)

[24]     Il est à noter que l’arbre #7 a déjà été abattu.

[25]     Au cours du contre-interrogatoire à l’audience, l’expert des demandeurs, M. Fournier reconnaît qu’il n’a aucune information précise concernant le couvert forestier des propriétés voisines de celles concernées, notamment celles portant les numéros civiques 4377 et 4383, ainsi que des propriétés arrière. Il admet aussi qu’il n’a pas utilisé un photomètre pour évaluer l’intensité lumineuse sur la propriété de M. Simard par rapport à son voisinage, ce qui aurait pu être, selon lui, un élément d’information utile au dossier.

[26]     Commentant le fait que son rapport ne concerne que les arbres situés sur la propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault, M. Fournier précise qu’il a avisé M. Simard qu’il ne pouvait faire abstraction des arbres situés sur sa propriété pour en améliorer la luminosité.

[27]     Il y a lieu de noter à ce sujet que le rapport de M. Fournier comporte une section intitulée : «  2.2 comparaison entre notre analyse et la proposition de M. Simard  ».

[28]     Cette section du «rapport de l’expert» explique peut-être le fait que M. Fournier déclare au cours de son témoignage qu’il «  s’est heurté à M. Simard  ».

[29]     Par ailleurs, l’expert des défendeurs, M. Laliberté précise au cours de son témoignage qu’il aurait fallu regarder l’ensemble des arbres sur les propriétés concernées et avoisinantes pour identifier ceux qui pouvaient faire obstacle à la luminosité.

[30]     De plus, il est d’avis que si M. Simard ne veut pas abattre certains arbres situés sur sa propriété «  il ne peut pas l’aider ».


La remise et la cheminée

[31]     M. Caron, qui a été propriétaire de la résidence du 15 avril 1994 au 11 octobre 2009, témoigne que la cheminée en stainless a été installée au cours de l’année 2002 et la remise à l’arrière de la propriété est en place depuis l’année 2007.

La sortie extérieure de l’aspirateur central

[32]     M. Thibault témoigne qu’il a installé à la sortie extérieure de l’aspirateur central, un silencieux, qui semble avoir réglé définitivement cette question. À une question précise à ce sujet, M. Simard déclare qu’il souhaitait tout de même conserver la conclusion de sa procédure traitant de ce sujet.

La corde à linge

[33]     Il y a lieu de reproduire, ici, le texte de la conclusion recherchée:

[…]

ORDONNER aux défendeurs :

f)     d’abaisser le niveau de la corde à linge sise sur la propriété, sur toute sa longueur, à une hauteur maximale de six (6) pieds et quatre (4) pouces du niveau actuel de sa cour arrière, calculée à cinq (5) pieds de distance de son patio, sans tenir compte de la hauteur du gazon ou de toute végétation, sans rehaussement, de quelque nature que ce soit, ladite corde devant être de niveau;

[…] »

[34]     M. Caron témoigne qu’il a lui-même installé la corde à linge et qu’il ne l’a jamais modifiée ou déplacée. M me Claudette Cordeau, conjointe de M. Blais, témoigne qu’elle étendait du linge généralement le samedi. Et, M me Rodrigue s’en est servi à l’occasion.

Analyse

[35]     Les sujets dont il est question précédemment ont tous été commentés dans une lettre de 13 pages que M. Simard a adressée à M. Caron le 15 juillet 2009, l’objet de cette lettre étant : « troubles de voisinage » (pièce D-3).

[36]     Il y est entre autres question de petits animaux, de la fertilisation de la pelouse, d’une haie de cèdres, du boisé qui cause de l’ombrage, de la remise située dans la cour arrière, de la cheminée et de la corde à linge.

[37]     Le litige entre M. Simard et ses voisins n’est donc pas récent.

[38]     Les articles 976 et 985 du Code civil du Québec prévoient ce qui suit :

976.  Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.

985.  Le propriétaire peut, si des branches ou des racines venant du fonds voisin s'avancent sur son fonds et nuisent sérieusement à son usage, demander à son voisin de les couper; en cas de refus, il peut le contraindre à les couper.

Il peut aussi, si un arbre du fonds voisin menace de tomber sur son fonds, contraindre son voisin à abattre l'arbre ou à le redresser.

[39]     Commentant l’article 976 C.c.Q., la Cour d’appel écrivait récemment dans l’arrêt Cayouette c. Boulianne [2]  :

« Certes, l’article 976 C.c.Q. implique que le droit de propriété des uns est limité par celui des autres, mais le libellé même de la disposition exige que les voisins supportent les «troubles» normaux du «voisinage».

