Chlal c. Spinato |
2015 QCCQ 6502 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-140147-135 |
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DATE : |
23 juillet 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MAGALI LEWIS, J.C.Q. |
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MOHAMMED CHLAL |
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Demandeur c. |
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MARCO SPINATO Défendeur et
BALCON ROYAL INC. |
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Demanderesse reconventionnelle |
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JUGEMENT |
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[1] Mohammed Chal, (le demandeur ), réclame 6 600 $ à Marco Spinato (le défendeur ) à titre de dommages et intérêts, soit 2 601,05 $ pour le remplacement de la porte d’entrée de sa résidence et 3 998,95 $ pour le stress qu’il lui a causé.
[2] Le défendeur nie avoir causé quelque dommage matériel, physique ou psychologique au demandeur, et Balcon Royal inc., dont il est propriétaire, se porte demanderesse reconventionnelle pour un montant de 2 500 $ représentant la valeur des matériaux et du travail effectué pour préparer un auvent que le demandeur avait commandé et dont il a annulé la commande le jour de l’installation.
QUESTIONS EN LITIGE
[3] Le Tribunal répondra aux questions suivantes :
a) Le demandeur a-t-il fait la preuve des dommages que le défendeur aurait causés à sa propriété, et, le cas échéant, du lien de causalité entre ce dommage et les montants qu’il réclame à titre de dédommagement?
b) Le demandeur avait-il le droit de résilier le contrat intervenu avec la demanderesse reconventionnelle le 28 août 2013?
c) La demanderesse reconventionnelle a-t-elle droit à des dommages et a-t-elle fait la preuve du montant qu’elle réclame?
CONTEXTE ET ANALYSE
[4] Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui sous-tendent sa prétention et, sauf exception, la preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante [1] , dans la mesure où elle est claire et convaincante, et satisfait au critère de la prépondérance des probabilités [2] .
[5] La preuve offerte n’a pas à conduire à une certitude absolue, scientifique ou mathématique, il suffit qu’elle rende probable le fait litigieux [3] .
[6] Dans le cadre d’une poursuite en dommages, celui qui poursuit doit démontrer selon les mêmes règles de preuve, la faute de la partie poursuivie, les dommages subis et le lien de causalité entre la faute et les dommages.
[7] Si la preuve n’est pas suffisamment convaincante ou si elle est contradictoire et que le juge est dans l’impossibilité de déterminer où se situe la vérité, celui sur qui reposait l’obligation de convaincre le Tribunal du bien-fondé de sa réclamation perdra [4] .
Demande principale
[8] Au cours du mois de juin 2013, le demandeur contacte la demanderesse reconventionnelle pour obtenir un devis concernant un auvent et des panneaux qu’il souhaite faire installer à l’entrée de sa résidence.
[9] Le défendeur se déplace une première fois chez le demandeur pour évaluer les travaux à faire, et lui fournit un devis de 3 000 $ pour la préparation et l’installation.
[10] Vers la fin du mois de juin 2013, le demandeur rappelle le défendeur pour confirmer la commande conformément au devis. Le défendeur soutient que le demandeur a signé un document qui confirme le détail de sa commande et le prix convenu [5] . Le demandeur nie avoir signé quelque document que ce soit, mais confirme qu’une entente est intervenue et qu’il a commandé un auvent et des panneaux pour la somme de 3 000 $ qu’il s’est engagé à payer.
[11] Le demandeur allègue que la demanderesse reconventionnelle s’était engagée à lui livrer et installer la marchandise dans les trois semaines de la commande. Le défendeur lui aurait dit de ne pas l’appeler pour confirmer la date de l’installation, d’attendre.
[12] Pour cette raison et pour ne pas perdre le fil du temps, lorsque le défendeur quitte sa résidence, le demandeur soutient avoir inscrit à son calendrier que l’installation devait être faite pour le 19 juillet 2013.
