Syndicat des métallos, section locale 5778/6869 — employés horaires, transport, Mont-Wright et Fire Lake et ArcelorMittal Mines Canada (Cédric Savard) |
2015 QCTA 592 |
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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2015-4838 |
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Date : |
11 juin 2015 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me Nicolas Cliche |
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SYNDICAT DES MÉTALLOS - SECTION LOCALE 5778 / 6869 - EMPLOYÉS HORAIRES, TRANSPORT, MONT-WRIGHT ET FIRE LAKE, |
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Ci-après appelé(e) « le syndicat » |
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Et |
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ARCELORMITTAL MINES CANADA, |
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Ci-après appelé(e) « l’employeur » |
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Plaignant : |
M. Cédric Savard |
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Grief : |
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15MWM007 |
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Pour le syndicat : |
M. Yves-Aimé Boulay |
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Pour l’employeur : |
Me Claude Larose |
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Date d’audience : |
Le 27 mai 2015 à Québec |
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Convention collective : |
1 er mars 2011 au 28 février 2017 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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[1] En début d’audition, le syndicat a produit les pièces suivantes :
Pièce S-1 : Grief de Cédric Savard contestant le congédiement qui lui fut imposé.
Pièce S-2 : Lettre de congédiement en date du 16 avril 2015 qui se lit comme suit :
16 avril 2015
Mr Cédric Savard
[…] St-Nazaire […]
Objet : Fin d’emploi
Monsieur,
En conformité avec la politique relative à la consommation d’alcool et de drogue et à vos conditions de réintégration à votre emploi en juin 2013, la compagnie a procédé à un test de pistage aléatoire le 7 avril 2015. L’analyse de ce test, en laboratoire spécialisé, a démontré que vous aviez testé positivement au THC.
Considérant :
· votre engagement du 11 juin 2013 d’arrêter complètement la consommation de toute drogue,
· le test positif du 7 avril 2015 et votre aveu d’avoir consommé de la drogue le 6 avril,
· que la compagnie a l’obligation légale et la responsabilité corporative de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs,
· que la compagnie ne peut assumer les risques reliés à votre consommation et/ou dépendance,
ArcelorMittal, Exploitation minière Canada vous informe qu’elle met fin à votre emploi rétroactivement au 7 avril 2015.
(S) Sylvain Lessard
Sylvain Lessard
Directeur FireLake
Pièce S-3 : Protocole de retour au travail en date du 11 juin 2013 qui se lit comme suit :
11 juin 2013
Mr Cédric Savard
[…] St-Nazaire […]
Objet : Retour au travail
Monsieur,
Considérant l’environnement législatif et notre responsabilité corporative nous obligeant à prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé, sécurité et intégrité physique de nos travailleurs, nous n’avons eu d’autre choix que de vous retirer du travail suite à votre dépistage positif du 6 février 2013.
La compagnie accepte de vous réintégrer à votre emploi le 12 juin 2013 sur votre équipe régulière conditionnellement à ce que vous dépistiez négatif aux drogues et que vous vous engagiez à respecter les conditions suivantes :
1. Arrêt complet de la consommation de toute drogue;
2. Suivi avec l’intervenant(e) en toxicomanie pour 12 mois;
3. Rencontre avec le médecin de la compagnie pour la période du suivi de dépistages aléatoires;
4. Vous soumettre à des tests de dépistages aléatoires pour une période de deux ans;
Vous devez également nous fournir ces documents :
§ Une preuve pour chaque visite avec l’intervenant(e) en toxicomanie;
§ Une autorisation écrite d’accès documentaire de ce suivi pour le dossier médical de la clinique MW;
La Compagnie vous informe que la législation et les règles de la société et/ou celles en matière de santé et sécurité au travail interdisent aux employés de travailler sous l’influence de l’alcool ou de drogues. À cet égard, nous avons le devoir de nous assurer que les lieux de travail soient sains et exempts de tout risque pour ses employés. Dans ce contexte et en conformité avec la politique relative à la consommation d’alcool et l’usage de drogues, la Compagnie se réserve le droit de vous soumettre à d’autres tests de dépistages aléatoires pour une durée de deux ans.
