Nyrstar Langlois (Breakwater Resources Ltd.) et Syndicat des métallos, section locale 4796 (Jean-Martin Allaire) |
2015 QCTA 751 |
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ARBITRAGE DE GRIEF
SELON LE CODE DU TRAVAIL DU QUÉBEC (L.R.Q., c. C-27)
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N o de dépôt : 2015-8355
ENTRE:
NYRSTAR LANGLOIS
(Breakwater Resources Ltd.)
(«L’EMPLOYEUR» ou «NYRSTAR»)
ET:
LE SYNDICAT DES MÉTALLOS
SECTION LOCALE 4796
(«LE SYNDICAT ou LES MÉTALLOS»)
ET :
JEAN-MARTIN ALLAIRE
(«LE PLAIGNANT»)
Griefs nos 2014-08 et 2014-09
Suspension et congédiement
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SENTENCE
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Tribunal: François Bastien, arbitre
Représentant du Syndicat: M. Sylvain-Rock Plante
Assisté de : M. Francis Roy, président
de l’unité
Procureur de l’Employeur: M e Simon Corbeil, Cain Lamarre Casgrain Wells
Assisté de : M. Réjean Deschamps, directeur RH, Nyrstar Mine Langlois
Lieu et dates de l’audience : Val d’Or (Qué.), les 22 et 23 juillet 201 5
Dernier document reçu : Le 1 er septembre 2015
Date de la sentence: Le 11 septembre 2015
ANTEA INC.
1407-308-QM
S/A-135-15(QM)
I
INTRODUCTION
[1] Deux griefs, tous deux déposés par M. Jean-Martin Allaire (« le plaignant »), un salarié à l’emploi de Nyrstar Langlois (Breakwater Resources Ltd.) (« l’Employeur » ou « Nyrstar ») sont l’objet de la présente sentence. Dans le premier (grief no 2014-08), le plaignant alors sous le coup d’une entente de dernière chance, conteste la mesure de suspension imposée par l’Employeur après que le tracteur qu’il conduisait eut percuté une boulonneuse et, dans le second (grief no 2014-09), le congédiement reçu le 16 avril 2014 à la suite de l’enquête menée par l’Employeur sur cet incident.
[2] Pour l’Employeur, les deux mesures prises à son endroit l’ont été en raison de la négligence et de la conduite dangereuse dont le plaignant a fait preuve, en dépit du fait qu’il connaissait, ou aurait dû connaître les conséquences pour lui d’un prochain manquement au code disciplinaire.
[3] Le premier grief, signé et déposé par M. Allaire le 9 avril 2014, et le règlement exigé se lisent comme suit :
L'employeur abuse de ses droits de gérance selon les articles 3, 3.1 et tout ce qui s'y rattache, en me suspendant pour une période indéterminée, d'une manière abusive et injustifiée en date du 3 avril 2014
Que l'employeur me réintègre à mon emploi immédiatement et que me soient remboursés toutes pertes monétaires encourues avec les intérêts légaux à compter du 3 avril 2014 et que soient aussi respectés tous les droits et privilèges que me procure la convention collective
[4] Le deuxième grief, signé et déposé par lui le 20 avril 2014, décrit ainsi la nature de celui-ci et la réclamation qu’il recherche :
La Compagnie viole la convention collective selon les articles 1, 3.01 et tout ce qui s'y rattache, en m'imposant une mesure disciplinaire injuste et abusive par un congédiement le 16 avril 2014.
Je demande ce que l'employeur me réintègre à mon emploi immédiatement et que me soient remboursés toutes pertes monétaires avec les intérêts légaux en date du 3 avril 2014 ainsi que le retrait de ces mesures disciplinaires de mon dossier et que soient respectés tous les droits et privilèges que me procure la convention collective.
[5] En réponse à ces deux griefs, la Coordonnatrice RH à Nyrstar Mine Langlois, M me Andréanne Bérubé-Leblanc a transmis à la présidente de l’unité syndicale M me Sylvie Roy, les 15 et 30 avril 2014 respectivement, deux lettres dans lesquelles elle maintient la position de l’Employeur à l’égard de chacun de ces griefs, c’est-à-dire qu’il réfute l’allégation d’avoir violé les articles de la convention collective auxquels ces griefs réfèrent.
[6]
J’ai
été nommé le 9 juillet 2014 pour agir en qualité d’arbitre dans ce dossier
conformément à l’article
[7] J’ai entendu les parties en audience à Val d’Or (Qué.) les 22 et 23 juillet 2015.
[8] En début d’audience, les parties ont formulé les admissions d’usage touchant le respect de la procédure de grief et la compétence du tribunal pour trancher toute question que les présents griefs pourraient soulever.
II
LA PREUVE
[9] Les faits de la présente affaire sont relativement simples et, sauf pour la vitesse du tracteur au moment de l’accident et ses conséquences, ils sont largement admis.
[10] La preuve documentaire dans le présent dossier comprend, entre autres, les avis disciplinaires en cause, un avis de dernière chance incluant son historique immédiat, divers formulaires de l’Employeur (rapport de travail, enquête d’incidents, matériel de présentation sur la sécurité à la mine, croquis des lieux de l’accident, ainsi que de nombreuses photos de ces lieux et des équipements impliqués dans l’accident à l’origine du congédiement du plaignant (pièce E-1 en liasse) .
[11]
Cette
preuve comprend également la lettre de congédiement remis en main propre au
plaignant le 16 avril 2014, lettre produite en réponse à la réouverture
d’enquête sur ce seul point ordonnée par le tribunal le 31 août 2015 en vertu
de l’article
[12] En preuve testimoniale, le tribunal a d’abord entendu, pour l’Employeur, le directeur RH de la mine M. Réjean Deschamps, le superviseur du plaignant M. Bruce Chabot et le préventionniste M. Stéphane Germain et, du côté syndical, le plaignant M. Jean-Martin Allaire.
[13] Circonstances et antécédents de l’entente de dernière chance. Le plaignant Jean-Martin Allaire a été congédié une première fois le 17 juin 2013. Dans la lettre qu’il lui adresse à cet effet (pièce S-6), avec copie au Syndicat, le Coordonnateur RH à Nyrstar Mine Langlois M. Philippe Hammarranger reprend les divers manquements que l’Employeur lui reproche à cette date. Mis à part le dernier paragraphe spécifiant le prolongement pour trois (3) mois du programme d’aide aux employés, le texte entier de cette lettre est le suivant :
La présente fait suite à la suspension pour fin d'enquête auquel nous vous avons soumis par voix téléphonique mercredi dernier, le 12 Juin dernier. Vous n'êtes pas sans savoir que cette suspension faisait suite à l'évènement où est-ce que vous avez été pris à transporter des explosifs de façon inapproprié sur votre véhicule de travail le 30 mai dernier. Selon notre tableau des mesures disciplinaires, vous avez enfreint la politique #19 "Manquement concernant les règles de sécurité lors d'un dynamitage" qui se réfère à l'article 429 de la loi sur la santé et sécurité au travail dans les mines. Si cette infraction avait été la 1 ière de niveau disciplinaire, le tout aurait entraîné une suspension automatique d'une (1) journée sans solde. Vous n'êtes toutefois pas sans savoir que votre dossier disciplinaire comporte déjà plusieurs avis que je vous rappelle ici ;
17 décembre 2012 : AVIS ÉCRIT pour ne pas s'être présenté pour votre quart de travail sans aviser (#5).
24 Janvier 2013 : 1 JOURNÉE SUSPENSION pour avoir omis de placer votre jeton de présence sous terre (#10),
et pour avoir pris l'équipement d'un autre employé sans autorisation. (#12)
25 février 2013 : 3 JOURNÉES SUSPENSION pour avoir omis de placer votre jeton de présence sous terre (#10 — 3 ième Niveau)
25 mars 2013 : 5 JOURNÉES SUSPENSION pour avoir omis de placer votre jeton de présence sous terre (#10 — 4 ième Niveau).
Lors de la remise de votre suspension de 5 jours sans solde du 25 Mars 2013, il avait été clairement spécifié qu'un prochain manquement disciplinaire entraînerait un congédiement immédiat. Vous nous voyez donc dans l'obligation de mettre fin à votre emploi et le tout effectif immédiatement.
[14] L’Employeur a révisé son dossier à la suite du grief que le plaignant dépose le 20 juin 2013 pour contester son congédiement. Ainsi, l’Employeur l’avise le 18 septembre 2013 (pièce S-7) avoir « convenu de réduire la mesure disciplinaire, passant d'un congédiement à une suspension sans solde de 3 mois [et] …établi un plan de retour au travail en date du 18 septembre 2013 ». La Coordonnatrice RH à Nyrstar Mine Langlois M me Andréanne Bérubé-Leblanc s’attarde toutefois à préciser dans le reste de sa lettre quelles en seront les conditions, soit les suivantes :
Veuillez toutefois bien vouloir prendre note que cette lettre est un avis de dernière chance et figurera à votre dossier pour une période de 1 an. Aucun manquement, d'aucune nature que ce soit, ne sera toléré durant cette période. Nous sommes en droit de nous attendre à ce que vous démontriez un comportement exemplaire. Toute infraction à notre code disciplinaire entraînera à un congédiement immédiat.
Nous espérons que vous comprenez la situation et les actions qui sont prises.
[15] La journée même, M. Allaire appose sa signature sur la ligne réservée à cette fin au bas de la lettre, acceptant par le fait même les conditions qui y sont stipulées.
