Compagnie d'assurances Coseco c. Montréal (Ville de)

2015 QCCQ 5843

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE

MONTRÉAL

« Chambre civile  »

N° :

500 - 22-203498-137

 

DATE :

 Le 10 juin 2015

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

SYLVIE LACHAPELLE, J.C.Q.

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COMPAGNIE D'ASSURANCE COSECO

 

Demanderesse

 

c.

 

VILLE DE MONTRÉAL

 

Défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]        La demanderesse, Compagnie d'assurance Coseco ( « Coseco ») est une compagnie légalement constituée et dûment autorisée à exercer le commerce de l’assurance dans la province de Québec.

[2]        En tout temps pertinent au présent litige, en vertu d’une police d’assurance habitation portant le numéro 07242052, Coseco assurait l’immeuble et les biens appartenant à son assurée, madame Sylvie Marcoux ( « madame Marcoux »), lesquels sont situés au 12156, rue De La Gauchetière à Montréal, le tout tel qu’il appert d’une copie des conditions particulières de la police d’assurance habitation ( P-1 ).

[3]        Le ou vers le 8 novembre 2012, des dommages par l’eau ont été causés à l’immeuble et aux biens appartenant à madame Marcoux.

[4]        Coseco allègue que ces dommages résultent d’un bris d'aqueduc, dont la défenderesse, Ville de Montréal ( « la Ville ») est propriétaire. Suite au sinistre, Coseco a indemnisé madame Marcoux pour une somme de 62 272,04 $ ( P-3 et P-4 ).

[5]        Coseco est donc légalement subrogée dans les droits et recours de son assurée, madame Marcoux.

[6]        Les parties admettent que les dommages pouvant être réclamés par Coseco à la Ville s’élèvent à 48 200 $.

[7]        Coseco allègue que cet incident et tous les dommages en découlant sont dus uniquement aux faute, négligence, imprudence, insouciance et/ou inhabilité de la Ville  et/ou ses préposés dans l’exécution de leur fonction et, plus particulièrement, en ce que :

a.     elle est propriétaire du système à l’origine des dommages et donc responsable de l’état de celui-ci ;

b.     elle se devait de prendre les moyens nécessaires pour empêcher que les dommages subis ne soient causés ;

c.     elle a fait défaut de maintenir en bon état et d’effectuer les réparations adéquates à ce système ;

d.     elle et/ou ses préposés n’ont rien fait pour éviter cet incident, mais au contraire, mais ont tout fait pour le provoquer ;

e.     les dommages étaient prévisibles ;

[8]        La Ville admet que dans la nuit du 8 novembre 2012, la conduite d’aqueduc située sous la rue De La Gauchetière, entre la 13 e et la 14 e avenue, dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-Aux-Trembles (« RDP-PAT ») a été l’objet d’un bris en face de la résidence de madame Marcoux.

[9]        Par ailleurs, la Ville allègue qu’elle a agi avec prudence et diligence et qu’elle n’a commis aucune faute ayant pris les précautions et les moyens raisonnables pour prévenir le fait qui a causé le dommage, ayant en tout point respecté son obligation de gardien du réseau d'aqueduc.

[10]     La Ville plaide également qu’elle n’a commis aucune faute dans l’entretien des rues (nettoyage et ramassage de feuilles) ayant agi avec diligence.

Questions en litige

[11]     La Ville a-t-elle commis une faute dans l’entretien de la chaussée en ne nettoyant pas adéquatement les rues et en laissant s’accumuler les feuilles sur le puisard ?

[12]     La Ville a-t-elle repoussé la présomption de faute de l’article 1465 du Code civil du Québec [1] («  C.c.Q.  ») qui prévoit qu’elle est responsable des dommages causés par son bien, dans ce cas, une conduite d'aqueduc.

Le droit

a)      Concernant le bris du réseau d'aqueduc

[13]     L’article 1465 C.c.Q   prévoit que :

1465.  Le gardien d'un bien est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu'il prouve n'avoir commis aucune faute.

[14]     Dans le cas où la présomption de l’article 1465 C.c.Q. s’applique, le gardien du bien est responsable à moins qu’il ne prouve avoir commis aucune faute.

[15]     La Ville peut repousser la présomption de faute en démontrant que le dommage est dû à la force majeure, la faute d’un tiers ou celle de la victime.

[16]     L’obligation de garde est également tenue pour une obligation de moyens donc de prudence et de diligence raisonnables.

[17]     Dans Dicaire et Leduc c. Chambly (ville de) et Scottish & York Insurance Company Ltd.) [2] , la Cour d’appel se penche sur la question de la responsabilité municipale en appel d’un jugement rendu par la juge Hélène LeBel qui a rejeté le recours collectif en dommages-intérêts des appelants victimes d’une inondation survenue à la ville de Chambly.

[18]     La Cour d’appel se prononce comme suit :

[20]    Il est acquis au débat que Chambly est la gardienne du réseau d'égout qui a débordé et provoqué les inondations de juillet 1997.  En cette qualité, elle est soumise au régime particulier de l'article 1465 C.c.Q . Cet article établit une présomption de faute et non de responsabilité, comme l'a noté la Cour dans l'arrêt Brown c . Hydro-Québec :

Cet article [1465 C.c.Q.] ne crée pas une présomption de responsabilité, mais une présomption de faute susceptible d'être renversée par simple preuve de l'absence de faute. Le gardien doit démontrer qu'il a pris les moyens raisonnables pour prévenir le fait générateur des dommages.  Il peut s'exonérer par une simple preuve générale d'absence de faute. L'appréciation est faite en tenant compte de la norme de conduite de la personne prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances. [3]

(référence omise)

[21]    C'est aussi le fardeau retenu par la juge de la Cour supérieure qui conclut que « le gardien de la chose peut s'exonérer en prouvant l'impossibilité d'empêcher la survenance des dommages par des moyens raisonnables eu égard aux circonstances ».

[22]    En conséquence, il faut mesurer la conduite de Chambly à l'aune d'une municipalité prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances.  Cette conduite doit être examinée à toutes les étapes pertinentes : conception du réseau, mise en place, extensions et entretien.

[23]    En cette matière comme dans d'autres, il faut se méfier de la sagesse rétrospective.  Son application risque de faire supporter à la gardienne de la chose un fardeau trop lourd.  Il ne faut pas se demander, dans l'absolu, ce que l'administration aurait pu faire et vérifier par la suite ce qui a été accompli.  Il faut plutôt examiner, en fonction des circonstances propres à chaque affaire, si les mesures prises étaient suffisantes et adéquates selon la norme ci-haut mentionnée.

[19]     L’honorable Hélène LeBel réfère dans son jugement à l’auteur et juge Jean-Louis Baudouin qui estime que l’obligation du gardien est une obligation de moyens qui permet une défense de prudence et diligence raisonnables, et qui est conforme à la présomption de faute :

« [867] Obligation relative - « Si par contre, l’obligation de garde est tenue pour une obligation de moyens donc de prudence et de diligence raisonnables, le gardien peut échapper à sa responsabilité en démontrant qu’il a pris tous les moyens raisonnables pour prévenir le fait qui a causé le dommage. Dès lors, une preuve circonstancielle et générale suffit. On exigera simplement qu’il se voit comporter en personne raisonnablement prudente et diligente avec les conséquences suivantes : en premier lieu, il ne lui sera pas nécessaire de prouver la cause exacte de l’accident par une preuve directe et positive. Il lui suffira d’établir que la cause de l’accident ne peut raisonnablement être reliée à son comportement. En second lieu, la preuve de son absence de faute pourra rester générale. Il démontrera qu’il s’était entouré, avant l’accident, de toutes les précautions qu’aurait prises une personne prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances de fait et que, au moment de l’accident, il n’a posé ou omis de poser aucun geste favorisant la survenance de celui-ci. C’est maintenir la présomption de l’article 1465 C.c.Q. , comme le suggère le texte, en tant que simple présomption de faute. [3]  »

b)      Concernant l’entretien des rues

[20]     Coseco reproche à la Ville une négligence dans l’entretien des rues et que des feuilles se sont accumulées sur les grilles des puisards empêchant ainsi l’eau de s’écouler .

