3802922 Canada inc. c. Enterprises International inc. |
2015 QCCS 3097 |
JG 2270
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTREAL |
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N° : |
500-17-064183-117 |
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DATE : |
Le 2 juillet 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
LOUIS J. GOUIN, J.C.S. |
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3802922 CANADA INC. |
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Demanderesse |
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c. |
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ENTERPRISES INTERNATIONAL, INC. |
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Défenderesse |
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et |
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ROBERT GIAMBATTISINI |
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Mis en cause |
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JUGEMENT |
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1. MISE EN CONTEXTE
[1] Dans le cadre d’une transaction intervenue en 2008 entre les parties aux fins de régler un litige, les actifs de la demanderesse furent vendus à la défenderesse, et elle lui réclame le solde du prix de vente, soit 270 000 $.
[2] La défenderesse nie devoir quelque somme que ce soit au motif que la demanderesse a fait défaut de respecter ses obligations.
2. PRINCIPAUX FAITS ET CONSTATATIONS DU TRIBUNAL
2.1 Différend existant entre les parties
[3] La défenderesse Enterprises International, Inc. [1] (« EII ») est une compagnie de portefeuille qui détient, entre autres, Lamb-Grays Harbor Co. et sa division Lamb Canada (« Lamb Canada »), Lamb USA, Legacy Automation, Inc. (« Legacy »), Oval International (« Oval ») et EII Limited, faisant affaires sous le nom de Gerrard-Ovalstrapping.
[4] Toutes ces filiales d’EII ont obtenu d’elle une licence d’utilisation de sa propriété intellectuelle (la « Propriété intellectuelle Lamb ») aux fins de manufacturer et vendre des machineries et pièces d’équipement [2] (des « Machineries et pièces Lamb ») destinées aux entreprises de pâte et papier.
[5] Le mis en cause Robert Giambattisini (« M. Giambattisini ») a travaillé pour Lamb Canada pendant plus de 20 ans et, quand il quitte cet emploi, il s’approprie illégalement des copies de la Propriété intellectuelle Lamb [3] .
[6] Peu de temps après, Lamb Canada cesse toute activité et Métacad 2000 Inc. (« Métacad »), qui faisait alors affaires avec Lamb Canada, dépose des procédures [4] contre elle aux fins de récupérer un compte à recevoir d’approximativement 210 000 $ (les « Procédures »).
[7] Parallèlement, et afin de combler le vide laissé dans le marché par cet arrêt des opérations de Lamb Canada, la demanderesse 3802922 Canada Inc. (« RCL ») est incorporée [5] et s’associe à Métacad, à titre de sous-traitante, aux fins d’effectuer des travaux sur des équipements dans le domaine des pâtes et papier.
[8] Toutes deux occupent d’ailleurs le même local à Boucherville. Leurs relations d’affaires sont étroitement liées.
[9] Concurremment, M. Giambattisini offre ses services à RCL et Métacad et, dans le cadre de ses nouvelles fonctions, il utilise, sans droit, la Propriété intellectuelle Lamb [6] .
[10] Une telle situation, couplée aux Procédures qui se terminent par une saisie d’actifs de Lamb Canada et un achat de boîtes de dessins par Métacad lors de leur vente en justice, dégénère rapidement en une saga judiciaire opposant EII à, entre autres, Métacad, RCL et M. Giambattisini.
[11] EII prétend, entre autres, que les dessins saisis lui appartiennent plutôt qu’à Lamb Canada, et des oppositions et contestations sont déposées.
[12] Finalement, après des débats sans fin, une entente à l’amiable est conclue entre les parties selon les termes et conditions de la Transaction mentionnée et définie ci-après.
2.2 Transaction du 16 juin 2008
[13] Ainsi, après plusieurs années de contestation, le 16 juin 2008, une transaction (la « Transaction ») [7] intervient entre, d’une part, EII et, d’autre part, RCL, Claude Côté, le président et principal actionnaire de RCL (« M. Côté »), Métacad, Luc Gauthier, le président et principal actionnaire de Métacad (« M. Gauthier »), M. Giambattisini et Solange Fortin Côté (« Mme Fortin Côté »).
[14] La Transaction comprend, entre autres, la vente de tous les actifs de RCL à EII, soit :
« […] all RCL assets, including without limitation the name « RCL Packaging », «RCL Emballage», the trademark RCL, equipment and parts known as RCL (collectively, «RCL Equipment»), its clients list, its orders («Orders»), its telephone numbers, its fax numbers, its e-mail addresses, its web site, any trade secrets, confidential information, trade marks, copyrights, patents, drawings, bills of material, specifications, know-how (collectively, «RCL Technology» (la « Technologie RCL ») ), and in general all assets used in the course of its business known under the name of RCL Packaging - RCL Emballage, […] ». [8]
(collectivement les « Actifs de RCL »)
[15] À titre de considération pour l’achat des Actifs de RCL, EII convient de payer à RCL les montants suivants :
« […] the amount of $350,000 CDN, payable to Leger Robic Richard in trust, as follows :
1. On June 17, 2008: $200,000
2. On June 16, 2009: $ 75,000
3. On June 16, 2010: $ 75,000
In addition, for a period of 24 months following settlement, EII or its affiliates shall pay to Defendants [including RCL] through their attorney in trust, 2.5% of the gross sales of merchandise and manufactured parts installed in Lamb Equipment and sold to pulp and paper mills situated in the province of Quebec in the prior 12 months, above the amount of $172,145 representing the total sales of Lamb Spare Parts sold by EII affiliates in the province of Quebec in 2007. Such amount shall be paid annually on the anniversary of the settlement. » [9]
(la « Considération »)
[16] Par contre, la Transaction n’est précédée d’aucune «vérification diligente» (« due diligence »), ni représentation spécifique quant à l’état et la condition des Actifs de RCL, sauf la clause suivante :
« This sale is to be made with the usual representations and warranties for similar transactions .» [10]
[17] Mais la Transaction n’est suivie d’aucune séance de clôture, ni de la signature de quelque autre document, sauf la Lettre complémentaire mentionnée et définie ci-après.
