Dallaire c. Structures Ultratec inc.

2015 QCCQ 6991

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N° :

200-32-060678-140

 

 

DATE :

31 juillet 2015

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

DANIEL BOURGEOIS, J.C.Q.

 

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MARIE-michèle dallaire & pierre-alexandre blouin

[…]

Québec (Québec)  […]

 

Demandeurs

c.

Structures ultratec inc.

235, rue de la Station

Laurier-Station (Québec)  G0S 1N0

 

Défenderesse-demanderesse reconventionnelle

 

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JUGEMENT

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Le litige

[1]            Les demandeurs, Marie-Michèle Dallaire et Pierre-Alexandre Blouin réclament à la défenderesse, Structures Ultratec inc. (ci-après «  Ultratec  ») 6 177,82 $ à titre de dommages et allèguent que le produit fourni aux demandeurs, en l’instance un linteau devant être utilisé à titre de support pour la porte patio d’une maison qu’ils construisaient, s’est révélé inadéquat puisqu’il ne respectait pas les nomes relatives aux charges.

[2]            Ultratec, en défense, nie toute responsabilité et allègue que Pierre-Alexandre Blouin (ci-après «  Blouin [1]  ») a dûment été informé que le linteau en question ne respectait pas les exigences structurales. Se portant demanderesse reconventionnelle, Ultratec réclame à son tour 3 037,17 $ à titre de remboursement pour honoraires extrajudiciaires qu’elle a dû supporter, en plus d’une somme de 1 500 $ à titre de dommages punitifs.

Le contexte

[3]            Les demandeurs désirent entreprendre en 2012 la construction de leur résidence. Blouin, qui est charpentier-menuisier, décide de prendre en charge la construction de la résidence familiale et fait affaires avec plusieurs fournisseurs pour la livraison des différents matériaux de construction.

[4]            En avril 2012, Blouin communique avec la défenderesse dans le but d’acquérir des matériaux, tels que poutres, poutrelles, fermes de toit et murs préfabriqués.

[5]            En effet, Ultratec, une entreprise de Laurier-Station se spécialise dans la fabrication de murs préfabriqués et de poutrelles, poutres et colonnes et fermes de toit.

[6]            Le 11 avril 2012, Blouin transmet à Mylène Thibeault (ci-après «  Thibeault  ») d’Ultratec la version finale de son plan pour «  révision de la soumission  ».

[7]            Les plans annexés à ce courriel du 11 avril indiquent à la page 6 de 9, les dimensions exactes de la porte patio laquelle est située dans le coin arrière droit de la résidence.

[8]            Le 12 avril 2012 à 1h51 pm, Thibeault répond à Blouin en lui indiquant ce qui suit :

« […] Bonjour P-A,

Je te renvoie la soumission un peu révisé. J’ai changé la sorte de beam taiga pour du versalam. Mais tu serais toujours appuyé sur le dessus de la poutre (pas d’étrier). […] »

(Reproduction intégrale)

[9]            Blouin répond le même jour à 18h02 :

« […] En plus des 64 feuilles isolofoam 4x9, pouvez vous inclure deux LVL 1 ¾ x 9 ½ x 144 pour mon linteau de porte patio. […] »

(Reproduction intégrale)

[10]         Blouin, qui dit être charpentier-menuisier, affirme qu’il n’a pas les compétences pour faire les calculs de charge appropriée et s’en remettait à l’expertise des employés d’Ultratec pour l’aviser si ses demandes étaient conformes aux plans soumis.

[11]         Blouin prétend donc qu’il a rédigé le courriel du 12 avril 2012 adressé à Thibeault après avoir discuté au téléphone avec cette dernière des linteaux en question.

[12]         Michel Beaudoin (ci-après «  Beaudoin  »), est président d’Ultratec. Il dépose une estimation en date du 12 avril 2012 (D-2 en liasse) et affirme que les matériaux qui y sont indiqués le sont uniquement pour faire le calcul des prix. Selon Beaudoin, puisque lors de cette estimation il n’est pas à l’étape de la «  réalisation  », le tout peut changer. On constate sur cette estimation que les deux poutres (linteaux) demandées par Blouin le 12 avril 2012 à 18 h02 y figurent.

[13]         Selon Beaudoin, le dossier est ensuite transféré au département technique avant la conclusion du contrat (D-3).

[14]         Un document intitulé «  Entente contractuelle  », en date du 16 avril 2012 (D-3), sur lequel il est indiqué «  document terminé  », stipule un prix de 11 017,94 $ pour la fourniture et la livraison des matériaux commandés par les demandeurs.

[15]         L’entente contractuelle (D-3) indique également que la date de livraison de matériaux était prévue pour le 14 mai 2012.