[21]     Lorsqu’un tel reproche est soulevé, c’est alors l’article 1457 C.c.Q. qui s’applique :

1457.  Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.

[22]     Coseco a ainsi le fardeau de prouver la faute commise par la Ville dans l’utilisation ou l’exercice des moyens pour assumer son obligation d’entretien des rues de son territoire.

[23]     Il faut se rappeler que la Ville a une obligation de moyens et non de résultat et, qu’en conséquence, il lui suffit de démontrer avoir agi avec diligence.

Les admissions

[24]     Coseco est une compagnie légalement constituée et dûment autorisée à exercer le commerce de l’assurance dans la province de Québec.

[25]     En tout temps pertinent au présent litige, la demanderesse assurait la résidence et les biens appartenant à son assurée Sylvie Marcoux, lesquels étaient situés au 12156, rue de la Gauchetière à Montréal, tel qu’il appert de la police d’assurance ( P-1 ).

[26]     Les parties ont admis que le ou vers le 8 novembre 2012, des dommages par l’eau ont été causés à l’immeuble et aux biens appartenant à l’assurée de Coseco.

[27]     Ces dommages ont été causés par le bris de la conduite d’aqueduc située sur la rue De La Gauchetière, laquelle conduite appartient à la Ville.

[28]     La conduite d’aqueduc a été installée en 1958 et est en fonte.

[29]     Suite au sinistre, la demanderesse a indemnisé son assurée pour une somme de 62 272,04 $, tel qu’il appert des pièces P-3 et P-4 .

[30]     Coseco est donc légalement subrogée dans les droits et recours de son assurée.

[31]     Les dommages pouvant être réclamés par Coseco à la Ville s’élèvent à 48 200 $.

[32]     Suite au sinistre, la Ville a fait une réparation du bris de la conduite d’aqueduc.

[33]     La Ville a été dûment avisée du sinistre survenu le ou vers le 8 novembre 2012 par l’avis daté du 8 novembre 2012, lequel est dénoncé en liasse à P-5 .

[34]     La borne incendie portant le numéro d’inventaire 5003926 a été remplacée le 8 août 2011 par une nouvelle, qui porte depuis le 21 janvier 2013 le numéro 10002976. La borne 10002976 a été installée au même emplacement que la borne 5003926 ( D - 33 ).

[35]     En tout temps pertinent au présent litige, Coseco assurait la résidence et les biens appartenant à son assurée madame Marcoux, lequel était situé au 12156, rue De La Gauchetière à Montréal.

[36]     Le bris a été localisé sur la conduite d’aqueduc située sur la rue De La Gauchetière entre la 13 e et la 14 e avenue, dans l’arrondissement de RDP-PAT.

Les faits

[37]     Après avoir entendu la preuve testimoniale et révisé la preuve documentaire, le Tribunal retient les faits pertinents suivants.

[38]     Madame Marcoux réside au 12156 rue De La Gauchetière à Montréal. Sa propriété est située sur le coin de la rue De La Gauchetière et de la 13 e avenue.

[39]     Elle habite le premier étage alors que son fils et sa conjointe logent au sous-sol.

[40]     Madame Marcoux travaille le soir et le 8 novembre 2012, elle est de retour chez elle vers 12h20. En arrivant, elle entend des bruits d’eau. Elle sort dehors et voit de l’eau s’accumuler de l’autre côté de la rue. Elle appelle trois fois au numéro 311, soit le service d’urgence de la Ville.

[41]     L’appel de madame Marcoux à la Ville est noté à la demande de service du 8 novembre 2012 ( D-36 ). Il est indiqué à cette demande de service sous l’item «  commentaire  »  :

«   Travaux terminés : bris de conduite face au 12156 rue De La Gauchetière, réparé le 8 novembre 2012. Réclamation à venir au 12156 rue De La Gauchetière  » .

[42]     Après 30 minutes d’attente environ, comme madame Marcoux voyait l’eau monter sur son terrain, ne prenant pas de chance, elle a aussi appelé les pompiers. À ce moment, l’eau n’était pas encore entrée dans sa maison.

[43]     Finalement, l’eau rejoint ses escaliers et envahit le sous-sol.

[44]     Les pompiers seraient arrivés avant les employés de la Ville et sont intervenus pour limiter les dégâts.

[45]     Selon les photos D-32 en liasse , 1 et 2, le puisard est situé un peu à droite de l’entrée de la maison de madame Marcoux.

[46]     Cette dernière témoigne que le canal était bloqué par des feuilles.

[47]     Elle décrit que le trottoir devant chez elle est bas et incliné vers la maison. Elle souligne que le carré de son escalier s’est rempli d’eau comme une piscine.

[48]     Son quartier à Pointe-Aux-Trembles est plein d’arbres et à cette période de l’année, soit au mois de novembre, les feuilles jonchent les terrains et la rue.

[49]     Selon madame Marcoux, les camions balaient les feuilles dans les rues, mais ils s’arrêtent sur le canal de telle sorte que les feuilles s’y accumulent.

[50]     Le sous-sol de la maison de madame Marcoux aurait été inondé d’un pied d’eau, ce qui a occasionné des dommages importants, lesquels sont d’ailleurs admis à 48 200 $.

[51]     Les employés de la Ville ont réparé la conduite d’eau dans la matinée du 8 novembre 2012.

[52]     Madame Marcoux témoigne que le matin du 8 novembre 2012, un employé de la Ville lui aurait dit de ne pas s’en faire, que la Ville lui paierait les dommages subis.

[53]     Madame Marcoux témoigne qu’elle ne portait pas attention aux puisards entre l’année 2009, date de son arrivée dans le quartier et 2012, ce qu’elle fait par ailleurs depuis que sa maison a été inondée. Elle s’est plaint à la Ville à deux reprises que les puisards étaient obstrués de feuilles. En octobre 2013 et juillet 2014.

[54]     Un des voisins de madame Marcoux, M. St-Amand, qui réside au 12124, rue De La Gauchetière s’est plaint le 1 er novembre 2012 à la Ville que le balai était passé cette journée sans par ailleurs ramasser les feuilles en bordure de la rue.

[55]     La plainte de M. St-Amand se lit comme suit :

«  Le balai est passé aujourd’hui et il ne ramasse pas les feuilles sur le bord, il les contourne. Mon voisin envoie ces feuilles dans la rue et le balai ne les ramasse pas et elles s’envolent sur mon terrain. J’ai 82 ans, et je nettoie mon entrée afin de faciliter la tâche du balai, mais lui ne fait pas sa job. Il se promène dans la rue sans rien ramasser. Je suis tanné de ramasser les feuilles des voisins.