[16] Il admet d’emblée lors de son témoignage avoir signé cette lettre, et compris qu’il s’agissait d’un ultimatum marqué par « la peine capitale » sans aucune autre chance additionnelle. Durant la période qui a suivi et jusqu’à la date du 2 avril 2014, il indique qu’on l’a rencontré pour divers incidents qui, selon lui, n’étaient pas significatifs par rapport à cette dernière chance. Il dit avoir une bonne relation avec M. Bruce Chabot, son supérieur à cette période.
[17] Formation des employés en santé et sécurité . Tous les employés embauchés, souligne le directeur RH à la mine Nyrstar Langlois M. Réjean Deschamps, reçoivent au moment de l’accueil une présentation Power Point sur les exigences en matière de santé et sécurité. Il dépose un extrait de cette présentation (pièce E-3 a)) intitulé É quipement Mobile/Déplacement sur la route, le site et sous terre (p. 13). Le texte de cet extrait est le suivant :
· La limite permise sur le chemin entre Quévillon à la mine est de 70 Km/h.
· La limite de vitesse permise pour tout véhicule est de 15 Km/h sur le site.
· Lors de déplacements en véhicule, gardez toutes les parties du corps à l'intérieur de la cabine ou du panier.
· Ne descendre ou monter que quand le véhicule est complètement immobilisé.
· Toujours utiliser les 3 points d'appuis pour descendre ou monter dans un véhicule.
· Chaque travailleur doit disposer d'un siège fixé au véhicule, à moins qu'il y ait un dispositif permettant aux travailleurs debout de conserver leur équilibre durant le transport (Art 194 RSST S-2, 1, r14). Obligatoire de porter la ceinture de sécurité.
· En descendant du véhicule, enlignez les roues vers le mur et 2 cales de roue doivent être installées à l'avant et à l'arrière d'une roue. Stationnez votre véhicule à reculons.
· La distance à respecter entre deux véhicules est de 30 mètres (100 pieds).
· On doit obligatoirement klaxonner au démarrage, 3 secondes avant le déplacement, dans les courbes, aux intersections et à la rencontre de piétons ou autres véhicules.
· Le conducteur du véhicule est responsable de son véhicule en tout temps, il doit s'assurer de ne rien accrocher avec son véhicule. (comme sur la route).
[18] Selon lui, les points les plus importants de cette présentation comprennent les limites de vitesse de 70 km/h pour le chemin menant à la mine, et réservées à toutes fins utiles aux seuls employés, et le 15 km/h sous terre, ainsi que l’avant-dernier et le dernier point, soit l’exigence de klaxonner aux courbes et intersections et de demeurer en tout temps en contrôle de son véhicule.
[19] Après avoir coché tous les sujets couverts (politiques en vigueur, convention collective, permis, etc.) par la présentation, tous les employés signent également au terme de celle-ci un formulaire émis par le Service RH, soit « la feuille de route de l’employé » selon l’expression du directeur. Après avoir suggéré au départ que son formulaire était quelque peu différent de celui déjà déposé, M. Allaire a reconnu toutefois par la suite qu’il s’agissait bien du formulaire qu’il a signé à la date de son embauche comme aide-mineur le 12 avril 2011 (pièce E-3b), précisant en avoir coché toutes les cases y figurant, sauf les trois dernières.
[20] Le paragraphe qui précède immédiatement sa signature sur ce formulaire se lit comme suit :
Je, soussigné, reconnais avoir reçu toute l'information et la documentation contenue sur ce document. De plus, je m'engage à faire tout en mon pouvoir pour éviter tout accident, tant à moi-même, qu'à mes compagnons de travail, de même qu'à rapporter à mon supérieur immédiat toute condition dangereuse et ce, avant de quitter le travail.
[21] L’accident. L’accident à l’origine du congédiement du plaignant survient le 2 avril 2014. Le tracteur sous-terrain qu’il conduit ce jour-là percute une boulonneuse stationnée près d’une intersection où se trouve un rideau de ventilation constitué de larges lanières verticales. Référant à la photo du tracteur endommagé (la photo no 3 de la pièce E-1 en liasse), le directeur Deschamps souligne que la carrosserie et le radiateur (de la section du moteur) ont été les parties les plus endommagées du véhicule. Pour les seules pièces, la réparation a coûté un peu plus de 5 000$.
[22] Mineur sous terre, M. Allaire est à l’emploi de Nyrstar depuis trois (3) ans environ, mais compte sept (7) ans d’expérience antérieure de travailleurs ailleurs. Il détient un permis de chauffeur classe 5, aucun autre n’étant exigé. La journée de l’accident, son collègue M. Paul Breton était le leader de son équipe et a rempli, à ce titre, la carte de travail (pièce E-4). Selon cette carte, leur travail était ce jour-là de brancher (« plugger ») des câbles d’ancrage au 3-7-2 B et de « tensionner » un câble au 3-6-1 - intersection par le 3-6-2.
[23] Le tracteur qu’il conduit alors est quelque peu différent de la photo qu’on lui montre (S-12), mais de même type. Lui et son collègue se trouvent au niveau 3-7-2 B lors de leur quart de travail lorsqu’ils entendent des bruits inhabituels provenant d’une autre section. Ils présument qu’il s’agit d’un mauvais terrain.
[24] M. Allaire convient que la description des circonstances en cause notée au 2 e paragraphe de la rubrique Chronologie de l’événement du rapport d’enquête, lequel est repris sous Event Time Line dans la version de ce rapport déposée par le Syndicat (pièce S-9), correspond bien à ce qui s’est passé. Cette description se lit ainsi :
Daniel arrive avec sa boulonneuse au 3-7-0, il traverse le rideau de ventilation et ne peut avancer plus parce que le scoop à fourche est dans la voie d'accès. Il laisse la boulonneuse à environ 12.5 pieds de l'autre côté du rideau de ventilation pour aller déplacer l'autre boulonneuse. Les jack sont mis et le gyrophare est allumé mais aucun ruban n'est installé de l'autre côté du rideau pour avertir un danger.
À un autre endroit, Paul Breton travaille avec Jean-Martin Allaire. Paul entend du bruit. À la place d'appeler le superviseur, il envoie Jean-Martin voir ce qui se passe. Jean-Martin descend au 3-7-0 et en traversant le rideau sans arrêter, il entre en collision avec la boulonneuse qui était stationnée de l'autre côté du rideau.
[25] M. Allaire se dit d’accord également avec le croquis déposé par le préventionniste (pièce E-6) sur la nature du trajet entre son secteur de travail à ce moment et le rideau de ventilation, soit entre autres une légère pente et 50 pieds de distance entre le rideau et l’intersection. Ainsi, il explique qu’il monte d’abord la rampe jusqu’à l’intersection, tourne ensuite vers le rideau sans noter rien d’inhabituel, ajoutant avoir traversé le rideau à cette occasion comme à toutes les autres depuis 3 ans, soit à vitesse lente. Il y est passé souvent auparavant car, pendant deux ans, des boulons y étaient entreposés.
[26] Il confirme l’absence de tout ruban de sécurité ou de pancarte ce jour-là, précisant que la visibilité à travers le rideau était nulle, et que la distance du rideau à la boulonneuse était probablement de 12,5 pieds. Si la vitesse possible de son tracteur est de 12 à 13 km/h, il estime sa propre vitesse étant plutôt à ce moment de 7 à 8 km/h. Il n’est pas descendu du tracteur avant de traverser le rideau.
[27] Après l’impact, il a reculé le tracteur derrière le rideau pour être visible et est allé voir l’opérateur de la boulonneuse pour, ensemble, constater les dommages. Ils sont allés ensuite déplacer leur véhicule respectif puisqu’un autre tracteur se pointait. Il émet l’opinion qu’un autre accident serait possiblement arrivé s’il n’avait pas auparavant mis son tracteur à vue.
[28] M. Allaire estime de 6 à 8 pieds la distance requise pour une visibilité passable de la boulonneuse une fois le rideau franchi, précisant en contre-interrogatoire n’avoir eu que 6,5 pieds après avoir aperçu le gyrophare de cette dernière. Il explique qu’au début du passage du tracteur, la visibilité demeure difficile en raison du mouvement des lanières que ce passage occasionne. Commentant la 4 e photo de la boulonneuse prise depuis le rideau, il souligne qu’elle demeure plus ou moins claire en raison des phares qui n’éclairent pleinement qu’une fois passé le rideau. Il n’a pas eu le temps de réagir pour éviter l’impact, conclut-il au terme de son examen principal, et croit avoir pris alors toutes les précautions nécessaires avant de traverser le rideau.
[29] Il reconnaît en contre-interrogatoire avoir emprunté, non pas le seul chemin accessible, mais assurément le plus utilisé car il y a « beaucoup de circulation ». Il voulait identifier le bruit, car il croyait que c’était des roches provenant du niveau supérieur au sien et qu’il fallait prendre des précautions. Il réitère avoir ralenti à 5 ou 6 km/k avant de traverser le rideau, mais n’a pas pensé s’arrêter. Sa lampe frontale était allumée mais ses phares étaient voilés par le rideau.
[30] Même à vitesse de pas d’homme (4 à 5km/h), il serait rentré quand même dans la boulonneuse, dit-il, ajoutant que cette vitesse est suffisante pour créer ce genre de dommages. Évoquant à nouveau ses passages fréquents à travers ce rideau au cours des trois (3) dernières années, il maintient s’être servi de son gros bon sens et d’avoir ralenti à cette occasion.
[31] M. Allaire admet en fin de contre-interrogatoire avoir eu, depuis l’entente de septembre 2013, des infractions de vitesse avec son camion sur le chemin de la mine (à accès limité et circulation restreinte) et sur les routes publiques, de même que d’autres pour pare-brise et vitres sales. Il assure toutefois avoir appris et fait de plus en plus attention. En réexamen, il dit ignorer si le chauffeur de la boulonneuse a été sanctionné.