[18] Le président d’EII et de Legacy, David Lamb (« M. Lamb ») confirme que, par la Transaction, EII visait à s’assurer que toute la Propriété intellectuelle Lamb retourne en son contrôle exclusif et que son droit de propriété à cet égard soit validé, d’où le Jugement-Gagnon mentionné et défini ci-après.
[19] Aussi, il était essentiel qu’EII puisse communiquer rapidement avec les clients du Québec de RCL ayant en leur possession des Machineries et pièces Lamb, afin de maintenir le service auquel ils s’attendaient.
[20] De plus, étant donné que les usines de pâte et papier fonctionnent 24 heures par jour, il y avait urgence à ce qu’il n’y ait pas d’interruption dans la complétion des «travaux en cours» de RCL. Tout bris de Machineries et pièces Lamb devait être réparé aussitôt que possible.
[21] Parallèlement, EII tenait à s’assurer que RCL, M. Côté, Métacad, M. Gauthier, M. Giambattisini et Mme Fortin Côté mettent fin à tout lien d’affaires avec des clients ayant des Machineries et pièces Lamb.
[22] C’est donc dans un tel contexte que RCL prend les engagements suivants, consignés dans la Transaction :
« For any Orders placed by an RCL customer to date, RCL shall transfer such Orders to any party designated by EII and give its fullest cooperation in order to facilitate such transfer, which shall be made no later than the delivery date set forth for each Order. […] » [11]
[…]
« As part of the sale, Defendants [incluant RCL] shall agree , upon demand made by EII, to send a letter [12] to RCL customers, to EII licensees’ customers and in general to any other party involved in the pulp and paper industry for the purposes of notifying them: i) that Defendants, collectively and individually, have surrendered to EII , owner of the Technology, all drawings, bills of materials, item master reports, specifications and in general all Lamb Proprietary Documents as well as all RCL Technology , ii) that Defendants, directly and indirectly, have undertaken to cease any involvement in the design, manufacture, sale, installation and field service of parts (including merchandise parts) and equipment, upgrades and parts for Lamb Equipment and RCL Equipment, have ceased to do business in the pulp and paper industry, undertook not to be involved directly or indirectly in any business relating to products and equipment sold and field service rendered to pulp and paper mills, and enclosing a copy of the judgement [sic] to be rendered which shall contain the orders indicated in D) below. » [13]
[…]
« 5. Defendants are ordered [sic] to surrender to EII all RCL Technology, including copies of all RCL Technology, in whichever format (including electronic copies wherever situated) (collectively, « Copies of RCL Technology »), within sixty (60) days from this order [sic] , in the presence of representatives to be named by RCL. EII shall have the right to take reasonable measures to make sure all Copies of RCL Technology are surrendered and that all Copies of Lamb Proprietary Documents are destroyed. » [14]
[…]
«In the event any one of the guarantees and orders detailed in paragraphs 1 to 13 is not respected by Defendants, EII may request the enforcement of all orders and stop any payments to be made to Defendants under the terms of the transaction and request the enforcement of the orders. To enforce all orders , EII shall provide an affidavit detailing the supporting facts giving rise to enforcement of the orders or the guarantee. Any unpaid amount by EII shall then be paid by EII when a final judgment is rendered on the application to enforce the orders or guarantees . The above is without prejudice to any other recourses the parties may have and in the event EII proceeds to enforce the orders, Defendants shall have waive [sic] their right to contest the enforcement on the basis that the prejudice of EII can be materially compensated. » [15]
[…]
(le Tribunal souligne)
[23] Aussi, la Transaction prévoit spécifiquement la dissolution éventuelle de RCL :
« As part of the transaction, once the sale of the RCL assets is accomplished, RCL shall be dissolved, upon written demand by EII, to be made at its prerogative. » [16]
2.3 Jugement-Gagnon du 17 juin 2008
[24] Concurremment, et tel que convenu dans la Transaction, dès le 17 juin 2008 les parties obtiennent du juge Pierre-C. Gagnon, j.c.s., de consentement, des ordonnances reprenant les principaux termes de la Transaction (le « Jugement-Gagnon ») [17] , incluant les suivants :
« […]
1. DECLARES that Enterprises International, Inc. (“EII”) is the sole owner of :
1.1 all technology, know how, trade secrets, copyrights and confidential information developed to date and to be developed in the future by itself, by its subsidiaries, its licensees and by subsidiaries of Haines & Emerson Inc. and Haines & Emerson Limited (the “Technology”). The Technology is represented in drawings, bills of materials, item master reports (permitting the sale of merchandise items), numbering systems, and in general terms all other documentation enabling the design, manufacture, sale, installation and field service of Lamb Equipment, including manufactured and merchandise parts (collectively, “Lamb Proprietary Documents”);
1.2 all copyrights on all Lamb Proprietary Documents;
1.3 trademarks of “Lamb”.
2. DECLARES that each Lamb Proprietary Documents constitute trade secrets of high value belong to EII .
3. DECLARES that Defendant Robert Giambattisini admits that he illegally appropriated copies of Lamb Proprietary Documents at the time he was employed by a subsidiary of EII.
4. ORDERS that Defendants destroy, within a delay of sixty (60) days following this judgment , in the presence of representatives to be named by EII, upon demand made by EII , all copies in all formats (including any electronic copies wherever situated) of Lamb Proprietary Documents in their direct or indirect possession and/or control, including those illegally appropriated by Robert Giambattisini at the time of his employ by a subsidiary of EII, those remitted to some of the Defendants in the context of a subcontracting relationship with companies related directly or indirectly to EII, as well as those claimed by Defendants to have been purchased by judicial sale (collectively, “Copies of Lamb Proprietary Documents”).
5. ORDERS that Defendants [incluant RCL] surrender to EII all RCL Technology, including copies of all RCL Technology , in whichever format (including electronic copies wherever situated) (collectively, «Copies of RCL Technology»), within sixty (60) days from this judgment , in the presence of representatives to be named by RCL. EII shall have the right to take reasonable measures to make sure all Copies of RCL Technology are surrendered and that all Copies of Lamb Proprietary Documents are destroyed.
