Société en commandite 35 Laurier (Four Points by Sheraton) et Union des employées et employés de service, section locale  800 (Yves Langlois)

2015 QCTA 702

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ARBITRAGE DE GRIEF

SELON LE CODE DU TRAVAIL DU QUÉBEC (L.R.Q., c. C-27)

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N o de dépôt : 2015-7919

ENTRE:

 

SOCIÉTÉ EN COMMANDITE 35 LAURIER

(FOUR POINTS BY SHERATON)

(«L’EMPLOYEUR» ou «L’HÔTEL»)

ET:

 

UNION DES EMPLOYÉS ET EMPLOYÉES DE SERVICE

SECTION LOCALE 800

(«LE SYNDICAT»)

ET :

YVES LANGLOIS

(«LE PLAIGNANT»)

 

Grief no H7203-2014-0003

Contestation d’abolition du poste Nettoyeur sénior

 

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SENTENCE

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Tribunal:                                           François Bastien, arbitre

 

Procureur du Syndicat:                     M e Philippe Viens

Assisté de : M. Yves Langlois, plaignant

 

Représentant de l’Employeur:                    M. René Auclair

Assisté de : M. Jason Trottier, directeur général de l’Hôtel

 

Lieu et dates de l’audience :             Gatineau (Qué.), les 23 janvier et 18 juin 201 5

 

Date de la sentence:                         Le 17 août 2015

 

ANTEA INC.

1409-310-QM

S/A-134-15 (QM)

I

INTRODUCTION

 

[1]       La présente sentence traite d’un grief déposé par M. Yves Langlois, un nettoyeur à l'emploi de la Société en commandite 35 Laurier ( Four Points by Sheraton ) («  l’Employeur  » ou «  l’hôtel  »).  Il y conteste l’abolition du poste de Nettoyeur sénior qu’il occupait jusqu’à la réorganisation du service de nettoyage en juillet 2014.  L’Employeur estime pour sa part que cette décision résulte de la situation concurrentielle de l’Hôtel à cette époque et qu’elle s’inscrit dans le droit de gérance que lui reconnaît la convention collective à cet égard.

 

[2]       Le grief, signé et déposé par le plaignant le 22 juillet 2014, et le règlement exigé se lisent comme suit :

 

Je conteste la décision de l'employeur d'abolir le poste de nettoyeur senior et ce, sans cause juste et suffisante.

 

Je réclame l'annulation de cette décision, la réintégration dans mon poste, le remboursement de tout salaire perdu depuis la date de l'abolition du poste majoré des intérêts et indemnité prévus au Code du travail et ce, sans préjudice à tous mes droits et privilèges.

 

[3]       J’ai été nommé le 30 septembre 2014 pour agir en qualité d’arbitre dans ce dossier conformément à l’article 100 du Code du Travail du Québec.  

 

[4]       J’ai entendu les parties en audience à Gatineau (Qué.) les 23 janvier et 18 juin 2015.

 

[5]       Nulle objection n’a été soulevée à cette occasion relativement au respect de la procédure de grief et à la compétence du présent tribunal pour trancher toute question que le présent grief pourrait soulever. Le procureur syndical a demandé au tribunal de réserver compétence quant au quantum qui pourrait résulter de la présente sentence.

II

LA PREUVE

 

[6]       La preuve documentaire dans le présent dossier comprend, entre autres, divers avis d’affichage des postes de nettoyeur visés par le grief, une lettre d’entente sur la création du poste de nettoyeur senior, un avis d’abolition de ce dernier poste, ainsi que des relevés de tâches à effectuer par les nettoyeurs.  La liste complète des pièces, déposées pour la plupart en début d’audience, figure à l’ Annexe de la présente.

 

[7]       Pour ce qui est de la preuve testimoniale, le tribunal a d’abord entendu en preuve syndicale le directeur général de l’hôtel M. Jason Trottier, le plaignant M. Yves Langlois, ainsi que le nettoyeur M. Cyprien Christian Zogotasnga; puis, en preuve patronale, la directrice de l’hébergement M me Élise Côté.

 

[8]       Les faits ne sont pas contestés pour la plupart, qu’il s’agisse de la création du poste de nettoyeur senior visé par le présent grief, de la création et de la dotation des postes de nettoyeurs résultant de la réorganisation du service d’entretien entreprise par le directeur général à son arrivée, ou encore des tâches en cause. Ce sont là autant d’éléments qui structurent en même temps le résumé suivant de la preuve pertinente. 

 

[9]       Création du poste de Nettoyeur senior .  La preuve testimoniale est plutôt mince sur les circonstances ou les raisons ayant mené à la création de ce poste.  M. Trottier n’en a aucune connaissance, et M. Langlois se borne à souligner qu’il en prend connaissance au moment où une certaine Josée lui parle de l’affichage et que son collègue Edmond, qui n’est pas intéressé, lui suggère que ce poste est fait sur mesure pour lui. 

 

[10]   On sait toutefois de la lettre d’entente signée par les parties à cette date (pièce S-4) que le poste, ou la classification, nettoyeur senior est créé le 22 juin 2006.  Selon ses deux premiers attendus, «  l'employeur désire créer une nouvelle classification de poste intitulé «Nettoyeur senior» afin de pouvoir améliorer la propreté de l'hôtel  », et «  l'emploi de nettoyeur senior comporte des responsabilités additionnelles à celles d'un nettoyeur  ».

 

[11]   L’affichage de la nouvelle classification survient à la même date (pièce S-5) et prend fin le 28  juin 2006.  Les renseignements apparaissant à cet affichage sont, au titre du département et de la classification, ceux figurant à la lettre d’entente, soit l’ hébergement et Nettoyeur senior , au taux horaire 12.21$ (haussé à 12.54$ le 1 er septembre 2006 selon l’Annexe 1 de la convention collective). L’Assistante gouvernante y est désignée de plus comme le supérieur immédiat.

 

[12]   La rubrique Description générale de la classification décrit les tâches en cause en reprenant le descriptif exact de la lettre d’entente.  Ces tâches sont les suivantes :

 

Responsable de maintenir les aires publiques de l'hôtel propres et de servir la clientèle selon les standards de l'hôtel Four Points par Sheraton & centre de conférences Gatineau-Ottawa. Les tâches reliées à ce poste comprennent, entre autres: laver les planchers et les tapis (balai, vadrouille, aspirateur), décaper, cirer et polir les planchers, laver les meubles en tissus, laver les vitres, nettoyer les salles de bain, épousseter, ramasser les déchets/recyclage, distribuer la marchandise selon les réquisitions, distribuer la lingerie, effectuer des inspections des lieux publics, établir des priorités de nettoyage sur une base quotidienne pour les autres quarts, proposer des projets spéciaux pour améliorer la propreté de l'hôtel, participer à la formation de présents et de nouveaux employés, noter tout problème et le rapporter à l'assistante gouvernante.

 

[13]   Au titre des études, le poste exige un «  diplôme d'études secondaires terminé avec succès ou l'équivalence  ». À celui des qualifications requises, l’avis d’affichage les énonce ainsi :

 

-       Expérience de cinq (5) années dans un poste en entretien ménager ;

-       Expérience lavage de tapis; décapage, cirage et polissage de plancher;

-       Habiletés en service à la clientèle;

-       Bilingue (anglais, français) ;

-       Très bonne condition physique ;

-       Habileté manuelle ;

-       Sens de l'organisation;

-       Habiletés en communication;

-       Esprit de coopération et du travail d'équipe ;

-       Attitude positive;

-       Autonome;

-       Initiative, entregent.

 

[14]   S’ajoutent à ces renseignements, ceux tirés des notes courriels échangés les 15 et 16 juin 2006 (pièces S-7 a) et b)) entre M me  Karine Tremblay, la responsable du service de l’entretien ménager à l’époque et signataire pour l’Employeur de l’entente créant ce nouveau poste, et un certain M. Pierre Vary dont la fonction n’est pas précisée.  Ils jettent un éclairage sur les circonstances de la création de ce poste. 

 

[15]   Selon ces renseignements, l’hôtel connaît à cette époque des difficultés de recrutement liées à des salaires payés au personnel d’entretien qui sont moindres que ceux payés par des sous-traitants au Québec, ce qui engendre des problèmes de propreté des lieux.  Pour tenter de résoudre ces difficultés, M. Vary suggère à M. Wong le 15 juin 2006 de créer un poste de nettoyeur senior, une suggestion qu’il accompagne d’un descriptif des qualifications recherchées et des responsabilités d’un tel poste.

 

[16]   Les deux rubriques correspondantes se lisent comme suit :

 

Qualifications:

 

Must have knowledge of techniques to strip, wax and buff floors

Must have knowledge of techniques to clean carpets and furniture.

Must be highly organized

Must have a minimum of five years experience in cleaning

Must have customer service abilities

Must have good communication skills

Must be familiar with inventory control

Must have flexible availability

Must be Bilingual (French and English)

Knowledge of hotel operation

 

Responsibilities:

 

1)         Maintain all public areas of the hotel clean. (Accomplish all tasks usually assigned to cleaners). In addition:

2)         Inspect public areas and note cleanliness issues, in order to plan future work assignments and to follow-up on tasks previously assigned.

