Cliche et Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances |
2015 QCTA 630 |
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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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2015021 |
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Date : |
23 juillet 2015 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
ME DENIS TREMBLAY |
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Suzanne Cliche
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Ci-après l’appelante |
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Et |
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La Commission administrative des régimes de retraite et d’assurances
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Ci-après la CARRA |
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Dossier : 20145044
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Pour l’appelante : Madame Suzanne Cliche |
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Pour la CARRA : Me Louise Desrochers |
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DÉCISION ARBITRALE |
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[1] Suzanne Cliche a travaillé au CSSS région de Thetford à titre de technologiste médicale jusqu’au 15 août 2009 alors qu’elle a pris sa retraite.
[2] Elle y était entrée en fonction le 16 juin 1975. Elle était couverte par le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP).
[3] Sa demande de rente de retraite a été faite le 26 mai 2009 et elle a commencé à lui être versée le 15 août 2009. Il s’agissait d’une rente réduite parce que prise avant la date de son admissibilité à une rente sans réduction. Le montant annuel de cette rente avait été fixé à 28,866.30$, soit 2405.52$ par mois.
[4] Suzanne Cliche avait été prévenue qu’à son 65e anniversaire de naissance, il y aurait une réduction de sa rente de 726.01$ par mois en raison de la coordination entre le RREGOP et le régime de rente du Québec.
II- LA NATURE DU LITIGE
[5] Le 8 août 2013, Suzanne Cliche recevait un avis de la commission administrative des régimes de retraite et d’assurances (CARRA) à l’effet que le 27 juillet 2013, sa rente de retraite avait été ajustée à la baisse. La CARRA lui réclamait alors 1972.81$ pour des prestations versées en trop de 2009 à 2013. On lui offrait le choix des modalités de paiement habituel, soit :
· Par versement mensuel de 241.03$ du 15 novembre 2013 au 13 juin 2014 plus une somme additionnelle de 44.57$ le 15 juillet 2014
· Par versement unique de la somme due, soit 1,972.81$
· Par un autre mode de remboursement proposé par la salariée et approuvé par le service de perception.
[6] Selon le détail, du calcul de la rente fourni à Suzanne Cliche, sa dette initiale était de 2,590.24$. Cependant elle a été réduite de 697.43$ parce que la CARRA a l’obligation légale de faire remise de tout montant de rente ou de crédit de rente qu’elle a payé en trop plus de 36 mois avant la date du rajustement de la rente.
[7] Plus tard, effectivement, la facture au montant de 1,972.81$ incluant la remise de dette (617.43$) fut ramenée à 1,823.24$.
[8] Cette dernière fit une demande de réexamen de cette révision de sa rente par la CARRA pour les motifs suivants :
1- Considérant que la CARRA a l’obligation légale de réviser les rentes accordées aux prestataires, 4 ans plus tard c’est inacceptable dans le cas présent. Après 1 ou 2 ans j’aurais du être avisée de l’erreur; ainsi les sommes réclamées si justifiées auraient été moindres.
2- En 2009 lors du calcul de ma rente, comment se fait-il qu’ayant le relevé de participation de mes années de service, la personne responsable d’établir le montant n’ait pas tenu compte des années de rachat qui y figuraient; elle n’aurait pas dû m’accorder toute la banque de 90 jours. Y a-t-il une autre personne responsable de vérifier les calculs??? Avant de compléter le dossier. (Ci-inclus copie relevé de participation daté du 13 février 2009).
3- Contrairement à la CARRA qui fait un retour en arrière de 4 ans pour ainsi réviser ma rente à la baisse et me réclamer des prestations versées en trop, je ne peux revenir en mai 2009 pour retarder mon départ du travail parce qu’une personne a fait une erreur de calcul. Conséquemment je suis déjà et serai privé de plusieurs milliers de dollars dans les années futures, ce qui est inacceptable.
4- Je demande donc qu’on révise au complet mon dossier.
[9] Dans son cas, selon l’article 147.0.1 de la loi sur le RREGOP et l’article 35.1.0.1 du Règlement de l’application de la Loi, vu sa fin de participation au régime en date du 15 août 2009, la CARRA avait jusqu’au 15 août 2011 pour identifier une erreur et une année supplémentaire, soit jusqu’au 15 août 2012 pour réviser sa rente :
· Article 147.0.1 de la Loi
La Commission peut réviser à la baisse le montant d'une pension qui a commencé à être payée pour corriger toute erreur de calcul ou pour tenir compte de corrections pouvant être apportées aux données ayant servi à son calcul si de telles erreurs ou corrections sont identifiées ou reçues au plus tard à la date déterminée selon les modalités prévues par règlement. La révision à la baisse peut être effectuée dans les 12 mois suivant cette date.
Après ce délai, le montant d'une pension ne peut plus être révisé à la baisse en raison d'une erreur de calcul ou de corrections apportées aux données ayant servi à son calcul.
1995, c. 46, a. 17; 1999, c. 73, a. 10; 2007, c. 43, a. 83.
· Article 35.1.0.1 du Règlement
Aux fins du premier alinéa de l'article 147.0.1 de la Loi, la Commission peut réviser à la baisse le montant d'une pension qui a commencé à être payée pour corriger toute erreur de calcul ou pour tenir compte de corrections pouvant être apportées aux données ayant servi à son calcul si de telles erreurs ou corrections sont identifiées ou reçues au plus tard à la plus lointaine des dates suivantes:
1° la date qui suit de 24 mois celle de la fin de la participation au régime de retraite;
2° la date qui suit de 6 mois celle à laquelle la pension a commencé à être payée.
