Unifor, section locale 135 et Placages St-Raymond inc. (Sylvain Voyer) |
2015 QCTA 594 |
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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2015-4837 |
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Date : |
10 juin 2015 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me Nicolas Cliche |
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UNIFOR - SECTION LOCALE 135, |
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Ci-après appelé(e) « le syndicat » |
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Et |
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PLACAGES ST-RAYMOND INC., |
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Ci-après appelé(e) « l’employeur » |
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Plaignant : |
M. Sylvain Voyer |
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Grief : |
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# 135-84286 |
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Pour le syndicat : |
M. Normand Nault |
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Pour l’employeur : |
Me Marie-Hélène Riverin |
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Date d’audience : |
Le 22 avril 2015 à St-Raymond |
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Convention collective : |
13 mai 2010 au 12 mai 2016 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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[1] En tout début d’audition, le syndicat a indiqué, d’entrée de jeu, que l’arbitre devait accueillir le grief car la procédure d’imposition de la mesure disciplinaire ne fut pas respectée.
[2] Le syndicat est d’opinion que les clauses 21.01 et 21.05, de la convention collective de travail, n’ont pas été respectées.
[3] Il faut accueillir le grief parce que la procédure ne fut pas suivie. En réplique, la compagnie a indiqué que le grief syndical S-2 était prescrit, étant logé largement après l’expiration du délai prévu pour contester une décision patronale.
[4] En cours d’audition, il y eut le dépôt des pièces suivantes. Pour le syndicat :
Pièce S-1 : Convention collective entre les parties, 13 mai 2010 au 12 mai 2016.
Pièce S-2 : Grief du plaignant 84286, en date du 20 janvier 2014 et qui se lit comme suit :
Nature du grief
Dérogation de la convention collective aux articles 4, 12 et de tout autre article pertinent ainsi que des lois du travail en ne permettant pas à M. Sylvain Voyer de revenir au travail malgré sa restriction médicale.
Règlement désiré
Que l’employeur accommode ce travailleur et le rappelle au travail et lui rembourse le salaire perdu ainsi que tous les avantages prévus à la convention.
Je consens à la collecte, à l’utilisation et à la divulgation des renseignements personnels à mon sujet par le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier aux fins du traitement du grief susmentionné contre mon employeur.
Pièce S-3 : Demande d’amendement au grief 84286 en date du 18 février 2014, le syndicat réclame que l’employeur reconnaisse à monsieur Voyer sa pleine ancienneté.
Pièce S-4 : Relevé d’emploi en date du 13 novembre 2013 remis à monsieur Voyer. On y retrouve la mention « retour non prévu ».
Pièce S-5 : Relevé d’emploi remis à Sylvain Voyer en date du 20 novembre 2013. On y retrouve la mention « date prévue de rappel - retour non prévu ».
Pièce S-6 : Billet médical daté du 19 novembre 2013. On y retrouve ceci : « pour des raisons de santé, ce patient doit éviter de travailler la nuit ».
[5] L’employeur a produit les pièces suivantes :
Pièce E-1 : Assignation des postes pour la semaine du 27 octobre au 2 novembre 2013.
Pièce E-2 : Liste des employés sur appel.
Pièce E-3 : Cédule de travail pour la semaine du dimanche 27 novembre 2013 au samedi 2 décembre 2013.
[6] Sylvain Voyer se décrit comme manœuvre. Il fut à l’emploi de Placages St-Raymond du 20 mars 2013 au 8 novembre 2013, c'est-à-dire plus ou moins huit (8) mois.
[7] Une journée qu’il arrive au travail, le chef d’équipe lui déclare qu’il allait travailler de soir la semaine suivante ou qu’il serait mis à pied. Le 8 novembre, on a fermé le quart de nuit.
[8] Il croyait tout simplement que la compagnie le mettait à pied et qu’il ne perdait pas son emploi. Il n’a reçu aucune lettre de congédiement.
[9] Il a reçu un premier relevé d’emploi en date du 13 novembre 2013, pièce S-4 et également, un second relevé d’emploi en date du 20 novembre 2013, pièce S-5.
[10] Le 19 novembre, il a produit un billet médical où il était indiqué que pour des raisons de santé, il devait éviter de travailler la nuit, pièce S-6.
[11] Il déclare qu’il avait finalement accepté de travailler la nuit et qu’il a dû travailler pendant la période où il fut à l’emploi de la compagnie, possiblement trois (3) nuits. Pendant tout le temps où il fut à l’emploi de la compagnie, il n’a pas reçu d’avis sur la qualité de son travail.