3)         Give directives to evening, night and weekend cleaners in addition to their usual runs. (Priorities what tasks need be done for the next shifts/days).

4)         Propose and organize projects to maintain the hotel clean.

5)         Ensure that the equipment is being maintained and sufficient material/products is available to run the housekeeping operation.

6)         Ensure all cleaners are following Starwood standards, including customer service related.

7)         Ensure that safety measures are being taken.

8)         Train new and present staff.

9)         Replace other staff when needed.

10)     To communicate and report any concerns or problem (efficiency, safety, staff related, etc.) directly to the Assistant Housekeeper .

 

[17]   Cette suggestion de M. Vary fut retenue dès le lendemain comme il en avise lui-même M me Tremblay ce jour-là en évoquant les raisons économiques suivantes :

 

The impact on the productive payroll for the remaining of 2006 is $1,590 plus 25% benefits for a total of $1,988. Thereafter the yearly productive payroll cost would be $3,200. It is to be noted that having a qualified cleaner will save us some contract cleaning costs such as the cleaning of carpets and chairs. We spent $885 last month in contract cleaning to do the carpets in the lobby, front office area, Café Laurier and steam clean the chairs for the Café Laurier and lounge.

 

[18]   Embauchée à l’’hôtel en 2004 à titre de gérante de la réception et sa directrice de l’hébergement depuis 2011, M me Élise Côté confirme que l’entretien ménager connaissait en 2006 un haut taux de roulement. À cette époque, ce secteur comprenait un nettoyeur de nuit dont le travail se faisait sous la direction d’un superviseur qui se rapportait au gérant de l’entretien ménager.  Le superviseur veillait aussi à la formation.  L’absence d’un quart de nuit en 2011 marque à ses yeux le changement le plus important dans la distribution des tâches des nettoyeurs.   Quant à la formation des nouveaux employés, elle affirme que des personnes d’autres départements y sont impliquées. 

 

[19]   Abolition de la classification nettoyeur senior et dotation des postes de nettoyeurs .  Actuel directeur général et comptant quelque 16 ans d’expérience dans le secteur hôtelier, dont 9 ans à titre de directeur général dans quatre (4) autres hôtels, M. Jason Trottier témoigne que l’hôtel est en crise lors de son arrivée en poste en mars 2013 et à peine profitable après un investissement de 8 millions de dollars.  Le mandat qu’on lui confie, précise-t-il en contre-interrogatoire, est de réduire les coûts et d’augmenter le taux d’occupation au-delà du 50% existant (aujourd’hui à 60 et 65%). Les coûts de main d’œuvre y étaient alors de l’ordre de 40% du revenu généré alors que la moyenne de l’industrie se situe entre 30 et 35%.

 

[20]    Au terme de son analyse de la situation, M. Trottier décide d’abolir le poste de nettoyeur senior, ainsi que les postes de surintendant entretien et sauveteur .  Les tâches du nettoyeur sénior ressemblaient beaucoup, dit-il, à celles des postes de l’entretien ménager. Avant son entrée en fonction, la directrice d’alors avait également aboli les postes d’hôtesse et de téléphoniste.

 

[21]   Les tâches de nettoyage des uns et des autres étaient plutôt générales («  garder les lieux propres  »), dit-il, et variaient selon qu’elles devaient être faites le jour («  monter des choses  ») ou le soir (surtout axées sur l’aide aux chambres), ou encore selon des besoins en constante évolution. 

 

[22]   Le 7 juillet 2014, il écrit à la fois au titulaire du poste et aux représentants du Syndicat, M. Philippe Viens et M me Maude Bercy, pour leur faire part de la décision de l’hôtel d’abolir le poste nettoyeur senior (pièce S-3 en liasse).  Dans la lettre qu’il adresse aux représentants, M. Trottier les avise qu’il fera parvenir au titulaire M. Yves Langlois «  les règles qui s'appliquent selon la convention collective  » et qu’une copie de cette correspondance leur sera acheminée.

 

[23]   Pour sa part, la lettre adressée à M. Langlois ce jour-là se lit comme suit :

 

S uite à une analyse du résultat de la situation du service de nettoyeur senior, nous vous informons que ce poste est aboli en date du 13 juillet 2014.

 

Puisque vous êtes titulaire de ce poste, nous vous référons à l'article 14 de la convention collective pour ce qui est de vos droits de supplantation. Pour plus d'information nous vous encourageons à communiquer avec le soussigné pour prendre rendez-vous et discuter des mécanismes prévus à la convention collective. Votre représentant syndical sera présent afin de discuter avec nous des mécanismes expliqués précédemment.

 

Nous tenons aussi à vous préciser que vous ne perdez pas vos droits d'ancienneté et votre emploi pour 16 mois à partir de ce jour si vous n'optez pas pour votre droit de supplantation (article 13.05 d) de la convention collective).

 

Nous reproduisons partiellement ci-après l'article 14 de la convention collective. Nous vous prions de bien vouloir lire l'article 14 au complet.

 

[24]   M. Trottier témoigne avoir rencontré le plaignant et le représentant syndical après la décision d’abolir le poste et leur avoir remis la correspondance tout juste citée.  Après cette rencontre, le plaignant ne s’est pas prévalu de son offre de le rencontrer.  Il a plutôt choisi d’exprimer son intérêt pour le poste de nettoyeur déjà ouvert, un poste qu’il a pris par la suite ainsi que l’en a avisé son adjointe administrative.

 

[25]   Trois (3) affichages ont lieu ou surviendront dans le cadre de cette décision (pièce S-6 en liasse), tous trois accompagnés d’une date limite fixée à 7 jours de la parution de l’avis et pour lesquels des études couronnées par un «  diplôme d'études secondaires terminé avec succès ou l'équivalence  » sont exigées. 

 

[26]   Le premier paraît le 3 juillet 2014 pour la classification Nettoyeur (temps complet) à taux horaire 13.35$ .  Ce poste sera attribué à M. Jean-Guy Gendron ainsi qu’y réfère le représentant syndical dans la lettre qu’il transmettra à l’Employeur le 14 juillet 2014 en réponse à l’avis d’abolition du poste nettoyeur senior . Un autre paraîtra le jeudi 10 juillet 2014, cette fois pour la classification Nettoyeur (temps partiel) à un taux horaire identique au précédent.  Selon l’annotation inscrite au document déposé, ce poste sera comblé à l’externe par M. Nelson Maloney.  Enfin, le troisième affichage paraîtra le jeudi 4 septembre 2014 pour, à nouveau, la classification Nettoyeur (temps complet) mais au taux horaire majoré cette fois à 13.75$ en application de l’échelon salarial prévu à la convention collective à cette date.

 

[27]   Les tâches énumérées dans la description générale de la classification de ces trois (3) affichages, tout comme les qualifications requises, y sont identiques.  Ce sont, respectivement, les suivantes:

 

Exécuter des tâches spécifiques en matière de nettoyage selon les standards du Four Points by Sheraton Gatineau-Ottawa. Nettoyer tous les endroits publiques de l'hôtel, vider les poubelles, répondre aux clients et à leurs demandes de livraison ou autres demandes réquisitionnées par le client ou les départements, ainsi que toutes autres tâches demandées par la gérante de l'entretien ménager.

__________

 

-       Expérience de deux (2) années dans un poste en entretien ménager;

-       Très bonne condition physique ;

-       Habileté manuelle ;

-       Esprit de coopération et du travail d'équipe ;

-       Attitude positive ;

-       Initiative, entregent.

 

[28]   Tel que mentionné, le représentant syndical M. Philippe Viens écrit à M. Trottier le 14 juillet 2014 pour lui faire part des observations suivantes (pièce E-1 a)) sur sa décision d’abolir le poste :

 

Suite à votre correspondance concernant l'abolition de poste de nettoyeur senior, nous désirons vous aviser que nous ne pouvons s'objecter à l'abolition de ce poste mais par contre, nous ne pourrons accepter qu'un cadre exécute ces tâches.

 

Pour ce qui est de la situation de monsieur Langlois suite à cette abolition, c'est l'article 13.01 b) qui doit s'appliquer soit « l'ancienneté d'établissement». +Il pourra donc supplanter monsieur Jean-Guy Gendron s'il le désire.

 

Nous attendons donc votre position dans ce dossier d'ici cinq (5) jours de la présente car advenant votre refus de procéder comme suggéré précédemment, nous nous verrons dans l'obligation d'utiliser la procédure de grief prévue à la convention collective.

 

[29]   M. Trottier explique que le poste obtenu par M. Gendron à la suite de l’affichage du 3 juillet 2014 l’a été par suite de la vacance créée par la démission le 30 juin 2014 de la titulaire précédente M me Sancartier, le premier étant détenteur auparavant du poste de nettoyeur à temps partiel. Un autre poste à temps complet a été créé, soit celui pour lequel le plaignant a soumis son application et qu’il a obtenu.  Si M. Langlois s’est retrouvé sur le quart du soir, dit-il, c’est en vertu de la règle d’ancienneté par classification définie à l’article 13 de la convention collective. Selon l’article 13.09, un salarié maintient et accumule son ancienneté pour une période de 60 jours, laquelle n’est plus comptabilisée s’il ne retourne pas à sa classification originale. 

