Desmeules c. Dubé |
2015 QCCQ 5673 |
JD2786
COUR DU QUÉBEC
« Division des petites créances »
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE RICHELIEU
LOCALITÉ DE SOREL-TRACY
« Chambre civile »
N° : 765-32-004405-149
DATE : 26 juin 2015
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.
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LOUISE DESMEULES
Demanderesse
c.
MARC DUBÉ
Défendeur
et
ROGER VAILLANT faisant affaires sous la raison sociale de Excavation R.V.
Appelé
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JUGEMENT
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[1] Louise Desmeules [1] (" Desmeules ") réclame 7 000,00$ à Marc Dubé (" Dubé ") en compensation pour les travaux correctifs qu'elle a dû faire à la maison achetée de celui-ci en mai 2011 en raison de vices cachés : quelques semaines après son occupation, elle constate d'importantes infiltrations d'eau au sous-sol.
[2] Dubé nie devoir le montant réclamé parce qu'il a fait les travaux nécessaires à la remise en bonne condition de la propriété en septembre 2011 après avoir été avisé des problèmes d'infiltrations d'eau : il a changé le drain français à ses frais.
[3] Sans préjudice à sa défense, il appelle dans le présent dossier Roger Vaillant, qui a réalisé les travaux en question.
Le contexte
[4] Par contrat notarié du 6 mai 2011, Desmeules achète de Dubé une maison située au bord du fleuve sur la route Marie-Victorin à Verchères. La maison est construite à la fin des années 50, Dubé en est propriétaire depuis 1987.
[5] Desmeules y emménage le 16 juin et dès le 24 juin, après de fortes pluies, elle constate que de l'eau s'infiltre par les murs de fondation.
[6] Elle en avise son vendeur Dubé qui vient constater la situation. Après plusieurs échanges et communications, il retient les services de Excavation RV qui effectue le remplacement du drain français et pose une membrane hydrofuge sur le pourtour de la fondation en septembre. Dubé lui paie 15 000,00$ pour ce travail.
[7] Desmeules n'est pas satisfaite et exige de celui-ci qu'il paie pour les travaux de remise en état du sous-sol et de l'extérieur de la maison soit 7 945,00$ plus les taxes (9 134,76$), ce montant étant ventilé dans le rapport de son expert Michel F. Coallier (" Coallier ") (pièce P-1).
[8] Desmeules prétend que les infiltrations d'eau sont causées par le mauvais fonctionnement du drain français ce qui constitue à son avis un vice caché. Elle prétend que Dubé savait que les infiltrations d'eau se produisaient : c'est pourquoi elle lui réclame les dommages, bien qu'il ait corrigé le problème par le remplacement du drain français.
Droit applicable
[9]
L'article
" Art. 1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. "
[10] En vertu de cet article, le vendeur est légalement tenu de garantir que le bien vendu est exempt de vices cachés.
[11] Pour conclure à la mise en œuvre de cette garantie, le Tribunal analyse généralement quatre critères :
1. Le vice doit être grave , c'est-à-dire qu'il doit causer des inconvénients sérieux à l'usage du bien; l'acheteur ne l'aurait pas acheté ou donné si haut prix s'il les avait connus;
2. Le vice doit être inconnu de l'acheteur au moment de la vente. La bonne foi se présumant, il appartient au vendeur de faire la preuve de la connaissance du vice par l'acheteur;
3. Le vice doit être caché ce qui suppose qu'il ne soit pas apparent, c'est-à-dire qu'il n'a pu être constaté par un acheteur prudent et diligent sans devoir recourir à un expert et qu'il n'ait pas été dénoncé ou révélé par le vendeur; l'expertise de l'acheteur sert à évaluer si le vice est caché ou apparent; plus l'acheteur connaît le bien qu'il acquiert, plus le vice est susceptible d'être considéré comme apparent;
4. Le vice doit être antérieur à la vente .
[12] La jurisprudence constante est à l'effet que l'examen attentif de l'acheteur ne nécessite pas pour celui-ci de prendre les mesures exceptionnelles pour la recherche de vices cachés potentiels : il n'a pas à défaire les cloisons, soulever des lattes de plancher, creuser [2] .
[13]
La vérification de l'acheteur s'apprécie selon une norme objective, en
évaluant l'examen fait par ce dernier en fonction de ce qu'aurait fait un
acheteur prudent, diligent de même compétence
[3]
.
