Syndicat de l'enseignement du Grand-Portage (CSQ) et Commission scolaire de Kamouraska-Rivière-du-Loup (griefs syndicaux)

2015 QCTA 659

TRIBUNAL D'ARBITRAGE

 

 

 

CANADA 

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

N o de dépôt : 2015-4535

 

 

Griefs : 2015-0001668-5110, 2015-0001723-5110, 2015-0001859-5110,

 

2015-0001979-5110, 2015-0002062-5110, 2015-0002942-5110,

 

2015-0003128-5110, 2015-0002102-5110.

 

 

 

Date de la décision : 22 mai 2015

 

 

 

 

 

DEVANT L'ARBITRE : Me JEAN-FRANÇOIS LA FORGE

 

 

 

 

 

Syndicat de l'enseignement du Grand-Portage (CSQ)

 

 

 

-et-

 

 

 

Commission scolaire de Kamouraska-Rivière-du-Loup

 

 

Nature du grief : Transmission de documents

Convention collective : 2010-2015 et entente locale 2005-2010

 

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

I. OBJET DU LITIGE

[1] Le tribunal est saisi de plusieurs griefs reprochant, en diverses circonstances, le refus ou l'omission de l'employeur de transmettre au syndicat copie de certaines communications à l'attention ou concernant des salariés. Le tribunal doit déterminer si le syndicat a le droit de recevoir copie de toutes les communications concernant un enseignant dans les circonstances exposées par les griefs. Le débat est soulevé concernant la clause 3-3.06 de l'entente locale S-10 et l'article 67.1 de la Loi d'accès à l'information, L.R.Q., c. A-2.1.

Il. LES FAITS

            Mme Amélie Ouellet

[2] Elle est conseillère en relations de travail depuis 10 ans. Elle est responsable pour le syndicat de l'application de la convention collective et du respect des diverses lois du travail. Elle est une salariée du syndicat qui regroupe environ 800 membres.

[3] Elle doit défendre les intérêts des membres et assumer pleinement le devoir de représentation imposé par le Code du travail. Pour ce faire, elle doit savoir ce qui se passe, être informée de ce qui peut nécessiter son intervention, d'où la demande que lui soit donné copie de toutes les communications.

[4] Ce besoin d'information a déjà été discuté lors de CRT. La clause 3-3.06 de l'entente locale impose d'ailleurs à l'employeur l'obligation de lui donner copie conforme de toute communication faite à un salarié :

3-3.06 La commission transmet au syndicat dans les 8 jours suivant leur parution copie de tous les règlements, résolutions, directives, communications concernant un ou des enseignantes ou un ou des enseignants.

[5] Cette question est débattue depuis 5 ou 6 ans et la commission refuse tout compromis. Le grief S-1 en est un bon exemple. Les enseignants sont prévenus par la commission de la possibilité d'un prélèvement en double sur leur prochain chèque de paye. Cela crée de l'incertitude chez les enseignants qui téléphonent alors au syndicat pour obtenir plus d'information. Il s'ensuit une situation de crise car un tel prélèvement doit être soumis à une entente. Après vérification, le prélèvement ne s'appliquait pas à leur groupe. Si le syndicat avait été préalablement informé, la crise aurait été évitée.

[6] Le grief S-2 soulève le fait que la copie conforme d'une mesure disciplinaire doit être donné au syndicat et non au délégué. C'est le représentant du syndicat qui doit être informé et non le délégué malgré la rédaction de la clause 5-6.03 :

5-6.03 L'enseignante ou l'enseignant convoqué 2 jours ouvrables avant la rencontre pour raison disciplinaire a le droit d'être accompagné de sa déléguée ou de son délégué syndical.

[7] Il est important de recevoir copie de telles communications qui concernent le dossier disciplinaire. Lorsque le syndicat en reçoit copie, il attend de voir si l'enseignant communiquera avec lui sinon il prendra l'initiative pour savoir s'il désire être accompagné ou non d'un représentant.

