Date : 20150707
Dossier : A-141-13
Référence : 2015 CAF 160
CORAM : |
LA JUGE TRUDEL LE JUGE STRATAS LE JUGE WEBB
|
ENTRE : |
MICHÈLE BERGERON |
appelante |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
intimé |
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 4 juin 2014.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2015.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE STRATAS |
Y ONT SOUSCRIT : |
LA JUGE TRUDEL LE JUGE WEBB |
Date : 20150707
Dossier : A-141-13
Référence :
CORAM : |
LA JUGE TRUDEL LE JUGE STRATAS LE JUGE WEBB
|
ENTRE : |
MICHÈLE BERGERON |
appelante |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
intimé |
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE STRATAS
[1]
M
me
Bergeron fait appel du jugement rendu le 25 mars 2013
par le juge Zinn de la Cour fédérale :
[2] Dans ce jugement, la Cour fédérale a statué sur deux demandes de contrôle judiciaire déposées par M me Bergeron en vue de faire annuler des décisions de la Commission canadienne des droits de la personne. La Commission avait rejeté deux plaintes pour atteinte aux droits de la personne que M me Bergeron avait présentées sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne , L.R.C. 1985, ch. H - 6, au motif qu’elles avaient déjà été examinées et réglées dans le cadre de deux griefs déposés par M me Bergeron.
[3] La Cour fédérale a accueilli l’une des deux demandes de contrôle judiciaire de M me Bergeron (dossier T-316-12). L’intimé n’a pas interjeté appel devant notre Cour et nous ne sommes donc pas saisis de la décision dans laquelle M me Bergeron a eu gain de cause.
[4] La Cour est saisie de l’autre demande de contrôle judiciaire de M me Bergeron (dossier T-315-12), qui a été rejetée par la Cour fédérale. M me Bergeron interjette maintenant appel devant notre Cour. Elle allègue que la décision de la Commission doit être annulée parce qu’elle est déraisonnable. Elle ajoute que la décision est le fruit d’une iniquité procédurale parce que la Commission n’a pas mené une enquête suffisamment approfondie.
[5] À mon avis, la décision de la Commission était à la fois raisonnable et équitable sur le plan procédural. Par conséquent, je rejetterais l’appel avec dépens.
[6] M me Bergeron a travaillé comme avocate pour le ministère de la Justice de mars 1999 à mai 2001. Elle a développé le syndrome de fatigue chronique. Le ministère lui a accordé un congé de maladie, un congé d’invalidité, puis quelques prolongations de son congé. Pendant qu’elle était en congé, M me Bergeron touchait des prestations d’invalidité de longue durée.
[7] En 2005, soit environ quatre ans après son départ en congé, M me Bergeron a évoqué la possibilité d’un retour au travail au ministère. Son gestionnaire a reçu un certificat médical favorable à ce retour au travail.
[8] Le ministère a alors dirigé M me Bergeron vers un médecin de Santé Canada en vue d’une évaluation. À partir des données dont il disposait, le médecin a recommandé le retour progressif de M me Bergeron à un horaire de travail à temps plein sur une période de sept mois.
[9] Le médecin et le psychiatre de M me Bergeron ont formulé leurs commentaires au sujet de ce plan de retour au travail. Son médecin a essentiellement approuvé le plan, mais souhaite qu’on intègre des évaluations médicales mensuelles au calendrier de retour au travail. Quant à son psychiatre, il a jugé la recommandation du médecin de Santé Canada [ traduction ] « tout à fait raisonnable et équitable » .
[10] Fort de ces appuis, le médecin de Santé Canada a remis au ministère de la Justice sa recommandation finale, dans laquelle il reprenait sa recommandation initiale pour un retour au travail de M me Bergeron tout en précisant que, si cette dernière était incapable de s’acquitter de ses responsabilités professionnelles ou si de [ traduction ] « nouveaux problèmes » se présentaient, elle devrait cesser le travail.
[11] M me Bergeron avait des réserves concernant ce dernier ajout. Elle a également fait part de ses craintes concernant la date de son retour au travail à temps plein. Son médecin a exprimé les mêmes préoccupations. Son psychiatre, qui avait d’abord jugé la proposition acceptable, a ensuite signalé sa préférence pour un plan plus souple. Le médecin de Santé Canada n’a toutefois pas modifié sa recommandation.
[12] Les choses en sont restées là jusqu’en 2007. En mars, avril et août 2007, un cadre du ministère a invité M me Bergeron à venir le rencontrer pour discuter de son retour au travail. M me Bergeron a refusé ces invitations. Elle avait jugé que l’une des dates proposées était trop rapprochée. Par ailleurs, elle souhaitait qu’une entente soit conclue avant son retour au travail.
[13] Par la suite, en juillet et août 2007, le gestionnaire a fait parvenir à M me Bergeron des lettres dans lesquelles il lui proposait des dates de retour au travail. M me Bergeron a refusé de consentir à quelque date que ce soit, estimant que cela pourrait compromettre sa santé.