[40]     Quant au premier alinéa de l’article 985 C.c.Q., il précise qu’un propriétaire peut interpeller son voisin seulement « si des branches ou des racines venant du fonds voisin s’avancent sur son fonds et nuisent sérieusement à son usage

[41]     L’abattage d’un arbre n’est prévu qu’au deuxième alinéa, seulement lorsque l’arbre «menace de tomber».

[42]     Étant donné la preuve, le deuxième alinéa de l’article 985 C.c.Q. ne s’applique pas au présent litige.

[43]     En effet, la preuve ne démontre aucunement qu’un arbre situé sur la propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault menace de tomber. Il ne saurait donc être question d’abattage d’arbres, tel que le prévoit l’article 985 C.c.Q.

[44]     Par ailleurs, la preuve ne démontre pas davantage que des branches venant de la propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault s’avancent sur la propriété de M. Simard et de M me Voyer, et «nuisent sérieusement à son usage».

[45]     La preuve démontre plutôt que M. Simard et M me Voyer demandent que certains arbres situés sur la propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault soient abattus ou élagués de façon à ce que leur propriété soit davantage ensoleillée. C’est donc dans ce contexte que doit être analysée l’application de l’article 976 C.c.Q. et le premier alinéa de l’article 985 C.c.Q. aux faits du litige.

[46]     En tout premier lieu, on peut s’interroger à savoir s’il existe ou non un droit à l’ensoleillement.

[47]     Mais, même si un tel droit existait, ce qui est loin d’être certain, M. Simard et M me Voyer auraient dû démontrer que des branches d’arbres venant de la propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault qui s’avancent sur leur propriété « nuisent sérieusement à son usage » et leur cause des « inconvénients anormaux qui excèdent la limite de la tolérance », et ce, eu égard à « la nature ou à la situation de leur fonds, ou suivant les usages locaux.»

[48]     Cette preuve n’a pas été faite, bien au contraire.

[49]     En effet, la preuve démontre plutôt que les propriétés concernées sont situées dans un secteur très boisé, sans que ne soient précisées les conditions d’ensoleillement de la propriété de M. Simard et de M me Voyer dans ce secteur.

[50]     De plus, l’expertise de M. Fournier, l’expert retenu par M. Simard et M me Voyer, s’appuie sur des principes d’évaluation phytosanitaire, qui en soi n’ont aucun rapport avec les conditions d’ensoleillement, pour recommander l’abattage ou l’élagage d’arbres situés sur la seule propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault. Il est vrai que si on abat un arbre malade, cela devrait permettre à la lumière de passer. Mais, dans le présent cas, à l’exception de l’arbre #15 dont l’abattage, selon M. Fournier, «  n’aura que très peu d’impact sur l’apport en lumière sur la propriété de M. Simard étant donné sa position sur le terrain », la condition des arbres identifiés qui se retrouvent tous sur la propriété de M me Rodrigue et de M. Thibault est vigoureusement contestée par M. Laliberté, l’expert retenu par les défendeurs.

[51]     À ce sujet, il y a lieu de préciser que c’est l’expertise de M. Laliberté qui doit être retenue dans un contexte de prépondérance de preuve, car elle dispose, sans détour, de la question comme elle doit être traitée dans le cadre du présent litige.

[52]     La cheminée en 2002, la remise en 2007 et la corde à linge ont été installées par M. Caron alors qu’il était propriétaire de la résidence, soit du 15 avril 1994 au 11 octobre 2009.

[53]     Il n’est pas inhabituel de retrouver dans un quartier résidentiel des propriétés sur lesquelles il y a une remise dans la cour arrière, une cheminée sur le toit de la résidence et une corde à linge.

[54]     La couleur de la remise et de la cheminée et la hauteur de la corde à linge peuvent être considérées comme des «inconvénients normaux du voisinage» d’autant plus que dans le présent cas, la preuve ne démontre aucunement que ces objets excèdent la limite de la tolérance que les voisins se doivent.

[55]     Au contraire, en ce qui concerne la remise qui date de l’année 2007 et la cheminée qui date de l’année 2002, le litige résulte d’un choix de couleur, ce qui est en soi très subjectif.

[56]     En ce qui concerne la corde à linge, la preuve démontre plutôt, par l’usage qui en est fait, qu’elle est installée de façon tout à fait normale pour l’utilité recherchée.

[57]     Étant donné la preuve, la requête introductive d’instance en injonction permanente et en dommages-intérêts ne sera pas accueillie.