[13] Au cours de la troisième semaine après le délai initialement prévu pour l’installation du produit qu’il a commandé, étant sans nouvelle de la demanderesse reconventionnelle, le demandeur déclare avoir décidé de faire affaire avec une autre compagnie. C’est à tout le moins ce qu’il dira au défendeur lorsqu’il se présentera pour installer les produits commandés. Sous prétexte de respecter la demande qui lui a été formulée de ne pas appeler, il ne communique pas avec la demanderesse reconventionnelle pour l’aviser qu’il résilie son contrat.
[14] Le 28 août 2013, vers 7h30 du matin, le défendeur se présente chez le demandeur avec une équipe d’ouvriers dans le but d’installer l’auvent et les panneaux. Le demandeur ne répond pas à la porte et ne répond pas non plus au téléphone lorsque le défendeur tente de le joindre avant de procéder à l’installation.
[15] Lorsque le défendeur appelle une deuxième fois, le demandeur répond et l’avise qu’il n’a plus besoin de ses services puisqu’il a confié le mandat à une autre entreprise.
[16] La version de chacune des parties diffère sur la façon dont les choses se sont déroulées après cela, mais elles s’entendent sur une chose: le défendeur, sérieusement indisposé par le fait que le demandeur refusait de lui ouvrir la porte pour discuter de la situation, a lui-même essayé de le faire, avec le résultat que la chaîne qui tenait la porte fermée est sortie de ses gonds, et que la porte s’est ouverte.
[17] Le demandeur avait fait appeler les policiers dès qu’il avait compris que le défendeur était très mécontent de la situation, de sorte que ceux-ci sont arrivés rapidement sur les lieux après que le défendeur ait ouvert la porte de la résidence du demandeur.
[18] Alors que le demandeur témoigne que le défendeur faisait preuve d’une très grande agressivité à son égard et que ses deux ouvriers devaient le retenir pour éviter une altercation entre eux, le constable Lorrain, qui a témoigné à l’audience de ce qu’il a constaté lorsqu’il est arrivé sur les lieux, déclare que toutes les parties attendaient l’arrivée des constables et qu’à son avis, il était évident que le défendeur et ses employés étaient au courant que la police avait été appelée.
[19] Le demandeur soutient que le défendeur a violemment embouti et détruit sa porte d’entrée. Au soutien de cette prétention, à l’audience, il produit des photographies qui auraient été prises par son fils une à deux semaines après le 28 août 2013, photos qui montrent les dommages que le défendeur aurait causés au cadre de porte en tentant de s’introduire de force dans sa maison [6] .
[20] Le demandeur n’a pas pris en photo toute la porte et tout le cadre de porte. Les deux photos qui montrent une partie du cadre de porte en bois semblent être prises à des moments différents et montrer que le cadre a subi des modifications entre la première et la deuxième photographie. Quant à la troisième photographie, elle semble suggérer que toute la serrure de la porte aurait été arrachée par le défendeur ce qui n’est corroboré ni par le témoignage du constable Lorrain, ni par le témoignage du défendeur et de l’un de ses employés qui était présent sur les lieux, le 28 août 2013.
[21] Selon le constable Lorrain, les dommages causés au cadre de porte étaient minimes. La situation ne donnait pas lieu à une plainte pénale ou criminelle et il a donc quitté les lieux.
[22] Selon le demandeur, sa porte était double, et le fait d’avoir abîmé le cadre de bois qui sépare les deux portes a rendu nécessaire que les deux portes soient changées. Il ne fait pas entendre d’experts à ce sujet, et les photos qu’il produit au soutien de sa réclamation ne permettent pas au Tribunal d’arriver à cette conclusion. Comme déjà souligné, les photos en question donnent plutôt l’impression que le cadre de porte a subi des dommages supplémentaires entre le 28 août 2013 et la date à laquelle les photos produites à l’audience ont été prises.
[23] Le Tribunal conclut que le demandeur n’a pas fait la preuve que le dommage que le défendeur a causé à sa porte a rendu nécessaire de faire remplacer sa porte au coût de 2 601,05 $.