[14] En mai 2008, le ministère a présenté à M me Bergeron une offre de retour au travail basée sur la recommandation du médecin de Santé Canada. Il s’agissait d’une offre finale, en ce sens que le ministère avait prévenu M me Bergeron qu’en cas de refus de sa part, son poste serait pourvu. Or, comme la suite des événements l’a montré, ce ne fut pas la dernière offre du ministère.
[15] Dans l’offre de mai 2008, le ministère avait supprimé toutes les mentions d’horaire de travail à temps plein et précisé qu’aucune décision concernant un arrêt de travail ne serait prise avant d’avoir consulté le service des ressources humaines, la compagnie d’assurance et les médecins de M me Bergeron.
[16] M me Bergeron a rejeté cette offre. À la fin de juin 2008, soit après sept années d’absence au travail, le ministère a informé M me Bergeron de son intention de pourvoir son poste.
[17] M me Bergeron a réagi à cette annonce en déposant deux griefs au ministère et deux plaintes à la Commission sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne . Pour les besoins du présent appel, seuls seront décrits le grief et la plainte visée par la décision de la Cour fédérale dont la Cour est saisie en l’espèce, c’est-à-dire la plainte du 26 septembre 2008.
[18] Le grief et la plainte pertinente portent essentiellement sur la même question :
·
Le grief.
M
me
Bergeron se plaignait de [
traduction
]
« la conduite discriminatoire
continue »
de son gestionnaire depuis 2005, en
particulier son [
traduction
]
« omission
constante et persistante de [lui] offrir des mesures d’adaptation en fonction
de [ses] capacités »
. Elle se plaignait également des
mesures prises par le ministère afin de doter son poste. Le grief était fondé [
traduction
]
« sur l’application des dispositions 2,
3, 7,
· La plainte. M me Bergeron alléguait que le ministère faisait preuve à son égard de discrimination fondée sur l’incapacité en refusant de répondre à ses besoins et en dotant son poste. En particulier, le ministère ne lui permettait pas de reprendre le travail en suivant le plan qu’elle avait élaboré avec l’aide de son médecin et de son psychiatre. Elle attaquait aussi, pour son caractère jugé discriminatoire, une politique du Conseil du Trésor qui maintenait les personnes handicapées sur une liste de dotation prioritaire pendant seulement un an. Elle invoquait divers articles de la Loi canadienne sur les droits de la personne . Enfin, elle affirmait qu’en raison de la discrimination dont elle avait été l’objet, elle avait subi une souffrance morale et une aggravation de ses symptômes physiques.
[19] En février 2009, après le dépôt de la plainte et du grief, le ministère a prolongé le congé de M me Bergeron de deux mois en plus de lui offrir un poste au sein du service dont elle relevait anciennement et un retour au travail en fonction du plan préconisé par son médecin. À cet égard, elle pouvait consulter le médecin de son choix. En échange, le ministère lui demandait d’abandonner les divers recours intentés, mais M me Bergeron n’a pas accepté cette offre.
[20] L’agente des griefs et sous-ministre adjointe de la Justice a conclu qu’il n’y avait pas eu violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne . Malgré cela, elle a accueilli en partie le grief de M me Bergeron.
[21] Pour M me Bergeron, il s’agissait d’une victoire non négligeable. Rappelons qu’elle demandait la cessation des démarches visant à pourvoir son poste et la réintégration à son poste au ministère, réintégration qui nécessiterait des discussions en vue de trouver une façon de régler le problème [ traduction ] « qui soit équitable, mutuellement acceptable et dépourvue de discrimination » . L’agente des griefs lui a essentiellement accordé cette mesure en prolongeant son congé sans solde de cinq mois pour permettre la tenue de discussions concernant le plan de retour au travail. Elle n’imposait aucune restriction quant à ce que M me Bergeron pouvait proposer au ministère au sujet du plan de retour au travail.
[22] M me Bergeron n’a pas accepté cette décision. Deux jours avant l’expiration de son congé récemment prolongé, elle a exigé du ministère le paiement de dommages-intérêts et de dépens.
[23] Le syndicat de M me Bergeron a choisi de ne pas exercer son droit de soumettre le grief à l’arbitrage conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique , L.C. 2003, ch. 22.
[24]
M
me
Bergeron aurait pu renvoyer elle-même le grief
à l’arbitrage, mais elle ne l’a pas fait. Comme nous l’avons déjà mentionné, M
me
Bergeron
avait qualifié le défaut du ministère de lui proposer des mesures d’adaptation
et sa décision de pourvoir son poste de [
traduction
]
« mesure
disciplinaire »
, voire de [
traduction
]
« mesure
disciplinaire déguisée »
. Or, un fonctionnaire visé par une
mesure disciplinaire n’a pas besoin d’être appuyé ou représenté par son
syndicat pour renvoyer à l’arbitrage un grief portant sur cette mesure
disciplinaire, dans la mesure où le grief ne soulève pas de questions liées à
l’interprétation ou à l’application d’une convention collective ou d’une
décision arbitrale : article
[25] En juin 2010, le ministère a offert à M me Bergeron de présenter sa démission, de partir à la retraite ou de faire une demande de retraite anticipée pour raisons de santé, options qu’elle a toutes rejetées. En octobre 2010, le ministère a licencié M me Bergeron.