Vous comprendrez qu’en cas de récidive, la Compagnie n’aura d’autre choix que de poursuivre les étapes administratives qui pourraient mener à votre congédiement et vous rappelle qu’elle demeure disponible à vous offrir de l’aide face à un éventuel problème de consommation.
(S) René Blouin
René Blouin
Coordonnateur, Exploitations auxiliaires et Plans long-terme
Pièce S-4 : Procès-verbal de la rencontre de 2 ième étape du 30 avril 2015;
Pièce S-5 : Convention collective entre les parties pour la période du 1 er mars 2011 au 28 février 2017;
[2] Pour une meilleure compréhension du dossier, l’arbitre a reproduit, dans la présente décision, la lettre de congédiement du 16 avril 2015 et le protocole du 11 juin 2013 car ces deux (2) pièces résument bien la situation du dossier dont l’arbitre fut saisi. Tous les faits pertinents apparaissent dans ces deux (2) documents.
[3] Cédric Savard était opérateur de pelle à la production. Il fut congédié le 16 avril 2015.
[4] Il explique qu’il a subi un test aléatoire pour déterminer s’il avait consommé de la drogue le 7 avril 2015 et ce test fut positif.
[5] Avant d’être réintégré au travail, il avait été congédié une première fois, suspendu du 6 février 2013 au 12 juin 2013.
[6] Comme c’est mentionné dans le protocole de retour au travail, pièce S-3, il devait faire un suivi avec l’intervenant en toxicomanie pour une période de douze (12) mois. Il a cessé de voir son intervenant après sept (7) mois et il croit avoir eu l’autorisation verbale de madame Eve Sirois pour cesser de rencontrer l’intervenant en toxicologie. Madame Sirois lui aurait alors dit : « si tes tests sont négatifs, tu peux arrêter tes rencontres » mais on lui a demandé d’obtenir l’autorisation des ressources humaines. L’autorisation verbale d’Azélie Pilion lui aurait été accordée, laquelle travaille aux ressources humaines.
[7] Il a débuté, pour la compagnie le 13 mai 2011. Il fut congédié une première fois, réintégré et il demande à l’arbitre une dernière chance, une deuxième réintégration.
[8] En février 2013, il avait été responsable d’un accident. Il avait reculé avec son chargeur dans un train et il avait testé positif suite à cet accident. Il est allé en thérapie à la maison Jean Lapointe pendant vingt-et-un (21) jours et finalement, il fut réintégré dans ses fonctions à compter du 12 juin 2013, pièce S-3.
[9] Même si c’était indiqué dans S-3, il n’a pas eu de rencontre avec le médecin de la compagnie pendant toute la période où il fut de retour au travail, avant son deuxième congédiement.
[10] Entre le 11 juin 2013 et le 7 avril 2015, il a subi quatre (4) tests de dépistage et les trois (3) premiers tests furent négatifs. Finalement, il a rechuté le 6 avril 2015, ce qui lui a valu d’être congédié.
[11] Tout de suite après son congédiement, il a pris contact avec le centre en réadaptation en dépendance à Jonquière pour reprendre ses traitements et redevenir sobre.
[12] Il veut continuer à travailler pour ArcelorMittal. C’est une bonne compagnie et pendant le quatre (4) ans où il fut à l’emploi de la compagnie à Fire Lake, il n’a reçu aucun avis sur la qualité de son travail. Tout se passait bien.
[13] Il est célibataire, âgé de 35 ans et père d’un garçon de 11 ans.
