RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX
DÉCISION
[1] Le 1 er juin 2015, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a transmis à la titulaire un avis de convocation à une audition. Cette audition a pour but d’examiner et apprécier les allégations décrites au document annexé à l’avis, d’entendre tout témoignage utile et de déterminer, dans le cadre d’une enquête, si la titulaire a commis quelque manquement à ses obligations légales et, le cas échéant, suspendre ou révoquer les permis de la titulaire.
LES FAITS
[2] Les faits qui ont donné ouverture à la convocation se résument comme suit :
[Transcription conforme]
Tolérer des boissons alcooliques acquises non conformément au permis :
Le 11 décembre 2014, les policiers ont saisi, dans votre établissement, le(s) contenant(s) de boisson(s) alcoolique(s) suivant(s) (Document 1) :
- 1 bouteille(s) de vin blanc de 1 litre(s) de marque CITRA, 13% alc./vol.
Le timbre de droit de la Société des alcools du Québec n'était pas apposé sur ce(s) contenant(s).
Ce(s) contenant(s) a (ont) été trouvé(s) dans le réfrigérateur de la cuisine.
Total en litres du (des) contenant(s) : 1 litre(s)
*****
AUTRES INFORMATIONS PERTINENTES :
9229-7365 Québec inc. est autorisé(e) à exploiter cet établissement depuis le 23 mars 2011.
La date d'anniversaire du(des) permis est le 23 mars.
L’AUDIENCE
[3] L’audience s’est tenue au Palais de justice de Montréal le 11 août 2015. La titulaire est représentée par M. Kenrick Smith. M e Marc Nepveu représente la Direction du contentieux.
Preuve de la Direction du contentieux
[4] M e Nepveu déclare que la preuve de la Direction du contentieux repose sur le document 1 annexé à l’avis de convocation qui a été transmis à l’entreprise 9229 - 7365 Québec inc. le 1 er juin 2015.
[5] Le document 1 est un rapport d’infraction général portant la date du 11 décembre 2014.
[6] Le 29 octobre 2014, l’agent Christian Paquet et l’agente Catherine Boulet du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) se présentent à l’établissement à 18 h 35 afin d’y effectuer une inspection systématique. Ils y rencontrent le propriétaire et le responsable de l’établissement, M. Kendrick Smith.
[7] Les agents découvrent sur une tablette du réfrigérateur de la cuisine une bouteille de vin blanc Chardonnay Citra Terre di Chieti (Citra) de 1 litre à 13 % alc./vol., qui n’est pas entamée et sur laquelle aucun timbre de la Société des alcools du Québec (SAQ) n’y est collé. Celle-ci est parmi des bouteilles identiques, mais ces dernières sont toutes timbrées adéquatement comme l’exige la loi. Le contenant a été saisi par les policiers.
Preuve de la titulaire
Témoignage de M. Kendrick Smith
[8] M. Smith déclare être le propriétaire du Resto-Bar Camélia. Il est l’administrateur et l’actionnaire unique de la société 9229-7365 Québec inc.
[9] Il dit n’avoir jamais eu d’incident en cinq années d’opération. Suite à la saisie, les policiers lui ont suggéré de contacter SAQ afin d’obtenir une lettre qui justifierait l’absence de timbre sur la bouteille décrite ci-dessus.
[10] Ainsi, son gérant s’est rendu à la SAQ de Saint-Lazare afin d’obtenir des explications. On lui a mentionné qu’il était impossible qu’il y ait eu une erreur dans le timbrage des bouteilles de vin et on lui a suggéré de regarder si le timbre était resté collé dans la boîte où elles étaient rangées avant d’être entreposées dans les réfrigérateurs du restaurant.
[11] Le jour suivant, M. Smith et sa femme sont allés voir dans le recyclage afin de retrouver la boîte en question. Puis, ils ont aperçu le timbre de la bouteille de vin Citra saisie sur une des parois de la boîte en carton.
[12] Après avoir soigneusement décollé le timbre du carton, il l'a conservé et le dépose au dossier de la Cour, tel qu’il appert de la pièce T-1.
[13] Il ajoute comme pièce T-2 une photographie du timbre au moment où il l’a retrouvé sur le côté de la boîte en carton.
[14] M. Smith a fait parvenir à la Régie, après l’audition, une facture de la SAQ, datée du 25 novembre 2014, montrant notamment l’achat, par la titulaire, conformément à ses permis, de huit bouteilles de vin Citra . Cette facture a été déposée comme pièce T-3 après l’audition.
[15] Contre-interrogé par M e Nepveu, le témoin ne peut dire exactement le nombre de bouteilles de vin Citra qu’il garde généralement dans son restaurant puisque c’est leur vin maison et qu’ils en ont toujours en stock dans leurs réfrigérateurs.
[16] Il déclare que tous ces produits sont achetés à la SAQ de St-Lazare conformément aux permis de la titulaire et qu’il se procure les bières directement des brasseurs.
Représentations du procureur de la Direction du contentieux
[17] Le procureur de la Direction du contentieux plaide d’abord que la facture déposée démontre l’achat de huit bouteilles d’un litre de la marque Chardonnay Citra Terre di Chieti le 26 novembre 2014. Le numéro du timbre retrouvé sur la boîte de carton soit le n o 680172124 s’inscrit parmi les numéros séquentiels des timbres indiqués sur la facture (680172090 à 680172126).
[18] La saisie de la bouteille ne portant pas le timbre de la SAQ a été effectuée le 11 décembre 2014, soit seize jours après l’achat des bouteilles de vin. Il mentionne que cette saisie est donc contemporaine à l’achat de produits semblables.