[8] Il en va ainsi pour le grief S-3. La communication concernait la procédure de suppléance et donc directement les membres du syndicat. Le syndicat a su l'existence de la communication grâce à l'un de ses membres qui lui a transféré le courriel reçu. La procédure de suppléance est prévue de façon spécifique aux clauses 8-7.11 et suivant de l'entente locale. Il faut avoir l'information nécessaire pour pouvoir bien renseigner les salariés et décider, s'il faut agir, des actions à prendre.

[9] Les griefs S-4 et suivants concernent les absences couvertes par l'assurance invalidité et touchent aussi bien la demande de prestation que les billets médicaux requis ou les expertises demandées. Le syndicat doit savoir qui de ses membres est en absence invalidité car il s'agit de personnes vulnérables. Les représentants communiquent avec eux pour leur expliquer les délais de carence et ce que l'employeur peut ou ne peut pas faire. Il faut être proactif et cela est au cœur de l'application et de l'interprétation de la convention collective. Les représentants doivent s'assurer que les droits sont respectés, répondre aux questions pouvant être soulevées et concernant aussi bien l'acceptation ou le refus de la demande que le suivi des dossiers ou les expertises médicales et leurs limites.

[10] La communication d'information dans ces cas permet aux représentants de faire les représentations qui s'imposent auprès de l'employeur et d'éviter d'être confronté trop tard à un dossier trop volumineux. Il est donc possible ainsi d'assurer un bon suivi et d'éviter des abus de droit.

[11] Elle s'attend ainsi à recevoir copie de toute communication utile à son travail de représentante sans distinction quant à la nature du document.

            Mme Martine Sirois

[12] Directrice des ressources humaines depuis août 2003, elle est responsable de toutes les catégories de personnel incluant les cadres. La commission compte 460 enseignants réguliers à temps plein et 200 suppléants.

[13] Il y a eu des discussions informelles concernant la communication de documents notamment lors d'un CRT tenu le 2 octobre 2012. Le syndicat voulait recevoir copie de toute correspondance dans les dossiers d'invalidité, ce que la commission a refusé vu le caractère confidentiel qu'elle attribue à l'information demandée :

3-3.07 À la demande du syndicat, une de ses représentantes ou un de ses représentants peut consulter le dossier académique d'une enseignante ou d'un enseignant.

Cependant, en ce qui concerne le dossier personnel, elle ou il devra fournir un document certifié par l'enseignante ou l'enseignant . (emphase sur le souligné)

[14] La commission y voyait de plus une contravention à Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et à la Charte des droits et libertés . Le syndicat voulait toute communication tant celle émise par la commission que celle émise par les directions d'école, peu importe le sujet visé.

[15] En ce qui a trait au grief S-1, la note était une mesure préventive qui concernait le personnel de soutien et elle en avait prévenu le président du syndicat du personnel de soutien. Effectivement la note de service a été adressée à tout le personnel incluant les enseignants par mesure préventive. À cette occasion, le syndicat fera parvenir un courriel pour s'enquérir de la problématique et rappeler que c'est le genre de document qu'il voudrait recevoir. Il n'y aura pas d'autres communications échangées avant le dépôt du grief, même si la situation ne concernait pas les enseignants. Dans les faits, le syndicat en avait eu copie dans les 8 jours de sa parution.

[16] La procédure suivie dans le cas du grief S-2 est la même que celle suivie depuis de nombreuses années. L'avis est remis au délégué et c'est à lui que revient la tâche de faire le lien avec le syndicat. Sauf dans des situations problématiques très exceptionnelles c'est le délégué qui assiste à la remise de l'avis disciplinaire. Cette procédure est suivie depuis au moins 2003 et c'est la première fois qu'elle entend les distinctions que voudrait maintenant apporter le syndicat entre le délégué et le syndicat et/ou ses représentants.