Client : St-Amand, René, 01-novembre-2012 15h22:07, rapport créé le 12 novembre 2012, produit sous D-34 . »

[56]     En défense, la Ville a fait entendre les témoins suivants :

o   M. Robert Bouchard RDP-PAT, chef de section au service d’aqueduc et égout ;

o   M. Frédéric Rubin-Delanchy de NORDIKEAU INC., directeur administratif impliqué dans le contrat d’inspection et d’auscultation des bornes-fontaines ;

o   M. Paolo Teixeira, chef de section travaux publics, RDP-PAT, il supervise le travail de deux contremaîtres de l’entretien du réseau d’aqueduc et d’égout ainsi que les rues et trottoirs ;

o   M. Normand Hachey, directeur du plan d’intervention, service de l'eau depuis 2007 ;

o   M. Abdelwhaid Bekkouche, chef de division, direction stratégique des réseaux d'eau ;

o   M. Jean Lamarre, ingénieur, chef de division de l’optimisation du réseau d’aqueduc ;

o   M. Jacques Pharand, ingénieur, responsable du contrôle de la qualité des matériaux ;

[57]     Le Tribunal retient de leur témoignage respectif les faits pertinents suivants.

[58]     Monsieur Robert Bouchard ( «  M.  Bouchard  ») est chef de section au service d’aqueduc et égout et il travaille à la Ville depuis 25 ans.

[59]     Une de ses tâches est de voir à l’entretien de toutes les conduites d’aqueduc et d’égout.

[60]     Il agit aussi à titre de superviseur lorsque survient un bris.

[61]     Le 8 novembre 2012, il prend connaissance du rapport du patrouilleur qui fait état d’une fuite majeure survenue dans la nuit du 7 au 8 novembre 2012, entre la 13 e et la 14 e avenue, tel qu’il appert du rapport journalier des activités ainsi que les documents opérationnels concernant cet événement, le tout produit en liasse sous D-1 .

[62]     Il appert de la page 1 de ce document qu’un employé de la Ville serait arrivé sur les lieux de l’incident vers 1h45 et aurait quitté à 2h45. Cet employé a localisé une fuite des deux côtés de la rue face au 12174 et 12175, rue De La Gauchetière. La pression de l’eau aurait été baissée.

[63]     Il est indiqué au rapport : «  Pour la technique, pour une fuite à localiser sur la conduite.  » ( D-1 , page 2)

[64]     On note également : « Beaucoup de feuilles sur puisard » et l’employé responsable indique que la vanne est craquée sur le tuyau de la rue De La Gauchetière.

[65]     Enfin, à la page 9 des documents opérationnels, il est noté :

« 12156 De La Gauchetière : infiltration d’eau au sous-sol dû au bris de conduite et puisard bloqué par les feuilles.  »

[66]     M. Bouchard témoigne que son premier réflexe est d’aller lui-même vérifier ce bris et il a décidé «  de travailler sur ce bris là  » .

[67]     M. Bouchard retourne donc au bureau et demande à M. Collin de faire la demande d’arrêt des utilités publiques (Bell, Hydro-Québec, etc.) et fait une demande de travail pour envoyer son équipe faire les travaux requis.

[68]     Selon la demande de travail ( D-1 , page 3), il est indiqué que la nature du bris est due à un «  éclat  » et que la cause est un «  coup de bélier  ».

[69]     Il est aussi noté à la page 6 que l’équipe était sur place à 8h36 pour dresser leur schéma de coupe et fermer la conduite.

[70]     M. Bouchard aurait fait trois visites de supervision. La première à 5h15, la deuxième à 9h00 et la troisième à 13h30. Lors de cette dernière visite, M. Bouchard aurait rencontré madame Marcoux chez elle.

[71]     Une photo des lieux a été prise par la Ville le 8 novembre 2012 ( D-32 ). On voit des feuilles autour du puisard.

[72]     M. Bouchard témoigne qu’un seul bris est survenu sur le tronçon entre la 13 e et la 14 e avenue, pour la période comprise entre 2008 et 2012. Il rapporte que les bris sont plutôt survenus à l’extrémité de l’arrondissement, beaucoup plus à l’est que le secteur où habite madame Marcoux.

[73]     Aussi, il y a eu beaucoup de gainage dans ce secteur, le gainage étant une technique de protection de la tuyauterie utilisée à titre de prévention.

[74]     Selon M. Bouchard, la Ville assure l’inspection du réseau d’aqueduc et d’égout par :

· une inspection des bornes-fontaines (à contrat) ;

· l’inspection des vannes et des chambres de vannes ;

[75]     À chaque fois que survient un bris, le service des travaux publics a le devoir d’effectuer les réparations conjointement avec les entrepreneurs.

[76]     L’inspection des vannes et des chambres de vannes est faite annuellement. Un secteur est ciblé et, après un an, le secteur a été couvert au complet, et le tout est recommencé l’année suivante.

[77]     Pour les bornes-fontaines, les services d’un entrepreneur sont retenus pour faire de l’écoute « pour ausculter les conduits. » À partir du moment où on entend un son, il est alors noté qu’il y a possibilité de fuite et on demande au dépisteur de faire une recherche de fuites.

[78]     Un rapport de toutes les anomalies sont relevées lors de l’inspection, puis un triage est fait et « on place par ordre de priorité. »

[79]     Selon D-1 (page 1), la fuite du 8 novembre 2012 est qualifiée de « fuite pavage majeure ».

[80]     D’après ce qu’a constaté M. Bouchard, l ’eau sortait et le pavage était soulevé de 4-5 pouces.

[81]     M. Bouchard sait que les pompiers se sont rendus sur place dans la nuit, mais il ne les aurait pas vus.

[82]     Quand M. Bouchard est arrivé sur place, le patrouilleur avait réduit la pression de l’eau et « la fuite était un peu contrôlée. »

[83]     Lors du contre-interrogatoire, M. Bouchard précise que la conduite en question n’avait pas été gainée.

[84]     Quant à la cause du bris, M. Bouchard indique que son associé a présumé qu’il s’agissait d’un «  coup de bélier  », c’est-à-dire, que survient un déplacement d’eau et qu’il y a reprise soudaine de pression, c’est un «  coup de bélier  ».

[85]     La section brisée des tuyaux a été coupée et réparée avec un manchon et quatre joints.

[86]     M. Bouchard évalue qu’environ « 70 bris comme celui-ci surviennent par année dans l’arrondissement. »

[87]     M. Bouchard précise que l’entretien des vannes ne permet pas d’empêcher un bris sur une conduite d’aqueduc à proximité.

[88]     M. Frédéric Rubin-Delanchy ( « M.  Rubin-Delanchy  ») est directeur administratif pour Nordikeau et s’occupe plus particulièrement de l’ inspection des bornes-fontaines.

[89]     Les fuites sont recherchées en auscultant les bornes-fontaines et un rapport est fait annuellement pour indiquer le nombre de fuites qui ont été localisées.

[90]     Aussi, le 21 avril 2008, 145 bornes d’incendie ont été écoutées et huit fuites ont été localisées et identifiées sur les croquis joints au rapport ( D-16 ).

[91]     Nordikeau produit également une liste de fuites potentielles suite à l’inspection des bornes d’incendie, tel qu’il appert des rapports pour l’été 2010 ( D-18 ), l’été 2011 ( D-19 ) et l’été 2012 ( D-20 ).

[92]     Une représentation graphique des possibilités de fuites est également jointe au rapport.