[32] Enquête sur l’accident. L’enquête sur cette collision s’est amorcée la journée même, témoigne le directeur Deschamps, et elle a duré deux (2) semaines. Le plaignant a été suspendu aux fins de cette enquête, une suspension qui s’est transformée en congédiement une fois celle-ci complétée. Selon le directeur, l’enquête visait à comprendre les circonstances en cause en interrogeant des témoins, incluant le plaignant, pour déterminer le plus clairement possible ce qui s’était réellement produit et déterminer, le cas échéant, s’il y avait eu manquement de la part de M. Allaire.
[33] L’enquête démarre le 3 avril 2014 et se termine le 16 avril 2014 selon le rapport d’incident préparé à partir du logiciel en usage à la mine et déposé en format informatique sous la cote E-7 (une version incomplète et sans doute antérieure a été déposée par le Syndicat sous la cote S-9). Elle est menée par le responsable M. Donald Gingras et y participent activement, outre le capitaine Leclerc, le préventionniste de la mine Stéphane Germain et le superviseur des opérations souterraines Bruce Chabot.
[34] La première partie du rapport (que reproduit la pièce S-9) comprend la chronologie des événements (avant, pendant et après) telle qu’établie à partir des déclarations des travailleurs. Elle est suivie des renseignements découlant de l’enquête proprement dite et de ses conclusions, éléments sur lesquels nous reviendrons plus loin.
[35] Le directeur Deschamps reconnaît en contre-interrogatoire que les enquêtes à la mine ne sont pas « nécessairement paritaires », et il ignore s’il y avait en l’espèce présence syndicale lors des rencontres des témoins salariés. Préventionniste à la mine depuis deux (2) ans après y avoir travaillé avant comme contremaître sous terre, M. Stéphane Germain confirme pour sa part en contre-interrogatoire que l’enquête n’était pas paritaire ou conjointe et que, même si sa fonction l’amène à travailler avec des représentants syndicaux en santé et sécurité à l’usine et sous terre, nul d’entre eux n’y ont participé. Il ajoute qu’aucun représentant du Syndicat n’était attitré sous terre à ce moment.
[36] . M. Germain raconte avoir reçu un appel de l’équipe sous terre le jour de l’accident l’avisant qu’un tracteur avait frappé une boulonneuse. Alors qu’il l’interroge, le conducteur de cette dernière M. Daniel Gingras lui apprend qu’il a traversé le rideau et stationné là son véhicule en laissant marcher le gyrophare après avoir reçu un appel d’aller déplacer une autre boulonneuse.
[37] Selon la mesure qu’il dit avoir prise, la boulonneuse était stationnée à douze (12) pieds du rideau, « assez opaque », reconnaît le préventionniste. Il apprend aussi que M. Allaire est passé à cet endroit parce que les deux travailleurs ont entendu un bruit et que l’un deux est entré dans un endroit de « cavage » d’où on sortait du matériel.
[38] Aux fins de préciser l’itinéraire emprunté par le plaignant, M. Germain trace un croquis des lieux environnants (pièce E-6) à partir des niveaux 3-7-0, 3-7-2 A, 3-7-2B, (l’intersection, l’emplacement de la boulonneuse par rapport au rideau, la courbe avant le passage à gauche vers le rideau, un chemin qui se termine à droit en cul de sac puisqu’on comptait le barricader en raison du terrain mobile (« cavage »). À ce moment, il n’était pas interdit cependant d’y circuler.
[39] Conformément à son rôle dans l’enquête, il se charge de reconstituer l’accident, prend les quatre (4) photos déposées sous la cote E-1 en liasse et analyse les données recueillies. Lors de la reconstitution, il s’assoit derrière le conducteur Bruce Chabot et prend des photos avec flash selon l’angle d’entrée dans le rideau. La première photo montre qu’en écartant les lanières du rideau on commence à voir, la deuxième (prise arrêtée), la position du conducteur, la troisième, le tracteur accidenté et, la quatrième, la boulonneuse vue du rideau, éclairée par le flash de son appareil admet-il en contre-interrogatoire.
[40] La 1 ère vitesse de simulation était à pas d’homme, indique le préventionniste, puis un peu plus vite; à la troisième, il « ne pouvait pas rentrer plus vite ». Il explique que la politique en vigueur sur la conduite est celle tirée de la présentation Power Point aux employés à l’accueil. Le reste relève selon lui du gros bon sens, c’est-à-dire que le conducteur doit faire preuve de diligence et être raisonnable. Responsable de son véhicule en tout temps, une règle que tous les travailleurs connaissent, le conducteur doit ralentir s’il ne voit rien.
[41] Sans connaître la vitesse à laquelle le plaignant conduisait, il se dit sûr qu’il allait trop vite. Selon lui, l’employeur se doit de protéger ses travailleurs et cet accident aurait pu résulter en des blessures graves, ou encore la mort du conducteur s’il s’était trouvé derrière. À titre de préventionniste, il est d’avis que la vitesse la plus appropriée était la plus basse puisque les deux autres présentaient des temps de réponse très courts. Il conclut qu’en raison de la zone opaque et du manque de visibilité, le plaignant roulait trop vite et mettait ainsi en danger la vie des travailleurs.
[42] Ayant lui-même conduit ce genre de tracteur, il reconnaît que les lanières du rideau même un peu écartées nuisent à la visibilité de ce qui se trouve de l’autre côté. À l’origine, les lanières du rideau de ventilation étaient plus transparentes; de plastique et non nettoyées; au fil du temps, elles sont devenues opaques cependant. Concédant que si les lumières du haut du tracteur perdent de leur force au début du passage du rideau, celles du bas éclairent bien par contre, souligne-t-il. Il estime à quelque six ou 6,5 pieds la distance d’arrêt à la plus haute vitesse, et ajoute que la plupart des travailleurs passent à la 1 ère et 2 e vitesse. Si le chauffeur de la boulonneuse assure que le gyrophare était allumé, lui-même ignore s’il fonctionnait au moment de l’accident.
[43] Interrogé par le représentant syndical à partir de son propre croquis (pièce S-10) sur lequel figure un trait jaune, le préventionniste reconnaît que la politique était auparavant d’utiliser un ruban pour démarquer une zone de danger et qu’elle pourrait être remise en vigueur effectivement. Il n’y avait aucun panneau de signalisation pour le rideau et, convient-il, le terrain était en effet instable de l’autre côté de l’intersection.
[44] Le préventionniste admet en contre-interrogatoire n’avoir pas lui-même rencontré le plaignant, s’en remettant à la déclaration faite au capitaine Leclerc et au rapport d’incident. Il reconnaît que la déclaration écrite du chauffeur de la boulonneuse (pièce E-5), selon laquelle l’opérateur de la chargeuse à fourches lui a demandé de déplacer une autre boulonneuse parce qu’elle gênait les opérations, a été faite après la simulation.
[45] Supérieur du plaignant, M. Bruce Chabot est superviseur à la mine depuis deux ans et demi mais son expérience remonte à 2007, la mine ayant fermé entre les deux périodes. Il décrit le plaignant comme un bon travailleur, non un leader, qui est cependant dangereux parce que souvent dans la lune. Il a eu, dit-il plusieurs accrochages contre des parois rocheuses, et il n’a pas de bonnes méthodes de travail.
[46] L’accident à l’enquête duquel il participe est survenu à la fin du quart de travail, indique-t-il en contre-interrogatoire, mais il n’était pas à ce niveau de la mine lorsqu’il s’est produit. En raison des accrochages antérieurs de M. Allaire, il avait désigné M. Breton comme le leader de l’équipe de deux, en espérant que le premier conduise le moins possible.
[47] Il explique que le tracteur conduit ce jour-là par le plaignant sert au transport du personnel et de leur matériel. Les autres véhicules utilisés pour les opérations sous terre sont la boulonneuse et la chargeuse à fourches. La vitesse moyenne des véhicules qui circulent dans ce secteur n’est « pas vite ». L’intersection près de laquelle l’accident est survenu est marquée, dit-il, d’un va-et-vient de piétons et de véhicules.
[48] Il reconnaît en contre-interrogatoire que le rideau à traverser près de cette intersection est opaque, et qu’on ne peut y voir aucune lumière de l’autre côté. Aucun effort n’a été fait à sa connaissance pour modifier cette situation, ni aucun protocole établi sur la façon de traverser le rideau. Aucun feu de circulation ne s’y trouve.
[49] Appelé par le préventionniste à reconstituer l’accident, une procédure habituelle en de tels cas, il utilise un tracteur de même type et demande au chauffeur de la boulonneuse M. Daniel Gingras de placer celle-ci au même endroit que lors de l’accident. Accompagné du préventionniste, il conduit lui-même le tracteur et effectue une simulation à trois vitesses différentes pour déterminer la distance requise pour arrêter à temps et éviter de percuter la boulonneuse.
[50] Les phares à l’avant du tracteur (2 en haut et 2 plus bas) éclairent le chemin légèrement en pente de quelque 7% et son collègue préventionniste tente de voir à travers le rideau, installé à 12 pieds de celle-ci, le moment où on aperçoit la boulonneuse. À trois reprises en variant la vitesse, il refait le parcours et, à chaque fois, il est en mesure d’immobiliser le tracteur à temps. Le tracteur est muni d’un mécanisme par lequel il freine aussitôt que la pédale est relâchée. Les trois vitesses du véhicule, précise-t-il en contre-interrogatoire, vont de la plus basse (à pas de marche normale) à la plus haute (à 7 à 8 km/h), mais il reconnaît n’avoir pas été « à fond »). La vitesse de la chargeuse à fourches est plus lente que celle du tracteur.