[17] Concernant le grief S-3, elle reconnait qu'il y a eu erreur de bonne foi commise par son adjointe. Normalement, la communication aurait été également soumise au syndicat.

[18] Les griefs S-4 et suivants contestent la non communication de documents ayant trait à l'assurance invalidité. Effectivement, l'employeur ne transmet rien au syndicat qui concerne l'invalidité et cette situation est la même depuis 1991 car il s'agit pour l'employeur de documents confidentiels.

[19] Le « dossier de l'employé » est constitué de 5 segments identifiés par un code de couleur :

blanc : le dossier général, le CV, le formulaire d'embauche, les communications diverses ;

orange : le diplôme détenu par l'enseignant ;

jaune or : la scolarité de l'enseignant ;

jaune : le dossier CSST

vert : le dossier invalidité.

[20] Le dossier « vert » est mis à part des autres et ce n'est pas les mêmes personnes qui peuvent le consulter. Il n'y a qu'elle-même et Mme Thériault qui ont accès à cette information pour assurer la confidentialité requise.

[21] Transposé à la clause 3-3.07, le dossier académique est le dossier orange alors que le dossier personnel est le dossier blanc et le dossier vert alors que la formule d'accès à l'information visera le dossier jaune. Tous les dossiers, y compris celui de couleur verte, sont entreposés au département des ressources humaines.

[22] Le traitement des dossiers d'invalidité est confidentiel. La confidentialité concerne tous les renseignements médicaux, le diagnostic et tout ce qui se trouve dans le rapport du médecin. C'est elle qui est l'autorité compétente pour la gestion de cette information au sens de la convention collective. Même lorsque la direction d'une école reçoit copie d'une communication concernant l'invalidité d'un membre de son personnel, il n'y a jamais d'information médicale divulguée.

            M. Michel Bergeron

[23] Il est conseiller pour le syndicat du Grand-Portage depuis 2002 et s'occupe de l'application de la convention collective et du respect des lois du travail en assurant l'accompagnement des membres pour les dossiers de retraite et d'assurance.

[24] En s'appuyant sur le grief S-2, il souligne l'importance d'être informé des mesures disciplinaires pour pouvoir aviser adéquatement le membre et communiquer avec le délégué de l'école. Mis aux faits, il peut alors décider d'accompagner ou non le salarié lors de la rencontre.

[25] Les délégués sont nommés chaque année et il arrive souvent que la fonction est ainsi occupée par une nouvelle personne. Il est assez rare que le délégué assiste seul aux rencontres disciplinaires, sauf s'il s'agit d'un délégué d'expérience.

[26] Il serait très avantageux de faire parvenir copie de toute communication pour que les représentants connaissent bien les enjeux, puissent faire un bon travail de représentation et fournir ainsi un meilleur service à leurs membres.

III. ARGUMENTATION

            Argumentation syndicale

[27] Le cœur du litige concerne les besoins du syndicat, l'objectif évident étant d'exercer efficacement son rôle de représentant qui découle de l'accréditation accordée et rencontrer ainsi son obligation de juste représentation.

[28] Le texte de la clause 3-3.06 est clair et le syndicat a le droit d'obtenir copie de toute communication dont notamment celles visées par les griefs soumis. La clause ne prévoit pas les exceptions que voudrait établir l'employeur.

[29] La convention collective ne définit pas qui du syndicat doit recevoir la communication et il revient au syndicat de désigner la personne apte à recevoir copie. La commission est débitrice d'une obligation dont le syndicat en est le créancier et à ce titre, il lui revient de déterminer qui, en son nom, reçoit copie des communications.

[30] Le délégué n'est pas porteur de la représentation, ce rôle revenant aux représentants, les conseillers syndicaux. C'est à eux qu'il revient de gérer les situations et c'est donc à eux que devraient être transmis les copies des communications.