[93]     La borne incendie qui est à proximité d’où l’incident est survenu porte le numéro d’inventaire #53926, mais a été remplacée le 8 août 2011 par une nouvelle qui porte depuis le 21 janvier 2013 le numéro d’inventaire #102976. La borne #102976 a été installée au même emplacement que la borne #53926 ( D-33 ).

[94]     Ces rapports sont remis aux arrondissements .

[95]     M.  Rubin-Delanchy précise que lors de l’auscultation, il y a toujours une part d’aléatoire indiquant que s’il y a un bruit, il n’y a pas nécessairement de fuites, mais que s’il n’y a aucun son, il est fort probable qu’il n’y a pas de fuites.

[96]     Par ailleurs, dans l’élaboration du rapport, il est prévu que dans le doute, il y aura indication de possibilité de fuites.

[97]     Les données sont uniquement prises à la borne-fontaine et non sur la conduite, puisque « ce n’est pas son travail de vérifier si la conduite est défectueuse. »

[98]     Monsieur Paolo Teixeira ( « M.  Teixeira  ») est chef de section des travaux publics. Il travaille à la Ville depuis 22 ans. Il supervise le travail de deux contremaîtres de l’entretien du réseau d’aqueduc et d’égout, des trottoirs, des ordures, etc. qui eux supervisent entre 15 et 20 employés.

« Nous on est responsables des réseaux.  »

[99]     Concernant le réseau d’aqueduc, M.  Teixeira  décrit qu’il s’agit d’une conduite au centre de la rue, munie de vannes qui permettent d’ouvrir et fermer l’eau. Il y a environ 2,000 vannes sur le réseau.

[100] Son équipe supervise également les entrées de service des résidants.

[101] Le réseau d’aqueduc comprend également les bornes-fontaines.

[102] Dans ce dossier, c’est une conduite de fonte de huit pouces qui se rend au tuyau du central qui s’est brisée.

[103] Le travail de la section des travaux publics de la Ville est encadré par la division de la gestion stratégique des réseaux et de l’entretien ( DGRSE) qui a vu le jour en 2005.

[104] La DGRSE a pour objectif de soutenir et d’améliorer les réseaux, de bonifier les efforts d’entretien et de revoir la gestion du territoire pour l’aqueduc et l’égout.

[105] Cette division offre des services à l’ensemble des arrondissements de la Ville.

[106] RDP-PAT relève de l’unité Est.

[107] Cette division s’intéresse exclusivement à la surveillance et l’entretien du réseau d’aqueduc et d’égout. Elle a deux mandats :

1.      Le renouvellement du réseau :

·       un volet préventif (recherche et développement) ;

·       un volet renouvellement (travaux de reconstruction, réhabilitation, etc.) ;

2.      L’entretien du réseau :

·       intervenir auprès des arrondissements pour les aider à augmenter l’entretien effectué sur le réseau d’aqueduc et d’égout et les aider en bonifiant ce qui est déjà fait à l’arrondissement ; 

[108] Selon M. Teixeira, la DGRSE voit également à l’instauration des pratiques suivantes auprès du réseau d’aqueduc, avec les arrondissements :

1.       instauration d’un programme de recherche de fuites, dont par auscultation des bornes-fontaines, l’objectif est de couvrir au moins une fois le territoire de l’arrondissement par année et cet objectif serait atteint par RDP-PAT depuis 2008.

2.       instauration d’un programme annuel d’entretien des vannes d’eau de l’arrondissement ;

3.       instauration d’un programme de nettoyage des puisards ;

4.       instauration d’un programme de nettoyage des conduites d’égouts.

[109] La DGSRE, unité Est, s’occupe d’accorder des fonds supplémentaires à l’arrondissement RDP-PAT afin de bonifier le budget de cet arrondissement pour améliorer l’entretien des réseaux d’aqueducs et d’égouts ( D-15 ).

[110] Au total, depuis 2006, la somme de 16 193 283 $ a été consacrée par l’arrondissement (13 254 921 $), avec l’aide de la DGSRE (2 938 362 $) pour l’entretien d’aqueduc et l’égout.

[111] À ce montant, il faut ajouter les 42 000 000 $ investis par la DGSRE pour la réhabilitation et la reconstruction des réseaux d’aqueducs et d’égouts.

[112] M. Teixeira précise en fait que c’est la DGSRE qui s’occupe des budgets.

[113] Aussi, chaque fois que survient un bris, le rapport du détail d’intervention est envoyé au DGSRE (dans ce cas-ci, D-1 , pages 7 et 8) pour constituer une base de données qui donne un portrait de l’état du réseau. Lorsque trois bris par kilomètre par année auront été enregistrés, il pourra y avoir réfection du tronçon affecté.

[114] M. Teixeira explique que la cause du bris ici est un «  coup de bélier », dû à la fragilité de la conduite. Or, s’il survient plusieurs bris de cette nature dans la même année, la conduite en serait d’autant plus fragilisée et donc « on va pousser pour du gainage ».

[115] Concernant l’entretien des 14,000 puisards de l’arrondissement, ces derniers sont nettoyés suivant un programme triennal sauf certains endroits plus passants où le nettoyage est fait tous les ans.

[116] Quant aux bornes-fontaines, l’entretien est assuré par l’écoute effectuée par Nordikeau qui transmet son rapport à la DGSRE.

[117] L’entretien des rues est fait une fois par semaine. Un camion muni d’un balai ramène les résidus lesquels sont ensuite aspirés.

[118] Les feuilles sont ramassées une fois par semaine à cette période de l’année.

[119] Si au cours de cette même période il y a un amoncellement plus intense de feuilles, le balai passe toujours une journée par semaine, mais « on refait le nettoyage ». Si des résidants se plaignent à cause des feuilles, le contremaître ira sur place valider la nature de la plainte.

[120] Dans le secteur du 12156, rue De La Gauchetière, M. Teixeira relève deux plaintes de madame Marcoux après l’incident et une plainte de M. St-Amand du 1 er  novembre 2012.

[121] L’arrondissement RDP compte 455 kilomètres de rues et est le deuxième plus grand arrondissement.

[122] D’après les rapports de suivi des opérations du service des travaux publics et de l’environnement ( D-2 en liasse ), il ressort que les 15, 22 et 29 octobre, le nettoyage du parcours n’a pu être terminé dû à l’accumulation de feuilles.

[123] Monsieur Normand Hachey (« M. Hachey »), ingénieur civil, est directeur du plan d’intervention ( P-I ) pour établir les priorités d’intervention.

[124] M. Hachey travaille pour la gestion du remplacement et de la réhabilitation des réseaux en collaboration avec les arrondissements.

[125] Son mandat est d’implanter une meilleure gestion aux quatre unités suivant un plan directeur basé sur les études hydrauliques ainsi que les détections de fuites systématiques.

[126] Son défi est de fournir aux unités de gestion les outils pour optimiser le plan directeur.

[127] M. Hachey supervise le plan d’intervention depuis 2007.

[128] C’est en novembre 2004 que la Ville a retenu le Groupement CGT pour la réalisation du plan d’intervention, tel qu’il appert de la résolution du Comité exécutif du 19 janvier 2005 ( D-27 ).

[129] Le Comité exécutif autorise une dépense de 30 699 159,13 $ pour la mise en œuvre d’un plan d’intervention des réseaux d’aqueducs et d’égouts de l’ensemble du territoire de la Ville pour une période de 10 ans de 2005 à 2014.