[14] Le 6 avril 2015, à 8h00 du matin, son chef de section lui a indiqué qu’il avait été choisi pour subir un test de dépistage de drogue. Lors du questionnaire, avant le test, il a admis avoir consommé la veille deux (2) gros joints de « mari » en ville, à Fermont.
[15] Le procureur patronal plaide que finalement le cas de monsieur Savard ressemble à beaucoup d’autres.
[16] On donne une dernière chance au plaignant, le 11 juin 2013, par la signature d’un protocole de retour au travail. Ce n’est pas la première fois que la compagnie a eu des problèmes de consommation de drogue avec monsieur Savard mais cette fois-ci, on le réintègre après qu’il eut été suspendu du 6 février 2013 au 12 juin 2013.
[17] Après sept (7) mois de rencontre avec son intervenant, il cesse les rencontres et finalement, lors d’un test aléatoire, il est testé positif en complète contravention avec la lettre d’entente S-3 qui stipule « arrêt complet de la consommation de toute drogue ».
[18] La seule entité capable d’accorder une ultime chance au travailleur, c’est l’employeur lui-même et à ce sujet, la compagnie invoque la célèbre cause Compagnie minière Québec Cartier et Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 6869 et René Lippé, mis en cause [1995] 2, rapport de la Cour Suprême, page 1095.
[19] L’arbitre peut intervenir pour casser un congédiement lorsque la compagnie n’avait aucune cause pour congédier, ce qui n’est pas le cas actuel. Le plaignant a admis avoir consommé. Il a été congédié une première fois et il a été pris en flagrant délit, le 6 avril 2015. L’ultime chance peut être accordée par l’employeur et non pas par l’arbitre de grief.
[20] Le syndicat plaide la clause 9.02 de la convention collective qui se lit comme suit :
ARTICLE 9 ARBITRAGE
9.02 L’arbitre n’aura que le pouvoir et l’autorité d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la présente convention dans la mesure où il sera nécessaire de le faire pour décider du grief, mais il n’aura pas le pouvoir de modifier ou de changer d’aucune façon les dispositions de la présente convention ou d’y substituer de nouvelles dispositions, ni de rendre une décision qui ne serait pas conforme aux conditions et dispositions de la présente convention. Aucune pratique ou coutume ne liera les parties, à moins d’avoir été reconnue par écrit par la Compagnie et par le Syndicat comme les liant.
En matière disciplinaire, l’arbitre peut confirmer, modifier ou casser la décision de la Compagnie; il peut, le cas échéant, y substituer la décision qui lui paraît juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire.
[21] Les parties, dans leur sagesse, ont écrit qu’en matière disciplinaire l’arbitre peut casser la décision de la compagnie et y substituer sa propre décision.
[22] Le plaignant a cessé ses rencontres avec son intervenant après sept (7) mois et il avait demandé la permission à la compagnie. À ce sujet, il invoque la page 11 de la pièce S-4, procès-verbal du 30 avril 2015.
[23] La preuve démontre que pendant le sept (7) mois qu’a duré son retour au travail, il n’y a eu aucune rencontre avec le médecin de la compagnie et les trois (3) premiers tests furent négatifs. Le quatrième test aléatoire a été positif et on a congédié le plaignant. L’arbitre a le pouvoir d’intervenir en application de 9.02, paragraphe 2 de la convention collective.
[24] L’arbitre reconnaît que le plaignant, qui possède quatre (4) ans d’ancienneté, fut congédié une première fois et finalement suspendu du 6 février 2013 au 12 juin 2013.
[25] Suite à des négociations entre les parties, on décide de réintégrer le plaignant et on signe le protocole de retour au travail le 11 juin 2013, pièce S-3.
[26] Le travailleur reprend son emploi mais il doit arrêter complètement la consommation de drogue, faire un suivi avec l’intervenant pour douze (12) mois, rencontrer le médecin de la compagnie et se soumettre à des tests de dépistages aléatoires pour une période de deux (2) ans.