[…] »
(le Tribunal souligne)
2.4 Lettre complémentaire du 16 juin 2008
[25] Parallèlement à la signature de la Transaction, EII, Métacad et RCL signent une lettre complémentaire, datée aussi du 16 juin 2008 (la « Lettre complémentaire ») [18] , afin de préciser le processus de transfert à EII des inventaires de RCL reliés à la Propriété intellectuelle Lamb et confirmer les termes de l’achat par EII d’inventaires et travaux en cours appartenant à Métacad et aussi reliés à la Propriété intellectuelle Lamb.
[26] La Lettre complémentaire prévoit, entre autres, ce qui suit :
« Within 30 days of this settlement Métacad will provide EII a list of the Inventory and the Métacad book value and most recent sell price that Métacad has sold items or components of this Inventory to RCL for over the past 24 months (most recent price before June 13, 2008). EII will certify its acceptance or exceptions to the list within 7 days of receipt .» [19]
« In addition, RCL shall provide EII, no later than August 1 st , 2008 , with an Inventory list of merchandise parts containing a description of each part and its vendor’s invoiced cost. EII agrees to purchase all the RCL merchandise parts of the vendor’s invoiced cost, but at a total cost to EII of no more than $70,000 .» [20]
(le Tribunal souligne)
[27] Ainsi, l’une des réclamations de RCL est reliée à cette dernière clause de la Lettre complémentaire et vise à obtenir une ordonnance afin d’obliger EII à acheter les inventaires de RCL pour un montant de 70 000 $.
2.5 Suivi de la Transaction et de la Lettre complémentaire
2.5.1 Livraison à venir et paiement partiel de la Considération
[28] Lors de la signature de la Transaction, le 16 juin 2008, les parties conviennent, verbalement, qu’au cours des jours à venir, des représentants d’EII viendront prendre livraison de certains des Actifs de RCL.
[29] Aussi, et tel que prévu à la Transaction, le 17 juin 2008, le premier versement de la Considération, soit 200 000 $, est effectué par EII à RCL.
2.5.2 Courriel de Me Beaulieu du 7 juillet 2008
[30] Le 7 juillet 2008, à 12h26 pm, le procureur d’EII, Me Nicolas Beaulieu (« Me Beaulieu »), communique par courriel [21] avec le procureur de l’époque de RCL, Me François Grenier (« Me Grenier »), avec copie à M. Côté, et dresse alors la liste des éléments pressants à être réglés avant le 14 juillet 2008, les autres devant être réglés par la suite, tel que discuté quelques jours plus tôt entre M. Coté et John White d’EII (« M. White »).
[31] Cette liste comprend essentiellement les points suivants :
a. M. Giambattisini ne collabore pas aux fins de faciliter le transfert de son cellulaire et de son adresse courriel;
b. la «liste des clients» obtenue de M. Giambattisini est incomplète, en plus du fait qu’elle provient de l’ordinateur personnel qu’il a à sa résidence, ce qui nécessite des explications;
c. M. Giambattisini doit transmettre sa «liste des fournisseurs» ( vendor list ) avec les données des achats des deux dernières années;
d. M. Giambattisini doit transmettre la liste des inventaires de pièces commerciales de RCL, avec indication des prix payés et des références aux pièces justificatives;
e. la liste des travaux en cours de RCL est incomplète quant au degré de complétion de chaque commande, tant à l’égard de l’achat des pièces nécessaires qu’à l’égard des travaux à terminer;
f. tous les autres dossiers d’affaires de M. Giambattisini doivent être transférés à EII pour le 14 juillet 2008.
[32] Dans ce même courriel du 7 juillet 2008, Me Beaulieu demande à ce que la liste des inventaires de Métacad soit aussi préparée par M. Coté afin d’être prête avant la visite des représentants d’EII chez RCL/Métacad à Boucherville, prévue pour la mi-juillet 2008 (la « Première visite »).
2.5.3 Courriel de Me Beaulieu du 11 juillet 2008, 8h33 am
[33] Le 11 juillet 2008, à 8h33 am, Me Beaulieu envoie un courriel [22] à M. Côté, avec copie à Me Grenier, lui réitérant l’urgence de faire parvenir, le même jour, la liste des inventaires de RCL et de Métacad afin qu’EII puisse planifier adéquatement la Première visite.
2.5.4 Courriel de M. Côté du 11 juillet 2008, 9h53 am
[34] Le même jour, soit le 11 juillet 2008, à 9h53 am, M. Coté fait parvenir par courriel [23] à Me Beaulieu, avec copie à M. White et Marleen Joyner d’Oval (« Mme Joyner )», la «liste des inventaires de RCL», la «liste des inventaires de Métacad», la «liste des fournisseurs» et la «liste des numéros de pièces» de RCL [24] .
[35] Toujours ce même jour, à 11h44 am, John Godek d’Oval (« M. Godek ») accuse réception [25] de ces listes, tout en mentionnant qu’elles doivent être analysées à l’interne. Par ailleurs, il fait un suivi des travaux en cours, surtout ceux qui sont problématiques.
2.5.5 Première visite d’EII chez RCL à la mi-juillet 2008
[36] À la mi-juillet 2008, une équipe de 4 à 5 représentants d’EII, incluant Judy Veloni d’Oval (« Mme Veloni »), se rendent dans les locaux de RCL/Métacad à Boucherville afin de procéder au déménagement de certains des Actifs de RCL, surtout des inventaires, documents, classeurs ou autres équipements.
[37] Ils ont en mains, à ce moment-là, les listes [26] transférées par M. Côté le 11 juillet 2008, constituant ainsi des « working papers » pour la prise de l’inventaire. Mme Veloni ne se souvient pas d’avoir alors utilisé l’ordinateur de RCL, quoiqu’aucune personne, ni aucune instruction n’empêchaient une telle utilisation, ce qui aurait permis d’avoir accès à certaines données reliées aux opérations de RCL.
[38] À tout événement, EII était, à ce moment-là, plutôt intéressée par le déménagement physique de certains des Actifs de RCL, et non l’analyse des données informatiques.
2.5.6 Courriel de M. Giambattisini du 6 août 2008
[39] Le 6 août 2008, M. Giambattisini prétend, par courriel [27] à M. White et M. Côté, avec copie à Me Beaulieu, que son téléphone cellulaire est strictement pour ses fins personnelles et qu’il n’a jamais été utilisé pour les affaires. Il s’objecte donc vigoureusement à son transfert à EII, nonobstant les termes de la Transaction quant au transfert de tous les numéros de téléphone reliés aux affaires de RCL.