[51] M. Chabot confirme en contre-interrogatoire n’avoir pas demandé à M. Allaire de participer à la reconstitution de l’accident, ajoutant qu’elle s’est déroulée en son absence. Il reconnaît par ailleurs que, normalement, la boulonneuse n’aurait pas dû être stationnée à cet endroit et que le chauffeur aurait pu peut-être la garer ailleurs. La boulonneuse dont on lui montre la photo (pièce S-8) était semblable à son avis à celle en cause, mais pas tout à fait la même.
[52] Tel qu’indiqué précédemment, outre la chronologie des événements évoquée plus tôt, le rapport d’enquête (pièce E-7) sur cet accident renferme d’autres renseignements importants sur ses causes et sur les actions prises ou envisagées à cet égard. À la rubrique Description des premières causes du rapport, le rapport énumère : « inattention de la part du conducteur de tracteur et aucun arrêt avant la zone à risque », endroit non barricadé, le conducteur n’avait pas à y aller, absence de procédure pour traverser le rideau de ventilation à part le gros bon sens, et la vitesse du tracteur.
[53] À la rubrique du même nom, le rapport relève, accompagné de leurs dates, les Actions suivantes: rencontre du chauffeur du tracteur (le 15 avril 2014), formation sur la procédure des rubans pour les véhicules et prôner la limpidité des problèmes sous terre (le 26 mai 2014) et installer des affiches sur les rideaux de ventilation (le 27 juin 2014). À noter que l’inscription « annulé » suit les 2 e et 3 e actions précédentes et « terminé » les deux autres. Contre-interrogé sur ce point, le préventionniste souligne qu’en réalité seule la 3 e action a été annulée, une opération qui ne vient pas de lui.
[54] C’est au terme de l’enquête consignée dans ce rapport que M. Allaire reçoit le 16 avril 2014, en main propre comme l’atteste sa signature au bas de celle-ci, sa lettre de congédiement. Signée par M. Martin Rioux, alors directeur RH à Nyrstar Mine Langlois, la lettre explique dans les termes suivants les circonstances et les raisons à l’origine de cette décision :
(…) La présente fait suite à la suspension pour fin d’enquête à laquelle nous vous avons soumise le jeudi 3 avril dernier faisant suite à un incident survenu sous terre où vous êtes entrés en collision une boulonneuse avec un tracteur
Vous n'êtes pas sans savoir que votre dossier disciplinaire comportait une lettre de dernière chance signé le 18 septembre 2013, entente que nous avions prise afin de réduire votre congédiement à une suspension de 3 mois sans solde. Lors de la signature de cette lettre, vous vous êtes engagés à démontrer un comportement exemplaire et il avait été clairement spécifié qu'aucun manquement, d'aucune nature que ce soit, ne serait toléré durant une période de 1 an et que toute infraction de votre part entrainerait un congédiement immédiat
Le résultat de notre enquête nous a démontré que vous avez causé, par négligence, un équipement de la compagnie et par le fait même, vous nous voyez dans l’obligation de mettre fin à votre emploi et le tout effectif immédiatement.
(…)
[55] Révision du dossier . M. Réjean Deschamps, le directeur des ressources humaines à Nyrstar Mine Langlois, n’est entré en fonction que le 5 janvier 2015 après des années passées auprès de Breakwater à s’occuper toujours de dossiers de santé et de sécurité et RH. Absent lors des événements d’avril 2014, il explique que sa connaissance du dossier lui est venue des pourparlers tenus avec des représentants syndicaux sur plusieurs griefs, incluant le présent.
[56] Pour sa propre compréhension, il a révisé le présent dossier, retracé les étapes de son traitement et pris connaissance des éléments de preuve y figurant. Il a effectué cet examen à partir de documents « déjà là », incluant le rapport de rencontre avec le plaignant, mais il a parlé aussi à son prédécesseur M. Martin Rioux et posé des questions additionnelles, notamment au préventionniste Germain et au superviseur. Au terme de cet examen, il a conclu qu’il n’y avait pas lieu de modifier la décision du congédiement.
[57] La responsabilité directe du plaignant dans la collision du 2 avril 2014 et le fait qu’il était sous le coup d’une condition particulière visée par la lettre du 18 septembre 2013 (pièce S-7) par laquelle il s’engageait à éviter tout manquement au code disciplinaire pour une période de douze (12) mois, sont les points du dossier qui ont retenu particulièrement son attention. Tout manquement au respect de ce code entraînerait pour lui le congédiement. Aux yeux du directeur, il était clair qu’un tel manquement ne serait pas « une pacotille ».
[58] Le directeur Deschamps souligne qu’à son arrivée les mesures visant des infractions de conduite fautive sous terre ou en surface (avertissement verbal et progression) avaient été appliquées de façon constante. Il dépose à cette fin cinq (5) mesures disciplinaires (pièce E-2) dont celle du 8 février 2015, la seule qu’il ait lui-même approuvée et qui réfère à un avis écrit émis suite aux gestes du salarié d’avoir enlevé et nettoyé ses lunettes de sécurité « sans avoir stationné son camion et conduit de façon inappropriée ». Parmi ces avis, il y a aussi celui écrit émis à un salarié sous terre le 16 octobre 2014 pour avoir arraché un conduit de ventilation avec son camion. Le salarié n’a reçu aucune suspension mais, selon le formulaire, a refusé de signer l’avis.
[59] Selon M. Deschamps, l’enquête a démontré que l’accident était « évitable ». Le salarié se devait de réduire sa vitesse avant de traverser le rideau. Si tel avait été le cas, la collision aurait été évitée. La mesure du congédiement a été retenue en raison du manquement à la conduite sécuritaire du salarié à qui plusieurs chances avaient été accordées auparavant, en plus des conséquences graves que ce manquement aurait pu entraîner pour les piétons circulant dans les environs.
III
DISPOSITIONS LÉGALES
ET CONVENTIONNELLES PERTINENTES
Loi sur la santé et la sécurité du travail
( L.R. Q., c. S-2.1)
49. Le travailleur doit:
1° prendre connaissance du programme de prévention qui lui est applicable;
2° prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique;
3° veiller à ne pas mettre en danger la santé, la sécurité ou l'intégrité physique des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité des lieux de travail;
4° se soumettre aux examens de santé exigés pour l'application de la présente loi et des règlements;
5° participer à l'identification et à l'élimination des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles sur le lieu de travail;
6° collaborer avec le comité de santé et de sécurité et, le cas échéant, avec le comité de chantier ainsi qu'avec toute personne chargée de l'application de la présente loi et des règlements.
(…)
51. L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur. Il doit notamment:
1° s'assurer que les établissements sur lesquels il a autorité sont équipés et aménagés de façon à assurer la protection du travailleur;
2° désigner des membres de son personnel chargés des questions de santé et de sécurité et en afficher les noms dans des endroits visibles et facilement accessibles au travailleur;
3° s'assurer que l'organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l'accomplir sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur;
4° contrôler la tenue des lieux de travail, fournir des installations sanitaires, l'eau potable, un éclairage, une aération et un chauffage convenable et faire en sorte que les repas pris sur les lieux de travail soient consommés dans des conditions hygiéniques;
5° utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur;
6° prendre les mesures de sécurité contre l'incendie prescrites par règlement;
7° fournir un matériel sécuritaire et assurer son maintien en bon état;
8° s'assurer que l'émission d'un contaminant ou l'utilisation d'une matière dangereuse ne porte atteinte à la santé ou à la sécurité de quiconque sur un lieu de travail;
9° informer adéquatement le travailleur sur les risques reliés à son travail et lui assurer la formation, l'entraînement et la supervision appropriés afin de faire en sorte que le travailleur ait l'habileté et les connaissances requises pour accomplir de façon sécuritaire le travail qui lui est confié;
(…)
Convention collective
(18 janvier 2012 au 17 janvier 2016)
(…)
ARTICLE 2 - RECONNAISSANCE SYNDICALE ET DEFINITIONS
2.1 L'Employeur reconnaît le Syndicat comme étant le seul et exclusif agent négociateur pour tous ses salariés, tel que décrit dans le certificat d'accréditation émis par le ministère du Travail en date du 12 octobre 1999 (CM-1008-6017; dossier AM-10047194).
(…)
ARTICLE 3 - FONCTIONS RÉSERVÉES A LA DIRECTION
3.1 Le Syndicat reconnaît que c'est la fonction de l'Employeur de :
a) Maintenir l'ordre, la discipline et le rendement;
b) Être juge des qualifications des salariés pour accomplir les exigences normales d'une classification. Toutefois, lorsque l'Employeur exerce son jugement, elle le fera de façon objective et sans discrimination. Si le salarié croit que le jugement de l'Employeur concernant sa classification est injuste, il pourra se servir de la procédure des griefs;
c) Engager, congédier, établir des classifications, diriger, permuter, promouvoir, démettre, mettre à pied et suspendre les salariés ou leur imposer quelque autre mesure disciplinaire pour une cause juste et suffisante; il est par ailleurs convenu que la prétention d'un salarié qui a été discipliné ou congédié injustement peut devenir à bon droit le sujet d'un grief;
d) Établir, réviser et amender les règlements régissant la conduite des salariés, pourvu que ces règlements soient raisonnables et appliqués de façon raisonnable. L'Employeur avise le Syndicat, par écrit, de tout changement ou addition au règlement actuel.
e) Gérer l'entreprise industrielle dans laquelle l'Employeur est engagée et, sans restreindre la généralité de ce qui précède, déterminer le genre et le site de ses mines, moulins, puits d'exploration, ateliers, endroits de travail, méthodes de production, machines et outils à être utilisés, le nombre de salariés requis, en tout temps, pour quelque opération que ce soit ou pour l'ensemble des opérations, l'attribution des équipes, l'agencement de la production, le prolongement, la limitation, la réduction ou la cessation des opérations, et toutes autres matières concernant les opérations de l'Employeur et dont il n'est pas spécifiquement traité dans la présente convention;
f) Dans les cas de manquement, les avis écrits datant de quatre (4) mois et plus et les suspensions datant de douze (12) mois et plus ne seront pas utilisés dans le but de discipliner un salarié à nouveau en autant qu'une infraction de même nature, tel que définie ci-après n'ait pas été commise pendant cette période. Si aucune autre infraction de même nature n'est commise durant cette période, l’avis d'infraction sera retiré du dossier du salarié. L'avis ainsi retiré ne peut être invoqué en arbitrage. Une copie de tout avertissement écrit, donné à un salarié, sera envoyée au Syndicat.