L'article
[14] Cependant, certains indices peuvent suggérer au promettant acheteur qu'il y a des problèmes dans l'immeuble qu'il compte acheter : il ne peut rester passif, il doit se renseigner sur la cause des problèmes; il en va de même pour l'expert dont il a retenu les services pour l'inspection préachat.
[15] Par ailleurs, lorsque le rapport d'inspection préachat contient certaines mises en garde et avertissements, et que si les examens suggérés avaient permis de révéler le vice dont est affecté l'immeuble acheté, on ne peut en conclure qu'il s'agit d'un vice caché.
Analyse et décision
[16]
Bien que Dubé ait procédé au remplacement à ses frais du drain français,
le Tribunal croit nécessaire d'effectuer un retour sur la question de savoir
si, au départ, l'immeuble était affecté d'un "
vice caché
" au
sens de l'article
[17] Il ne fait pas de doute que les infiltrations qui se produisent peu de temps après l'occupation de la propriété par Desmeules constituent un vice grave. L'eau s'infiltre en bonne quantité et diminue certainement l'usage et la jouissance de la résidence, même si le sous-sol n'est pas fini.
[18] Il existe avant la vente, de toute évidence.
[19]
Cependant, est-il "
caché
" au sens de l'article
[20] Le Tribunal ne peut passer sous silence le rapport d'inspection effectué par Stéphane Mérédith (" Mérédith ") avant l'achat.
[21] À plusieurs endroits, celui-ci avertit sa cliente Desmeules de signes qui permettent de conclure que le drain français n'est plus opérationnel (pièce P-2).
[22] Au chapitre " Structures : Fondations " il note ce qui suit :
" B. Les murs de fondation sont en blocs de béton.
Les joints de mortier se fissurent facilement et laissent ainsi l'eau pénétrer. De plus la pression latérale du gel pousse graduellement les murs vers l'intérieur, provoquant la fissuration des joints de mortier horizontaux. De plus, les murs de blocs de béton doivent être recouverts d'une membrane d'étanchéité de type élastomère collée à 100% de sa surface à l'extérieur.
Conditions
(…)
Intérieurs
1. Nous n'avons pas vu d'infiltration d'eau au moment de notre inspection.
2. Nous avons vu des traces d'humidité.
3.
Nous avons vu des traces d'efflorescence à la base des
murs, ce qui indique habituellement que les drains français ne sont pas
fonctionnels ou inexistants
(Voir drains français)
4. Il y a des joints de mortier à réparer.
Recommandations
1. Faire réparer les joints par un maçon. "
[23] Plus loin, au chapitre " Drains français " :
" Aucune vérification n'a été effectuée pour connaître l'existence ou non du drain français ni son état. Il est de la responsabilité de l'acquéreur de faire faire les vérifications nécessaires par un spécialiste.
En général, le système de drains français d'une maison a une durée de vie d'environ 25 ans. Avec le temps, le système se bouche graduellement et devient inopérant. Ainsi, l'eau peut s'infiltrer à l'intérieur du sous-sol ou sous la dalle de béton dans le remblai. Lorsque ce stade est atteint, il faut refaire le système de drainage ou le déboucher si cela est possible. Vous devez alors contacter des firmes spécialisées dans ce domaine.
Remarque
Bâtiments de plus de 50 ans : Dû à l'âge du bâtiment, aucun système de drain français fonctionnel, si existant.
(…)
CHAMBRE FROIDE
Une chambre froide n'est jamais étanche aux infiltrations d'eau et aucune finition ne devrait y être faite. Isoler les parties hors sol avec isolant rigide extrudé. Ne jamais construire de faux-plancher. Une chambre froide doit être munie de deux ouvertures dont l'une servira à installer un conduit de 3-4 pouces de diamètre à 6 pouces du sol. Elle ne doit jamais servir au remisage d'objets pouvant se détériorer à l'humidité. "
[24] À l'annexe B qui est un résumé de son rapport, l'inspecteur confirme avoir constaté avec Desmeules des traces d'infiltration ou des cernes d'eau visibles sur la fondation de bloc et avoir noté une odeur d'humidité ou d'air vicié au sous-sol plus particulièrement à la chambre froide. Il note également avoir constaté des fissures visibles à la fondation de bloc.
[25] Avant d'acheter, Desmeules a reçu la " Déclaration du vendeur sur l'immeuble " signée par Dubé. À la question " A votre connaissance, y a-t-il ou y a-t-il déjà eu infiltration d'eau au sous-sol ou ailleurs? " Il répond par l'affirmative. il semble que ni Desmeules ni son expert n'aient demandé de détails à ce sujet de Dubé. Il n'en reste pas moins qu'il lui indique clairement avoir eu connaissance d'infiltration d'eau.