[40] Éventuellement, il sera clairement établi que M. Giambattisini utilisait effectivement son téléphone cellulaire pour accomplir ses fonctions au sein de RCL et Métacad.
2.5.7 16 août 2008: expiration du délai pour transférer la Technologie RCL
[41] Le 16 août 2008 marque l’arrivée de l’échéance du délai de 60 jours requis pour le transfert de la Technologie RCL, tel que prévu dans la Transaction et au paragraphe 5 du Jugement-Gagnon.
[42] Ce délai n’est effectivement pas rencontré.
2.5.8 Rapport interne d’EII du 18 août 2008
[43] Le 18 août 2008, M. White fait un bilan de la situation reliée à l’achat par EII des Actifs de RCL, par le biais d’un courriel [28] adressé strictement à des personnes d’EII. Le paiement de toute somme pouvant être due à RCL et l’achat d’inventaires de RCL sont suspendus jusqu’à ce que satisfaction soit obtenue à cet égard. M. White mentionne, entre autres, ce qui suit :
a. certains documents sont toujours manquants; malgré le déni de la part de RCL à l’effet qu’il n’y a pas d’autre document relié à son entreprise, à force d’insister, EII finit toujours par obtenir de RCL des documents additionnels;
b. M. Giambattisini aurait finalement, sous l’effet de la pression, consenti à transférer le numéro de son téléphone cellulaire;
c. parallèlement, M. Côté a confirmé que RCL détenait d’autres documents et actifs à être transférés à EII, incluant les « Lamb Proprietary Documents » que M. Giambattisini s’est approprié illégalement alors qu’il travaillait chez Lamb Canada; et
d. une copie du software de RCL sera transférée à EII afin qu’elle puisse avoir accès à sa base de données, ce qui permettrait d’établir l’historique commercial des clients et fournisseurs de RCL, et ainsi compléter adéquatement la liste des travaux en cours.
2.5.9 Lettre de Me Beaulieu du 19 août 2008
[44] Le 19 août 2008, Me Beaulieu écrit [29] à RCL, M. Côté, Métacad, M. Gauthier, M. Giambattisini et Mme Fortin Côté afin de dresser la liste des points en suspens reliés à l’achat des Actifs de RCL.
[45] Dans cette lettre, Me Beaulieu réfère à « Following our notice dated August 11, 2008, », lequel avis n’a pu être retracé. Par ailleurs, il fait état de ce qui suit, demandant une réponse/confirmation au plus tard le 26 août 2008 :
a. M. Côté serait en possession d’une boîte de documents que conservait M. Giambattisini à sa résidence, soit les « Lamb Proprietary Documents » que ce dernier s’est approprié illégalement;
sous réserve d’une vérification du contenu de cette boîte, elle doit être remise à EII le plus rapidement possible;
b. quant aux «dossiers des clients», «dossiers des fournisseurs» et autres «dossiers d’affaires» toujours incomplets, ils seraient conservés sur le « server » de RCL, mais n’ont pas été transférés à EII car le « software » nécessaire à cette fin est toujours conservé exclusivement par RCL, apparemment pour ses fins comptables;
vu que ces dossiers et ledit « software » appartiennent maintenant à EII, le tout doit être transmis à EII au plus tard le 1 er septembre 2008; par contre, EII n’a pas d’objection à ce que RCL conserve une copie du « software »;
c. quant à la « list of cross-reference » entre les «pièces» de RCL et celles d’EII, il a été convenu qu’elle sera transmise par M. Côté au cours des jours suivants;
d. finalement, le téléphone cellulaire de M. Giambattisini serait aussi transféré au cours des jours suivants.
[46] M. Côté fait écho à cette lettre dans un courriel [30] qu’il envoie à M. Lamb le même jour, soit le 19 août 2008 à 17h44. Il est évident que les parties continuent à ne pas être sur la même longueur d'onde, du moins à certains égards.
2.5.10 Rapport interne d’EII du 4 septembre 2008
[47] Le 4 septembre 2008, Mme Joyner envoie un courriel interne [31] à M. White, avec copie à M. Lamb et Me Beaulieu, afin de faire le point sur l’état des travaux en cours acquis de RCL.
[48] Mme Joyner fait mention qu’il lui faudrait la collaboration de RCL et Métacad afin de pouvoir assurer un suivi adéquat de certains de ces travaux.
2.5.11 Courriel d’EII du 9 septembre 2008 : accès à certaines données de RCL
[49] Concurremment, le 9 septembre 2008, Michael Guzak d’EII envoie un courriel [32] à M. Côté, suite aux informations [33] que ce dernier lui a transmises le 8 septembre 2008, afin de lui faire part de ce qui suit :
« […] The data that was extracted appears to be some type of rudimentary sales history as it contains ordered and shipped quantities and values. However, it does not contain any detailed customer information and will not be sufficient for our long-term purposes. We require detailed master files, including customer, vendor and inventory. In addition, we would expect that there are history and movement files to which the customer and vendor history would be linked. Please advise if this information is available and can be extracted. Also, if you could indicate the type of software & database from which this information originates, as I am attempting to determine if it will be compatible with our internal system. »
2.5.12 Deuxième visite d’EII chez RCL le 10 septembre 2008
[50] Finalement, le 10 septembre 2008, lors de la deuxième visite d’EII chez RCL, M. Côté remet à Mme Veloni la boîte de documents qu’il a finalement récupérée de M. Giambattisini, incluant le « USB Hard Disk », mais le « software » devra aussi être reçu afin de pouvoir l’analyser.
[51] M. Côté a une version plutôt complaisante des démarches qu’il a effectuées auprès de M. Giambattisini à cette fin.
[52] Le Tribunal ne croit pas les versions de M. Côté et M. Giambattisini à cet égard, et il est convaincu que ce dernier a dû plutôt «se faire tordre le bras» pour remettre ladite boîte et ledit « USB Hard Disk ».