[24] Il n’en demeure pas moins que, n’eût été la tentative du défendeur d’ouvrir la porte du demandeur en utilisant une certaine force, il n’aurait pas fait sortir de ses gonds le support de la chaîne qui la tenait fermée.
[25] Le demandeur réclame d’être indemnisé pour les troubles de santé que le stress des événements du 28 août 2013 lui aurait causé, compte tenu des problèmes de santé chronique dont il souffre. Il a toutefois reconnu ne pas avoir consulté de médecin suite auxdits événements.
[26] Le Tribunal retient de la preuve prépondérante que le dommage causé au cadre de porte était minime. Le demandeur a tout de même droit à une indemnité que le Tribunal arbitre à 250 $ pour le dommage matériel causé, les troubles et inconvénients.
Demande reconventionnelle
[27] Les articles pertinents du Code civil du Québec prévoient ce qui suit :
2098 . Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, a réalisé un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.
2125 . Le client peut, unilatéralement, résilier le contrat, quoique la réalisation de l’ouvrage ou la prestation du service ait déjà été entreprise.
2129 . Le client est tenu, lors de la résiliation du contrat, de payer à l’entrepreneur ou au prestataire de services, en proportion du prix convenu, les frais et dépenses actuelles, la valeur des travaux exécutés avant la fin du contrat ou avant la notification de la résiliation, ainsi que, le cas échéant, la valeur des biens fournis lorsque ceux-ci peuvent lui être remis et qu’il peut les utiliser. (…)
[28] Ces dispositions établissent que le demandeur a tort lorsqu’il affirme qu’il était libre de retenir les services d’une autre entreprise pour préparer un auvent en lieu et place de la demanderesse reconventionnelle sans l’en aviser pour lui éviter d’encourir des frais pour la préparation de sa commande.
[29]
Comme le prévoit l’article
[30] La demanderesse reconventionnelle ne fournit toutefois aucune preuve pour étayer sa réclamation et établir le montant de la perte qu’elle a subie du fait que le demandeur a refusé qu’elle installe l’auvent et les panneaux qu’elle avait confectionnés spécifiquement pour être installés devant l’entrée de sa maison.
[31] Son représentant explique que sur le prix convenu de 3 000 $, l’installation qui n’a pas été faite représenterait un montant de 600 $, les taxes étaient comprises dans le montant convenu. Il n’est pas en mesure de préciser le coût des matériaux utilisés pour préparer la commande du demandeur, et ne fournit aucun document pour étayer son témoignage.
[32] Un montant de 3 000 $ incluant les taxes représente un prix avant taxes de 2 609,26 $, ce montant incluant le profit qu’aurait réalisé la demanderesse reconventionnelle. Le montant de 2 500 $ ne représente donc pas la valeur des travaux exécutés avant la résiliation du contrat.
[33] La preuve présentée ne permettant pas au Tribunal d’établir avec un minimum de certitude la perte encourue par la demanderesse reconventionnelle, le Tribunal arbitre le montant de la compensation qu’il lui attribue à 500 $.
[34] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[35] ACCUEILLE partiellement la réclamation;
[36]
CONDAMNE
le défendeur à payer au demandeur 250 $ avec
intérêts au taux légal de 5 % l’an et l’indemnité additionnelle prévue à
l’article
[37] ACCUEILLE partiellement la demande reconventionnelle
[38]
CONDAMNE
le demandeur à payer à la demanderesse reconventionnelle
500 $ avec intérêts au taux légal de 5 % l’an et l’indemnité additionnelle
prévue à l’article
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__________________________________ MAGALI LEWIS, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
29 juin 2015 |
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[1] Code civil du Québec , R.L.R.Q., c. C-1991, art. 2803 et 2804.
[2]
F.H.
c.
McDougall
,
[3]
Jean-Claude
ROYER et Sophie LAVALLÉE,
[4]
Jean-Claude
ROYER,
[5] D-2 et D-3.
[6] P-1.