C.T. 207216, a. 2.
[10] Le comité de réexamen étudia son dossier et rejeta sa requête en révision pour les motifs suivants :
La CARRA est un
administrateur de régimes de retraite généralement à prestations déterminées,
tel qu’ils sont agréés par l’Agence du revenu du Canada (ARC) et ce, en vertu
des articles
(…)
Limite du service crédité
Malgré l’article 147.0.1 de la Loi sur le RREGOP déjà cité, si l’administrateur identifie une rente en paiement non-conforme aux conditions du régime tel qu’agréé, il doit voir à rétablir la situation afin de respecter ses obligations d’administrateur.
Par ailleurs, il est mentionné que c’est en vertu du Règlement sur l’impôt sur le revenu (C.R.C., ch 945) que le service crédité est limité à une année par année civile.
Ainsi, la limite du service crédité par année civile représente une règle fiscale qui ressort de plusieurs dispositions du Règlement sur l’impôt sur le revenu. Les régimes de retraite administrés par la CARRA doivent respecter cette règle et prévoient à leur tour une limite au service crédité total qu’un participant peut accumuler dans un régime de retraite.
(…)
Or, lorsque l’erreur découlant du non-respect de la règle fiscale relative à la limite d’une année de service créditée par année civile due à la mauvaise application de la banque de 90 jours a été identifiée au-delà du délai de 24 mois prévu à l’article 35.1.0.1 du Règlement d’application de la Loi sur le RREGOP déjà cité, la correction de l’erreur ne se fera pas en vertu de l’article 147.0.1 mais bien en vertu des pouvoirs d’un administrateur de régime de retraite qui doit gérer le régime selon les conditions d’agrément et dans le respect des règles fiscales.
Délai de correction
Par conséquent , dans le contexte d’une erreur de calcul de rente due à une mauvaise application de la banque de 90 jours (cas de Mme Cliche) qui a comme conséquence le dépassement de la limite d’accumulation d’une année de service par année civile, la CARRA doit réduire le service, c’est-à-dire corriger la donnée, ainsi que le montant de la rente non-conforme afin de se conformer aux règles fiscales.
[11] Le dossier fut par la suite référé à l’arbitrage et confié au soussigné.
[12] À l’audience, la contestation de Suzanne Cliche se limita à ce qui est énoncé plus haut.
III- ANALYSE ET DÉCISION
[13] La procureure de la CARRA a admis tel que le prétendait Suzanne Cliche que le délai prévu à l’article 147.0.1 pour la révision de sa rente de retraite était expiré. La CARRA avait jusqu’au 15 août 2012 pour le faire et ce fut fait le 8 août 2013. Cependant, a-t-elle expliqué, ce n’est pas en vertu de cet article de la loi sur le RREGOP que la rente a été révisée mais en vertu de l’article 4. Voici ce qu’elle a plaidé à ce sujet.
La CARRA est un
administrateur de régimes de retraite, généralement à prestations déterminées,
tel qu’ils sont
agréés
par l’Agence du revenu du Canada (ci-après
« ARC »), et ce, en vertu de l’article
[14] Or, dans le cas de Suzanne Cliche, le service qu’on lui a reconnu lors de la confirmation de sa rente dépassait une année de service après que l’on ait appliqué par erreur les 90 jours prévus à l’article 74 de la Loi sur la RREGOP pour combler une période d’absence sans traitement de la salariée.
[15] La CARRA à titre d’administrateur du régime et en vertu des articles 147.1 de la loi sur l’impôt du revenu, n’avait pas le choix d’intervenir pour corriger cette erreur qui faisait en sorte que, le plafond des cotisations avait été dépassé et que l’interdiction d’accumuler plus d’une année de service sur le plan fiscal dans une année civile n’avait pas été respectée. C’était l’agrément du régime qui était potentiellement en jeu si la CARRA ne s’occupait pas de corriger de telles erreurs.
[16] En vertu de l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest [1] , « lorsqu’une législation provinciale est incompatible avec une législation fédérale, cette dernière doit prévaloir et la législation provinciale (ici l’article 147.0.1 de la loi sur la RREGOP) être déclarée inopérante dans la mesure de l’incompatibilité. »
[17] Saisi d’un cas semblable au nôtre, l’article Jean Gauvin dans l’affaire Deveau et CARRA (2011) CAN LII 93286 écrit de son côté ceci :
[53] Face à une telle erreur, je ne peux que constater que la correction apportée par l’intimée à la rente des appelantes n’en est pas une qui rencontre les conditions de l’article 147.0.1 à savoir une erreur de calcul ou de données ayant servi au calcul de leur rente à la date de la prise de leur retraite, et que ce n’est donc pas aux termes de cet article que l’intimée, le cas échéant, pouvait effectuer les révisions en cause.
[54] En effet, c’est
plutôt aux termes de son pouvoir général d’administration des régimes de
retraites prévu à l’article
[55] Par ailleurs, eu
égard aux conséquences d’une telle erreur sur la rente des appelantes, il est
vraisemblable, notamment à la lumière du jugement rendu par la Cour supérieure
dans l’affaire MYETTE (cause 500-06-000224-044 et jugement rapporté à
[18] Je partage sans réserve cette analyse.
CONSIDÉRANT les dispositions de la Loi et l’état de la jurisprudence;
EN CONSÉQUENCE , pour tous ces motifs, l’arbitre soussigné REJETTE l’appel de Suzanne Cliche et confirme la décision du comité de réexamen.
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Me Denis Tremblay, arbitre