[12] Il a déposé son grief le 20 janvier 2014 car au début de janvier, il s’est aperçu que des employés détenant moins d’ancienneté que lui étaient rappelés au travail. On aurait dû le rappeler à la place des moins anciens sur le quart de jour.
[13] Nancy Paquet travaille pour la compagnie depuis le 2 mai 1990 et elle est présidente du syndicat depuis 2000.
[14] Le 6 janvier 2014, elle a reçu un appel téléphonique de monsieur Sylvain Voyer qui lui demandait s’il allait retourner au travail car selon lui, des employés détenant moins d’ancienneté que lui, étaient rappelés au travail. Elle a alors indiqué à monsieur Voyer qu’elle allait vérifier le dossier.
[15] Elle a vérifié les relevés d’emploi et elle a constaté que sur les deux (2) relevés d’emploi, c’était indiqué « retour non prévu ». Elle déclare avoir « sauté dans les airs » et on lui a dit qu’on avait inscrit « retour non prévu » car le plaignant ne satisfaisait pas aux exigences de la compagnie.
[16] Vu la situation, le grief S-2 fut rédigé le 20 janvier 2014.
[17] C’est seulement le 6 janvier 2014, qu’elle a su que monsieur Voyer ne retournerait pas au travail. Le 8 novembre 2013, elle fut mise au courant que monsieur Voyer était mis à pied mais elle n’a reçu aucun document à ce sujet.
[18] La compagnie prétend que le grief du syndicat est prescrit.
[19] Margaret Bartlam est directrice des ressources humaines.
[20] Elle indique qu’elle n’a jamais congédié monsieur Voyer. Monsieur Voyer avait, dans le passé, déjà travaillé pour la compagnie et il avait quitté une première fois. On l’a réembauché une seconde fois.
[21] Le plaignant, monsieur Voyer, a fait état de la difficulté pour lui de travailler de nuit. Monsieur Voyer aurait dit qu’il ne savait pas s’il serait capable de travailler la nuit et pendant toute la période où il fut à l’emploi de la compagnie, il a travaillé seulement trois (3) nuits.
[22] Finalement, monsieur Voyer lui a dit qu’il ne voulait pas travailler de nuit et il a présenté le rapport médical S-6.
[23] Lorsqu’elle a su que monsieur Voyer ne voulait pas travailler la nuit, elle lui a dit : « tu n’as pas d’autre choix, tu démissionnes ». Le plaignant n’a pas dit qu’il démissionnait et il est arrivé avec le certificat médical S-6.
[24] Elle a rencontré monsieur Voyer, possiblement jeudi le 7 novembre, pour lui dire qu’on ne pouvait pas le garder, qu’on mettrait fin à son emploi. Le dernier jour travaillé de monsieur Voyer fut le 8 novembre 2013.
[25] Elle commente les deux (2) relevés d’emploi S-4 et S-5 où il est dit : « retour non prévu » . À compter du 8 novembre, monsieur Voyer ne travaillait plus pour la compagnie, on avait mis fin à son emploi.
[26] Elle n’a jamais discipliné monsieur Voyer. Finalement, une des conditions d’embauche pour un nouveau travailleur, c’était qu’il soit capable de travailler sur trois (3) quarts. Si un travailleur ne peut pas travailler sur trois (3) quarts, on ne l’embauche pas. Un employé non disponible sur trois (3) quarts de travail, est tout simplement retiré de la liste de rappel E-2.
[27] On a mis fin à l’emploi de monsieur Voyer le 8 novembre, car il n’était pas disponible pour travailler sur trois (3) quarts.
[28] Lorsqu’il est arrivé avec le certificat médical S-6, elle lui a dit : « je sympathise avec toi mais ton emploi est terminé. Tu ne peux pas travailler sur trois (3) quarts de travail ». Le fait de pouvoir travailler sur trois (3) quarts de travail est une condition d’embauche.
[29] Sommes-nous en présence de la prescription du grief? Le plaignant a travaillé, pour la dernière fois, le 8 novembre 2013 et on lui a remis deux (2) relevés d’emploi S-4 et S-5 où on lui indiquait « retour non prévu ».
[30] La fin d’emploi du 8 novembre 2013, pièce S-4, était prescrit au plus tard le 6 décembre 2013 et le relevé d’emploi S-5, du 20 novembre 2013, était prescrit au plus tard le 19 décembre 2013.
[31] Le 20 janvier 2014, le grief était prescrit et la clause 22.07 indique que le délai est de rigueur.
