Brault c. Gagnon

2015 QCCQ 6196

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

DRUMMOND

LOCALITÉ DE

Drummondville

« Chambre civile »

N° :

405-32-006929-149

 

 

DATE :

11 juin 2015

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

GILLES LAFRENIÈRE J.C.Q.

 

 

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VICKY BRAULT

Demanderesse

c.

HÉLÈNE GAGNON

Défenderesse

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JUGEMENT

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[1]            La demanderesse reproche à la défenderesse de ne pas lui avoir révélé que la roulotte qu’elle lui vendait faisait l’objet d’une infiltration d’eau et recherche aujourd’hui l’annulation de la transaction, le remboursement du prix payé et la somme de 1 708,26 $ à titre de dommages.

[2]            La défenderesse fait valoir qu’elle ignorait que la roulotte faisait l’objet d’infiltration d’eau, d’autant plus qu’elle n’en a pas été informée en temps opportun.

 

 

 

LES FAITS

[3]            Le 18 août 2014, la demanderesse prend connaissance d’une annonce concernant la vente d’une roulotte usagée de l’année 2000 et le lendemain, elle mandate sa mère (Manon Dallaire) et le conjoint de celle-ci (Bertrand Lehoux), pour la visiter.

[4]            Lors de la visite, Manon Dallaire et Bertrand Lehoux examinent la roulotte pendant plus d’une heure. Ils jettent un coup d’œil sous la roulotte, vérifient la toiture et essaient les équipements. Aussi, ils s’informent auprès de la défenderesse si la roulotte fait l’objet d’infiltration d’eau.

[5]            Puisque la roulotte paraît dans un excellent état et qu’ils reçoivent l’assurance de la défenderesse qu’elle n’a pas fait l’objet d’infiltration d’eau, ils l’achètent au prix de 2 800 $ pour et au nom de la demanderesse.

[6]            Le 20 août 2014, la demanderesse prend possession de la roulotte et entreprend le ménage. Lorsqu’elle enlève les feuilles d’assouplisseur placées ici et là, elle perçoit une odeur d’humidité et soupçonne que la roulotte a pu faire l’objet d’une infiltration d’eau.

[7]            Luc Bilodeau est à l’emploi de l’entreprise Maintenance R.L., une compagnie qui œuvre dans le domaine de la restauration après sinistre.

[8]            Le 27 août 2014, il examine la roulotte de la demanderesse à l’aide d’un hygromètre qui lui révèle la présence d’une forte humidité sous le plancher. Dès qu’il enlève une partie du recouvrement de ce plancher, il constate que celui-ci est complètement pourri. Selon son témoignage, il en coûte plus de 5 000 $ pour la réparer.

[9]            Le 28 août 2014, la demanderesse en informe la défenderesse, mais celle-ci néglige de venir constater la situation.

[10]         La défenderesse témoigne qu’en cours d’utilisation de la roulotte, elle ne constate jamais d’infiltration d’eau. Toutefois, les mandataires de la demanderesse étaient bien conscients que la roulotte était âgée de 14 ans et qu’elle nécessitait des travaux d’entretien lorsqu’ils la visitent, puisqu’ils négocient une réduction du prix d’achat de 700 $.

[11]         Cependant, elle témoigne qu’elle n’a jamais reçu de mise en demeure écrite, de telle sorte qu’elle n’a pu constater l’infiltration d’eau alléguée.

ANALYSE

[12]         Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés.

[13]         Toutefois, les parties peuvent, par contrat, exclure cette garantie de qualité.

[14]         Les tribunaux reconnaissent et acceptent les clauses d’exclusion de garantie que si, et seulement si, elles énoncent clairement et suffisamment l’exclusion.

[15]         Personne n’en a fait mention, mais le Tribunal constate que le contrat de vente intervenu entre les parties indique que la vente est faite « tel que vue et accepter » ( Transcrit textuellement ). Or, cette mention n’est pas suffisante pour exclure la garantie de qualité prévue au Code civil du Québec .

[16]         À cet égard, l'auteur Jeffrey Edwards écrit: [1]

«Par. 284:  En deuxième lieu, les tribunaux ont décidé que la clause d'acceptation du bien dans l'état où il se trouve n'exclut pas la garantie.  Le même sort est réservé à la clause selon laquelle l'acheteur accepte le bien «tel que vu et examiné» ou «après l'avoir vu et visité».  Cette règle jurisprudentielle constitue une extension de la règle d'interprétation restrictive observée précédemment.  Les déclarations de ce genre sont généralement des clauses de style qui ne possèdent ni la clarté ni la spécificité requises pour opérer l'exclusion. De fait, des déclarations semblables cohabitent même dans certains cas avec des clauses énonçant que la vente est conclue «avec garantie».

[17]         Cela dit, pour réussir dans son recours, la demanderesse doit démontrer, par une preuve probante, que le bien qu’elle a acquis est affecté d’un vice caché.

[18]         La détermination d’un vice caché obéit généralement à quatre critères essentiels : il doit être grave, caché, inconnu de l’acheteur et antérieur à la vente.