[53] Lors de son témoignage, M. Giambattisini ne se souvenait même pas du Jugement-Gagnon, lequel réfère, entre autres, à son admission qu’il s’est approprié illégalement les « Lamb Proprietary Documents » [34] .
[54] M. Giambattisini ne se souvenait pas non plus du texte de la Transaction qu’il a reconnu, par ailleurs, avoir dûment signée, ni dudit « USB Hard Disk » récupéré à sa résidence. Loin d’être impressionnant!
[55] Aussi, le Tribunal avait la nette impression que M. Côté ne lui disait pas toute la vérité lorsqu’il relatait ses discussions et démarches auprès de M. Giambattisini.
[56] Tout comme M. Côté a tenté, sans succès, de convaincre le Tribunal que l’acronyme RCL, n’avait aucun lien avec R obert Giambattisini, C laude Côté et L uc Gauthier. Ce fut, selon M. Côté, le résultat d’un pur hasard lorsqu’il cherchait un nom pour sa société. Tout un jeu du hasard!
2.13 Difficultés persistantes et inventaires de RCL
[57] Au cours des semaines subséquentes, EII continue à rencontrer des difficultés dans le cadre de demandes de réparations provenant de clients, incluant AbitibiBowater [35] et Domtar [36] et, plus spécifiquement, au niveau de l’historique des composantes des Machineries et pièces Lamb, et ce, afin de répondre adéquatement à ces demandes.
[58] L’obtention éventuelle du « software » pour analyser adéquatement les données transmises par RCL à cet égard ne donne pas satisfaction à EII.
[59] Parallèlement, en mai 2009, l’achat des inventaires de RCL par EII n’est pas encore effectué, tel que le révèle le courriel [37] du 15 mai 2009 de M. Côté à M. Lamb, et ce, même si, tel que mentionné précédemment, RCL a, le 11 juillet 2008, fait parvenir à EII sa liste d’inventaires, soit avant le délai du 1 er août 2008 prévu dans la Lettre complémentaire à cet effet.
[60] EII a donc manqué de diligence à cet égard, l’achat des inventaires n’étant sujet à aucune condition, sauf la transmission de ladite liste.
3. POSITION DES PARTIES
3.1 RCL
[61]
Selon RCL, il y a eu une transaction au sens de l’article
[62] Ainsi, RCL soumet que le Tribunal doit homologuer la Transaction et tout simplement ordonner à EII de respecter ses obligations, sans plus, et ce, peu importe ce qui peut être reproché à RCL dans le cadre de la vente des Actifs de RCL.
[63] À tout événement, RCL prétend que toutes ses obligations ont été respectées, et même plus.
[64] Par ailleurs, EII a acheté sans «vérification diligente» et elle ne peut pas obtenir plus que ce qui existait lors de la Transaction.
[65] Tous les Actifs de RCL furent livrés et, s’il y a eu quelque délai que ce soit à ce faire, cela était hors le contrôle de RCL, et la conséquence ne peut pas être le non-respect par EII de ses propres obligations quant au solde dû aux termes de la Transaction et de ses obligations d’achat des inventaires de RCL aux termes de la Lettre complémentaire.
[66] Qui plus est, il n’y a aucune preuve de dommages réels subis par EII, si ce n’est quelques commandes annulées et ne représentant que quelques milliers de dollars, sans qu’il ait été établi que la cause directe soit un délai dû à RCL.
[67] Selon RCL, le solde dû par EII au chapitre de la Considération prévue dans la Transaction et au chapitre de la vente des inventaires de RCL prévue dans la Lettre complémentaire, après amendements effectués en cours d’audition, s’établit comme suit :
a. 75 000 $, correspondant au paiement non effectué du 16 juin 2009 et prévu à la Transaction, plus les intérêts au taux légal depuis cette date;
b. 75 000 $, correspondant au paiement non effectué du 16 juin 2010 et prévu à la Transaction, plus les intérêts au taux légal depuis cette date;
c. 50 000 $, soit la redevance de 2.5%, prévue dans la Transaction et calculée en fonction du montant estimé des ventes brutes d’EII au Québec de pièces commerciales ou manufacturées pour les fins des Machineries et pièces Lamb et excédant un montant de base de 172 145 $, et ce, pour la période du 17 juin 2008 au 16 juin 2010, montant à parfaire sur production des états financiers d’EII; et
d. 70 000 $ pour l’achat des inventaires de RCL suivant les termes de la Lettre complémentaire,
soit un total de 270 000 $, plus les intérêts applicables et l’indemnité additionnelle.
3.2 EII
[68] Selon EII, l’une des considérations importantes de la Transaction était d’obtenir un transfert rapide des Actifs de RCL afin d’éviter quelque perte que ce soit, tant au niveau des travaux en cours de RCL, qu’au niveau des services à rendre aux clients possédant des Machineries et pièces Lamb.
[69] EII nie devoir quelque somme que ce soit aux termes de la Transaction ou de la Lettre complémentaire, vu les nombreux défauts de RCL, y inclus le fait que tous les Actifs de RCL ne lui furent pas transférés et vu le manque de diligence de RCL à lui transmettre rapidement ses divers dossiers d’opération, lesquels étaient, de toute façon, désorganisés, incomplets et inutiles dans les circonstances.
[70] RCL a fait preuve de la même incurie pour la vente de ses inventaires, tout comme Métacad pour la vente de ses propres inventaires et travaux en cours, ne respectant pas les obligations prévues à la Lettre complémentaire.
[71] Bref, le manque de collaboration de la part de RCL et Métacad a affecté substantiellement la valeur des Actifs de RCL au point où il est justifié de libérer EII du paiement de quelque montant que ce soit dû aux termes de la Transaction, ou encore de l’obligation d’acheter les inventaires de RCL aux termes de la Lettre complémentaire.
[72] Par ailleurs, le Tribunal tient à mentionner qu’initialement EII réclamait aussi, par le biais d’une demande reconventionnelle, le remboursement du montant de 200 000 $ payé le 17 juin 2008 aux termes de la Transaction mais, en cours d’instance, EII s’est désistée de cette réclamation. Par contre, EII demande au Tribunal qu’aucun frais ne soit accordé à RCL à cet égard, ce à quoi s’objecte RCL.