[26]
La Commission a affecté une enquêteuse à l’examen de la plainte de M
me
Bergeron.
L’enquêteuse a invité les parties à présenter des observations concernant la
question de savoir si la procédure de règlement des griefs avait permis de
traiter adéquatement les questions soulevées dans la plainte. Le cas échéant, la
plainte devenait
« frivole,
vexatoire ou entachée de mauvaise foi »
au sens de
l’alinéa
[27]
Les parties ont envoyé leurs observations. L’enquêteuse en a pris
connaissance, puis a déposé un rapport dans lequel elle recommandait le rejet
de la plainte en application de l’alinéa
[28] L’enquêteuse a invité les parties à lui faire part de leurs observations au sujet du rapport. M me Bergeron a déposé deux séries d’observations.
[29] La Commission a chargé un conciliateur de tenter d’arriver à un règlement de la plainte. La procédure de conciliation n’a pas abouti.
[30] Après l’échec de la conciliation, M me Bergeron a demandé l’autorisation de présenter d’autres observations concernant le rapport d’enquête. Les parties avaient déjà échangé leurs observations, mais la Commission a fait droit à la demande de M me Bergeron, qui a alors déposé dix autres pages d’observations sur le rapport.
[31] Le rapport d’enquête, les observations des parties et un certain nombre de documents pertinents ont été transmis à la Commission pour qu’elle rende une décision.
[32]
La Commission, qui a souscrit à l’analyse du rapport d’enquête, a
accepté la recommandation de l’enquêteuse et rejeté la plainte en application
de l’alinéa
[33] M me Bergeron s’est adressée à la Cour fédérale pour lui demander d’annuler la décision de la Commission. Elle invoquait comme moyen principal le caractère déraisonnable de la décision de la Commission.
[34] La Cour fédérale a procédé au contrôle de la décision de la Commission selon la norme de la décision raisonnable. Sur la question de savoir si la décision de la Commission appartenait aux issues acceptables et pouvant se justifier, la Cour fédérale a jugé que la gamme de ce qui pouvait être considéré comme acceptable et justifiable était passablement vaste. Selon ses propres termes, il y a lieu d’accorder à la Commission « une grande marge de manœuvre » lorsqu’elle est appelée à dire si une autre procédure - soit, dans le cas présent, la procédure de règlement des griefs - a traité de manière adéquate les questions soulevées dans la plainte (au paragraphe 39).
[35] La Cour fédérale a examiné la preuve au dossier et le rapport d’enquête pour conclure que la Commission était arrivée à une issue acceptable qui pouvait se justifier. Selon elle, le dossier « appu[yait] amplement » la décision de la Commission (au paragraphe 41) :
Bien que les motifs de la Commission dans la première décision, formulés uniquement dans la lettre envoyée aux parties, sont loin d’être parfaits, le dossier à sa disposition (en particulier le rapport relatif aux articles 40 et 41 produit pour la première plainte) appuie amplement sa conclusion. Dans son premier grief, M me Bergeron avait soulevé à peu près les mêmes questions qu’elle a soulevées dans la première plainte; elle avait demandé à peu près les mêmes mesures de redressement; elle avait eu la possibilité de présenter sa position (mais ne s’était pas pleinement prévalue de ce droit); elle avait obtenu une décision comportant une conclusion sur ses allégations concernant le refus de prendre des mesures d’adaptation (mais, dans une large mesure à cause des retards de M me Bergeron elle-même, ces allégations ont été rejetées); elle avait reçu une autre offre de négociation de son retour au travail, ce qui indiquait que le processus relatif aux mesures d’adaptation était toujours en cours et que, par conséquent, le dépôt de sa plainte était prématuré.
[36] La Cour fédérale a reconnu que la plainte différait du grief à un égard, en ce qu’elle posait la question de savoir si la politique du Conseil du Trésor consistant à [ traduction ] « maintenir les personnes handicapées sur la liste [prioritaire] pour seulement un an » était discriminatoire. Cette question n’avait pas été soulevée dans le cadre du grief. Cela dit, pour la Cour fédérale, cette différence était sans conséquence (au paragraphe 42) :
[…] dans ses observations en réponse au rapport relatif aux articles 40 et 41 produit pour la première plainte, M me Bergeron n’a pas donné suite sérieusement à l’argument selon lequel le rejet de sa plainte entraînerait l’examen de la politique du Conseil du Trésor; de plus, M me Bergeron n’a pas donné suite à cette question dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Ainsi, en plus du fait que la question de savoir si les mêmes questions étaient soulevées dans les deux processus n’est qu’un des facteurs d’une analyse liée à l’alinéa 41(1) d ), la question se rapportant à la politique du Conseil du Trésor est d’une importance négligeable dans le cadre du présent contrôle judiciaire visant la décision rendue par la Commission.