Les infractions de même nature doivent se regrouper dans l'une des catégories suivantes :
i) Sécurité au travail
ii) Toute autre infraction.
ARTICLE 6 - PROCÉDURE DES GRIEFS
6.1 L'Employeur et le Syndicat reconnaissent l'importance de régler les griefs promptement et s'engagent à faire diligence dans chaque cas.
6.2 Tout salarié, seul ou accompagné du délégué de son département ou de son substitut ou, en cas d'absence de l'un ou de l'autre, d'un représentant du Syndicat peut, avant de soumettre un grief, tenter de régler son problème avec son supérieur immédiat et ce, au début ou à la fin du quart de travail. A défaut de règlement, la procédure suivante s'appliquera.
6.3 Première étape : Le salarié accompagné d'un représentant du Syndicat ou le Syndicat, soumet le grief par écrit au supérieur immédiat dans les quinze (15) jours de calendrier suivant l'incident ou l'événement ayant donné naissance au grief.
6.4 Le supérieur immédiat doit rendre sa décision par écrit, au Syndicat et au salarié, dans les cinq (5) jours ouvrables suivant la réception du grief.
6.5
Deuxième étape : Dans les cinq (5) jours
ouvrables suivant la réception de la réponse du supérieur immédiat ou s'il n'y
a pas eu de réponse, suivant l'expiration du délai que celui-ci avait pour
répondre, le grief est soumis au directeur de la mine ou son représentant.
Le directeur ou son représentant doit alors convoquer une réunion du comité des griefs, laquelle réunion doit être tenue dans les sept (7) jours ouvrables suivant la réception du grief par le directeur ou son représentant.
Le directeur ou son représentant doit donner sa réponse écrite au Syndicat et au salarié dans les cinq (5) jours ouvrables suivant la réunion du comité des griefs ou de l'expiration du délai pour tenir la réunion du comité des griefs.
6.6 Un grief relatif à une suspension, un grief collectif, un grief émanant du Syndicat ou de l'Employeur, doit être soumis directement à la deuxième étape de la procédure.
6.7 Les délais prévus au présent article sont de rigueur. Cependant, les parties peuvent, par entente écrite, s'écarter de la présente procédure et des délais.
6.8 Lors de la réunion prévue à la deuxième étape, le ou les salariés concernés, accompagnés d'un membre du comité des griefs, ainsi que le ou les contremaîtres impliqués peuvent assister à la réunion.
ARTICLE 7 - ARBITRAGE
7.1 Si aucun règlement n'intervient à la deuxième étape de la procédure de griefs, la partie désirant soumettre le grief à l'arbitrage doit aviser par écrit l'autre partie, dans les quinze (15) jours ouvrables suivant la décision rendue à la deuxième étape ou suivant l'expiration des délais prévus pour rendre cette décision.
7.2 Lorsqu'un grief est soumis à l'arbitrage, la partie désirant soumettre le grief à l'arbitrage doit dans les vingt (20) jours ouvrables suivants la réception de l'avis d'arbitrage, faire la demande au ministre du travail pour la nomination d'un arbitre et fournir la copie conforme à l'autre partie.
7.3 L'arbitre n'a aucune juridiction pour altérer ou modifier l'une ou l'autre des dispositions de la présente convention, ni de substituer quelque nouvelle disposition, ni de prendre quelque décision qui pourrait entrer en conflit avec les termes et dispositions de la présente convention. Cependant, l'arbitre a toute autorité pour rendre une décision sur le sujet en litige, selon l'esprit et la lettre de la convention collective.
7.4 Dans le cas de mesure disciplinaire, l'arbitre peut maintenir, modifier ou annuler cette mesure.
7.5 La décision de l’arbitre est finale, exécutoire et lie les parties.
7.6 Les honoraires et frais de l'arbitre sont payés à parts égales par l'Employeur et le Syndicat. L'arbitre ne peut réclamer ses honoraires et frais si la décision n'est pas rendue dans les quarante-cinq (45) jours ouvrables suivant la fin de l'audition.
Au terme de ce délai, si la décision n'est pas rendue, l'arbitre est automatiquement désavoué et les parties procèdent à un nouvel arbitrage. Cependant, les parties peuvent convenir par entente écrite, avant la fin du délai ci-haut mentionné, de prolonger ce dernier.
7.7 Les délais prévus au présent article sont de rigueur. Cependant les parties peuvent, par entente écrite, s'écarter de la présente procédure et des délais.
7.8
Les frais et allocations à
verser aux témoins sont à la charge de la partie ayant convoqué ces témoins.
7.9 Les auditions auront lieu à tout endroit convenu par les parties.
(…)
ARTICLE 17 - SANTÉ ET SÉCURITÉ
17.1 L'Employeur prendra des mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés pendant les heures de travail. Chaque salarié a également le devoir de prendre les mesures requises pour assurer sa sécurité et celle des autres personnes au travail.
17.2 L'Employeur et le Syndicat conviennent de joindre leurs efforts afin de promouvoir et d'encourager l'éducation sur la sécurité, sur la prévention des accidents et sur la santé afin de maintenir les normes de santé et de sécurité sur les lieux du travail.
COMITÉ DE SANTÉ ET SÉCURITÉ
17.3 L'Employeur respectera et appliquera les dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail quant à la composition du comité conjoint de santé et sécurité et la rémunération de ses membres. De plus, l'Employeur s'engage à ce que le comité conjoint se réunisse une (1) fois par mois.
17.4 Chaque partie désigne un porte-parole pour agir en qualité de président de leur groupe; les deux (2) personnes deviennent coprésidents du comité, chacune alternant la présidence des réunions.
17.5 Chaque partie représentée au comité a droit à un (1) vote lors des réunions du comité.
17.6 Le comité se réunit une (1) fois par mois, à date fixe, mais peut décider de déplacer la date de la rencontre.
Une réunion spéciale peut en tout temps aussi être convoquée par entente mutuelle entre les coprésidents de chacune des parties dans les cas de situations graves ou urgentes et les membres du comité doivent être disponibles dans les plus brefs délais afin d'accomplir leurs fondions.
17.7 L'Employeur tient un procès-verbal de la réunion mensuelle ou de toute réunion spéciale. Le procès-verbal tient compte de la date, de l'heure et de l'endroit où la réunion a eu lieu et indiquera le nombre de personnes présentes, les sujets à l'ordre du jour et les recommandations qui sont formulées par le comité. Le procès-verbal de telles réunions sera envoyé à chaque membre du comité ainsi qu'au Syndicat et à l'Employeur, au plus tard dix (10) jours ouvrables après la tenue de la réunion.
17.8 Le comité de santé et sécurité aura les fonctions de
a) choisir conformément à l'article 118 (de la Loi sur la santé et la sécurité du travail) le médecin responsable des services de santé dans l'établissement;
b) approuver le programme de santé élaboré par le médecin responsable ;
c) établir, au sein du programme de prévention, les programmes de formation et d'information en matière de santé et sécurité du travail;
d) conformes aux règlements sont les mieux adaptés aux besoins des travailleurs de rétablissement;
e) prendre connaissance des autres règlements du programme de prévention et de faire des recommandations à l'Employeur;
f) participer à l'identification et à l'évaluation des risques reliés aux postes de travail et au travail exécuté par les travailleurs de même qu'à l'identification des contaminants et des matières dangereuses présents dans les postes de travail;
g) tenir des registres des accidents du travail, des maladies professionnelles et des événements qui auraient pu en causer;
h) transmettre à la Commission les informations que celle-ci requiert et un rapport annuel d'activités conformément aux règlements ;
i) recevoir copie des avis d'accidents et d'enquêter sur les événements qui ont causé ou qui auraient été susceptibles de causer un accident du travail ou une maladie professionnelle et soumettre les recommandations ;
j) recevoir les suggestions et les plaintes des travailleurs, de l’association accréditée et de l'Employeur relatives à la santé et à la sécurité du travail, les prendre en considération, les conserver et y répondre;
k) recevoir et d'étudier les rapports d'inspections effectuées dans l'établissement ;
l) recevoir et d'étudier les informations statistiques produites par le médecin responsable, le département de santé communautaire et la Commission ;
m) accomplir toute autre tâche que l'Employeur et les salariés ou leur association accréditée lui confient en vertu d'une convention.
Les recommandations émises lors d'inspection ainsi que celles émises au niveau d'analyses et enquêtes d'accidents feront l'objet d'un suivi mensuel avec les représentants respectifs.
(…)
IV
ARGUMENTATION
L’Employeur
[60] Pour M e Corbeil, une entente de dernière chance constitue l’aspect fondamental de la présente affaire. Il ressort de la preuve présentée qu’il y a eu négligence et faute de la part du plaignant, avec la conséquence que l’entente doit s’appliquer.
