Hervouet Le Paih c. Mathon |
2015 QCCQ 8934 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
JOLIETTE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
705-32-012145-121 |
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DATE : |
Le 29 septembre 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
BENOIT SABOURIN, J.C.Q. |
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Armelle HERVOUET LE PAIH |
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Demanderesse |
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c. |
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Marie-Lyne MATHON et. Rosaire MATHON |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1] Le 13 janvier 2015, le juge Paul Mayer J.C.S. accueillait la requête [1] en révision judiciaire d’une décision rendue le 20 juin 2013 par le juge Jean-Claude Gagnon, J.C.Q. [2] , cassait cette décision et renvoyait le dossier devant la Cour du Québec, Division des petites créances, et ce, afin qu’un autre juge procède, de novo , à l’audition de la demande principale et de la demande reconventionnelle [3] . C’est dans ce contexte que le soussigné a entendu les parties et leurs témoins, le 18 juin 2015.
[2] Dans sa demande, Armelle Hervouet Le Paih (ci-après nommée « Armelle ») [4] réclame 7 000 $ à la défenderesse, Marie-Lyne Mathon (ci-après nommée « Marie-Lyne »). Armelle reproche à sa voisine Marie-Lyne d’avoir exécuté des travaux sur son terrain, et ce, sans son consentement. La somme qu’elle lui réclame correspond aux frais de remise en état du talus qui est sur son terrain, mais qui est contigu au terrain de Marie-Lyne, lequel a été endommagé lors des travaux réalisés par Marie-Lyne avec l’assistance de son père Rosaire Mathon (ci-après nommé « Rosaire »).
[3] Marie-Lyne conteste la demande. Elle soutient qu’elle a reçu l’autorisation d’Armelle et de ses filles Fabienne et Nathalie, qui ont agi comme mandataires, pour faire tous les travaux qui ont été exécutés à compter du 13 mai 2009 sur les terrains des parties, travaux destinés à recueillir et canaliser les eaux de surface en provenance du terrain d’Armelle, situé en amont.
[4] Marie-Lyne appelle son père Rosaire au litige, car c’est lui qui a fait toutes les démarches visant l’obtention du consentement d’Armelle et des autres voisins pour l’exécution des travaux à l’origine du présent litige. C’est aussi Rosaire qui a agi comme maître d’œuvre de ces travaux en coordonnant les différents intervenants. Rosaire endosse les arguments soulevés par sa fille Marie-Lyne en défense au recours intenté par Armelle.
[5] Marie-Lyne et Rosaire réclament 12 761,57 $ [5] à Armelle par demande reconventionnelle qui a été amendée après la décision du juge Paul Mayer J.C.S., amendement autorisé par le juge Denis Le Reste, J.C.Q., le 10 juin 2015.
[6] Ils réclament d’abord des frais d’arpentage de 158 $ correspondant à 50 % de la facture émise par l’arpenteur-géomètre Gilles Beaulieu, pour l’implantation de repaires d’arpentage visant à délimiter la ligne de division des terrains contigus, somme qu’Armelle s’était engagée à leur rembourser. Ils réclament ensuite 50 $ pour la fourniture d’eau potable au cours du mois de décembre 2010. Ils réclament 4 024,12 $ à titre de compensation suite à la destruction de l’ouvrage réalisé sous la supervision de Rosaire, en mai 2009. Ils réclament ensuite 2 259,45 $ correspondant au coût prévisible de remise en état de l’ouvrage exécuté en mai 2009. Finalement, ils réclament 6 000 $ à titre de dommages-intérêts compensatoires pour troubles et inconvénients.
[7] Ils réclament aussi le remboursement de leurs frais d’expert de 1 379,40 $ et de leur frais judiciaires.
A) Armelle Hervouet Le Paih a-t-elle droit, en tout ou en partie, à la somme de 7 000 $ qu’elle réclame à Marie-Lyne Mathon et Rosaire Mathon?
B) Marie-Lyne Mathon et Rosaire Mathon ont-ils droit, en tout ou en partie, à la somme de 12 761,57 $ qu’ils réclament à Armelle Hervouet Le Paih ainsi qu’au remboursement de leurs frais d’expert de 1 379,40 $?
[8] Le Tribunal conclut que la demande d’Armelle doit être rejetée.
[9] La preuve prépondérante révèle que soit, personnellement ou soit par l’entremise de ses filles Fabienne et Nathalie Le Paih, Armelle a consenti à ce que des travaux soient exécutés sur son terrain à compter du 13 mai 2009. Lors du premier procès, le juge Gagnon en était arrivé à la même conclusion. [6]
[10] La preuve est contradictoire quant aux événements qui ont mené à la conclusion de cette entente. D’une part, Armelle et ses filles Fabienne et Nathalie soutiennent qu’elles ne se sont pas opposées à l’exécution de travaux et à l’implantation d’une clôture mitoyenne, mais elles n’auraient jamais consenti à ce que Marie-Lyne et Rosaire exécutent des travaux sur leur terrain.