[31] Les griefs S-4 et suivants relatifs à l'invalidité nécessitent une attention particulière. L'enseignant fait une demande de prestation et c'est la commission qui décide de la re-cevabilité ou non de la demande et qui peut exiger des expertises médicales. Le syndi-cat doit en être informé pour pouvoir veiller à la protection des droits fondamentaux des salariés et être en mesure d'intervenir sans délai durant tout le cheminement du dossier. Il doit assumer la représentation de ses membres et a donc un intérêt réel à recevoir copie de tout document pour lui permettre de protéger leurs droits.

[32] Les expertises médicales pouvant être requises peuvent porter atteinte à des droits ou les renseignements alors demandés peuvent dépasser ce qui est nécessaire. Le mandat donné à l'expert peut être évalué quant à son étendue ou les sujets couverts, d'où la nécessité d'obtenir copie de toute communication. L'employeur ne bénéficie pas d'un droit absolu et le syndicat a toujours intérêt à veiller au respect des droits de ses membres. L'information requise est également pertinente car elle concerne aussi bien l'état d'invalidité que le traitement spécifique, le diagnostic ou le pronostic.

[33] La jurisprudence est abondante au sujet des abus pouvant être commis par un employeur et l'importance conséquente pour le syndicat d'être informé. En ce sens, le syndicat soumet les décisions suivantes :

            Scobus Inc. Mauricie et Syndicat des employé-e-s de Scobus Mauricie , [193] T.A. 186 (exigences médicales formulées par l'employeur) ;

            Épiciers unis Métro Richelieu Inc. et Syndicat des travailleurs et des travailleuses de l'alimentation en gros de Québec Inc . (CSN), 17 décembre 1990, AZ-91141029 (exigences des examens médicaux) ;

            Société de transport de la Ville de Laval c. X et Commission d'accès à l'information , 2003 CanLII 44085 (QC C.Q.) (contenu des rapports médicaux et pertinence des informations) ;

            Perron c. Fraternité inter-provinciale des ouvriers en électricité , 20 octobre 2011, 2011 QCCRT 0478 (devoir de représentation syndicale) ;

            APTS et CSSS de Témiscouata , 8 février 2007, AZ-50416006 (examen médical abusif) ;

            Arcelormittal Montréal Inc. c Germain Lemieux , 7 mars 2013, 2013 QCCQ 3464 (L'arbitre est le forum approprié) ;

            Procureur général du Québec c. Association des substituts du procureur général du Québec , 16 mai 2008, 2008 QCCA 941 (caractère de nécessité de l'information) ;

            Commission scolaire de la Jeune-Lorette et Syndicat du personnel de l'enseignement du nord de la Capitale , 10 mai 1988, SAET 4631(communication requise pour assurer le respect intégral de la convention collective) ;

            Association des policiers et policières de Sherbrooke et Ville de Sherbrooke , 13 juillet 2014, 2014 CanLll 43371 (QC SAT) (transmission d'information personnelle permise par l'article 67.1 de la LAI)

            Argumentation patronale

[34] La demande syndicale équivaut dans les faits à une pétition de droit. On tente ainsi d'obtenir un droit non convenu. Le recours serait basé sur le devoir de représentation qui imposerait à l'employeur de transmettre toute correspondance au syndicat pour lui faciliter l'exercice de l'activité syndicale. Pourtant aucune disposition de la loi ou de la convention collective ne prévoit ce droit.

[35] Bien sûr, le syndicat peut exiger recevoir copie de certains documents mais il ne peut pas reposer son exigence que sur la seule lecture de la clause 3-3.06. Il doit aussi tenir compte de la clause 3-3.07 qui distingue le type d'information disponible et qui exige l'autorisation écrite pour certains renseignements.

[36] La position syndicale ne poserait aucun problème s'il y avait une disposition spécifique car la nécessité d'accéder à l'information aurait été démontrée et convenue. Toutefois, la réalité veut que la divulgation d'information soit l'exception. La clause 5-10.27 B) en est une illustration et concerne les cas de retour progressif. Le syndicat reçoit copie de la correspondance car il est spécifiquement nommé.