[61] M. Allaire n’a pas été congédié de façon prématurée. L’Employeur a mené une enquête d’une durée de deux (2) semaines au cours de laquelle il a rencontré des gens, entre autres le chauffeur de la boulonneuse et le plaignant lui-même. Une reconstitution de l’accident a été faite à l’aide d’un tracteur de même type et d’un chauffeur familier avec le trajet. Il n’est pas contredit par ailleurs que la distance entre le rideau de ventilation et la boulonneuse était de douze pieds et demi (12,5).
[62] Lors de cette reconstitution, M. Chabot agissant à titre de chauffeur a refait le trajet de la traversée du rideau en utilisant trois (3) vitesses différentes. Il était accompagné du préventionniste chargé de prendre les photos. Ce test, souligne le procureur, était quelque peu biaisé dans la mesure où il ne renvoyait pas à la situation à l’origine de l’action du plaignant, c’est-à-dire le bruit entendu indiquant qu’il se passait quelque chose de l’autre côté. Si, comme le plaide le Syndicat, le plaignait agissait ainsi par précaution, cette même précaution aurait dû l’amener à ralentir davantage avant le rideau.
[63] Il y a contradiction dans la preuve quant à la vitesse en cause. Le plaignant indique qu’à vitesse de pas d’homme (5 km/h), le tracteur muni d’un système de freinage hydrostatique à effet immédiat s’arrête à six (6) pieds après le passage du rideau. Pour le procureur, la photo no 2 prise de la position du conducteur réfute cette affirmation : du rideau entre-ouvert, on voit la boulonneuse ou, à tout le moins quelque chose. M. Allaire, qui se savait en probation pour un (1) an, avait d’autant plus de raison de ralentir qu’il s’inquiétait d’un mouvement de roches et disait ne pas savoir « ce qui se passait de l’autre côté ». Il se dirigeait ainsi vers l’inconnu mais en empruntant un chemin très passant. Il reconnaît lui-même qu’il aurait pu y avoir mort d’homme.
[64] L’article 49 de la Loi sur la santé et sécurité impose au travailleur des obligations spécifiques quant à sa sécurité et à celle de ses collègues travailleurs. Par sa négligence, soumet le procureur, le plaignant a violé ces dispositions et rendu plus difficile pour l’Employeur la tâche de s’acquitter de ses propres obligations, telles que l’article 51 de cette même loi les définit. S’ajoutent de plus les antécédents du plaignant qui, à peine 7 mois après l’entente de dernière chance se rend coupable d’infractions au code de sécurité routière.
[65] Selon le procureur, la grande majorité de la jurisprudence impose que s’applique dans de tels cas la sanction prévue à la lettre d’entente. Le plaignant était au courant des conséquences et, même s’il a hésité à cet égard la première fois, il a reconnu avoir signé le formulaire au terme de sa séance d’accueil et de formation sur les mesures de sécurité à respecter.
[66] Quoiqu’il en soit, la lettre d’entente reflète les antécédents du plaignant, et ses termes sont tels que l’arbitre n’a pas à se demander s’il s’agit en l’occurrence d’un manquement grave. Les parties ont déjà négocié et prévu quelles seront les conséquences de tout manquement. Pour ces raisons, le procureur demande que le grief soit rejeté.
[67] La jurisprudence qu’il dépose et les extraits sur lesquels il désire attirer particulièrement l’attention sont les suivants : Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, section locale 1999 — Teamsters Québec et Loews Hôtel Vogue [2002] (T.A.) — M e Diane Fortier, arbitre, 19 novembre 2002 (paragr. 179) ; Syndicat des travailleurs du Groupe Olymel (CSN) et Olymel, société en commandite établissement de Vallée-Jonction, [2004] (T.A.) — M e Carol Jobin, arbitre, 10 septembre 2004 (p. 16, 4 e paragr.) ; Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, (S.C.E.P — C. T. C.), section locale 576-Q et Canlyte, compagnie de Genlyte Thomas Group, [2006] (T.A.) — M e Marc Gravel, arbitre, 30 octobre 2006 (paragraphes 25-36 et 39); et Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC), section locale 509 et Unibéton, une division de Ciment Québec inc., [2009] (T.A.) — M e Francine Beaulieu, arbitre, 5 juin 2009 (paragr. 139).
Le Syndicat
[68] La question soulevée est ici de savoir si le salarié est à l’origine de l’accident délibérément, ou en raison d’inattention ou de vitesse, plutôt que victime de malchance. Selon M. Plante, il ressort de tous les témoignages que, même à vitesse basse, n’importe qui aurait subi le même sort que le plaignant.
[69] Dans d’autres circonstances, ajoute-t-il, le plaignant lui-même aurait pu être la victime, ajoutant qu’il ne voudrait pas être dans la peau du chauffeur de la boulonneuse. Selon lui, l’enquête menée en l’espèce l’a été de façon purement patronale, négligeant de plus de recueillir la version du salarié, ce qui lui enlève beaucoup de légitimité. Le directeur Deschamps a témoigné mais il n’était pas là lors des événements. Il s’est contenté de revoir le dossier et s’est limité à quelques passages.
[70] Quant au préventionniste, il a reconnu que toutes les mesures de sécurité n’avaient pas été prises, notamment aucun avertissement, et qu’il y avait un élément de danger peu importe le conducteur. Le représentant syndical se dit content qu’en pareilles circonstances les tracteurs roulent à basse vitesse. Le plaignant lui-même a témoigné avoir ralenti après avoir entendu un bruit indiquant un déboulement.
[71] M. Plante reconnaît d’emblée que la jurisprudence sur une entente de dernière chance est catégorique quant à la conséquence résultant d’un manquement. Or, il n’y a pas eu ici manquement, soumet le représentant. Le plaignant a pris les mesures nécessaires et il n’a pas dérogé de ce fait à son engagement. Le fait demeure que la boulonneuse avait été laissée en un endroit dangereux et peut-on, se demande-t-il, pénaliser quelqu’un pour un accident hors de son contrôle.
[72] M. Allaire était pleinement conscient des conséquences d’un manquement et nullement suicidaire. L’accident résulte du fait que la distance était petite à ce point qu’elle ne permettait pas au conducteur de s’arrêter à temps. La preuve rend compte clairement de pareilles conditions. En conséquence, le représentant demande au tribunal d’accueillir le grief et de réintégrer le plaignant.
Réplique de l’Employeur
[73] Pour M e Corbeil, avoir consulté le plaignant n’aurait rien changé. Des tests ont été faits selon trois vitesses différentes, l’une d’entre elles alléguée par le plaignant. Qu’il soit là ou pas ne change rien en pareil contexte.
[74] L’absence de rubans sécuritaires s’explique par les circonstances liées au besoin de déplacer la boulonneuse. Le procureur ajoute que le plaignant n’a pas mis lui non plus de rubans après l’avoir heurtée.
[75] Enfin, touchant l’affirmation du représentant que le plaignant a pris toutes les précautions nécessaires, le procureur réplique « qu’à 6 pieds, on a le temps d’arrêter ».
V
ANALYSE ET DÉCISION
[76] La compétence de l’arbitre . Les ententes de dernière chance soulèvent presqu’invariablement la question de la compétence résiduelle de l’arbitre à l’égard du manquement ultime reproché au salarié. Cette question est elle-même liée à la nature du rapport entre une telle entente et la procédure de griefs. Dans de nombreuses affaires, pareille entente inclura, par exemple, une renonciation à la procédure de griefs, ou encore verra à lui imposer de sérieuses limites relativement à l’exercice par l’arbitre de la compétence qui est habituellement la sienne en matière disciplinaire
[77] Les catégories retenues par les auteurs BERNIER, Linda, G. BLANCHET, L. GRANOSIK, É. SÉGUIN, Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs du travail, 2 e éd., Cowansville, Les éditions Yvon Biais, MÀJ 2014-1, 1.156 , p. I/1-219 pour décrire ces divers types de rapport, annoncent déjà les conséquences distinctes qu’auront certaines ententes sur l’exercice de cette compétence. Ces catégories sont les suivantes :
Selon la jurisprudence arbitrale, les ententes de dernière chance peuvent être regroupées en trois catégories :
1. Celles qui ne comportent aucune référence à la procédure de griefs ;
2. Celles qui comportent une renonciation partielle à la procédure, l'arbitre pouvant uniquement décider du respect de l'entente ; et
3. Celles qui comportent une renonciation totale à tout recours à la procédure de griefs en cas de non-respect de l'entente.
[78] À sa lecture même, l’entente signée par le plaignant est dépourvue de toute référence à la procédure de grief. Elle est clairement une entente individuelle au sens le plus strict de ce terme. Ni son libellé, ni la preuve la concernant n’indique une quelconque implication du Syndicat dans son élaboration, ou dans le rôle qui pourrait échoir à ce dernier dans l’hypothèse d’un éventuel manquement ou conduite fautive du plaignant. Contrairement à la lettre du premier congédiement du 17 juin 2013, aucune copie de l’entente du 18 septembre 2013 n’est transmise au syndicat. Cette trame contractuelle singulière la démarque aisément de ce point de vue de celle qu’on retrouve dans chacune des affaires précitées.
[79] Dans ces quatre (4) affaires, l’entente de dernière chance en cause est conclue en effet entre les parties . De plus, dans trois d’entre elles, cette implication est marquée par celle des plaignants concernés, soit comme dans Loews Hôtel Vogue et Olymel parce qu’ils y souscrivent formellement ou que leur engagement est spécifiquement, ou encore comme dans Canlyte parce que la plaignante est désignée expressément comme partie à la lettre d’entente.