[26] Dans cette même déclaration, il indique qu'il a installé un nouveau drain français en 1988, peu après son achat de 1987.
[27] Malgré le rapport de l'inspecteur et la Déclaration du vendeur indiquant qu'il y a déjà eu infiltration d'eau, Desmeules persiste dans sa démarche et achète la maison.
[28] Elle avait d'abord offert 170 000,00$ à Dubé qui selon la fiche descriptive, demandait 199 000,00$ pour la propriété. Elle accepte la contre-proposition qu'il fait et paie 185 000,00$ bien qu'elle ait connaissance des lacunes relevées par l'inspecteur Meredith.
[29] La preuve révèle que Desmeules tenait à acheter cette propriété au bord de l'eau, alors qu'au moins deux autres personnes se montraient intéressées à l'acheter. Elle prétend avoir fait l'objet de pression tant de la part de Dubé que du notaire, mais vu les circonstances mises en preuve, le Tribunal retient qu'elle voulait absolument se procurer une maison au bord de l'eau et considérait qu'il s'agissait là d'une " bonne affaire ".
[30] Certes, elle a éprouvé plusieurs problèmes après l'achat, les infiltrations d'eau au sous-sol n'étant qu'un problème parmi d'autres mais qui étaient par ailleurs visibles avant d'acheter.
[31]
Vu les circonstances, le Tribunal retient qu'en défrayant les coûts de
remplacement du drain français et d'imperméabilisation de la fondation, Dubé a
voulu régler "
une fois pour toute
" le litige. Les
circonstances démontrent que Desmeules a accepté ses conditions. Puisqu'une
transaction est intervenue entre les parties, et que ce contrat a la valeur
d'un jugement entre les parties, il y a chose jugée et Desmeules ne peut
obtenir des montants additionnels suite au règlement intervenu, en application
des articles
" 2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l'exécution d'un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.
Elle est indivisible quant à son objet.
2633. La transaction a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée.
La transaction n'est susceptible d'exécution forcée qu'après avoir été homologuée. "
[32] Même si une transaction n'était pas intervenue, le Tribunal n'aurait pas accordé les dommages réclamés par Desmeules.
[33] Tel que détaillé dans le rapport de son expert Coallier, celle-ci réclame le prix de travaux de " remise en état " des lieux :
" - frais de remise en place d'un balcon soit en bois ou en béton, de dimension similaire à ce qui était présent lors de la transaction. Considérant qu'une terrasse en béton est plus onéreuse à mettre en place, les frais de 2500$ (taxes en sus) inscrits à la soumission de Porte et Fenêtres en gros datée d u 12 juillet 2011, sont considérées acceptable;
- frais de réparation et de remise en état des revêtements intérieurs dans l'extension en lien avec les dommages causés par les infiltrations d'eau : 1850$ (taxes en sus) inscrits à la soumission de Porte et Fenêtres en gros datée du 12 juillet 2011;
- démolition du plancher de la chambre du sous-sol, couper les murs de cette chambre sur une hauteur de 2 pieds, nettoyage avec un produit anti-moisissure et remise en état de cette chambre avec des matériaux similaires : 1895$ (taxes en sus) inscrits à la soumission de Porte et Fenêtres en gros datée du 12 juillet 2011;
- enlèvement et remise en place du revêtement extérieur en vinyle sur une hauteur de 3 pieds au périmètre de la structure, soit ± 400 pc @ 4,35$/pc (taxes en sus) : 1700$. "
[34]
Pour obtenir ces montants, Desmeules devait d'abord établir l'existence
de vices cachés au sens de l'article
" 1728. Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l'ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de réparer le préjudice subi par l'acheteur. "
[35]
Tel que mentionné précédemment, Desmeules n'a pas fait la démonstration
que le désordre affectant la résidence était un vice caché au sens de l'article
[36] Par ailleurs, Dubé savait que des infiltrations se produisaient avant la vente, mais il l'avait déclaré à la " Déclaration du vendeur " dont Desmeules avait possession avant d'acheter.
[37] Pour ces motifs, l'action principale est rejetée, et pour les mêmes motifs, l'appel par Dubé de Excavation RV l'est également, mais sans frais.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[38] REJETTE l'action de la demanderesse;
[39] CONDAMNE la demanderesse à payer au défendeur les frais judiciaires de 157,00$;
[40] REJETTE l'appel de Excavation RV, sans frais.
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MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.