La demande reconventionnelle de M. Blais

[58]     Malgré que M. Blais ait vendu sa propriété à M me Rodrigue et M. Thibault, M me Voyer et M. Simard ne se sont pas désistés de leur recours contre M. Blais à l’égard de qui il réclamait, outre l’injonction, des dommages-intérêts dans leur requête introductive d’instance initiale.

[59]     C’est ce que reconnait d’ailleurs M. le juge Jacques Blanchard dans son jugement du 3 décembre 2013.

[60]     Alléguant le caractère manifestement abusif de la requête introductive d’instance, M. Blais demande que M. Simard soit condamné à lui payer :

-     La somme de 7 500 $ à titre de dommages pour les troubles, stress et inconvénients causés par ses agissements;

-     La somme de 2 500 $ à titre de dommages punitifs en raison de la poursuite qui s’avère, à sa face même, frivole, abusive et dilatoire, le tout constituant un abus d’ester en justice;

-     Le remboursement des honoraires extrajudiciaires qu’il a engagés pour se défendre.

[61]     Dans l’arrêt Charland c. Lessard et al , que la Cour d’appel a prononcé le 12 janvier 2015, M. le juge Jean-François Émond consacre un chapitre de ses notes au caractère abusif des procédures [3] .

[62]     L’on retient essentiellement de l’analyse du juge Émond que depuis l’adoption des articles 54.1 et suivants du Code de procédure civile , la preuve de la mauvaise foi n’est plus essentielle pour établir le caractère abusif d’une procédure.

[63]     En effet, dans l’arrêt Viel c. Les Entreprises du terroir Ltée [2002] R.J.Q. 1262 , M. le juge Rochon écrivait :

«75.   À l'opposé, l'abus du droit d'ester en justice est une faute commise à l'occasion d'un recours judiciaire. C'est le cas où la contestation judiciaire est, au départ, de mauvaise foi, soit en demande ou en défense. Ce sera encore le cas lorsqu'une partie de mauvaise foi multiplie les procédures, poursuit inutilement et abusivement un débat judiciaire […]

82. J'ajoute que même en matière d'abus du droit d'ester en justice, il faut éviter de conclure à l'abus dès que la thèse mise de l'avant est quelque peu fragile sans être abusive. Même dans les provinces de common law qui reconnaissent la notion de «dépens avocat-client» le peu de fondement d'une demande ne suffit pas à lui seul pour justifier l'octroi de tels dommages. C'est, il me semble, une règle que reconnaît implicitement le législateur. […] 

[…]

84. J'ajoute que l'abus du droit d'ester en justice peut naître également au cours des procédures. L'abuseur qui réalise son erreur et s'enferme dans sa malice pour poursuivre inutilement le débat judiciaire sera responsable du coût des honoraires extrajudiciaires encourus à compter de l'abus.»

[64]     En 2007, la Cour d'appel, dans l'arrêt Royal Lepage commercial inc. c. 109650 Canada Ltd , 2007 QCCA 915 , se référant à l'affaire Viel , précise, dans les motifs du juge Dalphond, l'application de ces principes :

« [42] Avant de tenter de définir la témérité comme source d’abus, je rappelle que la faute civile consistant en l’abus d’ester constitue une limite au droit fondamental de s’adresser aux tribunaux, un peu comme la diffamation par rapport à la liberté d’expression.  Il faut donc dans son interprétation balancer des intérêts et des valeurs contradictoires et se rappeler qu’il faut éviter une interprétation qui dissuaderait tout plaideur de faire valoir, de bonne foi, une thèse nouvelle ou fragile.

[…]

[45] Pour conclure en l’abus, il faut donc des indices de mauvaise foi (telle l’intention de causer des désagréments à son adversaire plutôt que le désir de faire reconnaître le bien-fondé de ses prétentions) ou à tout le moins des indices de témérité.

[46] Que faut-il entendre par témérité? Selon moi, c’est le fait de mettre de l’avant un recours ou une procédure alors qu’une personne raisonnable et prudente, placée dans les circonstances connues par la partie au moment où elle dépose la procédure ou l’argumente, conclurait à l’inexistence d'un fondement pour cette procédure.  Il s’agit d’une norme objective, qui requiert non pas des indices de l’intention de nuire mais plutôt une évaluation des circonstances afin de déterminer s’il y a lieu de conclure au caractère infondé de cette procédure.  Est infondée une procédure n’offrant aucune véritable chance de succès, et par le fait, devient révélatrice d’une légèreté blâmable de son auteur.  Comme le soulignent les auteurs Baudouin et Deslauriers, précités : « L’absence de cette cause raisonnable et probable fait présumer sinon l’intention de nuire ou la mauvaise foi, du moins la négligence ou la témérité ».»