[32] Le syndicat soumet que nous sommes en présence d’une mesure disciplinaire conformément à l’article 21 de la convention collective.
[33]
Le 19 novembre 2013, le travailleur remet un billet médical où il est
indiqué qu’on doit éviter de le faire travailler de nuit. Le 6 janvier, des
travailleurs moins anciens que le plaignant, sont rappelés au travail de jour.
Le travailleur a caché à son syndicat les relevés d’emploi S-4 et S-5 mais en
vertu de l’article
[34] Lorsque le syndicat s’aperçoit que le plaignant n’est pas rappelé au travail, le 6 janvier et qu’on a rappelé à sa place des moins anciens, sur le quart de jour, il y a dépôt d’un grief.
[35] Les pièces S-4 et S-5 furent remises au travailleur mais le syndicat ne fut pas informé de ces documents. C’est seulement le 6 janvier, qu’on s’aperçoit que le plaignant n’est pas rappelé au travail et on dépose un grief, le 20 janvier 2014, à l’intérieur du délai pour le faire.
[36] Le syndicat, par son grief, conteste le fait que le plaignant ne fut pas rappelé au travail, le 6 janvier malgré sa restriction médicale. À cette date, le plaignant aurait travaillé de jour.
[37] La preuve est toutefois relativement simple et le témoignage de madame Margaret Bartlam est particulièrement éloquent. Le plaignant travaille de mars à novembre 2013 pour la compagnie. Pendant toute cette période, il a travaillé peut-être seulement trois (3) nuits mais il indique à la compagnie qu’il ne devait pas travailler de nuit. Madame Bartlam déclare qu’une condition d’embauche essentielle, pour être engagé, chez Placages St-Raymond, c’est de pouvoir travailler sur trois (3) quarts : jour, soir et nuit.
[38] Dès que madame Bartlam est informée que monsieur Voyer ne peut pas ou ne veut pas travailler de nuit, elle met fin à son emploi par la rédaction des relevés d’emploi S-4 et S-5. Le relevé d’emploi S-4 est daté du 13 novembre 2013 car monsieur Voyer a déclaré à la compagnie qu’il ne pouvait pas travailler de nuit. Le relevé d’emploi S-5 est daté du 20 novembre 2013, il fait suite au billet médical S-6.
[39] Le 13 novembre 2013 et le 20 novembre 2013, la compagnie remet, au plaignant, des relevés d’emploi et on avait écrit, très clairement : « retour non prévu ». Apparemment, monsieur Voyer n’a pas remis les relevés d’emploi à son syndicat qui croit que monsieur Voyer fut mis à pied le 8 novembre 2013 pour revenir éventuellement à la reprise des activités.
[40] Le 6 janvier 2014, monsieur Voyer n’est pas rappelé au travail et on dépose un grief car on prétend que des employés moins anciens que le plaignant sont rappelés au travail. Ce que le syndicat ne savait pas, c’est que le 13 novembre et le 20 novembre, la compagnie avait mis fin à l’emploi de monsieur Voyer. On lui a remis les pièces S-4 et S-5 et c’était inscrit « retour non prévu ».
[41] Il aurait fallu contester les deux (2) relevés d’emploi qui mettaient fin à la carrière de monsieur Voyer chez Placages St-Raymond. Ce ne fut pas fait.
[42] Monsieur Voyer, le 20 novembre 2013, n’est plus un employé de Placages St-Raymond. On a mis fin à son emploi et son retour au travail est non prévu. C’est à son moment-là qu’on aurait dû déposer un grief. On ne fait rien et on dépose un grief le 20 janvier 2014 parce que monsieur Voyer n’est pas rappelé au travail le 6 janvier 2014.
[43] Le grief S-2 est tardif et sans fondement juridique. Il n’y a plus de lien d’emploi entre la compagnie et monsieur Voyer depuis le 20 novembre 2013.
[44] Le grief est rejeté. La compagnie a mis fin à l’emploi de monsieur Voyer, le 20 novembre et il n’y a pas eu contestation de cette fin d’emploi. Monsieur Voyer n’est plus un employé de la compagnie depuis le 20 novembre et il ne pouvait pas déposer un grief le 20 janvier 2014.
[45] L’objection préliminaire patronale est bien fondée. Il y a eu rupture du lien d’emploi, le 20 novembre 2013, et rendu en janvier 2014, il était trop tard pour déposer un grief.
[46] Le grief est prescrit.
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________________________________ __ Me Nicolas Cliche, Arbitre |