[130] Pour réaliser le plan d’intervention, il y eut :

1.     Une prise de connaissance du réseau, soit 125,000 plans pour créer une représentation numérique ;

2.     Une inscription des caractéristiques physiques des conduites, soit la longueur, la dimension, la géo-localisation, etc., pour ainsi obtenir une première base numérisée du réseau afin de gérer les activités d’entretien pour l’avenir ;

[131] M. Hachey produit le plan de numérisation du réseau d’aqueducs et d’égouts de la rue De La Gauchetière, de la 12 e avenue à la 18 e avenue ( D-26B ) ainsi que le plan d’aqueduc pour la pose de conduite d’eau le 27 octobre 1958 ( D-26A ), sur lequel apparaît le résultat de tests de pression effectués avant de remblayer.

[132] Ces tests sont faits pour s’assurer qu’il n’y a pas de fuites de la conduite préalablement au remblai.

[133] La numérisation a pris trois ans.

[134] Pour mettre sur pied ce plan d’intervention, il fallut :

1)déterminer les indicateurs de gestion ;

2)hiérarchiser les réseaux (en lien avec l’impact) ;

3)déterminer les stratégies des interventions au niveau des coûts et améliorer les niveaux de services.

[135] En 2007, il y eut création d’un plan d’intervention partiel.

[136] En 2008, production d’un rapport d’une stratégie d’auscultation.

[137] En 2009, compilation d’un premier bilan d’état global des actifs.

[138] En 2010, création d’un premier plan d’intervention pour le réseau de l’eau.

[139] En 2012, mise sur pied d’un plan d’intervention intégré aux voiries.

[140] Aussi, selon M. Hachey, toutes ces démarches ont été effectuées pour « s’assurer quand on recommande une intervention que c’est optimal au niveau des coûts et ce que cela représente pour les citoyens. »

[141] Si un plan d’intervention partiel a été mis sur pied en 2007 ( D-24 ), c’est qu’en octobre 2005, le ministère des Affaires Municipales (le MAMR) a déposé un guide et obligé les municipalités à faire un plan pour avoir accès aux programmes de subventions mises en place par le gouvernement provincial pour aider les municipalités.

[142] Le MAMR demandait en fait aux municipalités de démontrer qu’elles faisaient de la gestion d’actifs et qu’elles établissaient des priorités.

[143] M. Hachey témoigne qu’un allègement fut demandé pour la Ville vu la longueur et la complexité à son réseau.

[144] Le guide d’implantation du plan d’intervention fournit par le MAMR prévoit les indicateurs, qui sont :

1)la hiérarchie en fonction de l’impact et de la densité de la population due à l’emplacement ;

2)l’état des réseaux (taux de bris, âge, matériaux) ;

3)les plaintes de refoulement, la qualité et la couleur de l’eau ;

[145] Le ministère demandait d’établir une pondération en fonction justement de l’âge, des matériaux, du nombre de réparations, du taux de bris, des déficiences fonctionnelles ce qui donnait une pondération de 1 à 1,000. M. Hachey explique :

« On fait une cote d’état global qui établit le pointage et identifie les sections critiques. Plusieurs conduites ont le même pointage. Plusieurs conduites sont au même niveau. Plusieurs conduites sont critiques. Les unités de gestion vont déterminer l’ordre et la ville a commencé à changer les réseaux en 2007. »

[146] Aussi, lorsque surviennent trois bris par kilomètre par année, la situation est jugée critique, et la ville aurait droit à une subvention du MAMR. M. Hachey qualifie cette norme de règle de l’art.

[147] Il élabore en ajoutant : 

« Si on dit que la conduite a une durée de vie de 100 ans, on tolère trois bris par kilomètre par année où là elle a atteint la fin de sa durée de vie utile. On ne change pas de conduite si elle ne brise pas. »

[148]  Ensuite, la Ville produit un plan d’intervention en 2010, appelé « plan d’intervention eau. »

[149] Ce plan a été fait en fonction d’éléments déclencheurs. Dès qu’un taux de bris devenait problématique, on prévoit éventuellement changer, mais avant la conduite sera réparée.

« On ne souhaite pas donner à un niveau de service parfait, car les villes doivent maintenir un niveau de taxation raisonnable. »

[150] En 2010, M. Hachey témoigne que sa division obtient le mandat d’inclure les actifs de la voirie.

[151] Aussi, actualisant le PI-EAU et y ajoutant les actifs de voirie, un outil complet est créé afin d’identifier pour la période de 2011 à 2015 une liste de tronçons de rues à prioriser.

« Il y a une priorité accrue aux réseaux critiques sur les rues critiques. »

[152] Une bonification est donc ajoutée aux PI-EAU sous la forme d’un logiciel d’aide à la décision (SIAD) la méthodologie de base du plan d’intervention intégré ou PII est celle développée par le MAMR où quatre indicateurs de déficiences ont été déterminés pour l’analyse des conduites d’eau potable ( D-25 , page 28) :

1.     le taux de réparations (critères imposés par le MAMR) ;

2.     l’indice de fragilité ;

3.     la hiérarchisation ;

4.     Les déficiences fonctionnelles (basse pression, possibilité des entrées de service en plomb et plaintes de qualité d’eau) ;

[153] Pour M. Hachey, les critères seuils pour le réseau d’aqueduc sont les taux de bris.

[154] L’âge ou les matériaux seraient de moins en moins considérés, car l’expérience aurait démontré qu’une même conduite peut se comporter différemment.

[155] Le SIAD est un logiciel qui peut par simulation identifier des tronçons qui devront faire l’objet d’une analyse plus poussée par les unités de la DGSRE afin de prioriser les travaux qui devront être effectivement réalisés.

[156] Le SIAD permet d’utiliser plusieurs scénarios selon lesquels on entre des données tels l’âge, le cycle de vie, les coûts, s’il s’agit de coûts intégrés, pour obtenir des simulations.

« On fait des projections dans le temps selon la courbe de dégradation normale qui n’est pas une détérioration nécessairement linéaire ce qui permet de voir ce qui risque d’arriver. »

[157] Il s’agit d’une « démarche de probabilités, mais avec laquelle on a un bon taux de succès sur un réseau. »

[158] Ces simulations peuvent être représentées sur une carte, tel qu’il appert du plan D-12A et D-12B qui est en fait l’agrandissement de la carte D-12A .

[159] Le SIAD ne peut prévoir l’endroit précis des prochains bris ( D-25 , page 59), mais par ailleurs, les résultats de projection du SIAD pour RDP-PAT en termes d’intervention 0-5 ans, que ce soit en réhabilitation ou reconstruction sert donc de guide pour prioriser les travaux.

[160] Aussi, d’après les résultats du SIAD, le tronçon de la rue De La Gauchetière entre la 15 e et 18 e avenue est identifié comme un tronçon où la Ville doit intervenir alors que celui sur la rue De La Gauchetière entre la 13 e et 14 e avenue ne l’est pas.

[161] Aussi, la Ville a commencé son travail en 2005, mais entre 1958 et 2005, M. Hachey ne sait pas quelle stratégie de dépistage a été utilisée. Il précise cependant qu’historiquement la Ville a toujours fait de l’inspection de fuites, mais elle ne sait pas de quelle façon le tout était suivi.