[16]         Lors de l’audition, Beaudoin dépose en preuve des courriels émanant d’un autre employé d’Ultratec, en l’occurrence Maxime Tremblay (ci-après «  Tremblay  »). Dans ce courriel, soit celui du 22 mai 2012 à 10 h36 Tremblay indique à d’autres employés, ainsi qu’à Thibeault, ce qui suit :

« […] La poutre ne passe pas, ça prendrais un -BV312 - OU un -BT512 12’-6 les charges sont sur dessus. à vous de décider par rapport au prix […] »

(Reproduction intégrale)

[17]         Ce courriel avait été précédé d’un autre entre Chantal Rioux, Tremblay, Thibeault et d’autres employés. Ce courriel indiquait ce qui suit :

« […] IL FAUT UN TECH AUTRE QUE MYLÈNE POUR VÉRIFIER LES POUTRES, DONC, MAXIME ? A MOINS QUE MARISE C’EST TOI QUI PEUT LES VÉRIFIER LES LINTEAUX ? »

(Reproduction intégrale)

[18]         Beaudoin affirme lors de l’audition que Thibeault aurait mentionné à Blouin que les poutres commandées n’étaient pas suffisantes pour la structure.

[19]         En réplique, Blouin nie complètement cette information.

[20]         Le seul autre employé d’Ultratec qui est venu témoigner est Mario Verreault, (ci-après «  Verreault  ») directeur du service clientèle chez Ultratec. Ce dernier confirme qu’il a constaté en 2013 que la porte patio baissait «  un peu  », dans le centre.

[21]         En effet, Blouin s’est rendu compte, en août 2013, alors que la résidence était construite, que l’ouverture de la porte patio était difficile. Il avise alors Verreault de la situation et demande à ce qu’une nouvelle poutre soit livrée et que des travaux de rénovation soient effectués afin de réparer la structure.

[22]         Malgré des discussions, aucune entente n’est possible entre les parties.

analyse

[23]         En ce qui concerne la responsabilité contractuelle, le Code civil du Québec («  C.c.Q . ») prévoit ce qui suit :

CHAPITRE TROISIÈME  
DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE

SECTION I  
DES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITÉ

§ 1. —  Dispositions générales

1458.  Toute personne a le devoir d'honorer les engagements qu'elle a contractés.

Elle est, lorsqu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu'elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l'application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.

II. —  De l'évaluation des dommages-intérêts

1 —   

De l'évaluation en général

1613.  En matière contractuelle, le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir au moment où l'obligation a été contractée, lorsque ce n'est point par sa faute intentionnelle ou par sa faute lourde qu'elle n'est point exécutée; même alors, les dommages-intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution.

[24]         En matière de preuve le C.c.Q. prévoit également ce qui suit :

LIVRE SEPTIÈME  
DE LA PREUVE

TITRE PREMIER  
DU RÉGIME GÉNÉRAL DE LA PREUVE

CHAPITRE PREMIER  
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

2803.  Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

[25]         En ce qui concerne les témoignages, le Code de procédure civile  «  C.p.c . ») prévoit ce qui suit :

SECTION V  
DE L'AUDITION DES TÉMOINS

294.  Sauf lorsqu'il est autrement prescrit, dans toute cause contestée, les témoins sont interrogés à l'audience, la partie adverse présente ou dûment appelée.

Chaque partie peut demander que les témoins déposent hors la présence les uns des autres.

294.1.  Le tribunal peut accepter à titre de témoignage une déclaration écrite, pourvu que cette déclaration ait été communiquée et produite au dossier conformément aux règles sur la communication et la production des pièces prévues au présent titre.

Une partie peut exiger que la partie qui a communiqué la déclaration assigne le témoin à l'audience, mais le tribunal peut la condamner à des dépens dont il fixe le montant, lorsqu'il estime que la production du témoignage écrit eût été suffisante.

Analyse de la preuve

[26]         Selon les documents déposés en preuve, le Tribunal constate que les matériaux avaient déjà été livrés lorsque la question du problème de la poutre a été discuté entre les employés d’Ultratec. En effet, l’entente contractuelle (D-3) stipulait une date de livraison pour le 14 mai 2012 alors que les échanges de courriels (D-5) sont en date du 22 mai 2012.

[27]         Beaudoin affirme que Thibeault aurait discuté du fait que les linteaux ne pouvaient pas supporter les charges et que, malgré cet avertissement, Blouin aurait quand même accepté ce type de poutres et aurait décidé d’aller de l’avant.

[28]         Or, Blouin nie catégoriquement ce qui précède. De plus, Beaudoin n’est pas en mesure d’établir que Thibeault a effectivement discuté de cette problématique avec Blouin puisque Thibeault n’a pas été appelée à témoigner en l’instance.