4. QUESTIONS EN LITIGE
[73] Les questions en litige sont les suivantes :
a. RCL est-elle en défaut de respecter ses obligations aux termes de la Transaction et aux termes de la Lettre complémentaire?
b. Le cas échéant, quel est le solde dû par EII au chapitre de la Considération prévue dans la Transaction, et quel est le prix que doit payer EII pour l’achat des inventaires de RCL?
5. DISCUSSION
5.1 RCL est-elle en défaut de respecter ses obligations aux termes de la Transaction et aux termes de la Lettre complémentaire?
5.1.1 Le droit
[74]
L’article
2633. La transaction a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée.
La transaction n'est susceptible d'exécution forcée qu'après avoir été homologuée.
[75] D’entrée de jeu, le Tribunal précise que cette «autorité de la chose jugée» est reliée au litige opposant des parties et faisant l’objet du règlement intervenu entre elles. Elle n’a pas l’effet de procurer quelque immunité que ce soit à l’égard des engagements à faire des actes ou à poser des gestes dans le cadre de la mise à exécution de la «transaction» en question.
[76] Les parties doivent alors respecter leurs obligations respectives quant à de tels engagements, lesquels, dans l’éventualité d’un défaut, pourront faire l’objet des recours habituels pour en assurer le respect par la partie en défaut ou encore indemniser l’autre partie.
[77] Ainsi, le Tribunal rejette catégoriquement l’argument et la demande de RCL à l’effet que le Tribunal doive automatiquement, et sans se poser aucune question, homologuer la Transaction et tout simplement ordonner à EII de payer le solde de la Considération dû aux termes de la Transaction, et lui ordonner de procéder à l’achat des inventaires de RCL pour un montant de 70 000 $.
[78] Avant d’en arriver à une telle conclusion, le cas échéant, le Tribunal doit se demander si RCL a respecté ses obligations aux termes de la Transaction et aux termes de la Lettre complémentaire.
5.1.2 Analyse
[79] Le Tribunal retient de la preuve que la Transaction fut signée afin de mettre fin à un litige opposant, entre autres, RCL et EII, lequel monopolisait temps, argent et énergie, et ce, de façon démesurée.
[80] Les termes et conditions de la Transaction furent négociés dans un vacuum , EII voulant reprendre le contrôle de la Propriété intellectuelle Lamb et assurer un suivi auprès de clients qui possédaient des Machineries et pièces Lamb et retenaient les services de RCL.
[81] EII désirait à tout prix éliminer du marché, non seulement RCL, mais aussi Métacad, M. Côté, M. Gauthier, M. Giambattisini et Mme Fortin Côté et, pour ce faire, outre les engagements de non-concurrence prévus dans la Transaction, EII a prévu l’achat des Actifs de RCL, mais sans l’assujettir à des conditions reliées à leur état, et donc sans aucune «vérification diligente» (« due diligence »).
[82] En fait, EII achetait sur la base de « as is, where is », son objectif étant que RCL n’existe plus, sa dissolution étant clairement la prochaine étape [38] .
[83] Le Tribunal ne peut concevoir, dans les circonstances de cette affaire, qu’EII ait pu entrevoir que certains des Actifs de RCL, après quelque vérification que ce soit, ne lui soient pas transférés, ni que RCL puisse continuer à opérer, à quelque niveau que ce soit. Le Tribunal le répète, la dissolution complète de RCL était l’un des buts ultimes visés.
[84] Le témoignage de Jon Skjonsby, Director of Maketing and Application Engineering de Legacy (« M. Skjonsby ») est très éloquent à cet égard. Il a expliqué au Tribunal, avec force et détails, les diverses machineries que les compagnies de pâte et papier utilisent et sur lesquelles EII travaille, chacune étant composée de moult pièces, toutes plus complexes les unes que les autres, et uniques en soi.
[85] Il est impressionnant de réaliser le degré de sophistication de ces machineries et de leurs composantes, chacune faisant l’objet de dessins d’ingénierie requérant un haut niveau d’expertise.
[86] Par conséquent, il est primordial de conserver précieusement l’historique des modifications, mises à niveau et réparations de ces composantes, ainsi que le processus d’assemblage pour former une pièce ou une machinerie.
[87] Cet historique est essentiel et même vital afin de bien réussir l’intégration de deux entreprises opérant dans le même secteur.
[88] Étant donné cela, il est très surprenant, et aussi très révélateur, de constater qu’EII n’ait pas assujetti son achat des Actifs de RCL à une «vérification diligente» serrée de l’état de ces actifs et du mode de consignation d’un tel historique, et ce, afin de s’assurer que l’intégration puisse s’effectuer sans aucune difficulté.
[89] Mais, vu que tel n’était pas l’objectif d’EII, elle ne peut maintenant s’en plaindre et faire comme si une telle condition avait été prévue.
[90] Lors de son témoignage, M. Skjonsby a confirmé qu’une liste de concordance des machineries, de leurs pièces et composantes entre deux entreprises est essentielle, autrement cela prendrait des années à en dresser une, et non seulement quelques jours, ou quelques mois.
[91] Par contre, cela ne veut pas dire pour autant que RCL, M. Côté, Métacad, M. Gauthier, M. Giambattisini et Mme Fortin Côté étaient libérés de leur obligation de pleine coopération assumée aux termes de la Transaction.
[92] Dans ces circonstances, ils se devaient de faire preuve de diligence afin de hâter le transfert de la Technologie RCL et ainsi faciliter l’intégration des Actifs de RCL à l’entreprise d’EII.
[93] Tel que relaté précédemment, un suivi constant auprès de certains d’entre eux fut nécessaire, prolongeant ainsi inutilement et sans raison ce transfert et cette intégration.
[94] Qui plus est, M. Giambattisini est loin d’être crédible et il a été plus que délinquant à respecter ses engagements. D’une certaine façon, son comportement fut, un peu, à l’image de son passé, confirmé par le Jugement-Gagnon, lequel réfère à son admission qu’il s’était approprié illégalement des copies des « Lamb Proprietary Documents ».