[19] Toutefois, M e Nepveu énonce qu’il demeure toujours une probabilité qu’un contenant qui ne porte pas de timbre de droit n’ait pas été acquis conformément à un permis d’alcool, car il est impossible de relier le contenant à une facture.
[20] Enfin, le procureur souligne que compte tenu des éléments de preuve déposés et entendus lors de l’audience, la Direction du contentieux laisse au tribunal la discrétion de déterminer si la présomption que la bouteille de vin saisie n’ait pas été acquise conformément aux permis d’alcool vu l’absence de timbre a été renversée.
LE DROIT
[21] Les dispositions légales qui s'appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :
Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [1] (LIMBA)
84. Il est défendu à un titulaire de permis de garder dans l'établissement où ce permis est exploité un contenant de boissons alcooliques autres que la bière et le cidre et sur lequel n'est pas apposé le timbre de la Société ou un contenant de boissons alcooliques fabriquées par un titulaire de permis de production artisanale sur lequel n'est pas apposé un autocollant numéroté de la Régie. […]
Loi sur les permis d'alcool [2] (LPA)
72.1. Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis. […]
86. La Régie peut révoquer ou suspendre un permis si:
[…]
La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si:
[…]
4° le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1;
[…]
La Régie, dans la détermination de la sanction administrative pour contravention à l'article 72.1, tient compte notamment des facteurs aggravants suivants:
a) la quantité de boissons alcooliques ou d'appareils de loterie vidéo;
b) le fait que les boissons alcooliques sont de mauvaise qualité ou impropres à la consommation;
c) le fait que les boissons alcooliques sont fabriquées frauduleusement ou falsifiées;
d) le fait que le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1 dans les cinq dernières années;
e) le fait que les boissons alcooliques ne sont pas commercialisées par la Société des alcools du Québec et qu'elles ne sont pas fabriquées, embouteillées ou livrées conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13).
ANALYSE
[22] En vertu de 72.1 de la LPA, un titulaire de permis d’alcool ne peut tolérer dans son établissement que des boissons alcooliques acquises conformément à son permis, de la SAQ ou d’une titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre ou d’un agent d’un tel titulaire de permis.
[23] L'absence de timbre sur un contenant de boisson alcoolique établit une présomption à l'effet que les boissons alcooliques n'ont pas été acquises conformément au permis d'alcool. Donc, en l’absence d'un timbre, la Régie doit conclure que le titulaire n'a pas acquis les boissons alcooliques d'un fournisseur autorisé et conformément à son permis, à moins qu'il ne réussisse à renverser cette présomption [3] .
[24]
La seule
présence de bouteilles non autorisées, à la connaissance du titulaire, ne
suffit pas pour que l'article
[25] Tel que les juges Pierre Lanthier et Louis A. Cormier du Tribunal administratif du Québec l’ont énoncé dans la décision 9108-3675 Québec inc. (Moomba) c. Régie des alcools, des courses et des jeux [4] :
[Transcription conforme]
[16] Si la présence d’un timbre de la SAQ peut constituer une preuve que le contenant a été acquis conformément au permis de la titulaire, l’absence d’un tel timbre ne constitue toutefois pas une preuve irréfutable que le contenant de boisson n’a pas été acquis de la SAQ conformément au permis.
[26] La preuve a démontré qu’une bouteille de vin d’un litre de Chardonnay Citra Terre di Chieti , 13 % alc./vol., non timbrée était présente dans l’établissement.
[27] M. Smith a produit le timbre de la bouteille de vin saisie par les policiers et qui était resté collé sur une des parois en carton de la boîte. Il dépose ensuite une photo du timbre au moment où sa femme et lui l’ont retrouvé.
[28] Puis, il fait parvenir à la Régie une facture de la SAQ datée du 25 novembre 2014, montrant l’achat, conformément au permis de la titulaire, de huit bouteilles de Citra dont celle saisie par les policiers. La facture est contemporaine puisqu’elle date du 25 novembre 2014 et que les policiers sont venus faire leur inspection le 11 décembre 2014, soit seize jours suivant l’achat de la bouteille en question.
[29] Le numéro du timbre demeuré sur la boîte de carton est le même que celui qui apparaît sur la photographie et se trouve également dans la suite séquentiel de numéros apparaissant sur la facture de la SAQ du 25 novembre 2014.
[30] Ces preuves sont suffisantes pour conclure que la version de la titulaire est vraisemblable.
[31] Dans l’affaire très semblable au présent dossier, Le bar Le Match [5] , la Régie n’est pas intervenue contre la titulaire.
[32] Ainsi, le soussigné est d’avis que, malgré l’absence de timbre sur la bouteille de vin Citra saisie, le représentant de la titulaire a démontré que cette bouteille de vin a été acquise conformément à ses permis. Ainsi, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la tolérance de la présence de cette bouteille dans l’établissement .
PAR CES MOTIFS, |
N'INTERVIENT PAS contre la titulaire dans la présente affaire.
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Régisseur |
[1] RLRQ, chapitre I-8.1.
[2] RLRQ, chapitre P-9.1.
[3] Voir par exemple, Restaurant Le Chalet , RACJ, décision du 17 juillet 2012, n o 40-0004943, par. 16.
[4] 9108-3675 Québec inc. (Moomba) c. RACJ , TAQ, le 17 juillet 2006, dossier SAE-M-113472-0602.
[5] RACJ, décision du 7 mai 2003, n°40-5001989.