[37] Devant la Cour fédérale, M me Bergeron soutenait que la procédure de règlement des griefs n’était pas indépendante, puisque l’agente des griefs était la sous-ministre adjointe de la Justice. La Cour fédérale a rejeté cet argument (paragraphe 43) :
De plus, bien que M me Bergeron ait toujours soutenu que la procédure de règlement des griefs n’était pas indépendante et, par conséquent, ne pouvait pas mener à une résolution adéquate de ses plaintes, rien n’indique que M me Miller avait un parti pris ou a manqué d’impartialité dans ses décisions sur les griefs; de plus, dans les circonstances, le manque d’indépendance prétendu de la procédure de règlement des griefs ne suffit pas pour conclure que la décision de la Commission était déraisonnable : les lacunes alléguées sont hypothétiques et, encore une fois, n’ont trait qu’à un des facteurs dans la liste signalée ci-dessus. La plupart, sinon la totalité, des autres facteurs militaient en faveur du rejet de la plainte.
[38] La Cour fédérale a conclu que la décision de la Commission appartenait aux issues acceptables et pouvant se justifier et qu’elle était raisonnable. Elle a donc rejeté la demande de contrôle judiciaire de M me Bergeron.
[39] M me Bergeron interjette maintenant appel devant notre Cour. Elle soutient :
(1) que la décision de la Commission était déraisonnable sur le fond;
(2) que la Commission n’a pas agi dans le respect de l’équité procédurale parce que la plainte n’a pas fait l’objet d’une enquête approfondie.
[40]
En appel, il nous faut d’abord déterminer si la Cour fédérale a eu
raison de procéder au contrôle en appliquant la norme de la décision
raisonnable :
Agraira c. Canada (Sécurité publique et Préparation
civile)
,
[41]
Les parties estiment toutes deux que la Cour fédérale a choisi la norme de
contrôle qui s’imposait. Je suis du même avis. La décision de la Commission consistait
en un examen préalable, à savoir une décision discrétionnaire fondée sur les
faits et faisant appel à une expertise et à certaines connaissances
spécialisées. Nous reviendrons sur ce point un peu plus loin lorsqu’il sera question
de la marge de manœuvre, ou latitude, à laquelle la Commission a droit. Pour
l’heure, mentionnons simplement le fait que les décisions de cette nature sont
présumées être assujetties à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable :
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick
,
[42] Après avoir conclu que la Cour fédérale avait choisi la bonne norme de contrôle — à savoir celle de la décision raisonnable —, nous devons maintenant déterminer si elle a eu raison de conclure que la décision de la Commission était raisonnable. Autrement dit, nous devons nous mettre à la place de la Cour fédérale et procéder nous-mêmes au contrôle de la décision selon la norme de la décision raisonnable afin de voir si nous sommes d’accord avec le résultat : arrêt Agraira , précité, aux paragraphes 45 à 47.
[43] Il est aujourd’hui bien établi que l’examen du caractère raisonnable exige de déterminer si la décision à laquelle est arrivé le décideur administratif, en l’occurrence la Commission, appartient aux issues acceptables et pouvant se justifier : arrêt Dunsmuir , précité, au paragraphe 47.
[44]
Dans l’arrêt
Dunsmuir
, la Cour suprême a exposé l’idée d’une
gamme d’issues acceptables et pouvant se justifier, sans toutefois en préciser
la nature. Par définition, une gamme peut être vaste ou limitée. Dans des
décisions ultérieures, toutefois, la Cour suprême a confirmé que l’étendue de
cette « gamme » variait en fonction des circonstances :
Catalyst
Paper Corp. c. North Cowichan (District)
,
[45]
Dans l’affaire qui nous occupe, cette gamme — ou, selon les termes employés
dans certains jugements, la latitude ou marge de manœuvre dont dispose la Commission
— est assez vaste en raison de la tâche confiée à la Commission, qui exige que cette
dernière se fonde sur des considérations factuelles et politiques :
Canada
(Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités) c. Farwaha
,
[46] Comme on peut le constater dans le rapport d’enquête, la Commission a eu à tenir compte de plusieurs facteurs pertinents. Ceux-ci concernent essentiellement des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit où les faits dominent :
· De quelle nature était l’autre mécanisme de recours qui a été utilisé?
· Y a-t-il eu tenue d’une audience consacrée aux questions soulevées par la plainte?
· La plaignante a-t-elle eu la possibilité de présenter sa position?
· La décideuse était-elle indépendante?
· Quelle décision a-t-elle rendue?
· La décision aborde-t-elle toutes les questions relatives aux droits de la personne soulevées dans la plainte?
· Quelles étaient les mesures de redressement demandées dans le cadre de la procédure de règlement du grief ou de l’autre mécanisme de recours?
· Si la plaignante a eu gain de cause (en tout ou en partie) dans le cadre de cet autre mécanisme de recours, quelles mesures de redressement lui a-t-on accordées?
Point important, M me Bergeron ne conteste pas qu’il était raisonnable de la part de la Commission d’inclure ces facteurs dans son évaluation.