[37] Si un salarié a des questions, il peut les poser à la commission et s'il persiste des doutes ou si un désaccord nait des réponses obtenues, il peut très bien communiquer avec son syndicat qui fera alors son devoir de représentation.

[38] Il faut distinguer entre « utile » et « nécessaire ». Le syndicat n'a pas à vérifier tous les dossiers pour rencontrer ou satisfaire son obligation de représentation.

[39] Même si le syndicat n'a pas reçu spécifiquement copie de l'avis dont il est question au grief S-1, les 8 jours de délai étaient respectés et, à l'intérieur de ce délai, le syndicat a pu demander à la direction toutes les précisions qu'il jugeait nécessaire.

[40] Lors de la remise de la mesure disciplinaire à l'origine du grief S-2, le représentant était à la rencontre et il n'y a aucune obligation de faire parvenir le document au siège social du syndicat, cette procédure étant inexistante. La communication par l'entremise du délégué était suffisante en vertu de la clause 3-5.03, le délégué étant le représentant du syndicat au niveau de l'école :

3-5.03 La déléguée ou le délégué syndical ou sa ou son substitut représente le syndicat dans l'école où elle ou il exerce ses fonctions de déléguée ou délégué ou de substitut.

[41] Les faits à l'origine du grief S-3 ont été admis. Il s'agit d'une omission involontaire, unique et sans conséquence pour le syndicat.

[42] L'employeur est bien fondé de refuser de transmettre copie de toute communication relative à l'invalidité de l'un de ses employés, l'information étant confidentielle. Cette information n'est pas une communication visée par la clause 3-3.06 car elle fait partie du dossier personnel du salarié et une autorisation spécifique est donc nécessaire, tel que prévu à la clause 3-3.07. Cette autorisation de divulgation appartient au salarié.

[43] Il est normal que le directeur d'école reçoive certaines informations puisqu'il gère l'administration pédagogique en vertu des articles 96.21 et 96.12 de la Loi sur l'instruction publique , L.R.Q. c. 1-13.3. Il doit veiller à l'organisation des services et doit être informé des absences des membres de son personnel.

IV. DÉCISION

[44] Le syndicat veut forcer l'employeur à lui transmettre copie de toute communication concernant ses membres, peu importe sa nature. Les griefs sont donc déposés pour que le syndicat puisse, en obtenant copie de cette communication, rencontrer son obligation de représentation adéquate et offrir à ses membres un meilleur service. Il soumet que la clause 3-3.06 est pertinente et justifie la demande. Sinon, c'est l'article 67.1 LAI qui doit s'appliquer aux cas soumis. Enfin, il revient au syndicat de déterminer qui peut recevoir communication en son nom et de décider également de l'adresse de suivie.

[45] Pour sa part, l'employeur prétend que certaines communications sont transmises au syndicat conformément à la convention collective et qu'il ne peut pas concourir à permettre au syndicat d'avoir accès à de l'information confidentielle qui fait partie du dossier personnel du salarié, information plutôt visée par la clause 3-3.07, 2 ième paragraphe. Ce que recherche le syndicat équivaut à une pétition de droit puisqu'il est incapable de justifier sa demande sur une clause de la convention collective. De plus, l'article 67.1 LAI ne s'applique pas car le syndicat ne peut pas justifier d'une « nécessité ». Enfin, le délégué, tant dans les statuts du syndicat que dans la convention collective, représente le syndicat au niveau de l'école. Lorsque requis par une disposition de la convention collective, l'employeur s'acquitte correctement de son obligation en communiquant avec le délégué.