[162] Selon le bilan d’état global de 2009 ( D-22 et D-23 ), qui est un rapport qui réfère à l’état général des réseaux d’eau de la Ville  et à l’entretien qui doit être réalisé à PAT, les directeurs de travaux publics constatent que : « l’état des actifs du réseau s’est détérioré malgré une augmentation des investissements en entretien. »

[163] Commentant le critère imposé par le MAMR d’intervenir lorsque trois bris par kilomètre par année ont été atteints, M. Hachey précise qu’effectivement « après trois bris, le niveau de service est atteint. »

[164] M. Hachey qualifie cette façon de procéder de la « meilleure stratégie possible au meilleur coût possible. »

[165] La Ville effectue deux fois plus de réhabilitations que de remplacements de conduites. M. Hachey explique qu’il y a beaucoup moins d’impact social pour les résidants quand on réhabilite. On ne peut se permettre de faire de la reconstruction partout. »

[166] Quand un bris survient, la Ville intervient et, à ce moment, remplace un bout de conduite ou un manchon.

[167] M.  Bekkouche, chef de division, direction stratégique des réseaux d’eau depuis 2008 est responsable du renouvellement et de la réhabilitation du réseau ainsi que de son entretien.

[168] Le mandat de M.  Bekkouche est de renouveler le réseau, c’est-à-dire, le réhabiliter ou le changer dépendant des situations et ainsi voir à la « mise à niveau du réseau.  »

[169] Il doit aussi collaborer avec les arrondissements à l’entretien du réseau d’aqueduc et d’égout.

[170] Il y a depuis 2008 une entente de partenariat avec les arrondissements et, jusqu’à 2009, il y eut prise de connaissance des réseaux.

« On voulait se rapprocher le plus possible. Avec l’écart, on essayait de se rapprocher de plus en plus avec les années des règles de l’art des meilleures pratiques et il y eut identification des cinq objectifs principaux. »

[171] M.  Bekkouche témoigne «  qu’un bon réseau c’est un réseau entretenu, et pour l’entretenir, le premier objectif est donc de d’abord de réparer les fuites. »

[172] Les cinq objectifs principaux sont les suivants :

1.     réparation des fuites ;

2.     inspection des bornes chaque année ;

3.     inspection des vannes du réseau ;

4.     nettoyage des puisards d’égouts une fois aux trois ans ;

5.     nettoyage d’égouts pour améliorer les conditions structurales.

[173] Il a fallu cibler les endroits essentiels. Au début, la Ville ne disposait pas de beaucoup d’outils. Donc, on a informatisé le réseau à partir de 2006.

[174] Le budget de la DGSRE provient de la taxe d’eau qui est utilisée en fait pour payer les salaires.

[175] Quant au renouvellement des conduites, le budget provient des subventions de divers paliers de gouvernement. La Ville a recours à des emprunts.

[176] Le budget de renouvellement du réseau d’aqueduc et d’égout est de 42 000 000 $ et le total investi pour 2012 concernant les activités d’entretien serait de 16 193 283 $.

[177] Basé sur l’historique d’intervention du réseau d’aqueduc ( D-14 ), le résultat commence à se voir.

[178] En 2009, on enregistre 79 bris alors qu’en 2012, ces bris sont au nombre de 46. Il s’agit en fait du bilan de cinq années de réhabilitation de RDP-PAT.

[179] Selon M.  Bekkouche, sur le réseau total, la Ville a renouvelé 1 % du réseau pour pouvoir renouveler en 100 ans.

[180] Or, en choisissant de réhabiliter, la Ville vise plutôt couvrir son territoire en 50 ans.

[181] Cette nouvelle technique permet de renouveler en réhabilitant au moyen de gaine. Le renouvellement se fait plus vite et la Ville compte ainsi gagner 50 ans.

[182] Concernant le dépistage de fuites, M.  Bekkouche réitère que faire de l’écoute est le moyen le plus facile et le plus accessible.

[183] L’ensemble des bornes est donc ausculté et si on identifie une fuite, la Ville creuse pour y remédier.

[184] M.  Bekkouche témoigne également d’un autre moyen pour dépister des fuites, soit l’auscultation d’un tronçon d’égout. Comme l’égout est sous la conduite d’eau, dès qu’une infiltration d’eau apparaît dans l’égout, il avertit l’arrondissement où se situe l’auscultation.

[185] En fin d’année 2013, la Ville aurait inspecté 70 % de son réseau d’égout.

[186] La division de M. Hachey élabore un plan d’intervention théorique alors que celle de M. Bekkouche l’analyse afin d’établir :

1.          quels sont les tronçons qui nécessiteraient une intervention ?

2.          quel type d’intervention est requis ? (réhabilitation, reconstruction, reconstruction ponctuelle, etc.)

[187] Les critères d’analyse permettant de planifier les interventions sur le réseau d’aqueduc sont les suivants, selon M. Bekkouche :

1)historique de bris de la conduite : Sur un tronçon entre deux intersections (environ 200 mètres), cela ne doit pas dépasser trois bris par 200 mètres par cinq ans ;

2)l’emplacement de la conduite par rapport à l’environnement de la conduite soit si à proximité d’un hôpital, d’une école ou en présence d’un réseau souterrain ;

3)l’urgence à intervenir quand il y a possibilité de coordonner la réparation ou le remplacement avec un projet de réfection routière à venir :

« À partir de listes du plan d’intervention, mon équipe choisie les tronçons avec le guide du ministère. Lorsque survient un bris, il est analysé pour savoir s’il respecte le niveau de service, c’est-à-dire, trois bris par kilomètre par année. »

[188] Il faut noter ici que M. Bekkouche témoigne que ce critère est plutôt calculé sur une base de 200 mètres, donc le niveau de service est atteint lorsque surviennent trois bris par tronçon de 200 mètres sur une période de cinq ans.

[189] Si tel est le cas, la reconstruction sera envisagée si l’égout doit également être changé ou sinon, on parle plutôt de réhabilitation.

[190] Avec le budget disponible, M. Bekkouche témoigne que cette division établit des listes :

« Cela va plus vite en planification si on fait de la réhabilitation. Moi, j’ai géré le contrat de 2006 à 2012 et on a effectué de 25 à 30 kilomètres par année de conduite en réhabilitation. C’est une technique assez récente qui a débuté en 2000 au Québec.  »

[191] M. Bekkouche témoigne que le premier critère qui guide leur décision, c’est le budget.

« C’est sûr que les budgets ont augmenté considérablement ces dernières années. La liste des projets qui doivent être faits doit rentrer dans le budget. »

[192]   M. Bekkouche mentionne également qu’ils veulent éviter les congestions dans les vieux quartiers :

« On veut éviter d’ouvrir toutes les rues et ainsi bloquer l’accessibilité aux commerces, etc. »

[193] La capacité du marché de soumissionnaires d’entrepreneurs disponibles est également un élément à considérer pour le choix d’une intervention.

[194] Le plan D-13A montre l’ensemble des travaux effectués dans l’arrondissement RDP-PAT à compter de 2006. On y voit les réseaux réhabilités, ceux reconstruits ainsi que les travaux à venir.

[195] Le plan D-13B montre l’ensemble des travaux effectués de 2006 à 2014 et d’après ce plan, aucun bris n’est répertorié sur la rue De La Gauchetière, entre la 13 e et la 14 avenue.