[47] De plus, concernant l’examen de l’étendue de la latitude à laquelle a droit la Commission, je remarque que la tâche de la Commission au regard de l’alinéa 41(1) d ) consiste à écarter les plaintes pour lesquelles une réparation adéquate a déjà été accordée devant un autre forum. La question du caractère adéquat est dans une large mesure affaire de jugement et de faits, et doit notamment être examinée au regard du principe selon lequel la Commission doit se garder de consacrer les rares ressources disponibles à des affaires qui ont été examinées au fond par une autre instance, ou qui auraient pu l’être. Sur ce dernier point, précisons que l’alinéa 41(1) d ) permet d’invoquer le cas où le plaignant a omis d’exercer un autre recours adéquat ou ne l’a pas exercé jusqu’au bout.
[48] En l’espèce, la Commission a rendu une décision qui respectait tout à fait la marge d’appréciation dont elle disposait, et cette décision ne peut être annulée. Comme le note la Cour fédérale, la conclusion de la Commission portant que la procédure de règlement des griefs constituait un recours adéquat trouve appui dans le dossier et, par conséquent, elle était acceptable et pouvait se justifier. Voici ce que je constate :
· Le grief et la plainte sont essentiellement les mêmes (voir le paragraphe 18 des présents motifs).
· La procédure de règlement des griefs permettait la tenue de plus amples discussions, que M me Bergeron a toutefois refusé d’engager; celles-ci auraient pu aboutir à un plan de retour au travail et à d’autres mesures d’adaptation.
· L’agente des griefs a examiné les allégations de discrimination, lesquelles sont sensiblement les mêmes que celles exposées dans la plainte. Celle-ci renferme toutefois un élément supplémentaire, la politique du Conseil du Trésor, mais cette différence n’a aucune importance pour les raisons données par la Cour fédérale au paragraphe 42.
· Aucune preuve ne permet de penser que l’agente des griefs avait un parti pris ou qu’elle n’a pas statué sur les griefs de manière impartiale . À cet égard, je fais mien le raisonnement exposé par la Cour fédérale au paragraphe 43.
·
Le seul élément de preuve offert par M
me
Bergeron
à l’appui de son affirmation que l’agente des griefs manquait d’indépendance est
la charge de sous-ministre adjointe de cette dernière. Or, les décisions
des hauts fonctionnaires ne sont pas viciées du seul fait de leur statut au
sein d’un ministère :
Vaughan c. Canada
,
·
Si réellement l’agente des
griefs n’avait pas toute l’indépendance voulue parce qu’elle occupait un poste
de haut fonctionnaire au ministère,
M
me
Bergeron pouvait se tourner vers un
décideur indépendant en renvoyant la décision de l’agente des griefs à l’arbitrage
en application de
l’article
· L’indépendance de l’agente des griefs n’est qu’un facteur parmi ceux que la Commission était tenue d’évaluer et de pondérer au regard des faits. En l’absence de considérations inhabituelles, les cours de révision accordent aux décideurs administratifs une importante latitude en ce qui concerne l’appréciation et la pondération des faits.
[49]
La liste des facteurs examinés par la Commission — laquelle est
reproduite au paragraphe 46 des présents motifs — est un autre élément permettant
d’affirmer que la décision de la Commission était raisonnable, car cette liste cadre
tout à fait avec les facteurs énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt
Colombie-Britannique
(Worker’s Compensation Board) c. Figliola
,
[50] Dans l’arrêt Figliola , la Cour suprême a relevé trois facteurs à prendre en compte pour déterminer si un autre décideur a déjà statué de manière appropriée sur une plainte en matière de droits de la personne (au paragraphe 37) :
· Existait-il une compétence concurrente pour statuer sur les questions relatives aux droits de la personne?
· La question juridique tranchée dans l’autre forum était-elle essentiellement la même que celle soulevée dans la plainte pour atteinte aux droits de la personne?
· Le plaignant a-t-il eu la possibilité de connaître les éléments invoqués contre lui et de les réfuter?
[51]
La décision rendue par la Commission respecte ces exigences. L’agente
des griefs avait compétence pour statuer sur les questions de droit de la
personne en vertu du paragraphe
[52] À l’appui des arguments qu’elle a fait valoir sur la question du caractère raisonnable, M me Bergeron fait remarquer que l’agente des griefs n’était pas une spécialiste des droits de la personne. Elle ajoute que l’enquêteuse a erronément déclaré dans son rapport que l’agente des griefs était l’experte du ministère en matière de droits de la personne.
[53] S’il est vrai que le rapport était erroné sur ce point, rien ne permet d’affirmer que l’agente des griefs ne s’y connaissait pas suffisamment pour traiter les questions de droits de la personne qui se posaient dans le cadre du grief. En fait, l’examen des motifs de l’agente des griefs ne nous autorise pas à croire qu’elle était inapte à travailler, bien au contraire. De plus, la loi n’exige pas que les questions de droits de la personne soient uniquement soumises aux experts en la matière, en particulier les membres des commissions et tribunaux des droits de la personne. Ainsi, les autres décideurs administratifs sont eux aussi autorisés à se prononcer sur les questions de cette nature. Cette approche s’inscrit dans la réalisation de l’objectif de développement d’une culture générale de respect des droits de la personne dans le système de justice administrative. Voir, de façon générale, l’arrêt Figliola , au paragraphe 37.