 

[30]   L’ancienneté de M. Langlois était différente selon qu’elle visait l’établissement (2004), la classe (2006) et la nouvelle classification 2014.  À l’été 2014, indique le directeur général, les salariés ont choisi en fonction de leur ancienneté de classification, le nettoyeur du soir M. Edmond Hussain optant de travailler de jour et M. Langlois se retrouvant forcément relégué au poste de nettoyeur du soir. 

 

[31]   Employé à l’hôtel depuis novembre 2003 et affecté depuis cette période à tous les quarts de travail (jour, soir, nuit), M. Hussain confirme dans son court témoignage que telle est la procédure suivie qui l’a fait passer du quart du soir à celui du jour à la suite de l’abolition du poste de nettoyeur senior.

 

[32]   Toujours selon M. Trottier, en vertu de l’application de la grille salariale (Annexe I de la convention collective) pour la classification nettoyeur au 1 er septembre 2013 et 2014, le taux horaire auquel a eu droit M. Hussain à ces périodes était de 13,47$ et 13,88$, comparativement à 15,36$ et 15,82$ pour celui du poste de nettoyeur senior.  Ceci représente une différence de quelque  4 000$ par année, précise-t-il.  

 

[33]   Interrogé sur les responsabilités des nettoyeurs en matière de formation, M. Trottier souligne que celle-ci dépend du quart en cause.  L’hôtel a engagé un nouvel employé en septembre 2014, dit-il, mais il ne sait pas si M. Hussain s’est occupé de sa formation.  Quant aux tâches de ce dernier, il croit qu’il inspecte les lieux publics, qu’il «  nettoie quand c’est sale  », et qu’il rapporte les problèmes à l’assistante gouvernante, comme il espère que tous le fassent.  M. Hussain s’occupe aussi des réquisitions des produits manquants.

 

[34]   Lorsqu’on lui présente la Liste des items pour les lockers de préposés (pièce S-8), le directeur souligne n’être pas en mesure de confirmer que tous les articles qui y figurent doivent être acheminés à tous les étages ou au 7 e et 8e et 9e étage tel que le détaille cette liste, mais il confirme que les besoins à l’étage existent bel et bien.  Il souligne enfin que si M. Langlois était resté de jour, il ferait toujours les mêmes tâches.  M. Hussain souligne pour sa part qu’à compter de la disparition du poste de magasinier en 2006, il a fait l’inventaire de ces articles à la fin du mois et donné la commande durant la semaine.  La buanderie est la seule chose dont il ne s’est pas occupé. Son superviseur était Fanny.

 

[35]   Tâches détaillées à effectuer par les nettoyeurs . Une liste de ces tâches pour le quart de jour (pièce E-3) et du soir (pièce E-4) a été produite. La première énumère par rubrique les tâches suivantes, chacune d’elle marquée par un trait permettant de cocher:

 

Nettoyeur

Nom:                                                Date:

 

Restaurant L'Ardoise (6h et 11h)

 

Passer le balai et moppe dans la salle à manger, la section du buffet et station omelette

Vider le recyclage situé derrière le bar et passer balai + moppe

 

Nettoyage du lobby et solarium

 

Passer la moppe (placer les enseignes jaunes)

Nettoyer entre les 2 portes (vitre, plancher, grillage et cadrages de métal)

Passé l'aspirateur sur les tapis

Les ascenseurs (laver les murs, les planchers et faire briller le stainless)

 

Retouche mézzanine

 

Passer la moppe dans les escaliers

Passer l'aspirateur

Nettoyer au complet les salles de bain (vérifier 1 fois par heure)

La porte en vitre de La Maison des Citoyens

 

Gym

 

Remplir les serviettes, remplir gobelets d'eau, jeter les vieux journaux, s'assurer d'avoir des linges humides, vider poubelle et épousseter

Épousseter, balai et moppe (ne pas oublier la porte du Gym)

 

Extérieur

 

Faire une tournée du stationnement au sous-sol pour ramasser les poubelles et mégots de cigarettes

Faire une tournée des entrées pour ramasser les poubelles et mégot de cigarettes

Enlever les toiles d'araignée autour des lumières, murs et cadrage porte

 

Cafétéria (avant les repas au besoin seulement)

 

Nettoyer les comptoirs

Nettoyer les tables

Nettoyer le plancher

Nettoyer les salles de bain des employés, papier et savon Descendre les chariots HLS au garage

 

Retouche Centre de conférence

 

Ascenseur de l'annexe (intérieur et extérieur)

Laver les lavabos, les planchers, les miroirs et les toilettes

Vérifier papier, savon et vider les poubelles

L'ascenseur (plancher et stainless)

Corridors (aspirateur et époussetage)

Épousseter les buffets et nettoyer le plancher de danse au besoin (salle Notre-Dame)

 

Stationnement extérieur et devant de l'hôtel (rue Victoria)

 

Vider les poubelles

Ramasser les mégots de cigarettes +déchets

Enlever les toiles d'araignée autour des lumières

S'assurer de descendre les sacs à ordure au garage

Faire l'inventaire des lockers des préposées

Aider la maintenance avec le ramassage des poubelles

Remplissage des lockers des préposées

Aider la maintenance avec le ramassage des poubelles

 

[36]   À part quelques précisions sur les lieux et quelques retraits et ajouts, les tâches comprises dans la liste du nettoyeur du soir dont le quart se déroule de 14 h 30 à 11 h se distinguent difficilement de celles effectuées par le nettoyeur de jour.  Toutefois, cette liste se démarque quelque peu de la première par l’ajout des rubriques Corridor des chambres clients et piscine , de même que par la ventilation par jour de la semaine de certaines tâches.  Les renseignements à leur sujet se présentent ainsi :

 

Corridor des chambres clients

 

Faire une tournée des escaliers de secours

Vider poubelles + recyclage de la chute et du corridor

Les boutons ascenseurs

L'aspirateur

Poussière générale (Lampe, miroir, bureau, extincteur, machine à glace et liqueur, etc.)

Section machine à glace (moppe si besoin)

1 er étage        2 e étage       3e étage      4e étage      5e étage

6e étage        7 e étage       8e étage      9e étage

 

Piscine (après la fermeture)

 

Nettoyer porte d'entrée

Nettoyer douche, toilette, vanité et miroir

Nettoyer plancher de l'entrée et vestiaire

 

P.S. Les appels à la radio doivent être faits le plus rapidement possible et un 30 mins maximum pour donner le Code 7.

 

lundi

 

Bureaux (des ventes, réception, directeur, du Chef, Housekeeping)

 

Vider recyclage

Balai + Moppe et épousseter (au besoin)

Descendre recyclage au garage

 

Mardi

 

Époussetage des baseboards sur les étages

 

Mercredi

 

Faire un «spot check» sur les étages

 

Jeudi

 

Poussière générale à l'Ardoise (Cadres, lumière, store, ventilation)

 

Vendredi

 

Nettoyer plancher buanderie

 

Samedi

 

Taches sur les murs corridors des étages

 

Dimanche

 

Nettoyer les planchers des chutes à déchet

 

Robes de chambres à monter :

 

[37]   Appelé à expliquer les différences entre son ancien quart de travail et celui actuel de jour, M. Hussain souligne qu’il monte maintenant des commandes et des choses à l’étage (savon, shampoing, crème, etc.) et qu’il alterne entre ça et les autres tâches de nettoyeur.  Alors qu’il travaillait le soir, il lui arrivait toutefois de monter des choses à l’étage, notamment quand la personne était trop occupée. Pour la directrice de l’hébergement, les différences entre les tâches des nettoyeurs sont celles consignées sur les feuilles de jour et du soir. Elle ajoute que les projets spéciaux surviennent entre ces deux quarts («  mid-shift  »). 

 

[38]   Historique d’emploi et tâches de M. Langlois . Fort d’une expérience antérieure de plusieurs années dans les condos, écoles et places commerciales, il est embauché chez l’Employeur en octobre 2004.  Détenant un poste à temps complet de jour, il dit avoir reçu un appel de Relance Outaouais pour des tâches d’entretien d’écoles le soir et de supervision et d’évaluation de stagiaires dont le stage était de trois (3) mois. Il les évaluait à chaque semaine et « remettait sa feuille » à La Relance.  De 2004 à 2006, il occupe donc deux (2) emplois, et fait des quarts de nuit à l’occasion.

 

[39]   En 2006, après qu’il eut fait part à la gérante de l’hébergement (Josée) de son désir de ne travailler que de jour et diminuer son impôt, on lui offre le poste de nettoyeur senior affiché le jeudi 22 juin 2006 (pièce S-5).  Lors de son arrivée en poste en 2004, la place n’était pas très bien tenue selon lui: son collègue Edmond n’avait pas l’expérience des inspections et ne faisait aucune formation.  Après que lui-même eut nettoyé et lavé les tapis au cours de l’année suivante, affirme M. Langlois, «  ils se sont aperçus que je connaissais ça  », sans doute la raison pour laquelle on lui a offert plus tard le poste.   

