Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 16 juillet 2015

Référence neutre : 2015 QCTAQ 0774

Dossier  : SAS-Q-207895-1503

Devant le juge administratif :

CARL LECLERC

 

H… M…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]               Il s’agit d’un recours introduit le 18 mars 2015 par le requérant à l’encontre d’une décision du 21 janvier 2015 rendue par le Service d’évaluation médicale et suivi du comportement de la Société de l’assurance automobile du Québec, la partie intimée.

[2]               Par cette décision, l‘intimée fait suite à la réception du rapport d’évaluation sommaire de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec
(ci-après appelée l'ACRDQ).

[3]               Ce rapport, en date du 10 décembre 2014, recommande que le requérant se soumette à une évaluation complète afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ou de drogues ne soient plus incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[4]               L’intimée informe donc le requérant dans sa décision du 21 janvier 2015 que pour obtenir un nouveau permis de conduire, il doit se soumettre à un examen médical et se soumettre également à une évaluation complète auprès d'un centre reconnu par l'ACRDQ.

[5]               Le tout fait suite à la déclaration de culpabilité prononcée le 7 août 2014, pour une infraction à l’article 253 (1)a) du Code criminel [1] commise le 12 avril 2014, entraînant la révocation du permis de conduire du requérant le 7 août 2014.

[6]               Après avoir entendu le bref témoignage du requérant, devant le constat qu’aucune preuve pertinente ne lui a été présentée, le Tribunal a dispensé la procureure de l’intimée de faire entendre des témoins et de faire des représentations et doit rejeter le recours du requérant.

[7]               Le Code de la sécurité routière [2] édicte notamment ce qui suit :

«  180. Entraîne de plein droit la révocation de tout permis autorisant la conduite d'un véhicule routier ou la suspension du droit d'en obtenir un, la déclaration de culpabilité d'une personne à une infraction au Code criminel (L.R.C. 1985, c.
C-46), commise avec un véhicule routier ou avec un véhicule hors route et prévue aux articles suivants de ce code:

 1° les articles 220, 221, 236, le sous-paragraphe a du paragraphe 1, les paragraphes 3 ou 4 de l'article 249, les articles 249.1, 249.2, 249.3, les paragraphes 1, 3 ou 4 de l'article 249.4 ou les paragraphes 1, 1.2 ou 1.3 de l'article 252;

 2° l'article 253, le paragraphe 5 de l'article 254 ou les paragraphes 2, 2.1, 2.2, 3, 3.1 ou 3.2 de l'article 255.

Le juge qui prononce la déclaration de culpabilité doit ordonner la confiscation du permis visé au premier alinéa pour qu'il soit remis à la Société. »

[8]               L’article 253 du Code criminel édicte :

«  253. (1) Commet une infraction quiconque conduit un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou aide à conduire un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou a la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur, d’un bateau, d’un aéronef ou de matériel ferroviaire, que ceux-ci soient en mouvement ou non, dans les cas suivants :

a) lorsque sa capacité de conduire ce véhicule, ce bateau, cet aéronef ou ce matériel ferroviaire est affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue;

b) lorsqu’il a consommé une quantité d’alcool telle que son alcoolémie dépasse quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang.

(2) Il est entendu que l’alinéa (1)a) vise notamment le cas où la capacité de conduire est affaiblie par l’effet combiné de l’alcool et d’une drogue. »

[9]               Voici les autres dispositions pertinentes du Code de la sécurité routière  :

«  76. Sous réserve de l'article 76.1.1, aucun permis ne peut être délivré à une personne dont le permis a été révoqué ou dont le droit d'en obtenir un a été suspendu à la suite d'une déclaration de culpabilité pour une infraction au Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), visée à l'article 180 du présent code, avant l'expiration d'une période d'une, de trois ou de cinq années consécutive à la date de la révocation ou de la suspension selon que, au cours des 10 années précédant cette révocation ou cette suspension, elle s'est vu imposer aucune, une seule ou plus d'une révocation ou suspension en vertu de cet article.

Si la déclaration de culpabilité est suivie d'une ordonnance d'interdiction de conduire prononcée en vertu des paragraphes 1, 2 et 3.1 à 3.4 de l'article 259 du Code criminel pour une période plus longue que celle applicable en vertu du premier alinéa, la période alors applicable sera égale à celle établie dans l'ordonnance.