[54]
M
me
Bergeron invoque également la décision
Berberi c.
Canada (P.G.)
,
[55] À mon avis, il faut écarter la décision Berberi parce qu’elle porte sur des faits différents. En l’espèce, la Commission disposait d’un rapport d’enquête, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire Berberi . Qui plus est, dans ce rapport, l’enquêteuse avait cherché à savoir, au regard de certains facteurs, si la plainte avait été examinée dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Par ailleurs, dans l’affaire Berberi , la procédure de règlement des griefs n’avait pas abouti à une décision, alors qu’en l’espèce, il y a eu décision. Dans la présente affaire, l’agente des griefs a procédé à un examen au fond des plaintes de M me Bergeron en matière de droits de la personne — le présumé défaut de prendre des mesures d’adaptation, le traitement de la question du plan de retour au travail et la dotation de son poste — et a statué sur ces plaintes en accordant à la plaignante certaines mesures de réparation. Contrairement à la voie qu’elle avait suivie dans l’affaire Berberi , la Commission s’est acquittée en l’espèce des obligations que lui impose la loi en examinant la décision rendue à l’égard du grief et ses motifs et en évaluant si la procédure était adéquate.
[56] M me Bergeron soutient par ailleurs que les motifs de la Commission étaient insuffisants. Elle se plaint du fait que la Commission a rendu une décision de seulement trois pages dans laquelle elle a repris des passages du rapport de l’enquêteuse, se contentant de déclarer [ traduction ] « sur un ton laconique » qu’elle avait tenu compte des observations de la plaignante. Ses motifs ne répondent pas à tous les points que M me Bergeron a soulevés dans ses observations.
[57]
Comme il est bien établi en droit, l’insuffisance des motifs ne permet
pas à elle seule d’écarter la décision d’un tribunal administratif; cette
question doit plutôt être prise en considération dans le cadre de l’analyse relative
au caractère raisonnable :
Newfoundland
and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil
du Trésor)
,
[58] De plus, en pareilles circonstances, ce genre de décideur administratif n’est pas tenu de traiter toutes les questions qui lui ont été adressées :
Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les
arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge
siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur
validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de
la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur
chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a
mené à sa conclusion finale (
Union internationale des employés des services,
local n
o
333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn.
,
(arrêt
Newfoundland Nurses
, précité, au
paragraphe 16; voir aussi l’arrêt
Construction Labour Relations c.
Driver Iron Inc.
,
[59]
Par ailleurs, dans le cadre de l’analyse relative au caractère raisonnable,
le rôle de la cour de révision ne consiste pas uniquement à déterminer si les
motifs
de la décision sont acceptables et justifiables. La cour doit également chercher
à savoir si le résultat obtenu, c’est-à-dire la
décision
même, est acceptable et peut se justifier : arrêt
Dunsmuir
, précité,
au paragraphe 48. Autrement dit, elle doit évaluer « si la décision
attaquée, considérée dans son ensemble, à la lumière du dossier, est
raisonnable » : arrêt
Construction Labour Relations
, précité,
au paragraphe 3; arrêt
Newfoundland Nurses
, précité, au
paragraphe 15. Cela dit, elle doit aussi s’acquitter de ce rôle dans le
respect de certaines limites. Ainsi, la Cour ne peut pas faire en sorte
d’arriver à un résultat auquel la Commission ne serait pas elle-même parvenue :
Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’
Association
,
[60] En fait, « [l]orsque la Commission adopte les recommandations de l’enquêteur et qu’elle ne présente aucun motif ou qu’elle fournit des motifs très succincts » , la cour de révision peut considérer que « le rapport d’enquête constitu[e] les motifs de la Commission » aux fins de la prise d’une décision à l’étape de l’examen préalable prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne : arrêt Sketchley , précité, au paragraphe 37. Dans l’affaire qui nous occupe, la Commission est allée encore plus loin dans ses motifs. Elle a fait siennes la recommandation de l’enquêteuse et la section relative à l’analyse du rapport de cette dernière.
[61]
Au vu du dossier, les motifs de la Commission ne sont pas insuffisants au
point que la Cour se trouve dans l’impossibilité de procéder à un examen du
caractère raisonnable de la décision :
Leahy c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
,
[62] Le fait d’examiner les motifs de la Commission à la lumière du dossier permet de confirmer le caractère raisonnable de sa décision. Il ne s’agit pas d’un cas comme celui examiné dans l’arrêt Lemus , précité, où le caractère raisonnable de la décision était sérieusement remis en doute en raison de la teneur des motifs rédigés par le décideur, et la Cour a estimé dans cette affaire qu’elle ne pouvait s’engager dans un examen du dossier pour faire en sorte d’arriver au résultat obtenu. La situation est différente en l’espèce : les motifs de la Commission ne soulèvent en soi aucune inquiétude particulière et le dossier confirme nettement la décision à laquelle est arrivée la Commission. Pour reprendre les termes de la Cour fédérale (au paragraphe 41), le dossier « appuie amplement » la conclusion.