 

[40]   Faire les réquisitions quotidiennes pour les « lockers » et monter des produits à l’étage étaient au nombre des nouvelles tâches exigées de lui à cette occasion. Jusque-là, il n’y avait aucune marchandise sur les étages.  Les réquisitions de fin de mois demeuraient du ressort du magasinier.  L’inventaire à faire chaque semaine des deux (2) lockers comprend une gamme de quelque trente (30) produits différents à chaque étage, incluant des caisses d’eau et de savon à monter régulièrement.

 

[41]   Dans ses nouvelles tâches, il devait veiller de plus à l’inspection des lieux publics : regarder partout pour évaluer le travail à faire et décider s’il pouvait le faire, comme décaper par exemple, et noter et rapporter ses observations.  Il devait aussi proposer des projets impliquant des tâches plus importantes, telles que sortir les tapis, entrer les meubles, décaper le plancher, et s’entretenir avec les directeurs de banquet pour des travaux particuliers. Noter les bris de sécurité et les problèmes de maintenance, et les rapporter à la gérante, faisaient aussi partie de son travail.

 

[42]   La formation des nouveaux employés constituait un autre volet de ses tâches de nettoyeur senior, celle-ci étant en sus de la formation habituelle d’un (1) jour sur « la routine » et les tâches quotidiennes et impliquant le fonctionnement de la machinerie, le décapage, etc.  Il précise avoir montré au nouvel employé Christian à se servir d’un « buffer » le 16 septembre 2014 et le 8 octobre 2014 à décaper et à cirer, nombre de choses qu’il dit avoir aussi montré à Edmond Hussain.  L’hôtel a fait appel à lui également pour essayer de nouvelles machines ou de nouveaux produits.

 

[43]   M. Langlois évoque de plus son implication dans le travail d’une stagiaire en entretien ménager affectée à l’hôtel pour un stage de trois (3) mois et que Fanny lui avait demandé d’aider.  Il a passé 4 heures (2 heures sur 2 jours) avec elle pour des inspections et des directives. Pour son projet, la stagiaire s’est servie de ses enseignements pour confectionner divers tableaux de la fréquence d’exécution des tâches d’entretien (pièce E-2), lequel constitue aujourd’hui encore la base des tâches que doivent accomplir les nettoyeurs.

 

[44]   Préparés au printemps 2012 par la stagiaire M me Frédérique Ladouceur-Séguin comme le révèlent les inscriptions au bas de ces documents, ces tableaux détaillent, indistinctement du quart de travail auquel elles se rattachent, toutes les tâches d’entretien à effectuer et ce selon le jour de la semaine et les mois de l’année.  Il convient de noter que « cirer les planchers de la cafétéria et du corridor des employés » chaque mercredi est l’une des tâches figurant au tableau de la fréquence hebdomadaire.

 

[45]   De façon générale, M. Langlois estime que les tâches du nettoyeur de jour, dont la feuille de jour (pièce E-3) rend bien compte à l’exception des inspections, sont « plus physiques », telles que monter des caisses, alors que celles du soir se limitent au nettoyage (salles de conférences, salles de bain, lieux publics) et sont axées sur le service aux chambres, une tâche absente selon lui de la feuille du soir (pièce E-4).  Le nettoyeur du soir ne fait pas d’inspection et de formation. Dans son cas, il continue toutefois d’effectuer dans son quart de soir des tâches particulières, comme nettoyer « le buffet noir » où on ne peut mettre la brosse, faire des inspections et de la formation portant sur les produits et les quantités à utiliser, et sur l’équipement. 

 

[46]   Contre-interrogé sur les tâches comprises dans la description générale de la classification figurant à l’affichage du 22 juin 2006 (pièce S-5) du poste nettoyeur senior, M. Langlois reconnaît que les aires publiques dont il lui fallait maintenir la propreté comprennent le soir les salles de conférences; que laver les planchers et les tapis surviennent entre 14 h 30 et 8 h même si elles peuvent être faites de jour; qu’il a effectué la tâche de décaper pour la dernière fois le 8 octobre 2014 à 17 h 30 alors qu’il montrait à un nouvel employé à décaper et cirer. Décaper est une tâche généralement faite 1 fois par année et de nuit. Il reconnaît en contre-interrogatoire qu’il arrivait aux autres nettoyeurs de faire des extras, notamment que ses collègues Edmond, Derek et Christian ont fait eux aussi du décapage.

 

[47]   Poursuivant ce résumé des tâches, il souligne que laver meubles et chaises se fait davantage le soir entre 14 h et 17 h; qu’il effectuait le ramassage des déchets et recyclage et distribuait la marchandise selon les réquisitions pour lesquelles un inventaire est fait (“ce qui reste”). Il en remettait la feuille à Fanny qui effectuait la commande.  Au cours des inspections, il nettoyait salles de bain et urinoir. Il établissait enfin certaines priorités de nettoyage, comme lorsqu’il a suggéré à Fanny qu’il était préférable, par exemple, de laver les tapis dans le temps des Fêtes, ou d’ôter certains meubles.

 

[48]   L’étiquette de produits compte aussi parmi les tâches qu’il effectuait, c’est-à-dire coller des renseignements sur les gallons d’un produit de remplissage pour des « guns », ou inscrire des notes sur le nom du produit ou son potentiel corrosif.

 

[49]   En matière de formation, il souligne celle offerte à deux (2) employés sur la sécurité des lits de bébé en fonction des normes gouvernementales québécoises, de même que celle sur l’utilisation de nouveaux produits et d’équipements. Il ajoute avoir livré des commentaires et formulé des recommandations à Fanny sur l’achat de certains équipements après les avoir comparés. 

 

[50]   Témoignage de M. Cyprien Christian Zogotasnga . Il travaille comme nettoyeur chez l’Employeur depuis le 1 er octobre 2014. Son quart de travail est de soir, soit de 14 h à 23 h.  Il dit avoir reçu une semaine de formation à son arrivée, semaine durant laquelle on lui a montré les tâches à faire, telles nettoyer les planchers et assurer la propreté dans les endroits publics, les couloirs des clients, et vider les poubelles.  M. Langlois, avec qui il a passé deux jours, lui a montré comment nettoyer ces endroits (passer la balayeuse à l’étage des clients et le lobby, de même qu’à faire du décapage et à cirer des planchers).

 

[51]   Il précise en contre-interrogatoire qu’en plus des deux jours de formation passés avec le plaignant, il en a passé deux autres avec Edmond et un autre avec Nelson.  Il s’agissait, avec le premier, de la routine de la journée (resto en premier, vérifier les lieux publics) et en quoi le travail consistait; avec le second, c’était pratiquement la même formation que celle reçue de M. Langlois. Il n’a reçu aucune autre formation.

 

[52]   Appelé à témoigner de nouveau dans le cadre de la preuve syndicale lors de la 2 e journée d’audience, le plaignant a déposé et commenté des notes manuscrites (pièce S-9) sur ses tâches depuis l’abolition de son poste de nettoyeur senior à aujourd’hui.  Décaper et cirer des planchers, laver des murs et faire de la formation sont toujours des tâches qu’il effectue.  La formation donnée aux nouveaux employés, dont la dernière remonte à la fin mai 2015, est la même que celle donnée au départ à Edmond (décaper, utiliser la machine à tapis et le « buffer », la sécurité des lits de bébés).  Il précise en contre-interrogatoire que, si lui-même a reçu la formation sur l’utilisation des produits dangereux (SIMDUT), il ne l’a pas donnée à d’autres employés. Il ne donne pas non plus la formation Écolab.

 

[53]   Le reste de ces notes s’attachent surtout aux échanges qu’il a eus avec les responsables de l’hébergement sur les besoins d’entretien « extra » ou de projets résultant de ses inspections, et que selon lui les autres nettoyeurs omettent de relever (plinthe de base brisée au resto, problèmes de plantes, batteries à recharger, cumul de glace à l’entrée, etc.).  L’essai de nouveaux produits pour le nettoyage de surfaces de marbre qu’Angela lui avait demandé de vérifier y est aussi mentionné. 


 

III

DISPOSITIONS CONVENTIONNELLES PERTINENTES

 

Convention collective

(2012-2017)

 

ARTICLE 4             DROIT DE GÉRANCE

 

4.01   Le syndicat reconnaît le droit de l'employeur à l'exercice de ses fonctions de direction, d'administration et de gestion de façon compatible avec les dispositions de la présente convention.

 

4.02   Sans limiter la généralité de ce qui précède, les droits de l'employeur comprennent, sous réserve des dispositions de la convention collective:

 

a)    Le droit de maintenir l'ordre, la discipline et l'efficacité de l'entreprise, y compris le droit d'établir des règlements raisonnables dont le syndicat sera avisé par écrit avant l'affichage. Cependant, pour être en vigueur, tout nouveau règlement devra être affiché trois (3) jours d'avance.

 

b)     L'employeur s'engage à exercer ses droits de direction de façon compatible avec la présente convention à défaut de quoi, toute personne salariée aura le droit de loger un grief conformément à la procédure de règlement des griefs et d'arbitrage.

