COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des services essentiels)

 

Dossier :

AM-2000-6059

Cas :

CM-2015-3908

 

Référence :   2015 QCCRT 0451

 

, le

3 septembre 2015

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DEVANT LA COMMISSAIRE :

Marie-Claude Grignon, juge administrative

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Centre de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est (ayant succédé le 1 er avril 2015 au Centre de santé et de services sociaux Pierre-Boucher)

 

Employeur

 

c.

 

Alliance interprofessionnelle de Montréal (AIM) (FIQ)

 

Association accréditée

 

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DÉCISION INTERLOCUTOIRE

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[1]            Le 5 juin 2015, la Commission reçoit une entente de services essentiels que les parties proposent de maintenir en cas de grève dans un établissement qui exploite un ou des centres visés par l’article 111.10 du Code du travail , RLRQ,   c. C- 27, (le Code ), soit : centre hospitalier spécialisé, centre d’hébergement et de soins de longue durée, centre local de services communautaires.

[2]            L’association accréditée représente :

« Toutes les salariées et tous les salariés de la catégorie du personnel en soins infirmiers et cardio-respiratoires. »

[3]            Le 24 juillet 2015, l’association accréditée dépose à la Commission copie d’un avis d’intention transmis à la Procureure générale du Québec selon l’article 95 du Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25. À cette même date, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec demande à la Commission d’intervenir au dossier.

[4]            Dans les motifs au soutien de son avis d’intention, l’association allègue notamment que la Commission doit interpréter l’article 111.10 du Code de manière compatible avec l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan , 2015 CSC 4 .

[5]            Dans une lettre du 6 août 2015, la Commission avise les parties qu’elles seront convoquées à une audience pour débattre de la question constitutionnelle, mais que tenant compte de la présomption de constitutionnalité des lois du Québec ainsi que de l’article 111.10.7 du Code , la Commission pourrait rendre une décision interlocutoire avant l’expiration du délai prévu audit article 111.10.7. À cette fin, elle invite les parties à lui faire part de leurs observations, si elles le souhaitent, au plus tard le 28 août 2015.

[6]            Le 27 août 2015, l’employeur transmet un argumentaire visant à hausser le seuil de services essentiels au centre hospitalier spécialisé ainsi que dans les CLSC. L’association accréditée s’oppose à cette demande et transmet son argumentaire le 1 er septembre 2015.

[7]            Étant donné que le délai prévu à l’article 111.10.7 du Code expire le 3 septembre 2015, la Commission rend la présente décision de façon provisoire en vertu de l’article 118 du Code.

L’analyse de l’entente de services essentiels

[8]            Conformément aux articles 111.10.4 et 111.10.5 du Code, il appartient à la Commission de procéder à l’évaluation de la suffisance de l’entente de services essentiels et d’y apporter les modifications et  les précisions qu’elle juge appropriées avant de l’approuver au regard des dispositions du Code.

[9]           Malgré ce que prévoit le document en annexe à l’entente, et conformément aux dispositions de l’article 111.10 du Code , le seuil de services essentiels applicable à la mission de l’ensemble du centre hospitalier spécialisé est de 90 %. Tout autre pourcentage indiqué en deçà de 90 % doit être corrigé pour cette installation.

[10]        La Commission modifie donc l’entente afin qu’elle prévoie :

Ø   un seuil de maintien des services essentiels à 90 % pour le centre hospitalier spécialisé (hormis les unités de soins intensifs et d’urgence ).

[11]         Par ailleurs, dans ses observations du 27 août 2015, l’employeur demande à la Commission de modifier l’entente qu’il a conclue avec l’association accréditée en haussant le seuil de services essentiels en CLSC à 80 % pour le programme de soutien à domicile, à 90 % pour l’Unité Transitoire de Récupération Fonctionnelle (UTRF) / Évaluation - Intervention et Orientation (EIO) et à 100 % pour certaines unités du centre hospitalier spécialisé (la clinique externe d’oncologie, la salle d’accouchement et le service d’hémodynamie).

[12]         Il fait valoir des arguments liés, entre autres, à la formation spécialisée requise en soins infirmiers ainsi qu’au risque d’augmentation des demandes d’hospitalisation et d’hébergement lors d’une grève.

[13]         Tout d’abord, la Commission note que l’entente conclue entre les parties prévoit déjà un seuil de 90 % pour les unités UTRF / EIO et un seuil de 100 % pour la salle d’accouchement.

[14]         De plus, il n’y a pas lieu de hausser les seuils de maintien des services essentiels prévus à l’entente, car ils sont conformes à ceux établis par le Code et qu’aucune situation particulière à l’établissement visé ne paraît le justifier.

[15]         En outre, la Commission rappelle aux parties que les dispositions suivantes font partie intégrante de l’entente :

·         Le fonctionnement normal des unités de soins intensifs et d’urgence sera assuré en tout temps, le cas échéant.

·         Le libre accès d’une personne aux services de l’établissement sera assuré en tout temps, incluant les fournisseurs.

·         Tous les salariés habituellement en fonction pendant un quart de travail doivent être présents et accomplir leur travail dans une proportion conforme aux pourcentages établis à l’article 111.10 du Code.

·         Dans chaque unité de soins ou catégorie de services, les salariés devront exercer leur temps de grève à tour de rôle, lorsqu’il y a plus d’un salarié, de manière à assurer la continuité des soins et des services aux usagers.

·         Dans le cas où un salarié est seul dans son titre d’emploi, ce dernier ne doit pas interrompre la continuité des soins et des services. L’exercice de son droit de grève n’est possible que si les conditions de travail habituelles lui permettent de quitter son poste de travail. À défaut, il doit exercer son droit de grève en demeurant présent sur les lieux de travail et il doit alors cesser la grève si une situation particulière nécessite son intervention immédiate.

·         L’employeur fournit à l’association accréditée qui en fait la demande les informations nécessaires à la préparation des horaires de travail des salariés visés.

·         Lors d’une situation exceptionnelle ou urgente, l’association accréditée négociera rapidement avec l’employeur et fournira le nombre de salariés désignés pour répondre à la situation.

·         Afin de voir à l’application des services essentiels, l’association accréditée désignera une ou des personnes responsables des communications ainsi que les moyens mis en place pour assurer ces dernières.

·         Advenant des problèmes d’application des services essentiels, les parties doivent en discuter afin de trouver une solution. À défaut, la Commission doit en être avisée pour qu’elle puisse fournir l’aide nécessaire.

·         L’entente est valide pour toute période de grève jusqu’à la signature d’une convention collective ou de ce qui en tient lieu, sous réserve des pouvoirs de la Commission de la modifier.

[16]         Après examen de l’entente et compte tenu des modifications et précisions apportées, le cas échéant, la Commission conclut que cette dernière est conforme au Code.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

DÉCLARE                     que les services essentiels à maintenir pendant une grève sont ceux énumérés à l’entente ci-annexée, incluant les modifications et les précisions apportées par la présente décision, le cas échéant;

DÉCLARE                      suffisants les services essentiels qui y sont prévus;

RAPPELLE                   que nul ne peut déroger à une entente approuvée par la Commission;

DÉCLARE                     que la présente décision sera valide jusqu’à la décision définitive à être rendue sur la constitutionnalité des dispositions législatives contestées.

 

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Marie-Claude Grignon

 

M me Vicky Lavoie

Représentante de l’employeur

 

M es Julie Blouin et Roxanne Michaud

Représentantes de l’association accréditée

 

MCG/ab