            Les ententes nationale et locale

                        Les délégués

[46] Les ententes utilisent les termes délégués, représentants et syndicat en diverses occasions. Effectivement, la clause 2-2.01 est la reconnaissance par l'employeur du syndicat comme le seul représentant officiel des enseignants couverts par son certificat d'accréditation. Toutefois, tant les clauses 3-2.03 que 3-5.03 reconnaissent le délégué comme le représentant du syndicat auprès de l'employeur. Ce rôle est d'ailleurs repris dans les statuts et règlements du syndicat déposés sous la cote S-11 :

Article 2 I)

« Délégué » La délégué ou le délégué syndical ou sa ou son substitut représente le syndicat dans l'établissement où elle ou il exerce ses fonctions de déléguée ou délégué ou de substitut. La déléguée ou le délégué désigne toute personne membre du syndicat élue à cette fonction par l'assemblée de l'établissement.

[47] Il appert donc que l'employeur peut, dans un premier temps, s'acquitter valablement de ses obligations s'il transmet copie de certains documents au délégué à moins d'une disposition des ententes qui prévoit une autre instance spécifique. Tel n'est pas le cas concernant le grief S-2. La référence à l'entité qu'est le syndicat englobe et comprend forcément le délégué qui en est son représentant. Le grief S-2 doit donc être rejeté.

            Copie des communications

[48] Bien que fort louable, ce que recherche le syndicat doit se retrouver dans l'une des dispositions de l'entente nationale ou dans l'une des clauses de l'entente locale. L'employeur doit avoir consenti à la communication, s'obliger à la procédure ou y être contraint par une disposition particulière. Le syndicat ne peut pas forcer l'employeur à une procédure non convenue.

[49] Le droit recherché par le syndicat ne peut pas se fonder que sur la seule lecture de la clause 3-3.06 car, ce faisant, plusieurs autres dispositions de l'entente locale seraient volontairement ignorées, voire contredites. De plus, ce n'est pas ce que prévoit l'entente.

[50] La clause 3-3.06 est d'application générale et précède des exceptions spécifiques. Ainsi la clause 3-3.07 prévoit expressément qu'une autorisation écrite et certifiée est nécessaire pour qu'un représentant puisse consulter le dossier personnel d'un membre du syndicat. Comment alors justifier la demande syndicale. La preuve a établi que le dossier personnel est divisé en divers segments et certains de ces segments contiennent des informations personnelles qui nécessitent une autorisation particulière pour y avoir accès. L'employeur ne pourrait donc valablement permettre au syndicat d'en prendre connaissance sans engager sa responsabilité. L'autorisation est nécessaire et incontournable. Cet argument est à lui seul suffisant pour rejeter les griefs S-4 et suivants.

[51] Il est clairement convenu que le dossier personnel ne peut être consulté par qui que ce soit sauf si l'enseignant fournit un document certifié l'autorisant. Le droit à la confidentialité est donc respecté et les dispositions susceptibles d'empiéter dans ce contexte particulier sont rédigées dans le sens de la protection des renseignements.

[52] Des cas où une copie de communication doit être transmise sont prévus spécifiquement aux ententes. Ainsi, à titre d'exemple, la clause 5-6.03 prévoit le droit d'un enseignant d'être « accompagné de sa ou de son délégué syndical ». Il est alors prévu ce qui suit à la clause 5-6.04 :

5-6.04 Toute mesure disciplinaire doit contenir l'exposé des motifs. Copie est transmise au syndicat à moins que l'enseignante ou l'enseignant ne s'y oppose . Dans ce cas, une note signée par l'enseignante ou l'enseignant apparaît au dossier. (nos soulignés)

[53] Il y a donc dans les ententes des clause spécifiques où l'obligation est faite à la commission de donner copie d'une communication et, même encore là, il est loisible au membre de refuser cette communication.