 

ARTICLE 11          PROCÉDURE DE GRIEF ET D’ARBITRAGE

 

(…)

Procédure d’arbitrage

 

11.04  La décision de l'arbitre est finale et lie les parties.

 

11.05  Pouvoirs de l'arbitre

 

En aucun cas, l'arbitre a le pouvoir de modifier, amender ou altérer le texte de la présente convention collective.

 

En matière disciplinaire, l'arbitre peut confirmer, modifier ou casser la décision de l'employeur. Il peut, le cas échéant, y substituer la décision qui lui paraît juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire.

 

 

11.06  Frais d'arbitrage

La séance d'arbitrage se tiendra sur les lieux du travail ou à tout autre local fourni à cet effet par l'employeur et ce, sans frais pour le syndicat.

 

Les frais et honoraires de l'arbitre sont payés à parts égales par les parties.

 

Le plaignant, un représentant du syndicat et les témoins nécessaires à la preuve sont libérés sans solde. Toutefois, les témoins ne quittent leur travail que pour la durée de leur témoignage.

 

ARTICLE 13          ANCIENNETÉ

 

13.01   a) L'ancienneté est définie comme la durée du service en tenant compte de la période d'emploi dans l'établissement et à l'intérieur d'une classification d'emploi.

 

b) L'ancienneté dans l'établissement devra s'appliquer pour déterminer:

- la paie de vacances et la durée ;

- supplantation;

 

c) L'ancienneté dans la classification d'emploi s'appliquera pour déterminer:

 

1.    mutation, telle que prévue à l'article 21.01

2.    mise à pied

3.    rappel de mise à pied

4.    préférence de vacances

5.    cédule de travail (choix d'horaire et jours de congé)

 

13.02    a)   Il y aura une liste d'ancienneté des salariés avec les informations suivantes, soit le nom du salarié, son statut, sa classification, la date d'entrée chez l'employeur ainsi que la date d'entrée dans sa classification.

 

Les noms des salariés apparaîtront par classification et par ordre d'ancienneté.

 

b)     Dans les trente (30) jours de la signature de la présente entente, l'employeur affichera la liste mentionnée au sous-paragraphe (a). Cette liste sera révisée et affichée à tous les six (6) mois.

 

c)     Le syndicat recevra une copie de la liste dans les dix (10) jours suivant l'affichage prévu au sous-paragraphe (b).

 

13.03     Le droit à l'ancienneté s'acquiert dès qu'une personne salariée a complété sa période de probation. A l'expiration de cette période de probation, son ancienneté est rétroactive à la date d'entrée dans l'établissement et à la date d'entrée dans sa classification dans le cas de l'ancienneté de classification.

 

13.04     En cas d'égalité de l'ancienneté entre deux (2) ou plusieurs personnes salariées, l'ancienneté est déterminée par la date de naissance, soit le mois et le jour en tenant compte que le mois de janvier est le premier mois de l'année.

 

13.05     Une personne salariée perdra ses droits d'ancienneté dans les cas suivants :

a)    démission ou abandon de poste;

b)     congédiement pour cause juste et suffisante;

c)     application de la clause 13.07;

d)     mise à pied pour une période de trente-six (36) mois si la mise à pied résulte de changements technologiques, de seize (16) mois si la mise à pied résulte de tout autre motif pour les salariés temps complet et temps partiel et de douze (12) mois pour les salariés occasionnels.

 

13.06      Si après avoir été rappelé au travail alors qu'il était mis à pied pour manque de travail, un salarié ne se présente pas au travail ou ne donne aucune réponse quant à son intention de retour au travail dans les cinq (5) jours de la réception d'une telle lettre, ce salarié sera considéré comme ayant terminé son emploi avec l'employeur.

 

Pendant toute la période suivant la mise à pied, le salarié devra informer l'employeur de tout changement d'adresse. Le rappel au travail se fera par lettre recommandée envoyée à sa dernière adresse connue par l'employeur avec copie au président du comité exécutif.

 

13.07      Dans le cas où un salarié serait promu à un emploi de supervision et/ou de direction, celui-ci gardera son ancienneté pour une période maximale de soixante (60) jours. Suite à l'expiration de ce délai, l'ancienneté sera annulée, sauf si pour quelque raison que ce soit, le salarié revient dans sa classification avant l'expiration de ce délai. Le délai pourra être prolongé après entente entre les parties.

 

13.08      L'ancienneté de la personne salariée continue de s'accumuler durant toute absence permise par la convention collective, sauf dispositions contraires.

 

Les salariés absents du travail pour cause de maladie accumuleront de l'ancienneté pendant les douze (12) premiers mois d'absence. Ils conserveront leur ancienneté pour les douze (12) mois d'absence suivants et perdront toute ancienneté après une absence de vingt-quatre (24) mois.

 

Les salariés absents pour accident de travail accumuleront de l'ancienneté pendant les vingt-quatre (24) premiers mois d'absence. Ils conserveront leur ancienneté pour les six (6) mois d'absence suivants et perdront toute ancienneté après une absence de trente (30) mois.

 

13.09      Dans le cas d'un changement de classification d'un salarié, ce salarié maintiendra et accumulera son ancienneté pour une période de soixante (60) jours.

 

Si le salarié ne retourne pas à sa classification originale dans les soixante (60) jours, son ancienneté dans cette classification n'est plus comptabilisée mais demeure au dossier du salarié. Par contre, le salarié conservera l'ancienneté accumulée dans l'établissement aux fins de l'article 13.01 b).

 

Son ancienneté dans sa nouvelle classification s'accumule rétroactivement à la date d'entrée en fonction dans sa nouvelle classification.

 

ARTICLE 14           MISE À PIED

 

14.01  Les mises à pied se feront dans l'ordre suivant:

 

- les personnes salariées occasionnelles;

- les personnes salariées en probation;

- les personnes salariées à temps partiel selon l'ordre inverse d'ancienneté;

- les personnes salariées à temps complet selon l'ordre inverse d'ancienneté

 

 

 

 

Procédure de mise à pied:

 

a)    Si l'employeur décide de mettre des personnes salariées à pied dans un département à l'intérieur d'une classification donnée, les personnes salariées ayant le moins d'ancienneté à l'intérieur de la classification affectée seront les premières à être mises à pied.

b)     La personne salariée mise à pied peut supplanter, après un préavis de trois (3) jours donné à l'employeur. une autre personne salariée de son département dans une classification supérieure, égale ou inférieure à la sienne selon le taux horaire prévu à l'annexe « I » pourvu qu'elle ait plus d'ancienneté que la personne salariée qu'elle supplante et qu'elle puisse remplir immédiatement les exigences  normales du poste.

c)     En cas de grief, il est entendu que la personne salariée doit, en cas de supplantation, prouver qu'elle a la compétence requise pour remplir immédiatement les exigences normales du poste.

 

14.02 Lors d'un rappel au travail, avant que tout nouveau salarié ne soit engagé, la procédure suivante s'applique selon l'ordre prescrit

a)    Rappel des personnes salariées à temps complet en tenant compte de l'ancienneté;

b)     Rappel des personnes salariées à temps partiel en tenant compte de l'ancienneté.

c)     Rappel des personnes salariées en probation;

d)     Rappel des personnes salariées occasionnelles;

 

Le rappel au travail se fait dans l'ordre inverse des mises pied. Le cas échéant, l'employeur assigne à son poste régulier la personne salariée qui a exercé son droit de déplacer selon l'article 14.01.

 

La personne salariée qui ne s'est pas prévalue de son droit de supplantation ne perd pas son droit de rappel.

 

14.03 Un salarié n'est pas tenu d'accepter un rappel au travail dans une classification autre que celle qu'il occupait au moment de sa mise à pied. Cependant, il est tenu, lors d'un rappel, de retourner à la classification et au département qu'il occupait avant sa mise à pied.

 

14.04 Un salarié qui accepte un rappel au travail dans une autre classification que celle qu'il occupait au moment de sa mise à pied, est réputé être en mise à pied dans sa classification pour fin de rappel au travail dans cette classification.

 

14.05 Advenant la fermeture d'un département, le salarié pourra supplanter dans un autre département en autant qu'il remplisse immédiatement les exigences du poste. Si nécessaire, le salarié recevra de la part de son superviseur une session d'orientation reliée à ce poste.

 

14.06 Dans l'éventualité d'une fermeture partielle ou totale d'un département, le délégué syndical représentant ce département sera le dernier mis à pied et ce, nonobstant les clauses 13.01 et 14.01.

 

*14.07 Aucun salarié à temps partiel ne pourra être rappelé au travail à l'intérieur d'une classification donnée si des personnes salariées à temps complet sont en situation de mises à pied dans cette classification, sauf si ces personnes salariées à temps complet refusent ou sont incapables de revenir travailler.

 

Le présent article ne s'appliquera pas si les personnes salariées à temps complet ne sont pas en mesure de satisfaire immédiatement aux exigences normales de la tâche.

 

L'employeur ne pourra pas se prévaloir du présent article pour forcer une personne salariée à temps partiel à travailler plus de vingt-quatre (24) heures par semaine.