[80] De ce dernier point de vue, l’affaire Unibéton se distingue des trois premières. La lettre d’entente en cause, accompagnée en pièce jointe d’un résumé d’événements d’avis antérieurs, y est minimale. Dépourvue d’engagements spécifiques que ce soit de la part du plaignant ou du syndicat, elle se borne à indiquer la réintégration du plaignant sans récupération de salaire perdu, l’inscription de l’incident du 8 décembre 2005 à son dossier et l’avertissement de mesures disciplinaires plus sévères, telles le congédiement, en cas de récidive (paragr. 3-4). Le syndicat y joue néanmoins un rôle actif selon la preuve, tant pour inciter le plaignant à un comportement approprié après sa réintégration, que pour assurer celle-ci à la suite de son premier congédiement.
[81] Il est intéressant de noter sur ce point que, pour les auteurs J.M. Brown and D. M. Beatty, Canadian Labour Arbitration , 4 th edition, Vol. 1, August 2013, 2:3232 , p. 2-140, renvoyant là-dessus aux affaires West Fraser Mills Ltd. (2008), 172 L.A.C. (4th) 72 (Coleman); Core-Murk International Inc. (2005), 138 L.A.C. (4th) 237 (Sims), and dicta in Canadian Forest Products Ltd. (2005), 154 L.A.C. (4th) 397 (Diebolt), l’absence du syndicat dans l’élaboration et l’approbation d’une entente de dernière chance (‘‘ the union had not been involved in developing and approving it ” ) figure au nombre des situations qui relèvent l’arbitre de l’obligation qui est généralement la sienne d’appliquer la sanction prévue par cette entente.
[82] Quoiqu’il en soit, l’affaire Unibéton n’est pas complètement étrangère à la présente dans la mesure où elle ne réfère d’aucune façon à la procédure de grief et, partant, à la compétence de l’arbitre. Elle relève ainsi de la première des trois catégories d’ententes mentionnées ci-dessus, et nous ramène à l’incidence que, selon la jurisprudence, chacune aura sur la compétence de l’arbitre.
[83] Au terme de leur analyse jurisprudentielle de la question, les auteurs BERNIER, Linda et al , supra , décrivent ainsi les conséquences qu’entraînent ces diverses situations sur l’exercice par l’arbitre de sa compétence :
Le courant jurisprudentiel majoritaire, concernant les pouvoirs d'un tribunal d'arbitrage en cette matière, reconnaît que celui-ci est lié par une renonciation expresse à la procédure de grief ainsi que par la sanction convenue par les parties et contenue dans l'entente. En l'absence de renonciation expresse à la procédure de griefs dans une entente de dernière chance, cette entente ne lie pas le tribunal d'arbitrage. ( 1.157 , pp. I / 1-220-221 )
…
Dans tous les cas, l'entente individuelle doit contenir une renonciation expresse à la procédure de grief de la part du syndicat et/ou du salarié à défaut de quoi, elle ne peut lier le tribunal d'arbitrage. ( 1.159 , p. I / 1-222 )
[84]
le
tribunal a revu les deux affaires citées par ces auteurs à l’appui de cette
dernière conclusion, soit
Aliments Delisle Ltée
c.
Descoteaux
,
[85] Le protocole dont avaient convenu les parties dans Société canadienne des postes , il importe de le noter, stipulait qu’en cas de récidive de la plaignante, « la Société mettra fin à l’emploi de celle-ci de façon définitive et le syndicat se réserve le droit de déposer un grief » (paragr. 130). C’est à partir du maintien de ce droit syndical que l’arbitre conclut plus loin (paragr. 133) que :
en rédigeant leur protocole comme elles l’ont fait, les parties ont accordé à l’arbitre le droit de vérifier que le congédiement imposé à la plaignante était proportionnel à la faute commise, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, comme il peut le faire à l’égard de toute mesure disciplinaire.
[86] Ce droit, s’il n’est pas reconnu en l’espèce dans la lettre d’entente à laquelle le Syndicat n’est pas partie, l’est cependant à l’article 6 de la convention collective et, de fait, nullement objet de contestation lors de l’arbitrage du grief de M. Allaire. En l’absence de toute renonciation à la procédure de grief, ou de toute référence à ce sujet dans la lettre de dernière chance, la compétence de l’arbitre demeure donc, comme dans l’affaire précédente, celle qui lui incombe normalement en matière disciplinaire.
[87] Cette situation n’a pas pour effet, bien sûr, de retirer à la lettre d’entente du 8 septembre toute pertinence ou portée. Elle signifie simplement qu’elle devient un élément critique dans l’évaluation que l’arbitre doit faire de la mesure disciplinaire imposée relativement au geste ultime reproché au plaignant.
[88] Ainsi conçue, elle renvoie à l’approche suggérée par les auteurs Claude D'Aoust et Louise Dubé, La réintégration conditionnelle du salarié , Montréal, Wilson & Lafleur, 1991, pp. 82-84, dont l’extrait correspondant est cité par la Cour d’appel dans Aliments Delisle , pp. 7-8, et repris dans nombre des autres affaires déjà citées. Après avoir expliqué leur raisonnement sur le besoin de maintenir les larges pouvoirs accordés à l’arbitre dans les juridictions canadiennes, les auteurs notent :
En revanche, un arbitre avisé tiendra compte de l'existence d'une réintégration conditionnelle accompagnant un règlement antérieur. Il accordera un poids considérable au fait que le salarié a déjà été informé, par les parties au contrat collectif, des effets néfastes d'une nouvelle défaillance sur le lien d'emploi. [...]
Selon cette approche, la compétence arbitrale pour évaluer la justesse de la sanction demeure intacte, bien qu'un bris des conditions de l'entente constitue un facteur aggravant sérieux. Dans cette optique, la condition n'est pas érigée en norme absolue; elle prête mieux à interprétation.
[89] Telle est donc la façon dont le tribunal entend exercer en l’instance la compétence qui lui est généralement reconnue en matière disciplinaire.
[90] La faute et la sanction appropriée . Délimitée par le cadre juridictionnel précédent, la question soulevée par le grief se ramène à celle classique en matière disciplinaire, c’est-à-dire déterminer s’il y eu faute et, le cas échant, la sanction proportionnelle à la gravité de celle-ci. Il revient à l’Employeur dans un premier temps de prouver que le plaignant, par son comportement, est véritablement responsable de la faute reprochée.
[91] Telle qu’elle ressort de la lettre de congédiement du 16 avril 2014 et des précisions apportées à l’audience par le directeur RH M. Deschamps, la faute reprochée à M. Allaire est la négligence ou le manquement à la conduite sécuritaire dont il aurait fait preuve lors de l’accident du 2 avril 2014 et aux graves conséquences qui auraient pu en résulter.
[92] La preuve de négligence du plaignant se résume en l’espèce aux résultats de l’exercice de simulation de l’accident mené dans le cadre de l’enquête sur ce même accident. Expliquée en détails par le préventionniste et le superviseur, cette reconstitution s’est déroulée toutefois en l’absence du plaignant et sans avoir obtenu de lui au préalable sa version de l’accident, ou encore celle du chauffeur de la boulonneuse qui n’a été consignée qu’après la simulation. L’Employeur présume qu’obtenir du plaignant sa version n’aurait rien changé. Il est difficile d’écarter la possibilité toutefois que les acteurs de la simulation auraient dégagé de cette version une idée plus précise de la vitesse réelle à laquelle il roulait à ce moment, ou encore de la distance qu’il lui restait avant d’apercevoir de façon suffisamment claire la boulonneuse.
[93] Une visibilité pratiquement nulle de l’arrière du rideau de ventilation et une visibilité restreinte et changeante une fois le tracteur engagé dans le passage du rideau, comme la présence du flash de l’appareil photo au moment du passage, outre qu’ils ne sont pas contredits, sont autant d’éléments de preuve susceptibles d’affecter quelque peu les conclusions à tirer de l’exercice de reconstitution de l’accident.
[94] Pour réaliste qu’ait pu être cette reconstitution, il demeure de plus qu’elle s’est faite forcément avec des acteurs qui savaient déjà qu’il y avait de l’autre côté du rideau une boulonneuse qui, en temps normal, n’aurait pas dû s’y trouver. Difficile pour le cerveau de faire abstraction d’une telle connaissance au moment critique de la reconstitution. Cette connaissance, M. Allaire ne l’avait certainement pas, pas plus que ne l’aurait eu un autre chauffeur dans les mêmes circonstances. Le témoignage non contredit du plaignant est qu’il a effectué ce passage sans problème à maintes reprises au cours des dernières années.
[95] La courte distance résiduelle entre cet équipement et le fait de l’apercevoir lors du passage à travers le rideau s’avère un autre élément qui ne peut être ignoré lorsqu’on tente d’évaluer s’il y a eu négligence de la part du plaignant, ou de déterminer quelle est sa responsabilité dans cet accident.
[96] Les témoignages des acteurs de la simulation et du plaignant lui-même démontrent en outre qu’il devient difficile, en l’absence d’un compteur de vitesse, d’apprécier quelle était la vitesse réelle du tracteur au moment critique. Ils s’en remettent pour ce faire à des formules telles que « pas d’homme », « pas à fond ». Ceci dit, le tribunal comprend du témoignage du plaignant que la vitesse à laquelle il roulait était alors plus près, ou correspondait à la troisième vitesse utilisée en simulation, soit selon le superviseur Chabot « pas à fond », si on considère que 7 à 8 km/h est la vitesse maximale à laquelle peut rouler un tel tracteur. M. Allaire témoigne de plus avoir ralenti avant de traverser le rideau.