[54] D'autres clauses prévoient la confidentialité de la communication. Il faut qu'il en soit ainsi notamment dans les cas d'invalidité. Si toutefois l'intervention du syndicat est nécessaire, les clauses de l'entente le prévoient. Ainsi, la clause 511.06 est une disposition qui oblige la commission à aviser le syndicat de son intention de contester le motif ou la durée d'une absence. Le droit à l'assurance invalidité est compromis et le syndicat doit en être avisé. C'est prévu, c'est convenu.

[55] Il est évident que les parties ont bien considéré les circonstances où il est nécessaire de faire parvenir une copie d'une communication au syndicat, d'autres occasions où une autorisation sera nécessaire et d'autres circonstances ne se prêtant tout simplement pas à l'exercice, notamment les cas d'invalidité. Il n'y a donc pas de dispositions pertinentes dans les ententes pour faire droit aux griefs.

            L'article 67.1 de la Loi d'accès

[56] Il faut maintenant répondre à l'argument selon lequel la demande syndicale est amplement justifiée par la lecture de l'article 67.1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels , L.R.Q. c. A-2.1 :

67.1 Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une convention collective, d'un décret, d'un arrêté, d'une directive ou d'un règlement qui établissent des conditions de travail.

[57] Il est vrai que le but recherché par le syndicat est de pouvoir vérifier « en temps réel » si la convention collective est correctement appliquée. En ce sens, les renseignements demandés seraient nécessaires pour lui permettre de remplir adéquatement son rôle et pouvoir vérifier si les ententes nationale ou locale sont respectées ou violées.

[58] Cette question a déjà été étudié par l'arbitre Martin Côté dans Syndicat de l'enseignement de Ungava et Abitibi-Témiscamingue et Commission scolaire de Chapais-Chibougamau , 16 août 1991, SAET 5448 :

Il est certes utile de noter ici l'existence des articles 168 et 169 de la Loi d'accès qui affirment la primauté des dispositions de ladite loi sur celles d'autres lois qui pourraient être contraires. Ceci vient renforcer davantage encore le caractère d'ordre public de la loi et aussi l'importance qu'on doit attacher aux renseignements nominatifs.

Ainsi, il ne suffit pas que des renseignements soient utiles à un syndicat pour qu'ils deviennent susceptibles de divulgation ; il faut qu'ils soient « nécessaires ». Est nécessaire, ce dont on ne peut se passer, ce dont on a absolument besoin. C'est, à mon opinion, ce sens particulier qu'il faut donner à l'exception de l'article 67.1 de la loi si l'on veut respecter son caractère d'ordre public et lui apporter l'interprétation restrictive qu'elle doit recevoir. Toute interprétation qui .étendrait cette notion de « nécessité » à laquelle fait référence l'article 67.1 est, à mon sens, une interprétation qui vient annihiler la loi, et partant, rendre illusoire la protection qu'elle accorde aux personnes qu'elle veut protéger.

Selon mon opinion, devant accorder une interprétation restrictive à l'article 67.1, un tribunal doit, avant d'en ordonner la divulgation, être convaincu que non seulement les renseignements nominatifs seront utiles au syndicat, mais que le syndicat en a absolument besoin, qu'il ne peut s'en passer, bref qu'ils lui sont essentiels pour assurer sa mission syndicale.

[59] Le tribunal partage entièrement cet avis. Bien qu'il comprenne parfaitement bien la logique syndicale sous-tendant la démarche, il n'y a pas nécessité d'obtenir copie de toute la documentation pouvant concerner un salarié pour être assuré de l'exécution parfaite de son devoir de représentation. Quand l'intervention syndicale est prévue, les dispositions des ententes sont rédigées pour prévoir la communication.