[65]     Ces arrêts de principes de la Cour d’appel Viel et Royal Lepage s’appliquent toujours.

[66]     Dans l’arrêt El-Hachem c. Décary [2012] QCCA 2071 , la Cour d’appel distingue les concepts de témérité et de mauvaise foi :

[9] Un « comportement blâmable » dans l’exercice d’un recours, c’est aussi, même sans mauvaise foi ou intention de nuire, faire preuve de témérité, par exemple en formulant des allégations qui ne résistent pas à une analyse attentive et qui dénotent une propension à une surenchère hors de toute proportion avec le litige réel entre les parties . En l’occurrence, il est certain qu’un facteur aggravant tient au fait que de telles allégations ont été présentées en demande reconventionnelle dans le cadre d’un recours qui, envisagé de manière réaliste et pratique, avait la simplicité d’une modeste action sur compte.

[Référence omise]

[Soulignements ajoutés]

[67]     Depuis 2009, le Code de procédure civile traite, spécifiquement aux articles 54.1 et ss, du pouvoir de sanctionner les abus de procédures.

54.1. Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d'office après avoir entendu les parties sur le point, déclarer qu'une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif et prononcer une sanction contre la partie qui agit de manière abusive.

L'abus peut résulter d'une demande en justice ou d'un acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d'un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de la mauvaise foi, de l'utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, notamment si cela a pour effet de limiter la liberté d'expression d'autrui dans le contexte de débats publics.

54.2 .  Si une partie établit sommairement que la demande en justice ou l'acte de procédure peut constituer un abus, il revient à la partie qui l'introduit de démontrer que son geste n'est pas exercé de manière excessive ou déraisonnable et se justifie en droit.

La requête visant à faire rejeter la demande en justice en raison de son caractère abusif est, en première instance, présentée à titre de moyen préliminaire.

[…]

54.4. Le tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif d'une demande en justice ou d'un acte de procédure, ordonner, le cas échéant, le remboursement de la provision versée pour les frais de l'instance, condamner une partie à payer, outre les dépens, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et débours extrajudiciaires que celle-ci a engagés ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs.

Si le montant des dommages-intérêts n'est pas admis ou ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d'abus, il peut en décider sommairement dans le délai et sous les conditions qu'il détermine.

[68]     Sur un papier en-tête personnalisé, portant les mentions «avocat et procureur», M. Simard signifie par huissier le 15 juillet 2009 à M. Caron une mise en demeure dans laquelle on peut lire, à la page 9 : «  Je connais même plusieurs juges de la Cour Supérieure qui seraient lapidaires à votre égard en entendant pareil discours, insensible à la propriété d’autrui .» et, à la page 13 : « À défaut, la rapidité et l’ardeur de ma réponse judiciaire vous étonnera .».

[69]     Quoique cette mise en demeure soit préalable aux procédures et n’a pas à être considérée dans l’analyse du caractère abusif de la procédure, il y a lieu de souligner qu’elle est écrite par un avocat d’expérience qui compte à ce moment plus de 25 ans d’inscription au tableau de l’Ordre du Barreau du Québec et qui s’adresse à une personne dont la preuve ne démontre pas qu’elle soit familière avec le système judiciaire.

[70]     Monsieur Caron témoigne qu’à la suite de la réception de cette mise en demeure, il a décidé de vendre sa propriété, prenant soin d’en informer l’acquéreur, M. Blais.

[71]     Par ailleurs, M me Cordeau, épouse de M. Blais, témoigne des problèmes de santé que celui-ci a éprouvés jusqu’à la vente de la propriété, problèmes occasionnés par le climat et les relations tendues avec leur voisin, M. Simard.

[72]     Rappelons que la requête introductive d’instance a été signifiée à M. Blais le 9 août 2011 et qu’il a vendu sa propriété le 13 octobre 2011.

[73]     Enfin, les témoignages de M me Rodrigue et de M. Thibault sont sans équivoque. Cette situation leur a causé et leur cause encore des désagréments et des inconvénients qui, précisons-le, « excèdent les limites de la tolérance ».

[74]     Ces témoignages de M. Caron, M me Cordeau, M. Blais, M me Rodrigue et M. Thibault démontrent toute l’exaspération qu’ils ont éprouvée et éprouvent encore causée par le comportement de M. Simard à leur égard.

[75]     Malgré ces témoignages, la question qui doit être analysée est de déterminer si M. Simard a abusé de son droit d’ester en justice tel que prévu par l’arrêt Viel et, le cas échéant, de déterminer si sa demande en justice est abusive au sens de l’article 54.1 et suivants C.p.c.