[95] RCL, M. Côté, Métacad, M. Gauthier, M. Giambattisini et Mme Fortin Côté auraient dû, dès le 17 juin 2008, prendre les mesures nécessaires pour que le transfert de la Technologie RCL soit effectué aussitôt que possible, et non au compte-goutte.
[96] Certes, il ne pouvait être question pour eux de faire une liste ou des listes alors inexistantes, mais leur manque évident de coopération et diligence à cet égard ne peut pas être sans conséquence et le Tribunal prendra en considération ce fait dans la détermination du solde dû par EII au chapitre de la Considération aux termes de la Transaction.
[97] Quant à la Lettre complémentaire, la seule obligation de RCL était de transmettre la liste de ses inventaires, « […] an inventory list of merchandise parts containing a description of each part and its vendor’s invoiced cost » [39] , ce qu’elle a fait le 11 juillet 2008, soit avant le délai du 1 er août 2008 imparti au dernier paragraphe de la Lettre complémentaire.
[98] Tel que relaté précédemment, la preuve révèle plutôt que, vu le délai à obtenir des informations à l’égard de la Technologie RCL, EII a retardé l’achat des inventaires de RCL, puis elle a considéré qu’ils étaient désuets et sans réelle valeur pour elle.
[99] Or, l’achat des inventaires de RCL n’était sujet à aucune représentation quant à leur état, tout comme l’achat des autres Actifs de RCL.
5.1.3 Conclusion
[100] Le Tribunal est donc d’avis que RCL, M. Côté, Métacad, M. Gauthier, M. Giambattisini et Mme Fortin Côté n’ont pas respecté, à l’égard de la Technologie RCL, leurs obligations de pleine coopération aux termes de la Transaction.
[101] Par contre, le Tribunal est d’avis que RCL a respecté ses obligations aux termes de la Lettre complémentaire et un tel argument ne peut pas être soulevé par EII pour refuser d’acheter les inventaires de RCL.
5.2 Dans ces circonstances, quel est le solde dû par EII au chapitre de la Considération prévue dans la Transaction, et quel est le prix que doit payer EII pour l’achat des inventaires de RCL?
5.2.1 Le droit
[102] Les deux dispositions suivantes du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») sont pertinentes pour cette question :
« 1590. L'obligation confère au créancier le droit d'exiger qu'elle soit exécutée entièrement, correctement et sans retard.
Lorsque le débiteur, sans justification, n'exécute pas son obligation et qu'il est en demeure, le créancier peut, sans préjudice de son droit à l'exécution par équivalent de tout ou partie de l'obligation:
1° Forcer l'exécution en nature de l'obligation;
2° Obtenir, si l'obligation est contractuelle, la résolution ou la résiliation du contrat ou la réduction de sa propre obligation corrélative;
3° Prendre tout autre moyen que la loi prévoit pour la mise en oeuvre de son droit à l'exécution de l'obligation.
1591. Lorsque les obligations résultant d'un contrat synallagmatique sont exigibles et que l'une des parties n'exécute pas substantiellement la sienne ou n'offre pas de l'exécuter, l'autre partie peut, dans une mesure correspondante, refuser d'exécuter son obligation corrélative, à moins qu'il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des usages qu'elle soit tenue d'exécuter la première. »
[103] Vu ce qui précède, le Tribunal est d’avis, vu le manque de coopération de RCL, M. Côté, Métacad, M. Gauthier, M. Giambattisini et Mme Fortin Côté pour faciliter le transfert de la Technologie RCL et, par le fait même, l’intégration des Actifs de RCL à l’entreprise d’EII, qu’il y a lieu de réduire, en partie, le solde de la Considération.
[104] Par ailleurs, RCL ayant respecté ses obligations aux termes de la Lettre complémentaire, EII doit-elle alors payer le montant maximum de 70 000 $ pour l’achat des inventaires de RCL?
5.2.2 Analyse
[105] Tel que mentionné précédemment, RCL réclame un montant total de 270 000 $, soit :
a. 75 000 $, correspondant au paiement non effectué le 16 juin 2009 et prévu à la Transaction, plus les intérêts au taux légal depuis cette date;
b. 75 000 $, correspondant au paiement non effectué le 16 juin 2010 et prévu à la Transaction, plus les intérêts au taux légal depuis cette date;
c. 50 000 $, soit la redevance de 2.5% (la « Redevance ») prévue dans la Transaction et calculée en fonction du montant estimé des ventes brutes d’EII au Québec de pièces commerciales ou manufacturées pour les fins des Machineries et pièces Lamb et excédant un montant de base de 172 145 $, et ce, pour la période du 17 juin 2008 au 16 juin 2010, montant à parfaire sur production des états financiers d’EII; et
d. 70 000 $ pour l’achat des inventaires de RCL suivant les termes de la Lettre complémentaire,
[106] Tel que mentionné précédemment, EII a, en fait, acheté les Actifs de RCL à ses risques et périls, son objectif étant tout simplement d’éliminer RCL du marché, et elle ne peut maintenant demander d’être libérée de toutes ses obligations au motif que la qualité de ces actifs ne correspond à ce à quoi elle s’attendait.
[107]
Dans ces
circonstances, les versements de 75 000 $ chacun des 16 juin 2009 et 2010
sont dus, et le Tribunal ordonnera à EII de les payer à RCL, avec intérêts au
taux légal à compter de la date de signification des procédures de RCL, soit le
9 mars 2011, plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[108] Par contre, tel que déjà mentionné, RCL, M. Côté, Métacad, M. Gauthier, M. Giambattisini et Mme Fortin Côté n’ont pas pris les dispositions raisonnables afin de faciliter le transfert de la Technologie RCL et, par voie de conséquence, l’intégration des Actifs de RCL à l’entreprise d’EII.
[109] Si EII a réussi à reprendre et développer le marché au Québec, cela n’est sûrement pas dû aux efforts de RCL, M. Côté, Métacad, M. Gauthier, M. Giambattisini et Mme Fortin Côté, et il n’est pas approprié que RCL, par le biais de la Redevance, tire un bénéfice en obtenant un pourcentage des ventes brutes d’EII au Québec.