[11] D’autre part, Marie-Lyne et Rosaire relatent qu’à compter du 8 mai 2009, ils ont rencontré Armelle, Fabienne et Nathalie à au moins trois reprises, et ce, en présence de témoins indépendants, notamment de Monsieur Pierre Bolduc, l’autre voisin qui a consenti à l’exécution de travaux sur son terrain.
[12] Marie-Lyne et Rosaire avaient nécessairement besoin de l’autorisation de leurs voisins pour exécuter les travaux projetés. En effet, les travaux prévus supposaient l’implantation d’une gouttière formée d’un ponceau de 12 pouces de diamètre coupé en deux et appuyé sur une tranchée aménagée dans le talus situé, notamment, sur le terrain d’Armelle, en amont du terrain de Marie-Lyne.
[13] Dans la mesure où il avait été de l’intention de Marie-Lyne et de Rosaire de n’exécuter des travaux que sur leur terrain, et ce, sans toucher celui d’Armelle, il n’était pas nécessaire de rencontrer les voisins et de négocier une entente avec eux.
[14] La preuve prépondérante révèle qu’Armelle a autorisé Marie-Lyne et Rosaire à exécuter des travaux sur son terrain, lesquels ont fait l’objet d’explications verbales, et ce, à au moins trois reprises avant qu’ils ne débutent.
[15] De plus, Armelle reconnaît qu’elle a remis à Rosaire son certificat de localisation avant le début des travaux. Ce seul geste suppose qu’elle était consciente du fait que la délimitation précise des propriétés était nécessaire dans le cadre des travaux projetés.
[16] Le Tribunal constate qu’un autre voisin visé par les travaux, Pierre Bolduc, confirme la version de Marie-Lyne et Rosaire quant aux explications précises qui ont été données avant le début des travaux et quant à l’existence du consentement d’Armelle et de ses filles Fabienne et Nathalie à ce que ces travaux soient réalisés.
[17] Le Tribunal est d’avis que la réaction négative d’Armelle et de ses filles Fabienne et Nathalie, suite à l’exécution des travaux, s’explique par le fait qu’elles ont minimisé l’ampleur desdits travaux et n’ont pas fait toutes les vérifications nécessaires avant d’autoriser Marie-Lyne et Rosaire à les exécuter. Leur réaction s’explique aussi par le fait qu’elles se sont méprises quant à l’endroit exact où se trouvait la ligne de division entre les deux terrains, laquelle se trouvait plus près de leur chalet qu’elle ne le croyait.
[18]
Armelle aurait certes pu invoquer qu’une erreur a vicié son
consentement, et ce, conformément à l’article
« 1400 . L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.
L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement. »
[19] Or, le Tribunal est d’avis que même si Armelle avait invoqué un vice de consentement basé sur l’erreur, cette erreur est inexcusable dans les circonstances. En effet, Armelle était dans une position telle qu’elle pouvait, avant de donner son consentement, procéder à toutes les vérifications nécessaires pour évaluer les impacts des travaux projetés par Marie-Lyne et Rosaire sur son terrain.
[20] D’autre part, le Tribunal est d’avis qu’Armelle ne peut plaider l’absence de consentement vu les faits révélés par la preuve. En effet, Fabienne et Nathalie ont agi, en son absence, comme ses mandataires dûment autorisées. De plus, Armelle était présente à deux des trois rencontres tenues avant le début des travaux et était en possession de tous les éléments nécessaires pour prendre une décision libre et éclairée.
[21] En conséquence, Armelle a valablement consenti à ce que des travaux soient exécutés par Marie-Lyne et Rosaire, sur son terrain, lesquels ont été exécutés à compter du 13 mai 2009. Armelle ne peut donc réclamer des dommages en lien avec des travaux qu’elle a autorisés et qui sont conformes à l’entente intervenue. Pour ce motif, sa demande est rejetée.
[22] Le Tribunal conclut que la demande reconventionnelle de Marie-Lyne et Rosaire doit être accueillie en partie.
[23] Vu l’entente conclue entre les parties avant le début des travaux, le 13 mai 2009, Armelle doit assumer les conséquences de sa décision de détruire les ouvrages dont les coûts ont été assumés par Marie-Lyne et Rosaire. Ces derniers doivent être indemnisés pour les frais encourus pour réaliser ces ouvrages, qui sont devenus inutiles suite à leur destruction.
[24] Marie-Lyne et Rosaire ont produit, comme pièce D-41, une estimation du coût des travaux qui ont été exécutés en 2009. Cette estimation, émise par Grégoire Multi-Travaux , est datée du 31 mai 2015. Cet entrepreneur évalue à 4 024,12 $, taxes incluses, le coût des travaux qui ont exécutés en mai 2009 par Marie-Lyne et Rosaire.