 


 

IV

ARGUMENTATION

 

Le Syndicat

 

[54]       Pour M e Viens, la décision de mon collègue Carol Jobin dans l’affaire Syndicat national des employés de l’Hôtel-Dieu de Gaspé (CSN) et Centre hospitalier de Gaspé, Pavillon Hôtel-Dieu , T.A. 2 juillet 1999, 1999 CanLII 20321 (QC SAT) portant sur une abolition fictive de poste définit bien l’enjeu soulevé ici par le grief.

 

[55]       Le principe général applicable à ce genre d’affaires y est énoncé par l’arbitre en page 20 dans les termes suivants :

 

Le concept d'abolition fictive est généralement reconnu en droit arbitral. Il se rapporte non pas au droit de la direction d'abolir un poste mais à son exercice arbitraire ou abusif. On dira d'une abolition de poste qu'elle est fictive s'il y a preuve prépondérante que le poste, vu comme un ensemble finalisé et organisé de tâches, est demeuré en réalité substantiellement le même malgré le fait qu'on l'ait officiellement déclaré aboli. Pour jauger la substance du poste en question, on s'en remettra à l'examen qualitatif (nature) et quantitatif (volume, durée, etc.) des tâches composant le poste avant et après la déclaration d'abolition. Cette analyse sera nuancée. Certaines tâches pourront demeurer et être redistribuées jusqu'à un certain point sans que l'on conclue pour autant que l'abolition fut fictive ou factice. Chaque cas sera analysé dans son contexte et selon ses particularités.

 

[56]       À l’instar du constat de l’arbitre dans cette affaire (p. 21), les faits relatifs à l’abolition en l’espèce du poste de nettoyeur senior sont «  simples et, en pratique, non contestés  ». Ils imposent à l’arbitre d’appliquer «  le droit arbitral et la théorie de l’abolition fictive en tant qu’exercice abusif du droit de direction  », p. 22.

 

[57]       Cette théorie est validée par la Cour d’appel dans l’affaire Syndicat des employé(e)s de soutien de la Commission scolaire de Magog (CSN) et Commission scolaire de Memphrémagog et Émile Moalli , 14 avril 1999, Cour d’appel du Québec - No : 500-09-001586-946, 1999 CanLII 13785 (QC CA), M e France Thibault, J.C.A. Juge.  La Cour y rétablit en effet les conclusions de la sentence arbitrale estimant qu’elles ne sont pas clairement irrationnelles, entre autres, parce que « le caractère fictif d’une abolition peut se déduire du fait que ses composantes essentielles subsistent », pp. 9-10.

 

[58]       Des considérations de même nature se retrouvent également dans l’analy se jurisprudentielle de l’application de la théorie dans la sentence Le Syndicat régional des employés de soutien (C.S.Q.) et La Commission scolaire des Rives-du-Saguenay , T.A., le 17 mars 2005, 2005 CanLII 7261 (QC SAT), M e Marcel Morin, arbitre, pp.13-14. L’arbitre y traite de l’abolition d’un poste de concierge.

 

[59]       Selon le procureur, les faits pertinents sont en l’espèce les suivants. Le poste/classification de nettoyeur senior est aboli le 13 juillet 2014 sans aucune justification.  Aucune raison n’est fournie en effet.  À la même date, on avise le plaignant de ses droits de supplantation.  Un poste de nettoyeur à temps complet est alors affiché, poste dont les heures ne sont nullement réduites et pour lequel on demande au plaignant de soumettre sa candidature.

 

[60]       À partir du jeu de la convention collective en matière d’ancienneté, le plaignant passe du quart de jour au quart du soir. En vertu de l’article 13.01 c) de la convention collective, l’ancienneté dans la classification d’emploi est celle applicable à la classification nettoyeur détenue par les trois nettoyeurs retenus. La classification nettoyeur senior remontait à 2006, soit une ancienneté établie au 14 août 2006 pour M. Langlois.  La disparition de cette classification fait en sorte qu’en juillet 2012 son ancienneté retombe en bas.

 

[61]       Passant à la différenciation des tâches en litige, le procureur souligne les variations dans les témoignages les concernant.  Pour M. Trottier, les tâches du plaignant sont les mêmes que celles énumérées sur la feuille du quart du soir et, s’il était demeuré de jour, elles correspondraient à celles de la feuille du quart de jour. Le plaignant lui-même a témoigné que ses tâches n’ont jamais été modifiées après l’abolition de la classification nettoyeur senior; elles sont demeurées les mêmes sauf en ce qui a trait aux tâches spécifiques à chaque quart de travail.  M me Côté a évoqué pour sa part la disparation du quart de nuit à l’origine de l’abolition du poste nettoyeur, sans pour autant mettre en cause la spécificité des tâches du poste par rapport à celles des nettoyeurs.

 

[62]       Référant à l’affichage du 22 juin 2006 de la classification nettoyeur senior (pièce S-5), M e Viens souligne que les tâches qui y figurent reflètent les explications du plaignant relativement aux différences entre celles routinières des nettoyeurs et celles plus spécifiques et pointues du nettoyeur senior, notamment la formation, le décapage et cirage et l’entretien des machines, toutes des tâches faisant appel à un salarié plus expérimenté. Contrairement au témoignage de M me Côté dont la connaissance demeure limitée à cet égard, ces tâches distinctives ont continué d’être accomplies par le plaignant après l’abolition de sa classification. 

 

[63]       Évoquant les qualifications recherchées figurant dans la note courriel de M. Pierre Vary du 15 juin 2006 (pièce S-7 b)) et chacune des tâches mentionnées, le procureur soumet qu’il s’agit là du « poste normal » dont le plaignant s’acquitte des tâches puisqu’il est davantage expérimenté.

 

[64]       Considérées dans leur ensemble, ces tâches sont celles que le plaignant a continué d’effectuer après l’abolition de la classification, conclut le procureur, sauf pour celles spécifiques au quart de jour auquel M. Edmond Hussain est maintenant affecté.  Au sens de la jurisprudence, il y a ici différence de contenant, mais nullement de contenu.  Il en résulte pour le salarié une baisse salariale et un poste moins rémunéré.  Pour le procureur, il importe de garder à l’esprit que l’Employeur a bénéficié tout au long de cette période de la grande expérience du plaignant, notamment en ce qui a trait à la formation.

 

[65]       De fait, si son quart de travail n’avait pas changé, M. Langlois continuerait de faire le même travail ou, encore occuperait le même emploi si M. Hussain était parti. En l’absence d’abolition de tâches ou de réelle réorganisation du travail des nettoyeurs, il s’agit donc aux yeux du procureur d’un cas classique d’abolition fictive.

 

[66]       Après avoir demandé au tribunal de réserver compétence sur le quantum, le procureur lui demande, à titre de remède, d’annuler l’abolition du poste nettoyeur senior, d’y réintégrer le plaignant et de compenser ses pertes résultant de l’abolition de sa classification, incluant l’intérêt légal prévu par le Code du travail.

 

L’Employeur

 

[67]       Référant à la note transmise à M. Trottier par le représentant syndical le 14 juillet 2014 (pièce E-1), M. Auclair souligne d’abord que la préoccupation syndicale était alors de veiller à ce qu’aucun cadre n’effectue dorénavant ce travail. Les motifs de l’abolition du poste/classification ont été, selon lui, bien expliqués par le directeur général Jason Trottier.  Ce sont, d’une part, la situation financière de l’hôtel en raison des coûts de main d’œuvre et, de l’autre, l’analyse des divers postes en vigueur.  À cet égard, le directeur général a parlé d’un processus de rationalisation amorcé avant la décision d’abolir le poste en litige.  C’est dans ce cadre que les postes de téléphoniste, surintendant (entretien) et hôtesse ont été abolis.

 

[68]       Face à cette situation, M. Trottier n’a nullement tenté d’éviter les dispositions de la convention collective mais simplement de les appliquer.  Il a expliqué, à partir des feuilles de route correspondantes qui sont aussi des feuilles d’inspections, les tâches des nettoyeurs et du nettoyeur senior. Celles-ci impliquent toutes de faire du nettoyage et l’Employeur s’attend à ce que tous ceux qui y sont affectés le fassent et rapportent les problèmes le cas échéant.

 

[69]       Les raisons de la création du poste nettoyeur senior ressortent clairement du texte de la lettre d’entente signée par les parties le 22 juin 2006.  Ceci dit, le témoignage de M. Langlois démontre également que les tâches qui y sont décrites ont évolué au fil des ans, notamment en raison de la disparition du poste de magasinier et du quart de nuit.  Si le plaignant a donné de la formation, il demeure que Cyprien et Edmond l’ont fait également.  Tel est donc, de l’avis du représentant patronal, le contexte dans lequel est survenue l’abolition du poste en litige.

 

[70]       M. Auclair estime en conséquence que le dossier devant le tribunal porte fondamentalement sur le droit de gérer de l’Employeur. Tel que le définissent les auteurs Blouin R. et F. Morin, avec la collaboration de Jean-Yves Brière et Jean-Pierre Villaggi, Droit de l’arbitrage de grief , 6 e édition, Les éditions Yvon Blais, 2012, IX.9 , pp. 534-535, ce droit l’autorise de procéder à des changements de structures, à des réorganisations administratives, ou à reconsidérer des procédés de production. 