[…]

76.1.2. Lorsque l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension est reliée à l'alcool et que la personne n'est pas visée à l'article 76.1.4, elle doit, pour obtenir un nouveau permis, établir que son rapport à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe de permis demandée.

La personne doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa:

 1° au moyen d'une évaluation sommaire, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle ne s'est vu imposer ni révocation ni suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool;

 2° au moyen d'une évaluation complète, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle s'est vu imposer au moins une révocation ou suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool.

La personne qui échoue l'évaluation sommaire doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa au moyen d'une évaluation complète.

La personne qui réussit l'évaluation sommaire doit, après avoir payé à la Société les droits afférents, suivre avec succès un programme d'éducation reconnu par le ministre des Transports et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d'alcool ou de drogue.

[…]

76.1.7.   Pour l'application des articles 76.1 à 76.1.6, on entend par:

 1° «une infraction consistant à fuir un véhicule de police» toute infraction à l'article 249.1 du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46);

 2° «une infraction consistant à fuir le lieu d'un accident» toute infraction aux paragraphes 1, 1.2 ou 1.3 de l'article 252 du Code criminel;

 3° «le refus de fournir un échantillon d'haleine» toute infraction au paragraphe 5 de l'article 254 ou aux paragraphes 2.2 ou 3.2 de l'article 255 du Code criminel;

 4° «une infraction reliée à l'alcool» une infraction à l'article 253 ou au paragraphe 2, 2.1, 3 ou 3.1 de l'article 255 du Code criminel pour laquelle aucune décision d'un tribunal ne fait état que la concentration d'alcool dans le sang du contrevenant au moment où l'infraction a été commise était supérieure à 160 mg d'alcool par 100 ml de sang;

 5° «une infraction reliée à une alcoolémie élevée» une infraction à l'article 253 ou au paragraphe 2, 2.1, 3 ou 3.1 de l'article 255 du Code criminel pour laquelle une décision d'un tribunal fait état que la concentration d'alcool dans le sang du contrevenant au moment où l'infraction a été commise était supérieure à 160 mg d'alcool par 100 ml de sang. »

[10]            Le requérant a témoigné à l’audience.

[11]            Il explique avec sincérité les conséquences fâcheuses découlant de la perte de son permis et affirme avoir compris la leçon.

[12]            Le principe retenu par la jurisprudence majoritaire du Tribunal est qu’il n’appartient pas à ce dernier de s’immiscer dans le choix des critères d’évaluation retenus par le protocole de l’ACRDQ ni à leur pointage.

[13]            Le Tribunal n’a pas à évaluer la valeur et pertinence de tels critères, qui sont le fruit d’un protocole bien établi.

[14]            La preuve n’a pas été faite que l’évaluation sommaire à laquelle s’est soumise le requérant comportât des erreurs déterminantes, ou encore que le protocole établi par l’ACRDQ avait été mal appliqué.

[15]            Le requérant a coté à cinq facteurs de risque, rendant obligatoire qu’il se soumette à une évaluation complète selon le protocole établi. Rappelons qu’il suffit de coter à trois facteurs de risque pour qu’une personne soit obligée de se soumettre à une évaluation complète selon le protocole établi par l’ACRDQ.

[16]            Le Code de la sécurité routière est d’ordre public.

[17]            L’article 76.1.2 est clair : pour obtenir à nouveau son permis, une personne qui n’a pas vu son permis révoqué dans les 10 années précédentes pour une infraction reliée à l’alcool ou au refus de se soumettre à un échantillon d’haleine, doit se soumettre à une évaluation sommaire. Et si la personne échoue l’évaluation sommaire, elle doit se soumettre à une évaluation complète.

[18]            Les inconvénients causés à une personne en raison de la suspension de son permis, même majeurs, ne sont pas pertinents.

[19]            Le requérant n’ayant pas rencontré son fardeau, son recours doit être rejeté.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL [3]   :

REJETTE le recours


 

 

CARL LECLERC, j.a.t.a.q.


 

Me Marie-Ève Orlup

Procureure de la partie intimée


 



[1] RLRC [1985], chapitre C-46.

[2] RLRQ, chapitre C-24.2.

[3] Le Tribunal a autorisé une réduction du quorum à un seul membre, en vertu de l’article 82 , alinéa 3 de la Loi sur la justice administrative .