[63]
La brièveté des motifs en cause en l’espèce ne nous amène pas à douter
de leur transparence ou de leur intelligibilité : arrêt
Dunsmuir
, précité,
au paragraphe 47. Les motifs, surtout s’ils sont considérés à la lumière du
dossier et du rapport de l’enquêteuse, sont suffisamment étoffés pour que M
me
Bergeron
puisse comprendre comment la Commission est arrivée à sa décision :
English-Baker
c. Canada (Procureur général)
,
[64] Pour les motifs qui précèdent et ceux que la Cour fédérale a exposés aux paragraphes 41 à 43 de sa décision, je conclus que rien ne justifie l’annulation de la décision de la Commission sur le fondement de la norme du caractère raisonnable.
[65] M me Bergeron soutient que l’enquête de la Commission n’était pas suffisamment approfondie. Elle affirme qu’il s’agit d’une question d’équité procédurale susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, et ce point de vue trouve un certain appui dans la jurisprudence. Elle ajoute qu’elle a présenté des arguments sur les déficiences de l’enquête à la Cour fédérale, mais que celle-ci ne les a pas examinés. L’intimé conteste ces affirmations.
[66] Les motifs de la Cour fédérale ne renferment aucune analyse particulière de la question de l’exhaustivité de l’enquête. Je me propose donc de reprendre complètement cette question.
[67]
Le droit n’est pas encore fixé en ce qui concerne la norme de contrôle à
appliquer aux questions d’équité procédurale, comme en témoigne un arrêt récent
de la Cour suprême,
Établissement de Mission c
.
Khela
,
[68]
Notre Cour a rendu certains jugements qui se sont concentrés sur ce
choix de la norme de la décision correcte arrêté par la Cour suprême dans
l’arrêt
Khela
, tout en faisant abstraction de l’appel ultérieur à une
certaine déférence : voir par exemple
Air Canada c. Greenglass
,
[69]
Par exemple, notre Cour parle de procéder selon la norme de la décision
correcte
« en
se montrant respectueux [des] choix [du décideur] »
et en faisant preuve d’un
« degré
de retenue »
:
Ré:Sonne
c. Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada
,
[70] Parallèlement, il est permis de douter du fait que le défaut de procéder à une enquête approfondie dans le cadre de la Loi constitue un vice de procédure entraînant l’application de la norme de contrôle réservée aux questions procédurales, quelle que soit cette norme. En effet, la décision fondée sur une enquête déficiente peut très bien être qualifiée d’inacceptable ou d’injustifiable sur le fond parce qu’elle repose sur une information incomplète, ce qui devrait dès lors entraîner l’application de la norme de contrôle énoncée dans l’arrêt Dunsmuir , précité, relativement aux vices de fond. Comme l’illustre l’affaire examinée dans l’arrêt Forest Ethics , précité, il n’est pas toujours simple de départager les préoccupations de fond de celles qui concernent la procédure. La Cour avait alors expliqué que de nombreuses raisons militaient en faveur de l’application d’une même norme de contrôle — celle de la décision raisonnable, assortie d’une marge de manœuvre variable selon les circonstances (comme nous l’avons vu plus tôt dans les présents motifs) — à l’ensemble des décisions administratives.
[71] Nous sommes donc en présence d’une jurisprudence confuse, qu’il n’est actuellement pas opportun de tenter de clarifier. En effet, d’une part, les parties ne nous ont pas présenté d’observations sur la question et, d’autre part, le nombre de décisions contradictoires est tel que seule une décision raisonnée de la Cour suprême pourra vraisemblablement apporter des éclaircissements.
[72] Quoi qu’il en soit, nous verrons qu’il ne nous est pas nécessaire de trancher cette question en l’espèce. Au vu du dossier, rien ne justifie de modifier la décision de la Commission pour manquement à l’équité procédurale, même en appliquant la norme de la décision correcte.
[73] M me Bergeron soutient que la Commission a commis une erreur de nature procédurale en n’enquêtant pas sur l’affaire de manière approfondie. Elle s’appuie sur des décisions de la Cour fédérale qui semblent laisser entendre que la Commission doit procéder à une enquête « approfondie » et « complète » , voire à l’enquête « la plus complète possible » : Gravelle c. Canada (Procureur général) , 2006 CF 251, 60 Admin. L.R. (4th) 179, aux paragraphes 36 et 38; Société Radio-Canada c. Syndicat des communications de Radio-Canada , 2005 CF 466, 272 F.T.R. 116, au paragraphe 37.