[25] Le Tribunal constate que cette évaluation tient compte d’une gouttière de 120 pieds de long. Or, la portion de terrain contigüe entre celui de Marie-Lyne et celui d’Armelle n’est que de 55 pieds. D’autre part, Marie-Lyne et Rosaire n’ont produit aucune facture contemporaine établissant le montant réel qui a été déboursé à l’époque. Le Tribunal retient que Rosaire a procédé lui-même à la gestion des travaux. Il est probable que le coût de ces travaux ait été inférieur à l’estimation produite.
[26] Le Tribunal estime que l’indemnité à laquelle Marie-Lyne et Rosaire ont droit dans les circonstances doit être basée sur le coût réel des travaux qui ont été exécutés en 2009 et ne viser que la portion qui a été démantelée par Armelle.
[27] Selon une autre estimation produite par Grégoire Multi-Travaux comme pièce D - 40, il en coûterait, en 2015, 2 529,45 $ pour procéder à la reconstruction des ouvrages qui ont été démantelés par Armelle, et ce, au tarif de 2015.
[28] Usant du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour fixer le montant des dommages, et ce, et en vue de tenir compte des constats qui précèdent, le Tribunal arbitre à 2 000 $ la compensation financière à laquelle Marie-Lyne et Rosaire ont droit suite au démantèlement des ouvrages par Armelle.
[29] À cette somme, le Tribunal ajoute 158 $ à titre de remboursement des frais d’arpentage, et ce, considérant que la preuve révèle qu’Armelle avait donné son consentement à payer sa juste part des frais d’implantation de repères d’arpentage.
[30] Quant à la réclamation de 6 000 $ pour troubles et inconvénients, le Tribunal conclut qu’elle n’est pas fondée. La preuve des inconvénients est lacunaire et peu convaincante. Le Tribunal constate que les inconvénients subis par les parties dans le présent dossier découlent bien plus des procédures qui ont été intentées de part et d’autre. Chacune des parties avait des arguments sérieux à faire valoir. Le Tribunal ne peut conclure à l’existence d’un abus dans les circonstances du présent dossier.
[31] Quant à la réclamation de 50 $ pour la fourniture d’eau potable au cours du mois de décembre 2010, la preuve est insuffisante et ne permet pas au Tribunal de l’accueillir.
[32] Finalement, la demande de remboursement des frais d’expert de 1 379,40 $ est aussi rejetée. Le rapport d’expert de l’ingénieur Thierry Frère n’a pas été utile à la solution du présent litige, lequel visait à déterminer si une entente a été conclue entre les parties. Le Tribunal ne remet pas en question la qualité de ce rapport qui pourrait éventuellement servir dans un litige portant sur l’opportunité et la nature des travaux devant être exécutés pour améliorer l’égouttement des eaux de surface, le cas échéant.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la demande principale.
ACCUEILLE la demande reconventionnelle, et ce, en partie.
CONDAMNE
Armelle Hervouet Le Paih à payer à Marie-Lyne Mathon et Rosaire Mathon,
conjointement, la somme de 2 158 $ avec les intérêts au taux de 5% l'an
ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à l'article
CONDAMNE Armelle Hervouet Le Paih à rembourser les frais de contestation au montant de 152 $ et les frais de la demande reconventionnelle au montant de 118 $.
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__________________________________ BENOIT SABOURIN, j.c.q. |
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Date d’audience : |
18 juin 2015 |
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[1] La requête en révision judiciaire a été présentée par la défenderesse Marie-Lyne Mathon.
[2]
Le jugement rendu par le juge Jean-Claude Gagnon J.C.Q., sur un formulaire
complété à la main, se lit comme suit :
«Il est probable qu’il y ait eu
une entente entre les parties pour que des travaux soient faits sur le terrain
de la demanderesse. Cependant les dommages réclamés concernant les dommages
laissés sur le terrain dont la preuve a été faite par un paysagiste. PAR CES
MOTIFS : CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse
la somme de 7 000 $ avec les intérêts au taux de 5 % l’an et l’indemnité
additionnelle prévue à l’article
[3] Jugement rendu sur procès-verbal, le 13 janvier 2015, dans le dossier 705-17-005135-130.
[4] L'utilisation du nom de famille, du prénom, d'un diminutif ou d'un acronyme a pour but d'alléger le texte et non à faire preuve de familiarité ou de prétention.
[5] Dans leur demande reconventionnelle initiale, les défendeurs réclamaient 208,02 $.
[6] Dans son jugement du 20 juin 2013, le juge Gagnon conclut qu’une entente a été conclue entre les parties. Voir note 2, précitée.