[110] Certes RCL n’a donné aucune garantie à cet égard, mais la façon dont RCL, M. Côté et surtout M. Giambattisini ont procédé pour le transfert de la Technologie RCL et, plus spécifiquement, des données reliées aux travaux en cours, listes des fournisseurs et clients, et l’historique commercial applicable à chaque dossier, ne fut d’aucune aide pour EII, bien au contraire.
[111] D’ailleurs, dès après la signature de la Transaction, M. Côté est parti en vacances, retardant d’autant le transfert, entre autres, de ces données, alors que « time was of the essence » afin de faire le suivi auprès des clients de RCL et s’assurer qu’ils deviennent, dans la mesure du possible, des clients d’EII.
[112] Dans ces circonstances, le Tribunal exerce sa discrétion et annule l’obligation d’EII au niveau du paiement de la Redevance.
[113] Par voie de conséquence, le Tribunal n’ordonnera pas à EII de produire ses états financiers aux fins de calculer la Redevance suivant la formule prévue à la Transaction.
[114] Quant à l’obligation d’acheter les inventaires de RCL, tel que mentionné précédemment, RCL a, le 11 juillet 2008, respecté son engagement en remettant à EII sa liste d’inventaires, laquelle comprenait le prix attribué à chaque item, soit un total de 96 312,88 $ [40] .
[115] Aux termes de la Lettre complémentaire, EII devait acheter ces inventaires, sans condition, pour un montant correspondant au prix payé par RCL, sous réserve que le total à être déboursé par EII ne devait pas excéder 70 000 $.
[116]
EII ne
peut se libérer de cette obligation au motif que les inventaires sont désuets
ou ne répondent pas à ses besoins, ce qui n’est pas prévu dans la Lettre
complémentaire, et le Tribunal lui ordonnera donc de payer le prix maximum
prévu, soit 70 000 $, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars
2011, date de signification des procédures de RCL, plus l’indemnité
additionnelle prévue à l’article
[117] Finalement, et dans la mesure où cela est nécessaire, le Tribunal confirme que les sommes auxquelles sera condamnée EII sont payables et dues uniquement à RCL.
5.2.3 Conclusion
[118] EII doit donc respecter ses obligations aux termes de la Transaction, sauf quant au paiement de la Redevance, et elle doit aussi respecter ses obligations aux termes de la Lettre complémentaire pour le montant maximum prévu, soit 70 000 $, et ce, au seul bénéfice de RCL.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[119] ACCUEILLE en partie la «Requête introductive d’instance ré-amendée» de 3802922 Canada Inc. (RCL);
[120]
CONDAMNE
Enterprises International Inc. (EII) à payer à 3802922
Canada Inc. (RCL) la somme de CENT CINQUANTE MILLE DOLLARS (150 000 $) au
chapitre du solde de la Considération prévue à la Transaction, soit les
versements de 75 000 $ chacun des 16 juin 2009 et 2010, avec intérêts au
taux légal depuis le 9 mars 2011, plus l’indemnité additionnelle prévue à
l’article
[121] ANNULE et LIBÈRE Enterprises International Inc. (EII) de l’obligation de payer à 3802922 Canada Inc. (RCL) la Redevance;
[122]
CONDAMNE
Enterprises International Inc. (EII) à payer à 3802922
Canada Inc. (RCL) la somme de SOIXANTE-DIX MILLE DOLLARS (70 000 $) au
chapitre du prix des inventaires de 3802922 Canada Inc. (RCL) prévu dans la
Lettre complémentaire, avec intérêts au taux légal depuis le 9 mars 2011, plus
l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[123] ORDONNE à Enterprises International Inc. (EII) de prendre possession desdits inventaires chez 3802922 Canada Inc. (RCL), dans les 30 jours du présent jugement;
[124] PREND ACTE et ACCEPTE le désistement par Enterprises International Inc. (EII) de sa demande reconventionnelle au montant de DEUX CENT MILLE DOLLARS (200 000 $), sans frais;
[125] LE TOUT avec dépens.
|
__________________________________ LOUIS J. GOUIN, J.C.S. |
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Me Martin De Chantal |
||
De Chantal, D’Amour, Fortier |
||
Procureurs de la Demanderesse |
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||
Me Alexandre Béchard |
||
Gascon & Associés |
||
Procureurs de la Défenderesse |
||
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||
Dates d’audience : |
19, 20, 21 et 22 mai 2015 |
|
[1] Pièce P-2.
[2] Pièces D-12 et D-13.
[3] Pièce D-1, paragr. 3.
[4] Pièce D-17.
[5] Pièce P-1.
[6] Pièce D-1, paragr. 4.
[7] Pièce P-3.
[8] Pièce P-3, Transaction, pp. 1 et 2.
[9] Pièce P-3, Transaction, p. 1.
[10] Pièce P-3, Transaction, p. 2, 4 ième paragr.
[11] Pièce P-3, Transaction, p. 2, 2 ième paragr.
[12] Pièce D-2.
[13] Pièce P-3, Transaction, p. 2, 5 ième paragr.
[14] Pièce P-3, Transaction, p. 3, paragr. 5.
[15] Pièce P-3, Transaction, p. 5, 2 ième paragr.
[16] Pièce P-3, Transaction, p. 2, 6 ième paragr.
[17] Pièce D-1.
[18] Pièce P-3.
[19] Pièce P-3, Lettre complémentaire, p. 1, 2 ième paragr.
[20] Pièce P-3, Lettre complémentaire, p. 2, 3 ième paragr.
[21] Pièce P-7, pp. 2 et 3, et Pièce D-3.
[22] Pièce P-7, p. 1.
[23] Pièce P- 7.
[24] Pièce P-12.
[25] Pièce P-7.
[26] Pièce P-12.
[27] Pièce D-5.
[28] Pièce D-6.
[29] Pièce D-7.
[30] Pièce P-14.
[31] Pièce D-11
[32] Pièce D-8.
[33] Pièces D-18 et D-18A.
[34] Pièce D-1, paragr. 4.
[35] Pièces D-14, D-14A et D-14B.
[36] Pièce D-15.
[37] Pièce P-11.
[38] Pièce P-3, Transaction, p. 2, 6 ième paragr.
[39] Pièce P-3, Lettre complémentaire, p. 2, 3 ième paragr.
[40] Pièce P-12, pp. 61- 65.