[76]     M. Simard a signifié le 9 août 2011 à M. Blais sa requête introductive d’instance qu’il a amendée le 3 février 2012, soit quelques jours après avoir reçu le rapport de son expert, M. Fournier, daté du 26 janvier 2012.

[77]     À compter de cette date, l’on peut considérer qu’il y a présence d’«indices de témérité» tel que discuté dans les arrêts Royal Lepage et El-Hachem .

[78]     En effet, ce rapport de l’expert, M. Fournier, traite uniquement des arbres situés sur la propriété de M. Blais, faisant abstraction de ceux qui se situent sur la propriété de M. Simard et de M me Voyer.

[79]     De plus, ce rapport ne discute aucunement des arbres du voisinage immédiat de la propriété de M. Simard et de M me Voyer.

[80]     Ces circonstances ne peuvent que conduire à la seule conclusion du caractère infondé de la requête introductive d’instance sur la question des arbres, tel que commenté par la Cour d’appel dans les arrêts Royal Lepage et El-Hachem.

[81]     Quant à la remise, la cheminée et la corde à linge, ce sont des objets qui d’aucune façon n’empêchent M. Simard et M me Voyer de profiter de leur propriété.

[82]     Dès lors, la requête introductive d’instance est excessive et elle est déraisonnable au sens de l’article 54.1 C.p.c.

[83]     Cette question d’abus de procédure a été discutée et plaidée de part et d’autre à l’audience, faisant ainsi en sorte que la prescription de l’article 54.2 C.p.c. a été rencontrée.

[84]     M. Simard et M me Voyer seront donc condamnés à rembourser à M. Blais les frais de l’expert, M. Laliberté, ainsi que les honoraires extrajudiciaires qu’il a payés à compter du 3 février 2012, date de la signification de la requête introductive d’instance amendée.

[85]     Toutefois, étant donné le montant de ces honoraires extrajudiciaires, il n’y a pas lieu que soit accordée la conclusion sur les dommages-intérêts et dommages punitifs.


[86]     Les montants sont donc établis ainsi :

Factures de l’expert François Laliberté

Pièce D-32

29 février 2012

Facture 229332

5 533,18 $

Pièce D-32.1

12 novembre 2014

Facture 0437252

2 779,85 $

 

TOTAL :

8 313,03 $

 

honoraires extrajudiciaires

Date de la facture

Avocats

Montant

25 mai 2012

Siskinds Desmeules

                 3 832,47 $

19 juin 2012

Deschênes Beaudoin

                 3 343,50 $

26 juillet 2012

Siskinds Desmeules

                    740,77 $

28 septembre 2012

Deschênes Beaudoin

                 2 020,69 $

28 février 2013

Deschênes Beaudoin

                 3 699,95 $

29 octobre 2013

Siskinds Desmeules

                 3 234,87 $

15 avril 2014

Siskinds Desmeules

                 3 068,08 $

25 novembre 2014

Siskinds Desmeules

               13 985,56 $

 

TOTAL :

               33 925,89 $

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[87]     REJETTE la requête introductive d’instance présentée par les demandeurs, M. Claude Simard et M me Véronique Voyer.

[88]     LE TOUT avec dépens, incluant les frais de repiquage de l’audience tenue le 10 janvier 2012.

[89]     ACCUEILLE la demande reconventionnelle présentée par le défendeur, M. René Blais.

[90]     CONDAMNE les demandeurs, M. Claude Simard et M me Véronique Voyer, à payer au défendeur, M. René Blais, la somme de 33 925,89 $ représentant les honoraires extrajudiciaires que ce dernier a payés à ses procureurs à compter du 3 février 2012 et ce, avec intérêts depuis le 20 décembre 2012, date de la signification de la défense et demande reconventionnelle.

[91]     LE TOUT avec dépens, comprenant les frais de l’expert François Laliberté, lesquels s’élèvent à la somme de 8 313,03 $.

 

 

__________________________________

BERNARD GODBOUT , j.c.s.

 

 

M. Claude Simard

M me Véronique Voyer

[…] Québec (Québec) […]

 

 

M e Éric Lemay

Dusssault Gervais Thivierge

Casier 101

 



[1] Sous-paragraphe retiré à la première journée d’audience

[2]         2014 QCCA 863 , 29 avril 2014, jj. Thibault, Kasirer, Gagnon

[3] Charland c. Lessard, 2015 QCCA 14 , jj. Hilton, Marcotte et Émond