 

 

Voir plan D-13B reproduit à la page 21

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[196] Lorsqu’on fait remarquer à M. Bekkouche que la majorité des conduites sont réhabilitées dans le secteur environnant de la 13 e et la 14 avenue et qu’on lui demande s’il peut arriver de faire abstraction des critères et de réparer partout, M. Bekkouche répond par la négative :

« C’est pas dans nos priorités. Elle (la conduite) n’apparaîtra pas. »

« On ne réparera pas le quartier. On ne dérogera pas des projets. Cela prend trois bris par cinq années. »

[197] À la question : « Un citoyen pourrait subir trois bris en cinq ans et des inondations ou des dommages par l’eau et vous ne changeriez pas la conduite ? »

[198] M. Bekkouche répond :

« C’est une question de priorisation dans tout il y a une notion de gestion de risque … On y va avec l’aspect technique du projet, mais aussi il y a les contraintes budgétaires. »

[199] C’est à partir de 2001 que la Ville a pris connaissance des déficits. Avant 2001, M. Bekkouche ne sait pas s’il y avait une stratégie d’entretien.

« Je ne sais pas. Il y avait des priorités. Les élus avaient d’autres priorités. »

[200] M. Jean Lamarre ( « M. Lamarre »), chef de division pour l’optimisation du réseau d’aqueduc pour la Ville témoigne de la mise sur pied du programme de sectorisation pour augmenter la durée de vie du réseau.

[201] L’idée est de maintenir la même pression en tout temps et éviter les «  coups de bélier.  » « C’est là qu’il y a un gain sur la tuyauterie, car pour l’aider et augmenter sa durée de vie. En Amérique du Nord, ce n’est pas fréquent le programme de sectorisation. L’idée vient d’Europe.  »

[202] Le plan d’implantation de la stratégie d’optimisation du réseau du 1 er janvier 2014 est produit sous D-29 .

[203] Les secteurs visés sont ceux les plus vieillissants pour aller chercher le plus de bénéfices.

[204] Après étude de 15 secteurs environ, les travaux de sectorisation seront entrepris cette année à Côte St-Luc, NDG, Pierrefonds-Roxboro et l’année prochaine à Pointe-aux-Trembles.

[205] Depuis la naissance officielle du projet d’optimisation, M. Lamarre a donné des conférences lors de divers congrès puisqu’il s’agit d’un projet relativement nouveau en Amérique du Nord.

[206] La preuve révèle que la stratégie pour l’optimisation du réseau a été présentée au conseil en 2012 et l’étude complétée sur le terrain a également été faite en 2012, donc après 2008.

[207]   M. Jacques Pharand ( « M. Pharand »), ingénieur civil, travaille au contrôle de qualité du produit.

[208]   M. Pharand est arrivé en 2006 à la Ville au contrôle de qualité et est donc familier avec les tests de qualité de béton pratiqués à compter de 2006.

Discussion et jugement

a)      Le bris d’aqueduc

          i. L’absence de faute

[209] Il est admis que le 8 novembre 2012, des dommages ont été causés à l’immeuble et aux biens appartenant à madame Marcoux suite au bris de la conduite d’aqueduc de la rue De La Gauchetière, entre la 13 e et la 14 e avenue.

[210] Cette conduite étant la propriété de la Ville, l’article 1465 C.c.Q.  s’applique et crée une présomption de faute.

[211] La Ville a-t-elle réussi à repousser cette présomption ?

[212] La Ville argumente qu’elle a pris les moyens raisonnables disponibles à l’époque des événements qu’aurait pris une personne prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances.

[213] Elle ajoute que les opérations de réhabilitation ou de reconstruction résultant de la surveillance du réseau d’aqueduc sont ordonnées en priorité en respectant :

1)la capacité de payer des Montréalais;

2)le nombre limité d’entrepreneurs ;

3)la capacité du réseau routier à absorber les dérangements occasionnés par les travaux ;

[214] Un programme de subvention a été mis en place par le gouvernement du Québec parce que toutes les municipalités vivraient la même problématique.

[215] Par ailleurs, la Ville se distinguerait des autres municipalités parce qu’elle a en plus adopté une taxe d’eau pour bonifier le budget consacré à l’amélioration de son réseau.

[216] Aussi, la Ville argumente que comme toutes les municipalités, elle a pris des mesures pour assurer l’entretien de son réseau. Elle qualifie ces mesures de meilleures pratiques dans le domaine.

[217] Cette dernière serait un chef de file en réhabilitation de conduites d’aqueducs ayant développé la technique de gainage, ce qui permettrait de changer tout le réseau d’aqueduc en 50 ans au lieu de 100 ans.

[218] La Ville argumente que si on ne tient pas compte de tous les efforts faits, qu’on lui imposerait alors une présomption de responsabilité.

[219] Aussi, selon la Ville, la décision de monsieur le juge Godbout invoquée par Coseco dans Axa assurances inc. c. Charlesbourg (ville de) et Marc J. Oppenheim [4] devrait être écartée parce que ce dernier condamne la ville de Charlesbourg ayant appliqué erronément une présomption de responsabilité.

[220] Selon la Ville, une preuve aussi abondante que celle présentée en l’espèce n’a jamais été administrée devant un tribunal.

[221] La Ville a fait entendre plusieurs témoins qui ont brossé un tableau fort détaillé de son plan d’intervention en collaboration avec le ministère.

[222] La preuve révèle que c’est le gouvernement qui a demandé aux municipalités de prendre des mesures pour assurer l’entretien de leur réseau d’aqueduc et qui a mis sur pied un programme de subvention.

[223] Aussi, en 2005, la Ville a créé une unité dédiée à l’eau. La DGRSE voit le jour et elle instaure divers programmes, recherches de fuites, inspection des bornes-fontaines, entretien annuel des vannes d’eau, nettoyage des puisards, nettoyage des conduites d’eau.

[224] La Ville argumente qu’il s’agit des meilleures pratiques ajoutant que depuis la mise en place des programmes d’intervention, le nombre de bris auraient chuté.

[225] Effectivement, les résultats tendent à démontrer l’efficacité des démarches entreprises en 2005 par la Ville.

[226] Mais est-ce que les mesures mises en place par la Ville en 2005 constituent les meilleures pratiques en matière d’entretien d’un réseau d’aqueduc ?

[227] Certes, M. Hachey témoigne qu’un bon entretien du réseau commence par le dépistage de fuites qu’il faut nécessairement réparer.

[228] Aussi, selon M.  Bekkouche , le taux de réparation (réhabilitation ou remplacement) de trois bris par 200 mètres par cinq ans constitue la règle de l’art en pareille matière.

[229] Or, aucune preuve n’a été faite par un expert indépendant qu’il s’agit effectivement des meilleures pratiques d’entretien d’un réseau d’aqueduc et que ce taux de réparation constitue la règle de l’art.

[230] Comment une ville comparable à Montréal entretient-elle son réseau d’aqueduc à compter de son installation ?

[231] Cette preuve n’a pas été faite.

[232] La preuve est aussi silencieuse concernant les mesures prises par la Ville avant  2005 pour entretenir le réseau d’aqueduc.

[233] En fait, personne n’était au courant de la stratégie d’entretien avant 2005. Ce qu’il ressort de la preuve c’est que la Ville accuse du retard et il faut mettre le réseau à niveau.

[234] Le Tribunal comprend des divers témoignages que le réseau d’aqueduc de la Ville est vaste et comme l’ensemble du réseau souffre d’un manque d’entretien depuis plusieurs années, la tache est importante. Il y a d’innombrables bris à colmater et il faut établir un ordre de priorité.

[235] Aussi, pour le Tribunal, le taux de bris requis avant de réhabiliter ou de changer une conduite est plutôt un indicateur imposé par le gouvernement pour réguler et contrôler la distribution des subventions de la municipalité qu’une règle de l’art en pareille matière.