[29]         Qui plus est, le nom de Blouin n’apparaît à aucun endroit sur les différents courriels déposés en preuve (D-5).

[30]         Dans les circonstances, le Tribunal arrive à la conclusion qu’Ultratec n’a pas été en mesure de prouver les faits sur lesquels cette défense est fondée.

Les dommages

[31]         Dans sa requête ré-amendée, Blouin affirme que des travaux ont été nécessaires et auraient occasionné aux demandeurs des frais de 5 177,82 $.

[32]         Blouin dépose une facture de PAB construction inc., en date du 7 février 2014 d’un montant de 5 177,82 $. Lors de l’audition, Blouin admet qu’il s’agit de sa propre société et que cette dernière n’a pas encore été payée pour les travaux exécutés.

[33]         La facture de PAB construction inc. comporte également une description «  15% administration et profit  » au montant de 587,40 $ plus taxes. De plus, cette facture indique que 39 heures d’ouvrage ont été nécessaires pour compléter les travaux.

[34]         Cependant, aucune feuille de temps ni aucun registre du temps travaillé n’a été déposé en preuve, contrairement aux autres factures d’achat de matériaux qui ont été déposées au soutien de cette facture.

[35]         S’agissant de la société dont il est actionnaire, et compte tenu du lien de dépendance, le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer si c’est Blouin lui-même qui a fait les travaux ou si d’autres employés de PAB construction inc. (c’est-à-dire sa société), ont été impliqués dans les travaux.

[36]         De plus, cette facture indique une charge de 75 $ pour les services d’une femme de ménage pour «  fermeture du chantier  ». Or, aucune facture ne vient supporter cette affirmation. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal arrive à la conclusion que les charges pour la femme de ménage ainsi que le 15 % pour administration et profit doivent être enlevés des dommages réclamés.

[37]         Compte tenu de ce qui précède, une somme de 3 841,03 $ plus taxes doit être accordée à titre de dommages aux demandeurs.

[38]         Les demandeurs réclament également 1 000 $ à titre de dommages pour troubles et inconvénients. Bien qu’aucune preuve particulière n’a été administrée par Blouin à cet égard, le fait que les demandeurs ont dû refaire les travaux rend plus que plausible et probable le fait que ces derniers ont subi des troubles et inconvénients. Une somme de 500 $ chacun pour les troubles et inconvénients devra être donc être payée.

[39]         En conséquence de ce qui précède, le Tribunal arrive à la conclusion qu’une somme de 4 033,08 $ (soit 3 841,03 $ plus taxes) en plus de 1 000 $ (dommages-intérêts) doit être accordée aux demandeurs.

Demande reconventionnelle

[40]         Ultratec prétend que les demandeurs ont introduit leurs recours de manière excessive et déraisonnable du seul fait que les demandeurs aient décidé, avant l’audition fixée à la Chambre civile de la Cour, de transférer leur demande à la Division des petites créances.

[41]         Selon Ultratec, puisqu’ils avaient été poursuivis à la Chambre civile de la Cour, ils ont dû retenir les services d’un avocat, ce qui leur a occasionné des frais de 3 037,17 $.

[42]         Compte tenu de ce qui précède, Ultratec réclame également 1 500 $ à titre de dommages punitifs, invoquant l’article 54.1 C.p.c.

[43]         Dans un premier temps, Ultratec n’a pas prouvé la mauvaise foi des demandeurs. La requête introductive d’instance avait été intentée, au départ à la Chambre civile de la Cour puisque la somme réclamée était supérieure à 7 000 $ et était basée sur une soumission qui s’est avérée plus élevée que la facture finale.

[44]         Par ailleurs, le fait d’avoir consulté des avocats n’est pas un dommage en soi, à moins d’être capable de prouver que l’action a été intentée de façon malicieuse et de mauvaise foi.

[45]         Dans les circonstances, la Cour arrive à la conclusion que la demande reconventionnelle doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL  :

            Accueille partiellement la demande;

Condamne la défenderesse, Les Structures Ultratec inc., à payer aux demandeurs, Marie-Michèle Dallaire et Pierre-Alexandre Blouin, la somme de 5 033,08 $, avec intérêts calculés au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 27 août 2013;

Condamne la défenderesse, Les Structures Ultratec inc., à rembourser aux demandeurs, Marie-Michèle Dallaire et Pierre-Alexandre Blouin, les frais judiciaires de 122 $;

rejette la demande reconventionnelle;

le tout avec dépens.

 

 

 

 

 

 

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DANIEL BOURGEOIS, J.C.Q.

 

 

Date d’audience :

19 mai 2015

 



[1]     Cette identification vise uniquement à alléger le texte et ne constitue en rien un manque de respect.