 

[71]       Bien sûr, ce droit ne peut être exercé de façon abusive, ou teintée de mauvaise foi, ou encore de façon discriminatoire ou déraisonnable comme ces mêmes auteurs l’indiquent plus loin ( IX , p. 583).  Mais en l’espèce, il n’y a rien dans le témoignage du plaignant qui suggère que la décision de l’Employeur était prise de mauvaise foi, ou n’était qu’un simple prétexte. Aucune preuve donc selon le représentant patronal qui démonterait une décision injuste, discriminatoire ou abusive.

 

[72]       Pour M. Auclair, le Syndicat ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve qui était le sien dans la présente affaire.  En vertu de l’article 4 de la convention collective, le Syndicat reconnaît à l’Employeur le droit de maintenir «  l'efficacité de l'entreprise  », ce qui inclut le droit de procéder à l’abolition de postes.  Ce droit de gérance résiduaire, l’Employeur l’a exercé en l’espèce comme il l’a fait par le passé. Il a restructuré divers services et aboli dans ce cadre les postes de téléphoniste et d’hôtesse.

 

[73]       Concernant l’argument d’abolition fictive, il soumet que tous les nettoyeurs ont des tâches à faire, et que des raisons ont été fournies pour la création du poste en 2006 comme elles l’ont été pour son abolition en 2012, reliées dans ce dernier cas à l’efficacité de l’entreprise.  À son avis, le Syndicat n’a pas réussi à renverser son fardeau de preuve.

 

[74]       Touchant certains points soulevés par son collègue, par exemple l’échange de courriels de 2006, il souligne que M. Vary n’est pas venu témoigner pour expliquer de quoi il s’agissait.  Quant aux inspections, il revient à tous les nettoyeurs, dit-il, de noter et de rapporter toutes situations à corriger.

 

[75]       La jurisprudence qu’il dépose à l’appui de son argumentation comprend les trois (3) affaires suivantes : Revera Retirement Genpar Inc. (Le Waldorf) et Syndicat Québécois des employées et employés de service, section locale 298 (FTQ) , T. A., le10 janvier 2014 - D12873-312 - SOQUIZ  AZ-51035080 , 2014 QCTA 16 , M Claude Martin, arbitre; Le Syndicat des employé(e)s de la recherche de l’Université de Montréal (S.E.R.U.M. - AFPC-FTQ) et Université de Montréal ,  T.A., le 6 juin 2012 - SOQUIJ  AZ-50865021 , M e Nathalie Faucher, arbitre; et Les Métallurgistes unis d’Amérique, local 6086 et La Ville de Murdochville , T.A., le 2 mai 1997 - SOQUIJ  AZ 97142086 , M e Diane Veilleux, arbitre.

 

[76]       Le représentant attire l’attention en particulier sur les paragraphes 16 à 19 de la première de ces décisions dans lesquels l’arbitre traite de l’importance du droit de gérance relativement à l’organisation du travail, ainsi que sur le paragraphe 19 portant plus spécifiquement sur son droit d’abolir des postes.

 

Réplique du Syndicat

 

[77]       Pour M e Viens, son fardeau de preuve vise la démonstration d’une abolition fictive de poste, nullement l’exercice abusif par l’Employeur de son droit de gérance.  Il estime à cet égard que le Syndicat s’en est acquitté. 

 

[78]       Il n’y a pas en l’espèce de changements organisationnels importants car il s’agit du même personnel et des mêmes heures.

 

[79]       Enfin, concernant la lettre qu’il transmet à M. Trottier le 14 juillet 2014 (pièce E-1 a)), le procureur soumet qu’elle témoigne de la préoccupation du Syndicat à ce moment pour la redistribution des tâches en cause, laquelle n’était pas encore complétée. 

 


 

V

ANALYSE ET DÉCISION

 

[80]   La question centrale que soulèvent le présent grief, la preuve et l’argumentation le concernant, est la suivante:

 

Selon les circonstances révélées par la preuve, notamment en ce qui a trait à la nature et à la distribution des tâches, ainsi qu’à leur cadre d’exécution, la décision de l’Employeur d’abolir le poste/classification nettoyeur senior le 13 juillet 2014 constitue-t-elle une abolition fictive de poste au sens que la jurisprudence pertinente accorde à cette expression, ou doit-elle n’être considérée que comme l’exercice légitime du droit de gérance que lui reconnaît l’article 4 de la convention collective?

 

[81]   Ainsi formulée, la question répond au besoin, énoncé dans l’extrait de la décision Centre hospitalier de Gaspé reproduit plus tôt sur le concept d’abolition fictive, d’analyser chaque cas «  dans son contexte et selon ses particularités » .  L’arbitre rappellera plus loin que «  l'abolition réelle ou fictive de postes n'est qu'une question de faits  », p. 24.

 

[82]   Aux fins de notre examen de la question, il convient d’abord de noter que les faits dans cette affaire s’avèrent nettement différents de ceux de la présente à l’égard des deux éléments d’analyse précédents.  L’arbitre Jobin qualifie en effet ces faits de fort simples et contraires «  à ce qui est le cas dans la plupart des dossiers où l'on doit scruter et pondérer à la pièce toutes les attributions ou tâches, souvent évolutives, d'un poste aboli  », p. 21.  L’arbitre avait conclu plus tôt de son analyse de la preuve qu’après l’abolition des postes respectifs de menuisier et d’électricien, chacun des détenteurs de ces postes «  a continué d'effectuer, au même horaire … et à tous les jours, exactement le même travail qu'auparavant  », pages 11-12.

 

[83]   Selon la preuve en l’instance, les choses ne sont pas ici aussi simples, à commencer par la difficulté de comparer les tâches du nettoyeur senior et des autres nettoyeurs à la période pertinente.  Si le descriptif des tâches et des exigences du poste nettoyeur senior est on ne peut plus explicite lorsqu’on examine l’entente et l’affichage du 22 juin 2006 (pièces S-4 et S-5), celui du poste de nettoyeur est manquant à cette date.  Son descriptif n’apparaîtra qu’à l’été 2014 avec les divers affichages du poste et les tâches qu’il décrit sont de caractère générique plutôt que spécifique.

 

[84]   Qui plus est, le contexte économique et organisationnel de l’hôtel a changé au moment où l’hôtel décide d’abolir le poste nettoyeur senior, comme l’a souligné son directeur général actuel.  Son témoignage sur la situation difficile de l’hôtel à son arrivée et sur l’abolition de divers postes pour y remédier n’est pas contredit. 

 

[85]   Sa remarque sur l’aspect évolutif des tâches du nettoyeur trouve écho de plus dans l’affirmation de M. Hussain selon laquelle il a fait l’inventaire d’articles à la fin du mois et passé la commande durant la semaine après la disparition du poste de magasinier en 2006.  Or, «  distribuer la marchandise selon les réquisitions » est l’une des tâches figurant au descriptif de l’affichage du poste nettoyeur senior et évoquée par le plaignant à ce titre.

 

[86]   Une autre de ces tâches, soit celle de former de nouveaux employés particulièrement à l’égard de tâches plus complexes comme le cirage et le décapage, semble avoir connu elle aussi une certaine évolution.  Si participer à la formation de présents et nouveaux employés était, en 2006 et dans les années qui ont suivi, une tâche clairement spécifiée dans le descriptif du poste et confiée en exclusivité à M. Langlois, ça ne semble plus avoir été le cas à la suite de l’abolition de son poste. Comme on l’a vu, M. Cyprien a témoigné avoir reçu de son collègue Nelson à son arrivée pratiquement la même formation que celle reçue plus tôt de M. Langlois.  

 

[87]   Pour leur part, les remarques du plaignant sur le volet sécurité de la formation qu’il estime avoir donnée (lits de bébé et étiquetage de produits dangereux) dénotent dans l’ensemble des initiatives ou très ponctuelles, ou individuelles, une perspective que signalent à la fois son absence de formation SIMDUT ou Écolab, et l’implication d’autres départements dans la formation d’employés selon l’affirmation non contredite de M me Côté. 

 

[88]   Les inspections, desquelles les projets spéciaux évoqués par le plaignant découlent le plus souvent, ne semblent pas elles non plus relever uniquement de ce dernier. M. Trottier a affirmé, sans être contredit, que M. Hussain inspectait lui aussi les lieux et rapportait les problèmes à l’assistante gouvernante, alors que M me Côté a souligné que les projets spéciaux étaient réalisés par les nettoyeurs des deux quarts de travail. 

 

[89]   Cet aspect du travail semble donc avoir subi lui aussi une évolution certaine, le plaignant l’assumant en bonne partie jusqu’à l’abolition de son poste, puis ses collègues y devenant progressivement plus impliqués.  Parce qu’ils se rattachent dans l’ensemble aux tâches énumérées dans les feuilles de jour et de soir et dans les tableaux de fréquence de la stagiaire, - une compilation pour laquelle le plaignant dit avoir servi de guide, les exemples évoqués dans les notes du plaignant (pièce S-9) paraissent au tribunal s’inscrire dans cette évolution.