[27] Tout semble aller pour le mieux, dans le meilleur des mondes, jusqu’au 6 ou 7 avril 2015 où, d’une façon aléatoire, on fait passer au plaignant un test de dépistage et le test s’avère positif. Le plaignant est alors congédié immédiatement.
[28] Le procureur patronal a produit de la jurisprudence à l’effet que l’arbitre ne pouvait pas intervenir à la place de la compagnie pour accorder une dernière chance sauf que les parties, qui connaissaient l’état de la jurisprudence, ont signé l’article 9.02 qui permet à l’arbitre d’intervenir en matière disciplinaire. D’une certaine façon, les parties en négociation ont renoncé à l’application de la décision Québec Cartier Mining, décision rendu par la Cour Suprême en 1995.
[29] Dans ce cas bien précis, l’arbitre se voit justifier d’intervenir pour les raisons suivantes. Le plaignant possède quatre (4) ans d’ancienneté et dans le passé, il n’a jamais rencontré de problèmes au travail, jamais de mesure sur la qualité de son travail. Il fut suspendu, une première fois, du 6 février 2013 au 12 juin 2013 et il retourne au travail.
[30] Pendant sept (7) mois, il rencontre son intervenant et une fois par mois, il y a test de dépistage à la demande de la compagnie, de façon aléatoire. Les tests sont négatifs et suite à une demande du plaignant, on accepte que monsieur Savard ne rencontre plus l’intervenant après sept (7) mois.
[31] Le plaignant a été sobre de juin 2013 au 6 avril 2015. Les trois (3) premiers tests ont été négatifs. Il a déclaré, devant l’arbitre, qu’après le 13 juin 2013, il ne consommait plus et finalement, il a fait une rechute le 6 ou le 7 avril 2015.
[32] La preuve ne démontre pas que monsieur Savard était en état d’intoxication au travail. Le 7 avril au matin, on lui demande de prendre un test de dépistage, test qu’il échoue. Avant de prendre le test, le plaignant admet, au préposé de la compagnie, qu’il a fumé deux (2) gros joints, la veille, en ville à Fermont.
[33] Nous sommes en présence d’une seule rechute, rechute le 6 avril 2015 après une abstinence qui remonte à tout le moins au 12 juin 2013. Une seule rechute, avoir fumé deux (2) joints, en ville, probablement avec des amis est-il suffisant pour mettre fin à la carrière, l’arbitre ne le croit pas.
[34] Monsieur Savard est apparu à l’arbitre comme un jeune homme poli, bien articulé et de bonne foi. Il a témoigné avec honnêteté. Il a reconnu ses torts et demande une dernière chance.
[35] L’arbitre lui accorde la dernière chance vu qu’il fut sobre et abstinent depuis sa réintégration de 2013.
[36] Le plaignant sera réintégré dans ses fonctions dans les trente (30) jours de la présente décision, sans indemnité mais sans perte d’accumulation d’ancienneté. Le plaignant doit comprendre que l’arbitre lui accorde une dernière chance qu’il aurait pu refuser de lui accorder. Le soussigné croit que s’il est pris à nouveau, s’il ne réussit pas à cesser toute consommation, un autre arbitre ne lui donnera jamais une troisième chance.
[37] De plus, la preuve ne démontre pas que le plaignant était intoxiqué au travail. Un matin, on lui demande de prendre un test et peut-être que la journée où il a consommé, il était en congé, il ne courait donc aucun risque d’accident pour lui et pour ses compagnons de travail.
[38] Il y a des circonstances qui militent en sa faveur et l’arbitre se croit justifier d’intervenir.
[39] Le grief est accueilli. Le plaignant sera réintégré dans les trente (30) jours de la présente décision, sans indemnité mais sans perte d’accumulation d’ancienneté.
[40] L’arbitre réserve sa compétence pour disposer de toute difficulté pouvant découler de l’application de la présente décision.
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________________________________ __ Me Nicolas Cliche, Arbitre |