[60] En cela, la décision de l'arbitre Me Nathalie Faucher dans Association des policiers et policières de Sherbrooke (déjà citée) est dans le même sens puisque son raisonnement s'appuie sur le caractère « nécessaire » de la communication :

[112] Il est vrai que le législateur a prévu qu'un organisme public ne devrait pas en principe transmettre une information nominative à un tiers. Cependant, il a également prévu qu'un tel organisme avait la faculté de transmettre de tels renseignements dans la mesure où ceux-ci sont nécessaires à l'application d'une convention collective. C'est donc dire que si une telle transmission est faite dans cette condition spécifique, celle-ci sera parfaitement légale. Le fait de prévoir dans une convention collective une telle transmission à l'Association l'est donc également. Rien dans la LAI n'interdit à un organisme public de s'engager contractuellement à cette même condition spécifique. Si un organisme public a la faculté de transmettre un renseignement en vertu de la LAI, rien n'empêche donc d'intégrer cette faculté à l'intérieur d'une convention collective.

[61] Dans les cas sous étude, la nécessité des renseignements recherchés n'a pas été démontré, une différence nette entre « nécessité » et « utilité » devant être établie. Sinon, il faudrait soutenir que la convention collective sera « nécessairement » violée à chaque geste posé par l'employeur et que le salarié sera trop mal informé pour en informer son syndicat. De plus, de toute évidence, la clause 3-3.07 démontre que l'em-ployeur ne s'est pas engagé contractuellement à une telle transmission d'information.

[62] D'ailleurs, l'article 59 de la loi exprime bien le caractère exceptionnel de la communication de renseignements :

59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée.

Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent :

8. à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 66, 67.1, 67.2, 68 et 68.1. (le tribunal souligne)

            L'attente raisonnable de protection des renseignements privés

[63] Le salarié s'attend à la protection de sa vie privée et des informations personnelles le concernant. Cette attente est raisonnable dans le contexte de la Charte. Les dossiers d'invalidité en sont l'exemple le plus pertinent. Pour pouvoir recevoir les indemnités, le salarié doit se plier à certaines exigences dont entre autres celle d'avoir à divulguer dans un cadre précis et à des personnes précises certaines informations sensibles de nature médicale. De par leur caractère confidentiel, ces informations ne peuvent pas être visées par la clause 3-3.06. La demande syndicale entre en conflit avec cette attente.

            La rédaction de la clause 3-3.06

[64] D'ailleurs, la clause 3-3.06 utilise à juste titre le mot « parution » ( transmet au syndicat dans les 8 jours suivant leur parution ) ce qui signifie « publier » ou « rendre public » ou « action de rendre public ». La rédaction même de cette clause exclue donc la communication de renseignements personnels que l'on ne doit pas rendre public. Au surplus, la clause utilise des mots tel que « règlements, résolutions, directives, communications » démontrant ainsi le caractère général et public de l'information devant être communiquée, l'intérêt commun et non les informations personnelles et confidentielles qui ne sont pas nécessaires à l'activité syndicale.

            Conclusion

[65] Sauf le grief S-3 qui sera partiellement accueilli, les autres griefs doivent être rejetés. Conformément à ce qui est prévu à la clause 9-2.22 A) de l'entente nationale, les frais et honoraires du tribunal sont à l'entière charge de la partie syndicale.

V. DISPOSITIF

Pour les raisons qui précèdent, le tribunal :

Fait droit partiellement au grief 2015-0001723-5110 (S-3) pour la seule fin de constater qu'il y a eu violation de la convention collective, le document visé étant un document devant effectivement être transmis au syndicat. S'agissant d'une erreur de bonne foi, aucune autre conclusion n'est retenue ;

Rejette les griefs 2015-0001668-5110, 2015-0002062-5110, 2015-0001859-5110, 2015-0002942-5110, 2015-0003128-5110, 2015-0001979-5110 et 2015-0002102-5110.

Québec, 2 mai 2015

Me Jean-François Laforge, arbitre

 

Pour le Syndicat : Me Claudine Morin, CSQ

Pour l'Employeur : Me Jean-Hugues Fortier, Morency avocats

 

Audition tenue le 4 février et le 4 mai 2015.

 

Dépôt au ministère du Travail le 28 mai 2015