[74] À mon sens, il n’y a pas lieu de se fonder sur ces bribes de décisions de la Cour fédérale — décisions qui ne nous lient par ailleurs pas — comme si elles prescrivaient des exigences applicables à toute enquête, indépendamment du contexte. Considérées hors contexte, ces décisions peuvent induire en erreur. S’il est vrai qu’une enquête se doit d’être approfondie, l’enquêteur n’est pas tenu d’examiner l’affaire sous tous les angles possibles et imaginables :
· La mesure dans laquelle l’enquête doit être approfondie dépend des circonstances propres à chaque affaire. Dans certains cas, il suffit d’un seul fait, voire de quelques-uns, pour régler la question faisant l’objet de l’enquête de façon satisfaisante aux yeux de l’enquêteur, ce qui rend la poursuite de l’enquête inutile.
·
Par ailleurs, la rigueur d’une enquête est aussi modulée par l’intérêt
qu’il y a à disposer, pour l’application de la Loi, d’un système d’examen des
plaintes qui fonctionne et qui soit efficace sur le plan administratif : décision
Slattery
(C.F. 1
re
inst.), précitée, au paragraphe 55,
conf. par l’arrêt de la Cour d’appel, précité;
Shaw c. Gendarmerie royale du
Canada
,
· Seules les « questions fondamentales » exigent une enquête de façon à ce que les plaignants puissent être informés des « motifs généraux » de la preuve produite contre eux. Autrement dit, on conclura à l’existence d’une lacune justifiant l’octroi d’une mesure réparatrice que s’il y a eu une « omission déraisonnable » dans l’enquête ou si l’enquête est « manifestement déficiente » : décision Slattery (C.F. 1 re inst.), précitée, aux paragraphes 56 et 67 à 69, conf. par l’arrêt de la Cour d’appel, précité. Par exemple, le défaut d’examiner une preuve manifestement importante entraînera une conclusion de manquement à l’équité procédurale s’il y a eu une omission que la présentation d’observations supplémentaires ne peut compenser : arrêt Sketchley , précité.
·
Dans une affaire relevant de l’article 41, la portée de
l’enquête est limitée. L’enquêteur n’a pas à apprécier la preuve. Son rôle
consiste plutôt à rechercher les faits qui sont pertinents quant aux questions
visées par l’article 41. Voir, de façon générale, l’arrêt
McIlvenna
c. Banque de Nouvelle-Écosse
,
[75] La Commission a examiné les observations de M me Bergeron, y compris celles que cette dernière lui a soumises après le dépôt du rapport d’enquête. Ces observations complémentaires reprennent dans une large mesure l’information qu’elle avait déjà communiquée à l’enquêteuse. Le rapport lui-même traite d’un certain nombre d’observations et de documents fournis par M me Bergeron : rapport, alinéa 16d) à h) et paragraphes 18 à 21.
[76]
D’une certaine façon, M
me
Bergeron se plaint dans ses
observations du fait que le rapport de l’enquêteuse ne mentionne pas tous les
points qu’elle a soulevés. Or, l’enquêteuse n’est pas tenue de tout
mentionner : décision
Shaw
, précitée, au paragraphe 27;
Anderson
c. Canada (Procureur général)
,
[77] Le processus suivi dans la présente affaire a été équitable. L’enquêteuse a fait preuve de neutralité et son enquête était suffisamment approfondie pour les besoins de la question qui lui était posée, à savoir si la procédure de règlement des griefs constituait un recours adéquat. Elle a sollicité des observations à de nombreuses reprises. M me Bergeron a même été autorisée à présenter des observations supplémentaires longtemps après la clôture officielle de la procédure écrite, à la suite de l’échec de la conciliation. L’enquêteuse a produit un rapport dans lequel elle expose les questions en litige, les thèses des parties, les facteurs à prendre en compte et les renseignements obtenus des parties. La Commission a fondé sa décision sur ce rapport et a fait sienne une partie de l’analyse qu’il renferme.
[78] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que rien ne justifie l’annulation de la décision de la Commission pour manquement à l’équité procédurale.
[79] À l’instar de la Cour fédérale, je ne suis pas convaincu que l’annulation de la décision de la Commission était justifiée. Par conséquent, je rejetterais l’appel avec dépens.
« David Stratas »
j.c.a.
« Je suis d’accord.
Johanne Trudel, j.c.a. »
« Je suis d’accord.
Wyman W. Webb, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Mario Lagacé, jurilinguiste
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
A-141-13 |
APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR MONSIEUR LE JUGE ZINN LE 25 MARS 2013 DANS LES DOSSIERS T-315-12 ET T-316-12
INTITULÉ : |
MICHÈLE BERGERON c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
ottawa (ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 4 JUIN 2014
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MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE STRATAS
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Y ONT SOUSCRIT : |
LA JUGE TRUDEL LE JUGE WEBB
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DATE DES MOTIFS : |
LE 7 JUILLET 2015
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||
COMPARUTIONS :
David Yazbeck
|
POUR L’appelante
|
Anne McConville
|
POUR L’intimé
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Raven, Cameron Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l. Ottawa (Ontario)
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POUR L’appelante
|
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada
|
POUR L’intimé
|