 

[90]   Le tribunal ne met nullement en doute, convient-il de le préciser, le fait que M. Langlois a continué à beaucoup d’égards à accomplir des tâches qui étaient les siennes lors de la création du poste nettoyeur senior.  Sa vaste expérience et son engagement évident envers le métier imprègnent tout son témoignage.  Aux fins du présent examen, ce n’est pas là toutefois la question principale à examiner et à trancher.  Il s’agit plutôt de déterminer dans quelle mesure, une fois abolie la classification nettoyeur senior, ces tâches lui sont demeurées plus ou moins exclusives relativement à celles de ses collègues nettoyeurs, ou si elles se sont retrouvées distribuées plutôt, à des degrés divers, chez ces mêmes collègues. 

 

[91]   Pour répondre à cette question, le tribunal se doit de garder à l’esprit la latitude considérable dont jouit un employeur en pareille matière, particulièrement en l’absence de dispositions conventionnelles détaillées semblables à celles présentes dans les affaires Commission scolaire de Memphrémagog et Commission scolaire des Rives-du-Saguenay précitées portant sur la création ou l’abolition de postes et sur les modifications d’horaire s’y rattachant .

 

[92]   Les remarques de ma collègue Nathalie Faucher dans l’affaire Université de Montréal , supra, comme les références jurisprudentielles qui les accompagnent, me semblent à cet égard des plus pertinentes.  L’extrait suivant, tiré des paragraphes 75 et 76 de sa décision, vaut d’être reproduit :

 

[75] Il est de longue date reconnu qu'il peut y avoir abolition de poste même si les tâches propres à ce poste continuent d'exister et sont réparties autrement sauf, évidemment, si la convention collective l'interdit.  Ainsi, dans l'affaire Cie minière I.O.C , la Cour d'appel écrivait ce qui suit:

 

"Notre cour a déjà décidé qu'un employeur avait le pouvoir, en vertu de son droit de gérance, d'abolir des postes à temps plein pour diviser les fonctions qui y étaient attachées en des postes à temps partiel, lorsque cela est fait dans l'exercice d'une saine et avantageuse gérance (4).

 

Cette décision démontre à mon sens que l'abolition de postes est possible même si tous les éléments d'une tâche ne sont pas anéantis . Cette décision contredit donc l'arbitre au même titre que la décision dans l'affaire Canron décidée par l'arbitre Hinnegan."

(Soulignés ajoutés)

 

[76] Le même principe a été réitéré par l'arbitre Jean-Louis Dubé dans l'affaire du Centre de santé et de services sociaux des Sommets ainsi que par l'arbitre Denis Laberge dans l'affaire du Centre hospitalier de Val D'Or .

 

[93]   De fait, ces considérations ne sont guère différentes de celles évoquées par l’arbitre Jobin dans l’extrait de sa décision (p. 20) reproduit plus tôt dans le cadre de l’argumentation du procureur syndical.  Après avoir rappelé que le concept d’abolition fictive se «  rapporte non pas au droit de la direction d'abolir un poste mais à son exercice arbitraire ou abusif  », et qu’un tel poste doit être envisagé comme «  un ensemble finalisé et organisé de tâches  » , M e Jobin note que la substance de celui-ci doit être jugée à partir de

 

…l'examen qualitatif (nature) et quantitatif (volume, durée, etc.) des tâches composant le poste avant et après la déclaration d'a-bolition. Cette analyse sera nuancée. Certaines tâches pourront demeurer et être redistribuées jusqu'à un certain point sans que l'on conclue pour autant que l'abolition fut fictive ou factice.

 

[94]   Appliquées à la situation présente, ces considérations nous amènent à noter le fait que les tâches effectuées par M. Langlois à titre de nettoyeur senior étaient et demeurent, au plan quantitatif et pour un grand nombre d’entre elles, de même nature que celles effectuées par ses collègues nettoyeurs.  La proximité évidente entre ces deux classifications, combinée à la migration progressive vers ses collègues des tâches les plus caractéristiques du poste nettoyeur senior, telles les réquisitions, les inspections, ou la formation, rendent évidemment plus difficile de distinguer entre les composantes essentielles des postes des uns et des autres.  Ces deux facteurs expliquent sans doute l’impression persistante du plaignant que «  rien n’est changé  » du contenu de sa tâche, mais seul son contenant.

 

[95]   S’ajoute à cette trame factuelle assurément inédite par rapport à celle des affaires citées, la portée singulière en l’espèce de la clause de reconnaissance du droit de gérance. L’article 4, qui reconnaît ce droit, inclut expressément ici celui de «  maintenir …l'efficacité de l'entreprise  ».  Il s’agit là d’un terme d’une portée fort entendue, en soi bien sûr, mais aussi en raison de l’absence d’au-tres dispositions pouvant encadrer ou limiter le réaménagement d’effectifs, sauf bien sûr pour ce qui est du droit de supplantation pour les salariés affectés. 

 

[96]   Envisagés dans leur ensemble, les faits pertinents présentent surtout l’image d’un réaménagement ou d’une réallocation des tâches d’entretien entre le personnel ainsi affecté, réaménagement effectué dans un cadre bien réel de réduction des coûts de main d’œuvre (d’autres postes ont aussi été abolis comme on a vu) et d’efforts de rationalisation des opérations.  À ce titre, ils n’autorisent pas le tribunal à conclure à une abolition fictive du poste nettoyeur senior. 

 

[97]   Dans un tel contexte et étant donné la nature du réalignement des tâches des nettoyeurs qui en a résulté, la décision de l’Employeur d’abolir le poste nettoyeur senior n’est pas contraire à la convention collective.

 

[98]   Pour toutes les raisons mentionnées, le tribunal rejette en conséquence le grief no H7203-2014-0003 de M. Yves Langlois.

 

_________________________

François Bastien, arbitre

 

Signée à Gatineau, le 17 août 2015

 

ANTEA INC.

1409-310-QM

S/A-134-15 (QM)

Annexe

 

LISTE DE PIÈCES DÉPOSÉES

 

 

Objet : Société en commandite 35 Laurier (35 Laurier Limited Partnership) Four Points by Sheraton et Union des employés et employées de service, section locale 800

 

Grief : H7203 2014 0003 - Abolition du poste de nettoyeur senior de façon non conforme à la convention collective

 

Notre dossier : 1409-310-QM

___________________________________________________________________

 

 

SYNDICAT

 

S-1    Convention collective de travail 2012- - Union des employés et employées de service, section locale 800 ET Société en Commandite 35 Laurier (Four Points by Sheraton) - 2012-2017.

 

S-2    Grief no H7203-2014-0003 déposé par M. Yves Langlois le 22 juillet 2014.

 

S-3    (en liasse) Lettre du 7 juillet 2014 de M. Jason  Trottier à M. Philippe Viens et M me Maude Bercy - Objet : Abolition du poste/Classification de nettoyeur senior.

et

 

Lettre du 7 juillet 2014 de M. Jason Trottier à M. Yves Langlois

Objet : Abolition du poste et de classification  - Règle de supplantation prévue à la convention collective.

 

S-4    Lettre d’entente du 22 juin 2006 - Les entreprises KSD Ltée (Four points par Sheraton et Centre de conférences Gatineau-Ottawa) ET Union des employés et employées de service, section locale 800.

 

S-5    Avis de position vacante du 22 juin 2006 : classification : Nettoyeur senior (temps complet) - département : Hébergement - supérieur immédiat : Assistance gouvernante.

 

S-6    Trois (3) avis de positions vacantes :

1) 3 juillet 2014 - classification : Nettoyeur (temps complet) - département : Hébergement - supérieur immédiat : Gérante de l’entretien ménager;

 

2) 10 juillet 2014 - classification : Nettoyeur (temps partiel) - département : Hébergement - supérieur immédiat : Gérante de l’entretien ménager;

 

3) 4 septembre 2014 - classification : Nettoyeur (temps complet) - département : Hébergement - supérieur immédiat : Gérante de l’entretien ménager

 

S-7a) Courriels (16 et 15 juin 2006) entre Pierre Vary, Raymond Yip, Pierre Wong et Karine Tremblay RE : Senior cleaner.

 

S-7b) Courriel du 15 juin 2006 de Pierre Vary à Peter Wong RE : Senior cleaner.

 

S-8    Liste des items pour les lockers des préposées.

 

S-9    Notes manuscrites d’Y. Langlois - tâches.

 

 

EMPLOYEUR

 

 

E-1a) Courriel (14 juillet 2014) du représentant syndical, M. Philippe Viens, à M. Jason Trottier, Objet : Abolition de poste - Yves Langlois .

 

E-1b) Courriel (16 juillet 2014) de M. Jason Trottier, directeur général, à M. Philippe Viens, Objet : Abolition de poste nettoyeur sénior.

 

E-2    Tableaux de tâches selon la fréquence d’exécution.

 

E-3    Description (exemple) de « Nettoyeur ».

 

E-4    Description (exemple) de « Nettoyeur (soir) ».