1.-  Le vice doit être grave

[19]         Toute défectuosité d'un bien au moment de la vente n'est pas automatiquement un vice caché au sens de la loi. Le vice doit atteindre une certaine gravité. Il doit rendre le bien impropre à l'usage auquel on le destine ou en diminuer tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté à ce prix s’il l’avait connu.

[20]         Il s’agit d’une roulotte de l’année 2000, payée 2 800 $, dont les murs et le plancher sont endommagés par de la pourriture et il en coûte plus de 5 000 $ pour la réparer. Il ne fait aucun doute à l’esprit du Tribunal qu’il s’agit d’un vice grave.

2.-  Le vice doit être caché

[21]         Le vice ne doit pas être découvert par un acheteur prudent et diligent. Le caractère du vice s’apprécie selon une norme objective, c’est-à-dire ce qu’aurait fait un acheteur raisonnable placé dans les mêmes circonstances. Toutefois, l’article 1726 du Code civil du Québec n’exige pas que le bien soit examiné par un expert.

[22]         Les mandataires de la demanderesse vérifient l’intérieur et l’extérieur de la roulotte et ne décèlent aucun indice pouvant laisser soupçonner la présence d’une infiltration d’eau. D’ailleurs, la défenderesse affirme qu’elle n’a jamais constaté d’infiltration d’eau.

[23]         Comment peut-elle alors reprocher aux mandataires de la demanderesse de ne pas avoir vu ce qu’elle ne voyait pas elle-même?

3.-  Le vice doit être inconnu de l’acheteur

[24]         Il ne suffit pas que le vice soit caché, il faut qu’il soit inconnu de l’acheteur. À cet égard le fardeau de prouver la connaissance réelle du vice par l’acheteur, repose toujours sur le vendeur.

[25]         La défenderesse n’a présenté aucune preuve à cet effet.

4.-  Le vice doit être antérieur à la vente

[26]         Étant donné que le vice a été découvert dans les jours suivant la vente, il ne fait aucun doute que le vice existait au moment de la vente.

[27]         En conséquence de ce qui précède, le Tribunal conclut à la présence d’un vice caché qui donne ouverture aux remèdes prévus à la loi.

[28]         Le Tribunal annule la transaction, puisque la preuve révèle qu’il en coûte plus de 5 000 $ pour réparer une roulotte qui a été payée 2 800 $.

[29]         En plus de requérir l’annulation, la demanderesse demande aussi à ce que la défenderesse soit condamnée à lui payer la somme de 1 708,26 $ à titre de dommages. À cet égard, elle témoigne qu’en raison de ce qu’elle a découvert à la roulotte, elle a manqué ses vacances estivales de l’année 2014 et n’a pu jouir de celle-ci.

[30]         L’article 1728 du Code civil du Québec énonce que si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l’ignorer, il est tenu, outre la réduction du prix, de tous les dommages-intérêts soufferts par l’acheteur.

[31]         La défenderesse affirme qu’elle ignorait que sa roulotte faisait l’objet d’infiltration d’eau, mais le Tribunal ne la croit pas. Elle avait installé un plancher sur une surface endommagée, dont elle aurait dû se méfier et avait dissimulé des feuilles d’assouplisseur pour cacher l’odeur d’humidité.

[32]         Le Tribunal est bien conscient des inconvénients qu’a pu subir la demanderesse, mais trouve exagéré le montant qu’elle réclame.

[33]         Le Tribunal use de son pouvoir discrétionnaire pour déterminer à 500 $ le montant de ses inconvénients.

[34]         En dépit de ce qui précède, la défenderesse prétend qu’elle n’a pas à payer, puisqu’elle n’a pu constater l’existence de l’infiltration d’eau alléguée. D’une part, la preuve révèle que la demanderesse a informé la défenderesse verbalement de l’existence de l’infiltration d’eau et qu’elle lui a offert la possibilité de venir visiter la roulotte, mais celle-ci a négligé de le faire. D’autre part, une mise en demeure du 1 er septembre 2014 lui a été envoyée par huissier.  Qui plus est, les travaux ne sont toujours pas exécutés et il lui aurait toujours été possible de se présenter chez la demanderesse pour examiner la roulotte.

[35]         Dans les circonstances, le Tribunal rejette cet argument.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[36]         ANNULE l’acte de vente de la roulotte Palomino du 19 août 2014;

[37]         CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 3 300 $ avec intérêts au taux légal de 5 % l’an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec , et ce, à compter du 30 septembre 2014;

[38]         CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse les frais judiciaires de la demande au montant de 137 $;

[39]         PERMET à la défenderesse de reprendre possession de la roulotte, à ses frais, sur paiement des sommes auparavant mentionnées.

 

 

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GILLES LAFRENIÈRE, J.C.Q.

 

 

Date d'audience:

11 mai 2015

 

 

Retrait et destruction des pièces

 

Les parties doivent reprendre possession des pièces qu’elles ont produites, une fois l’instance terminée. À défaut, le greffier les détruit un an après la date du jugement ou de l’acte mettant fin à l’instance, à moins que le juge en chef n’en décide autrement.

 

 

 

 

 



[1] Jeffrey Edwards, La garantie du vendeur en droit québécois , Wilson & Lafleur, Montréal, 1998, p. 124.