[97] Que conclure maintenant de toute cette preuve? D’abord que plusieurs des conditions alors présentes rendaient certainement possible la survenance d’un tel accident, sans bien sûr le rendre inévitable. Tout démarre, comme on l’a vu, avec le stationnement de la boulonneuse à un endroit où, tous en conviennent, la circulation d’équipements et de salariés est importante. Aucun ruban de sécurité ne délimite toutefois la zone de danger ainsi créée. Le rideau de ventilation qui se trouve tout près est opaque et il n’est marqué d’aucune signalisation de ralentissement ou d’arrêt. Ces deux derniers points sont justement des aspects de la situation auxquels l’Employeur a voulu remédier par la suite comme le révèlent les deux Actions inscrites sous cette rubrique au rapport d’enquête.
[98] Ensuite, que malgré ces conditions tendant à l’atténuer, la responsabilité du plaignant au regard de l’accident ne disparaît pas pour autant. Deux facteurs sont ici à retenir. Le premier concerne l’entente de dernière chance que le plaignant se devait de garder à l’esprit et le comportement exemplaire qu’elle lui imposait à tous égards, incluant bien sûr la vitesse sécuritaire à laquelle il devait conduire l’équipement confié. Il va de soi qu’en pareille situation un salarié se doit de redoubler de prudence, d’autant plus que le rôle de leader confié à son coéquipier était plutôt de nature à lui rappeler les doutes que son superviseur entretenait toujours relativement à sa conduite d’équipements.
[99] Le deuxième, le plus significatif en l’occurrence, a trait à la nature même de l’événement à l’origine de la décision de M. Allaire de quitter son aire de travail et d’emprunter avec le tracteur le trajet que l’on sait. Le bruit qu’il entend est, de son témoignage même, un mouvement ou un déplacement de roches. Ainsi que l’a souligné le procureur patronal, décider de se diriger vers un secteur de danger appréhendé aurait dû l’inciter à ralentir davantage qu’à la normale, particulièrement au passage du rideau. Cet élément vient donc conforter et amplifier le premier.
[100] Si, comme le rappellent les auteurs Claude D'AOUST, Louis LECLERC et Gilles TRUDEAU, Les mesures disciplinaires : étude jurisprudentielle et doctrinale, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, la jurisprudence reconnaît que l’obligation de diligence de l’employé- ou l’envers de la négligence, est de façon générale une obligation de moyens raisonnables plutôt que de résultats, 1982, p. 309, elle tend aussi à la considérer différemment lorsqu’il s’agit de la conduite d’un véhicule.
[101]
Selon les auteurs
Bernier et al,
supra
,
4.002,
pp. II
/4-1 et 2, l’arbitre dans l’affaire
Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation
et du commerce, section locale 501
et
Hudon et Deaudelin Ltée
,
[102] Pareille considération n’a rien pour étonner en l’espèce puisqu’elle rejoint une des consignes de sécurité dont l’Employeur avise le salarié lors de son embauche. Lors de l’accueil, la présentation Power Point lui rappelle en effet que « Le conducteur du véhicule est responsable de son véhicule en tout temps, il doit s'assurer de ne rien accrocher avec son véhicule. (comme sur la route) ». En même temps, la faute qu’on lui impute sera jugée différemment bien sûr selon que le chauffeur est totalement ou partiellement responsable de l’accident impliquant son véhicule.
[103] Dans les deux affaires tout juste citées, il importe de le noter, la responsabilité entière du chauffeur de camion ou de la bétonnière, faisait peu de doutes. Dans la première, le chauffeur n’a pas cherché à expliquer l'accident par des causes extérieures, causé qu’il était par sa propre distraction et la vitesse élevée à laquelle il roulait dans des courbes assez prononcées. Dans la seconde, le plaignant avait roulé, selon la preuve de marques de pneus laissées, à une vitesse excessive à un endroit dangereux, et avait mis ainsi en péril la vie d'un autre travailleur. L’arbitre notait en même temps que l’employeur avait assumé son obligation de sécurité en mettant des panneaux de limite de vitesse et en démontrant sa volonté de les faire respecter.
[104] Il apparaît au tribunal que, de ce point de vue, la preuve pertinente évoquée plus tôt présente ici des contours nettement moins accentués, qu’il s’agisse de la vitesse du tracteur au moment du passage du rideau et du temps de réponse dont le plaignant disposait avant de pouvoir apercevoir la boulonneuse, ou encore des conditions environnantes (boulonneuse garée dangereusement, absence de signalisation ou de ruban de sécurité). S’y ajoute également la part de responsabilité qui échoit forcément au chauffeur de la boulonneuse pour avoir omis de garer celle-ci de façon sécuritaire, ou d’en signaler clairement le danger. La preuve est muette sur le fait que ce conducteur ait été ou non sanctionné pour ce geste. Pris ensemble, tous ces éléments suggèrent donc une responsabilité partielle plutôt que totale de la part du plaignant dans l’accident, ou dénotent de la simple négligence plutôt que de la négligence grossière pour reprendre la distinction jurisprudentielle évoquée par Bernier et al, supra , 6.005, pp. II /6-2.
[105] Reste maintenant à déterminer quelle est la sanction la plus appropriée pour la négligence dont témoigne cette responsabilité partielle, en tenant compte de tous les facteurs pertinents, aggravants et atténuants, entourant la commission de la faute.
[106] Le facteur aggravant le plus important est sans conteste ici la lettre de dernière chance signée par le plaignant le 18 septembre 2013, malgré sa portée exceptionnelle (« Aucun manquement, d'aucune nature que ce soit ») que M. Deschamps a ramenée toutefois à des dimensions modestes en déclarant qu’un tel manquement ne serait pas « une pacotille ». Lié à un parcours disciplinaire antérieur plutôt chargé, l’avertissement reçu demeurait certes des plus sérieux quant au besoin pour lui de faire preuve d’une conduite exemplaire au cours des douze (12) mois suivants. Le travail sous terre et les besoins accrus de sécurité qu’il implique, comme les dommages matériels infligés, comptent aussi en l’espèce parmi les facteurs aggravants pertinents.
[107] À l’inverse, le comportement du plaignant après le manquement reproché range celui-ci parmi les facteurs atténuants. Il n’est pas contredit que son premier geste après l’accident a été de déplacer le tracteur hors de la zone de danger. Il n’a pas non plus signifié quelque refus de participer à l’enquête même si l’Employeur n’a consigné sa déclaration que plusieurs jours après la simulation de l’accident.
[108] En outre, sans vouloir amoindrir à cet égard la portée intrinsèque de l’entente de dernière chance, le tribunal note que le dernier manquement reproché ne marquait pas une récidive par rapport aux manquements précédents sanctionnés par le premier congédiement, remplacé par la suite par une suspension de trois (3) mois. Ces manquements, tels que décrits dans la lettre correspondante, ne visaient pas une conduite imprudente ou négligente.
[109] La présente affaire se démarque sous ce rapport de celles citées par le procureur de l’Employeur. Ainsi, dans Loews Hôtel Vogue , les derniers reproches faits au plaignant, soit l’utilisation par lui de l’équipement de l’hôtel à des fins personnelles et sa performance professionnelle insuffisante (paragr. 3-4), surviennent dans le sillage de ses « absences à répétition » que son premier congédiement était venu sanctionner (paragr. 12). Dans Olymel , c’est une absence sans justification qui met fin définitivement à l’emploi du plaignant, coupable d’un fort absentéisme lié à un problème de dépendance tel que le relève son entente de dernière chance (pp. 4-5).
[110] Problème d’absentéisme aussi dans l’affaire Canlyte dans laquelle le congédiement final survient lorsque la plaignante s’absente pour plus du maximum d’heures fixé dans l’entente au cours des douze (12) mois suivant celle-ci (paragr. 8). Enfin dans Unibéton , le plaignant est responsable de huit (8) situations fautives dont la plupart, de même nature estime l’arbitre notant « ici plus d’une récidive », que plusieurs manquements précédents parce qu’en lien avec l’horaire de travail (paragr. 137-142).
[111] À la lumière de ce qui précède, le tribunal estime excessive la mesure de congédiement imposée au plaignant le 16 avril 2014. Dans l’affaire Uni Béton inc ., l’arbitre a maintenu la suspension de vingt (20) jours imposée au chauffeur. La responsabilité du chauffeur dans l’incident en cause était plus nette que dans le cas présent mais, contrairement à M. Allaire, celui-ci n’était pas sous le coup d’une entente de dernière chance. Parce qu’il s’agit dans ce cas d’un facteur aggravant d’un poids considérable, le tribunal juge qu’une suspension de trente (30) jours, ajoutée à celle que le plaignant a reçue au lendemain de l’accident du 2 avril 2014, représente une sanction proportionnée à la faute commise et aux circonstances l’entourant.
Dispositif
[112] Pour toutes les raisons invoquées ci-dessus, le tribunal
- rejette le grief no 2014-08 du 9 avril 2014 dans lequel le plaignant conteste la suspension indéterminée reçue le 3 avril 2014;
- accueille en partie le grief no 2014-09 du 20 avril 2014 du plaignant et substitue au congédiement imposé par l’Employeur le 16 avril 2014 une suspension de trente (30) jours à compter de la date du congédiement;
- ordonne à l’Employeur de réintégrer M. Jean-Martin Allaire dans ses fonctions au terme de cette suspension et de lui verser la rémunération qui aurait été la sienne à cette date n’eût été de son congédiement, en y ajoutant les intérêts prévus au Code;
- conserve juridiction pour trancher tout litige relatif au quantum découlant de l’application de la présente sentence au cas où les parties n’arriveraient pas à en convenir.
_________________________
François Bastien, arbitre
Signée à Gatineau, le 11 septembre 2015.
ANTEA INC.
1407-308-QM
S/A-135-15(QM)