[236] En fait, comme l’a aussi spontanément invoqué M. Hachey, il s’agit de la meilleure stratégie possible au meilleur coût possible.

          ii.  Le bris était impossible à prévoir

[237] Même si la Ville argumente qu’elle n’a pas le fardeau de démontrer qu’il lui était impossible de prévenir le bris, elle soulève néanmoins que le bris du 8 novembre 2012 était impossible à prévoir.

[238] Après avoir discuté de façon générale des plans d’intervention et des mesures mises en place par la Ville pour entretenir son réseau, le Tribunal analyse maintenant la question du traitement accordé au tronçon de la rue De La Gauchetière, entre la 13 e et la 14 e avenue.

[239] Selon la Ville, le bris survenu le 8 novembre 2012 n’était pas prévisible parce que le dépistage systématique des fuites par auscultation des bornes d’incendie et du réseau d’égout n’a révélé aucune anomalie sur ce tronçon.

[240] Or, la preuve révèle que les techniques de dépistage comportent une part de subjectivité.

[241] Aussi, l’auscultation des bornes ne garantit pas qu’une fuite sur la conduite sera détectée. Ensuite, il faut se rappeler que ce n’est pas la conduite elle-même qui est auscultée, mais uniquement les bornes-fontaines.

[242] Par ailleurs, l’autre technique de dépistage de fuites qui consiste à ausculter le réseau d’égout est un test additionnel qui aide à détecter une fuite d’eau, mais encore faut-il que la conduite d’égout soit aussi fissurée pour que de l’eau du tuyau d’aqueduc au-dessus s’y infiltre.

[243] Ces diverses techniques comportent donc des limites et ne sont pas infaillibles.

[244] Finalement, le Tribunal constate d’après le plan D-13B , qu’à peu près toutes les conduites du secteur ont été réhabilitées, c’est-à-dire, recouvertes d’une gaine, sauf le tronçon entre la 13 e et la 14 e avenue.

[245] C’est donc dire que plusieurs tronçons de 200 mètres à proximité du tronçon entre la 13 e et la 14 e avenue ont subi trois bris en cinq ans puisqu’ils ont été réhabilités.

[246] Lorsqu’on demande à la Ville pourquoi n’a-t-elle pas profité du fait que les tronçons alentour étaient réhabilités pour aussi réhabiliter celui entre la 13 e et la 14 avenue, la Ville invoque que ce tronçon n’aurait pas subi de bris, qu’il n’est pas identifié dans son plan d’intervention et que la Ville suit son plan selon lequel elle réhabilitera ou changera une conduite seulement si le taux de réparations est atteint.

[247] M. Bekkouche témoigne que ce n’est pas la façon de procéder de la Ville de réparer les conduites par quartier ou secteur. Elle ne déroge pas de son plan d’intervention parce qu’elle a des contraintes budgétaires.

[248] Aussi, il est bien évident pour le Tribunal que face à l’ampleur des travaux à réaliser, la Ville doit prioriser à cause des contraintes budgétaires.

[249] Forcément, la Ville doit faire des choix et ces choix sont dictés par la possibilité d’obtenir des subventions lesquelles sont attribuées seulement si le taux de réparations de trois bris par tronçon de 200 mètres en cinq ans est atteint.

[250] Dans Blais c. Mont Saint-Hilaire (ville de) [5] , il a été décidé que les difficultés financières de la Ville ne permettent pas de déduire qu’elle a adopté tous les moyens raisonnables pour prévenir le dommage.

[251] Le présent Tribunal est aussi de cet avis. Le citoyen ne peut être victime du choix que fait la Ville d’attendre que son réseau atteigne sa durée de vie utile, ici évaluée en fonction du taux de réparations, avant de procéder à réhabiliter ou changer la conduite.

[252] Par conséquent, pour toutes les raisons ci-haut invoquées, le Tribunal est d’avis que la Ville ne peut prétendre que le bris survenu en face du 12156, rue De La Gauchetière était imprévisible.

[253] La Ville est en mode de réparation des bris les plus urgents et des conduites les plus fragiles pour ne pas dire critiques. Elle fait de la gestion de risque.

[254] Aussi, lorsqu’un bris survient à proximité de conduites qui ont été réhabilitées, il ne s’agit pas vraiment d’une surprise.

[255] Comme le mentionne monsieur le juge Godbout dans Axa assurances inc. c. Charlesbourg (ville de) et Marc J. Oppenheim précité  :

«  Le fait que plusieurs bris semblables ont dus être colmatés dans le passé, il s’en infère qu’il est possible que de tels bris surviennent à nouveau. On ne peut donc pas parler d’imprévisibilité. Ce qui est imprévisible, c’est l’endroit où le prochain bris va survenir.  »

[256] Le Tribunal mentionne ici que bien que monsieur le juge Godbout indique que l’article 1465 C.c.Q. crée une présomption de responsabilité, il précise par ailleurs dans son jugement que pour s’exonérer de toute responsabilité, le gardien doit offrir une preuve générale d’absence de faute.

[257] Monsieur le juge Godbout applique donc correctement la présomption de l’article 1465 C.c.Q. et le présent Tribunal n’a donc pas de raison d’écarter cette décision.

[258] Le Tribunal conclut donc que la Ville n’a pas réussi à démontrer qu’elle s’est entourée avant l’accident de toutes les précautions qu’aurait prise une municipalité prudente et diligente pour entretenir son réseau d’aqueduc et, qu’en conséquence, elle n’a pas repoussé la présomption de faute de l’article 1465 C.c.Q.

b)      L’entretien des rues

[259] Coseco reproche également à la Ville d’avoir manqué à son obligation d’entretenir la rue De La Gauchetière puisqu’elle aurait négligé de ramasser les feuilles.

[260] Coseco a non seulement le fardeau de prouver que la Ville a commis une faute, selon la preuve prépondérante, mais elle doit également prouver le lien de causalité entre la faute et les dommages.

[261] Or, même si pour les fins de discussion le Tribunal concluait que la Ville a commis une faute, ce qui n’est par ailleurs pas le cas, il reste que de toute façon la preuve du lien de causalité n’a pas été établie.

[262] La preuve révèle sans équivoque que l’inondation a été causée par le bris de la conduite d’aqueduc et non pas parce que les feuilles auraient bloqué les puisards.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la requête introductive d'instance de la demanderesse ;

CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 48 200 $ avec intérêt au taux de 5 % l’an plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la mise en demeure du 14 mars 2013 ;

AVEC DÉPENS .

 

 

__________________________________

SYLVIE LACHAPELLE, J.C.Q.

 

 

Procureure de la demanderesse :

 

Me Sophie Plamondon

CARTER GOURDEAU

5600, boul. des Galeries, bureau 205

Québec (Québec)  G2K 2H6

 

Procureurs de la défenderesse :

 

Me Olivier Nadon et Me Hugo Filiatrault

DAGENAIS GAGNIER BIRON

775 rue Gosford, 4 e étage

Montréal (Québec)  H2J 1L9 

 

 

Dates d’audience :

30 septembre 2014, 1 er et 2 octobre 2014

 



[1] (L.Q., 1991, c. 64.) ;

[2] 2008 QCCA 54 .

[3] La responsabilité civile , 8 e édition, BAUDOUIN, Jean-Louis, DESLAURIERS, Patrice et MOORE, Benoît, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, pp. 866-903.

[4] 2003 CanLII, 14055 (QCCQ).

[5] AZ-50319927 , J.E 2005-1768 , 2005 RRA 1205 C.S.